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Date : 20231130

Dossier : IMM-1438-23

Référence : 2023 CF 1602

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Montréal (Québec), le 30 novembre 2023

En présence de madame la juge Azmudeh

ENTRE :

RAJPREET SINGH

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Conformément au paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés [LIPR], Rajpreet Singh [le « demandeur »] sollicite le contrôle judiciaire du rejet de sa demande d’asile par la Section d’appel des réfugiés [« SAR »] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada [« CISR »]. La demande de contrôle judiciaire est rejetée pour les motifs qui suivent.

[2] Le demandeur est membre de la religion sikhe et un citoyen indien de Shahanjapur, dans l’État d’Uttar Pradesh. Il est tombé amoureux d’une femme musulmane nommée Shehnaaz, qui est devenue enceinte de lui. La famille de Shehnaaz s’opposait à leur relation et a attaqué le demandeur. Ce dernier a demandé conseil auprès de son ami Rajesh Sharma, qui est un partisan du Shiv Sena, un parti politique nationaliste hindou. Le père de Rajesh était un politicien local du parti Shiv Sena et avait de l’influence sur la police; Rajesh a reproché au demandeur d’être avec une femme musulmane.

[3] Le 18 octobre 2019, des hommes de main du Shiv Sena ont attaqué Shehnaaz chez le demandeur, où elle se cachait. Ils auraient tué Shenaaz et laissé le demandeur sans connaissance. La police a emmené le demandeur au poste, où elle l’a accusé d’avoir tué Shehnaaz. Elle a pris ses empreintes digitales ainsi que sa signature. Elle l’a gardé trois (3) jours en détention et ne l’a relâché qu’après avoir reçu un pot-de-vin de sa mère.

[4] En novembre 2019, le demandeur s’est rendu à New Delhi, où sa mère s’était organisée avec un agent pour lui obtenir un passeport et des billets pour fuir le pays. Il est arrivé au Canada le 27 novembre 2019 et a demandé l’asile en mars 2020.

[5] La Section de la protection des réfugiés de la CISR [« SPR »] a entendu la demande d’asile le 13 juin 2022 et l’a rejetée le 19 août 2022 au motif qu’une possibilité de refuge intérieur [« PRI »] viable existait pour le demandeur à Hyderabad, en Inde.

[6] Le demandeur a fait appel de la décision devant la SAR, qui a ultimement confirmé l’analyse de la PRI de la SPR et a rejeté l’appel. Le demandeur a alors déposé devant la Cour sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la SAR.

II. Question préliminaire

[7] Aux termes du paragraphe 4(1) de la LIPR, « le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est chargé de l’application de la présente loi ». Ainsi, l’intitulé de la cause est modifié pour que le ministre soit désigné comme partie défenderesse.

III. Décision

[8] Je rejette la demande de contrôle judiciaire du demandeur parce que la décision de la SAR est raisonnable.

IV. Norme de contrôle

[9] Les parties soutiennent, et je suis d’accord avec elles, que la norme de contrôle applicable dans la présente affaire est celle de la décision raisonnable (Vavilov).

V. Analyse

A. Cadre juridique

[10] Le critère à deux volets relatif à la PRI est bien établi. Une PRI est un lieu dans le pays dont le demandeur d’asile a la nationalité où il n’est pas exposé à un risque ou à une menace — au sens pertinent et selon la norme applicable, selon que la demande est présentée au titre de l’article 96 ou 97 de la LIPR — et où il n’est pas déraisonnable pour lui de se réinstaller.

[11] Lorsqu’il existe une PRI viable, le demandeur d’asile n’a pas droit à la protection d’un autre pays. Plus précisément, pour établir s’il existe une PRI viable, la SAR doit être convaincue selon la prépondérance des probabilités des deux éléments suivants :

a. le demandeur ne sera pas exposé à la persécution (selon la norme de la « possibilité sérieuse ») ou à un danger ou un risque visés à l’article 97 (selon la norme de la « prépondérance des probabilités ») dans la PRI proposée;

b. dans toutes les circonstances, y compris les circonstances propres au demