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Date : 20231030


Dossier : IMM-10354-22

Référence : 2023 CF 1440

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 30 octobre 2023

En présence de monsieur le juge Henry S. Brown

ENTRE :

MOHAMMADREZA JAVID

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS


I. Nature de l’affaire

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire et d’un bref de mandamus enjoignant au défendeur de rendre une décision relativement à la demande de résidence permanente présentée par le demandeur suivant le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR].

[2] Le demandeur soutient que le délai de traitement est déraisonnable et prétend qu’il a satisfait à toutes les exigences relatives à une ordonnance de mandamus.

II. Faits

[3] Le demandeur est un citoyen de l’Iran qui réside actuellement au Canada avec son épouse et ses enfants.

[4] Le demandeur a présenté une demande de résidence permanente pour lui et sa famille au titre de la catégorie de l’immigration économique, gens d’affaires du Québec. Comme il se doit, il a investi quelque 220 000 $ au Québec et il a obtenu un certificat de sélection du Québec [le CSQ] le 30 avril 2020 dans lequel il est indiqué que le Québec acceptait sa demande au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec.

[5] Il n’est pas contesté que, outre l’acceptation par le Québec, le demandeur doit être accepté par le défendeur sous le régime de la LIPR. Le Canada n’a pas encore terminé son évaluation quant à l’admissibilité ou à la recevabilité.

[6] Le demandeur a présenté sa demande dans le cadre du Programme des candidats des provinces [le PCP], sans utiliser le système Entrée express, le 7 août 2020. Approximativement 38 mois se sont écoulés depuis qu’il a présenté sa demande, mais aucune décision n’a encore été prise.

[7] Le demandeur reconnaît que, lorsqu’il a présenté sa demande, il savait que le délai de traitement normal des demandes au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec était de 62 mois, et cette information était publiée sur le site Web du ministre. Le délai de traitement indiqué est depuis passé à 65 mois.

[8] La dernière mise à jour significative du dossier a eu lieu le 2 mars 2022, quand le nom du demandeur a été changé. Depuis, il n’y a eu qu’une seule entrée le 14 mars 2023 pour noter une demande de renseignements faite par un représentant du demandeur par téléphone.

[9] Il est également signalé que des données biométriques (photos et empreintes digitales, datées du 19 avril 2021) ont été reçues et traitées le 2 mars 2022.

[10] Sous « Évaluations », voici ce qui est inscrit :

Recevabilité :

Pas commencé

Sécurité :

Pas commencé

ADHI :

 

Criminalité :

Passé

Crime org.

 

Examen médical :

Pas commencé

Fausse déclaration :

 

Échange d’information :

Complet

Autres exigences :

 

Finale :

 

[11] Sous « Dossier papier », il est inscrit comme étant au registre du Bureau de réception centralisée des demandes. Sous « Attribution de la demande », il n’y a aucune attribution. Sous « Évaluation de la recevabilité », il est inscrit que l’évaluation du demandeur dans le cadre du PCP n’est pas commencée.

III. Questions en litige

[12] Le demandeur soulève les questions suivantes :

  • 1.Y a-t-il un délai indu et déraisonnable de la part du défendeur à statuer sur la demande de permis d’études du demandeur?

  • 2.Le demandeur est-il responsable du délai?

  • 3.Le défendeur a-t-il justifié le délai de façon satisfaisante?

  • 4.Le délai a-t-il causé un préjudice au demandeur?

[13] Le défendeur dit que la question à trancher est celle de savoir si le demandeur a démontré que la délivrance d’une ordonnance de mandamus est justifiée. J’en conviens.

IV. Norme de contrôle

[14] La Cour fédérale a compétence pour décerner un bref de mandamus suivant l’alinéa 18(1)a) de la Loi sur les Cours fédérales, LRC 1985, c F-7. En outre, l’alinéa 18.1(3)a) prévoit que, sur présentation d’une demande de contrôle judiciaire, la Cour fédérale peut « ordonner à l’office fédéral en cause d’accomplir tout acte qu’il a illégalement omis ou refusé d’accomplir ou dont il a retardé l’exécution de manière déraisonnable ».

[15] Les parties conviennent que les critères relatifs à la délivrance d’une ordonnance de mandamus sont énoncés par la Cour fédérale dans l’affaire Apotex Inc c Canada (Procureur général) (CA), [1994] 1 CF 742 [Apotex]. Dans cet arrêt, le juge Robertson établit huit exigences à respecter avant qu’il soit possible de décerner une ordonnance de mandamus. En particulier, il faut respecter tous les critères, car le fait qu’un seul des critères ne soit pas respecté est suffisant pour que le demandeur n’ait pas droit à une ordonnance de mandamus :

1) il doit exister une obligation légale d’agir;

2) l’obligation doit exister envers le demandeur;

3) il doit exister un droit clair d’obtenir l’exécution de cette obligation;

4) lorsque l’obligation dont on demande l’exécution forcée est discrétionnaire, certaines règles supplémentaires s’appliquent;

5) le demandeur n’a aucun autre recours;

6) l’ordonnance sollicitée aura une incidence sur le plan pratique;

7) le tribunal estime que, en vertu de l’équité, rien n’empêche d’obtenir le redressement demandé;

8) compte tenu de la balance des inconvénients, une ordonnance de mandamus devrait être rendue.

V. Observations des parties

[16] Le demandeur soutient, et je suis d’accord avec lui, que dans les affaires en immigration, lorsqu’un bref de mandamus est demandé, la question d’accorder le redressement porte sur le droit manifeste à l’exécution de l’obligation, ou plus justement sur le caractère raisonnable du retard dans cette exécution : Abdolkhaleghi c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 729 au para 13, selon la juge Tremblay-Lamer.

[17] Dans la décision Conille c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1re inst), [1999] 2 CF 33, la juge Tremblay-Lamer a énoncé les conditions qui s’imposent pour qu’un délai soit jugé déraisonnable :

1) le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

2) le demandeur et son conseiller juridique n’en sont pas responsables; et

3) l’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante.

[18] Le demandeur soutient que le défendeur a l’obligation de rendre une décision envers lui et qu’il respecte les exigences énoncées dans l’arrêt Apotex. Selon le demandeur, le délai de traitement normal de 62 mois (maintenant 65 mois) des demandes de résidence permanente au titre du programme de la catégorie des gens d’affaires du Québec est injuste sur le plan procédural et déraisonnable.

[19] Le demandeur soutient qu’il est possible de trouver un indicateur de ce qui constitue un délai raisonnable en regardant combien de temps prennent les autres programmes d’immigration pour traiter les demandes, y compris le Programme pilote d’immigration au Canada atlantique, la catégorie de l’expérience canadienne, le Programme pilote des aides familiaux à domicile et le Programme d’immigration des travailleurs autonomes, pour ne nommer que ceux-là.

[20] En tout respect, je ne suis pas d’accord. Je ne suis pas convaincu que ces autres programmes sont suffisamment analogues pour constituer des comparables appropriés. Je comparerais plutôt le délai dans le traitement de la demande du demandeur à celui que connaissent d’autres personnes faisant partie du même volet du programme et au délai dont il était informé et qu’il avait compris et accepté au moment où il a présenté sa demande. Rien ne donne à penser que sa situation est déraisonnable. Le ministre affirme que la délivrance d’une ordonnance de mandamus équivaudrait effectivement à [traduction] « passer devant tout le monde ». Je suis entièrement d’accord.

[21] Le demandeur prétend que le délai est plus long qu’exige la nature du processus et il affirme que le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration l’a reconnu dans un article du National Post daté du 26 octobre 2022. Cette allégation est erronée; la personne citée était non pas le ministre, mais un avocat spécialisé en droit de l’immigration sans expertise déterminée qui émettait une opinion.

[22] Le demandeur réfute l’argument du défendeur selon lequel le Canada a un pouvoir discrétionnaire absolu quant à la façon de répartir les ressources entre ses ministères et, par la suite, quant à la façon dont sont traitées différentes demandes. Le demandeur soutient que ce pouvoir [traduction] « est quasi-arbitraire ». Encore une fois, je ne suis pas d’accord. Le demandeur a décidé d’amorcer un processus long et complexe, comme il sera démontré, et le long délai est simplement normal puisque ce programme reçoit un très grand nombre de demandes.

[23] Enfin, le demandeur fait valoir que le long délai de traitement viole les droits fondamentaux de la personne et qu’il est incompatible avec l’investissement prévu du demandeur et qu’il est injuste d’obliger une personne à mettre sa vie sur pause pendant tout ce temps. Cette allégation n’a aucun fondement, car le demandeur n’a déposé presque aucun élément de preuve pour l’étayer et il s’appuie sur une série d’allégations catégoriques non corroborées.

[24] Le défendeur soutient que le demandeur n’a pas rempli les critères applicables à la délivrance d’une ordonnance de mandamus. Plus précisément, le défendeur affirme que le demandeur n’a pas établi ce qui suit : il existe un droit manifeste au traitement de sa demande, le délai est déraisonnable et la prépondérance des inconvénients milite en faveur du demandeur.

[25] Le défendeur invoque sur la décision Vaziri c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1159 [Vaziri], selon la juge Snider, dans laquelle la Cour a reconnu le droit du ministre d’établir des priorités en ce qui concerne les cibles d’admission. Il dit que c’est le même cas dans la présente affaire. Aux paragraphes 51-55, la juge Snider a affirmé ce qui suit :

[51] Heureusement, la Cour peut se guider sur d’autres points de repère pour déterminer ce qui constitue un délai déraisonnable. Dans le jugement Conille, au paragraphe 23, la juge Tremblay-Lamer explique que, pour être considéré comme déraisonnable, un délai doit remplir les trois conditions suivantes :

1) le délai en question a été plus long que ce que la nature du processus exige de façon prima facie;

2) le demandeur et son conseiller juridique n’en sont pas responsables;

3) l’autorité responsable du délai ne l’a pas justifié de façon satisfaisante.

[52] Les mêmes critères ont été retenus et appliqués dans les jugements Hanano, précité, au paragraphe 10, et Shapovalov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 753, au paragraphe 13. À ces trois conditions, j’ajouterais l’obligation, pour la personne qui réclame un bref de mandamus pour cause de retard, de démontrer que le délai lui cause un préjudice important (Blencoe, précité, au paragraphe 101).

[53] Il y a deux manières d’aborder la question de savoir si le délai a été plus long que ce que la nature du processus exige. La première consiste à examiner la demande de résidence permanente en vase clos, sans chercher à savoir si elle vise un parent ou un grand-parent ou une personne appartenant à une autre catégorie. En pareil cas, tout délai délibéré à l’étape de la demande de parrainage et au début du traitement de la demande de résidence permanente fait en sorte que le temps requis pour traiter les demandes des demandeurs dépasse manifestement le temps strictement nécessaire pour évaluer ces demandes.

[54] En revanche, si l’on aborde le problème sous un angle plus large, on constate que le temps pris pour examiner les demandes n’est pas plus long que ce que la nature du processus exige, car le Canada ne peut tout simplement pas faire droit à toutes les demandes et qu’il faut donc fixer des contingents chaque année. Même dans le cas des demandes qui peuvent être accueillies chaque année, le ministre doit établir des distinctions entre les catégories pour pouvoir respecter les objets de la LIPR et se conformer aux orientations explicites de l’Administration. Dans ces conditions, le traitement des demandes se rapportant aux parents et aux grands-parents nécessite plus de temps que la plupart des autres demandes de résidence permanente. La nature du processus commande des délais plus longs.

[55] Je préfère cette dernière façon de voir. Pour bien comprendre la « nature du processus », il importe de bien saisir où se situent les demandes des demandeurs au sein du régime de l’immigration. Dans l’économie actuelle du régime, il est normal que certaines demandes de résidence permanente fassent l’objet d’un traitement différent des autres. Les demandes FC4 sont traitées plus lentement, conformément aux orientations du Ministère. Le temps consacré au traitement des dossiers des demandeurs doit donc être examiné en tenant compte de ce processus plus long. Vu l’ensemble de la preuve dont je dispose, il ne semble donc pas que les retards accumulés jusqu’à maintenant – entre trois et quatre ans – soient excessifs. Il semblerait qu’ils soient conformes aux délais prévus de traitement des demandes FC4 présentées en 2003. D’ailleurs, le défendeur a précisé que l’on s’attend à terminer l’examen des dossiers des demandeurs plus tôt que prévu, étant donné que depuis un an ou deux, le nombre de demandes de résidence permanente reçues a quelque peu fléchi.

[26] À cet égard, le défendeur a déposé la preuve de Marcel Bak, directeur du Réseau international à l’Administration centrale du défendeur. M. Bak explique la façon dont les demandes sont classées par ordre de priorité en raison des volumes de demandes à traiter établis par chaque province et le Canada, et l’établissement des priorités en l’espèce en raison de l’arriéré à la suite de la pandémie. Selon la preuve au dossier, les demandes plus anciennes sont maintenant traitées en priorité, selon le principe de traitement de « premier entré, premier sorti » en vigueur, entre autres.

[27] Avec égards, cette preuve explique adéquatement le délai de traitement dans la présente affaire. La preuve de M. Bak à ce titre se trouve aux paragraphes 3 à 23. Puisque la question est complexe, la preuve est présentée en détail ci-dessous :

[traduction]

3. En ma qualité actuelle de directeur de la gestion des résidents permanents et des cibles, je m’occupe de la répartition des cibles opérationnelles aux bureaux de migration à l’étranger par secteur d’activité afin de satisfaire aux niveaux d’admission établis dans le Plan des niveaux d’immigration du Cabinet. Le Plan des niveaux d’immigration est une projection sur trois ans du nombre de résidents permanents qui seront admis au Canada, et il établit des cibles et des fourchettes pour les admissions globales dans chaque catégorie d’immigration. Je suis également chargé de surveiller l’atteinte de ces cibles pendant l’année, d’assurer la liaison avec les bureaux de migration et d’apporter des modifications aux cibles en fonction des capacités et des conditions opérationnelles changeantes. Par conséquent, j’ai connaissance des questions présentées ici.

4. La catégorie des gens d’affaires du Québec comprend les investisseurs, les entrepreneurs et les travailleurs autonomes et est l’un des secteurs d’activité pour lesquels des niveaux d’immigration sont établis chaque année et à l’égard desquels j’établis des cibles que je surveille de façon continue pour les bureaux outre-mer du Réseau international.

5. Selon le paragraphe 10(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 (la LIPR), le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration consulte le gouvernement de chaque province sur le nombre d’immigrants prévus de diverses catégories et leur répartition au Canada, compte tenu des besoins régionaux et démographiques et des questions touchant l’établissement.

6. Selon l’alinéa a) de l’article 12 de l’Accord Canada-Québec relatif à l’immigration et à l’admission temporaire des aubains, 5 février 1991 (l’Accord Canada-Québec), le Québec est seul responsable de la sélection des immigrants à destination du Québec.

7. Le Canada demeure responsable d’établir chaque année les niveaux d’immigration en prenant en considération l’avis du Québec sur le nombre d’immigrants que ce dernier veut accueillir. Chaque année, selon les exigences énoncées dans l’Accord Canada-Québec, le Canada informe le Québec des options à l’étude quant aux futurs niveaux d’immigration, répartis selon les diverses catégories d’immigration, et, à son tour, le Québec informe le Canada du nombre d’immigrants qu’il compte accueillir au cours de la ou des mêmes années, également réparti selon les diverses catégories.

8. Le ministre fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration prend en considération les besoins exprimés par les provinces dans la préparation de son plan d’immigration annuel. Selon la LIPR, le ministre fédéral de la Citoyenneté et de l’Immigration doit, tous les ans, déposer un rapport annuel devant chaque chambre du Parlement. Le rapport contient le détail des niveaux d’immigration pour l’année à venir.

9. Les derniers rapports déposés par le ministre sont le Rapport annuel au Parlement sur l’immigration 2022, joint à mon affidavit en tant que pièce « A » (qui se trouve à l’adresse Web suivante : https://www.canada.ca/content/dam/ircc/documents/pdf/francais/organisation/publications-guides/annual-report-2022-fr.pdf), et le Plan ministériel 2023-2024 d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada joint à mon affidavit en tant que pièce « B »(qui se trouve à l’adresse Web suivante : https://www.canada.ca/content/dam/ircc/documents/pdf/francais/pub/dp-pm-2023-2024-fra.pdf).

10. Le 1er novembre 2022, dans un document intitulé Avis – Renseignements supplémentaires sur le Plan des niveaux d’immigration 2023-2025, le ministre a fourni des détails au sujet du Plan des niveaux d’immigration pour 2023, 2024 et 2025. Le document en question est joint à mon affidavit en tant que pièce « C » (qui se trouve à l’adresse Web suivante : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/nouvelles/avis/renseignements-supplementaires-niveaux-immigration-2023-2025.html).

11. Comme le montre l’Avis – Renseignements supplémentaires sur le Plan des niveaux d’immigration 2023-2025 (pièce « C »), le gouvernement du Canada a prévu d’accueillir un total de 465 000 nouveaux résidents permanents du Canada en 2023, 485 000 en 2024 et 500 000 en 2025.

12. Il convient de souligner que le plan du Canada tient compte de l’avis du Québec sur les niveaux dans le cadre des consultations, comme il est décrit au paragraphe 8 ci-dessus. Les cibles officielles du nombre d’admissions au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec, exprimées par la province avec une cible minimale et maximale, sont incluses dans le tableau 2 (le tableau 2) d’un document intitulé Plan d’immigration du Québec 2023, qui se trouve à l’adresse Web suivante : https://cdn-contenu.quebec.ca/cdn-contenu/adm/min/immigration/publications-adm/plan-immigration/PL_immigration_2023_MIFI.pdf. Le document en question est joint à mon affidavit en tant que pièce « D ».

13. Il semble que, pour 2023, parmi les 465 000 nouveaux résidents permanents, un maximum de 4 300 nouveaux résidents permanents seraient admis au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec. Pour 2024 et 2025, le nombre de nouveaux résidents permanents au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec reste à déterminer.

14. Le Québec établit également le nombre de personnes qu’il invite à demander la résidence permanente chaque année en délivrant un certificat de sélection du Québec. Les cibles officielles de sélection au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec, exprimés par la province avec une cible maximale et minimale, sont incluses dans le tableau 1 (le tableau 1) du Plan d’immigration du Québec 2023.

15. Il semble que, pour 2023, le Québec a prévu qu’un minimum de 1 100 et un maximum de 1 500 personnes seraient sélectionnées au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec.

16. Lorsque mon service est informé du Plan des niveaux d’immigration approuvé par le gouvernement du Canada et annoncé le 1er novembre de chaque année, et que le Québec a annoncé le plan final des niveaux d’immigration de la province, la Direction générale de la planification des opérations et du rendement détermine les cibles globales pour le Réseau international en fonction du nombre de personnes sélectionnées par le Québec, ainsi que du nombre de demandes en attente de traitement actuel. J’ai pour tâche d’établir des cibles à l’égard des bureaux de migration à l’étranger dès que je reçois les cibles globales. Dans le cadre de cette démarche, le Réseau international tient compte des facteurs suivants au moment d’établir les cibles : l’âge et la répartition du nombre de demandes en attente de traitement dans le réseau, ainsi que la capacité et les ressources de chaque bureau de migration. Il importe de souligner que ces cibles sont fondées sur le nombre de personnes, non pas le nombre de demandes, et il s’agit du nombre de décisions.

17. En 2023, le Québec avait prévu qu’un minimum de 4 000 et un maximum de 4 300 personnes seraient admises au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec. En date du 5 août 2023, le nombre de personnes dont les demandes en attente de traitement relèvent du Réseau international était de 6 627 personnes. Le nombre de demandes en attente de traitement était supérieur au nombre prévu d’admissions. Par conséquent, le nombre de demandes en attente de traitement est plus élevé que le nombre de demandes que nous pouvons traiter en une année.

18. Il ressort d’un document d’IRCC, intitulé CIMM – L’immigration au Québec – 15 et 17 février 2022 (qui se trouve à l’adresse Web suivante : https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/organisation/transparence/comites/cimm-15-17-fev-2022/immigration-quebec.html), que, pendant la pandémie, le Ministère a accordé la priorité au traitement des demandes des candidats qui se trouvent au Canada, y compris ceux de la catégorie des travailleurs qualifiés du Québec. En ce qui concerne les demandes de résidence permanente en général, en 2020 et 2021, IRCC a travaillé avec le Québec afin d’accorder la priorité aux demandes de résidence permanente de personnes qui vivaient déjà au Canada. Depuis 2022, IRCC met l’accent sur les anciennes demandes en attente de traitement qui ont été soumises par des demandeurs vivant à l’extérieur du Canada. Dans le document CIMM – L’immigration au Québec – 15 et 17 février 2022, le Ministère a signalé que, en raison de la pandémie de Covid-19 et de l’obligation de régler les anciennes demandes en attente de traitement, les délais de traitement sembleront augmenter, car les demandes plus anciennes seront réglées. Le document en question est joint à mon affidavit en tant que pièce « E ».

19. Le traitement des demandes est effectué à l’égard de chaque dossier individuel, indépendamment du pays d’origine, pour qu’il soit possible de s’assurer que les demandes sont conformes à la LIPR et recevables et que les demandeurs ne sont pas interdits de territoire. En outre, les demandes sont traitées selon le principe du « premier entré, premier sorti » compte tenu de la date à laquelle le Ministère a reçu le dossier, c’est-à-dire en fonction de la date de réception de la demande.

20. Le bureau de migration à Paris (à l’ambassade du Canada à Paris, en France) traitera la demande d’immigration qui est visée par le présent bref de mandamus. Sa cible pour 2023 est le traitement de 650 personnes au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec. Cette cible a été établie compte tenu des critères mentionnés ci-dessus au paragraphe 16 pour veiller à ce que les demandes soient traitées au sein du Réseau international au même rythme, en fonction de l’antériorité des demandes en attente de traitement dans chaque bureau de migration, ainsi que de la capacité et des ressources de chaque bureau de migration.

21. En date du 5 août 2023, le bureau de migration à Paris, a rendu des décisions finales concernant 523 personnes au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec. Ce sont les données disponibles les plus récentes et confirmées.

22. D’ailleurs, en ce qui concerne les délais de traitement dans la catégorie des gens d’affaires du Québec, en date du 9 août 2023, le délai de traitement est de 62 mois. Voir le document d’IRCC au sujet des délais de traitement joint à mon affidavit en tant que pièce « F » (https://www.canada.ca/fr/immigration-refugies-citoyennete/services/demande/verifier-delais-traitement.html).

23. Ce délai de traitement correspond au temps écoulé (de la réception de la demande jusqu’à la date de la décision finale) pour rendre une décision finale à l’égard de 80 % des cas traités dans cette catégorie au cours des 12 derniers mois.

[28] Dans la présente affaire, je reconnais que le long délai découle de politiques ministérielles légitimes, qui accordent la priorité au traitement des demandes au niveau fédéral, conformément aux priorités du Canada, de sorte qu’elles cadrent avec les priorités de traitement et d’acceptation du Canada et du Québec. Je n’y vois rien d’anormal ou de déraisonnable. Il s’agit d’un volet populaire qui a un certain nombre de demandeurs et des capacités de traitement limitées.

[29] La Cour a reconnu, comme elle le fait de nouveau en l’espèce, le droit du ministre d’établir des priorités de traitement à l’échelle nationale pour justifier de tels délais, là encore selon la juge Snider dans la décision Vaziri au paragraphe 57 :

[57] Je dois ensuite examiner les raisons invoquées pour justifier le retard. À mon avis, le défendeur a fourni des explications satisfaisantes. Je les ai évoquées dans la discussion qui précède et je m’y suis attardée un peu plus en analysant la première question. En résumé, le retard est la conséquence directe d’orientations ministérielles légitimes suivant lesquelles on fait passer certaines demandes de résidence permanente avant celles des parents et des grands-parents. Ces mesures ont été prises pour faire face au nombre considérable de demandes soumises à CIC au cours des dernières années. Je suis convaincue que des explications satisfaisantes ont été données pour justifier les retards.

[30] Je souligne également que M. Bak ajoute ce qui suit concernant la catégorie des gens d’affaires du Québec :

17. En 2023, le Québec avait prévu qu’un minimum de 4 000 et un maximum de 4 300 personnes seraient admises au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec. En date du 5 août 2023, le nombre de personnes dont les demandes en attente de traitement relèvent du Réseau international était de 6 627 personnes. Le nombre de demandes en attente de traitement était supérieur au nombre prévu d’admissions. Par conséquent, le nombre de demandes en attente de traitement est plus élevé que le nombre de demandes que nous pouvons traiter en une année.

[31] Cet élément de preuve concerne directement l’arriéré croissant de demandes en attente et son effet négatif sur les délais de traitement.

[32] Dans des observations postérieures à l’audience, le défendeur a fourni des renseignements supplémentaires :

[traduction]

Deuxièmement, et par souci de clarté, selon le paragraphe 13 de l’affidavit de M. Bak, pour 2023, le Canada a établi la cible de 465 000 nouveaux résidents permanents dans toutes les catégories d’immigration pour l’ensemble du Canada. De ce nombre, le Québec a fixé une cible maximale de 4 300 nouveaux résidents permanents (non pas de demandes) pour les trois composantes de la catégorie des gens d’affaires du Québec. Chaque bureau des visas canadien dans différents pays qui accepte des demandes de résidence permanente pour le Québec au titre de ses trois composantes de la catégorie des gens d’affaires se voit attribuer des cibles à atteindre concernant la délivrance de visas de résident permanent, mais qui ne doivent pas dépasser la cible établie par le Québec d’accueillir 4 300 résidents permanents individuels en 2023 (ce nombre change d’une année à l’autre en fonction des besoins du Canada et du Québec). En outre, cette cible attribuée inclut une marge de manœuvre pour le traitement et la délivrance de visas de résident permanent à la fin de 2023 qui permettra d’atteindre la cible future établie par le Québec pour 2024 (à déterminer).

Il ne faut pas oublier que le nombre réel de demandes comprendra un nombre différent de personnes à charge pouvant faire partie d’une demande, c’est-à-dire qu’une demande peut comprendre deux personnes, une autre peut concerner une famille de trois, quatre, cinq personnes ou plus, de sorte que ces personnes sont soustraites des 4 300 visas de résident permanent se rapportant à chaque demande de résidence permanente qui est approuvée pendant l’année. Les cibles établies dans chacun des bureaux des visas canadiens, dans le monde entier, sont modifiées en fonction du nombre de demandes reçues à chaque bureau et de la date d’établissement réelle du demandeur dont la demande a été approuvée, par exemple, si la demande concerne une famille de cinq personnes, dont le visa de résident permanent a été accordé au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec en juillet 2022, mais que la famille s’établit au Canada en mai 2023, tous les membres de la famille compteront pour la cible de résidents permanents fixée pour 2023, non pas pour 2022, et il faudra peut-être diminuer le nombre de résidents permanents pouvant être admis en 2023 en raison de ce report.

[Souligné dans l’original.]

[33] Avec égards, il existe un processus établi pour le traitement des demandes au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec. Le traitement s’effectue conformément aux priorités établies par le Québec et le Canada (représenté par le défendeur, le ministre) dans le cadre de la réponse globale du Canada aux demandes présentées au titre de la catégorie des gens d’affaires. Il ne s’agit pas d’une affaire où le ministère a retardé le traitement ou outrepasse les politiques mises en œuvre conjointement avec le Québec : voir Ghaddar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 946, selon le juge Gascon et Bidgoly c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 283, selon le juge Favel.

[34] Nul doute que l’incertitude liée au fait d’attendre cinq ans ou plus pour obtenir une décision est difficile. Toutefois, avec égards encore, le demandeur était bien au fait de ce délai quand il a décidé de demander le statut de résident permanent au titre de la catégorie des gens d’affaires du Québec. Il a toujours été au courant de la durée de l’attente. Il aurait pu choisir de procéder au titre d’autres volets de l’immigration économique, plus rapides. Il a décidé de ne pas le faire en toute connaissance de cause.

[35] À mon humble avis, la preuve de M. Bak justifie le délai de manière satisfaisante. La preuve par affidavit donne un bon aperçu de la façon dont le ministère du défendeur traite les demandes de résidence permanente, la relation entre le Québec et le Canada qui établissent les volumes de demandes et la façon dont le défendeur répartit les ressources selon les paramètres de l’Accord Canada-Québec.

VI. Conclusion

[36] Le délai est expliqué et justifié de manière raisonnable en l’espèce. Je conclus sans hésitation à l’absence d’injustice, procédurale ou autre, dans la présente affaire, et que la prépondérance des inconvénients favorise le défendeur. Par conséquent, la présente demande sera rejetée.

VII. Question à certifier

[37] Les parties ne soulèvent aucune question à certifier, et je conviens que l’affaire n’en soulève aucune.

[38] Cela dit, le défendeur, dans ses observations postérieures à l’audience, a proposé une question à certifier qui n’a pas été soulevée dans l’argumentation et qui ne fait aucunement partie des présents motifs. Je rejette avec égards la demande du défendeur. Aucune question ne sera certifiée.

VIII. Dépens

[39] Il n’y a pas lieu d’adjuger des dépens.


JUGEMENT dans le dossier IMM-10354-22

LA COUR STATUE : la demande est rejetée, aucune question de portée générale n’est certifiée et aucuns dépens ne sont adjugés.

« Henry S. Brown »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-10354-22

INTITULÉ :

MOHAMMADREZA JAVID c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE ZOOM

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 17 OCTOBRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE BROWN

DATE DES MOTIFS :

LE 30 OCTOBRE 2023

COMPARUTIONS :

Babak Vosooghi Zadeh

POUR LE DEMANDEUR

Prathima Prashad

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Vosooghi Law Professional Corporation

Avocats

Richmond Hill (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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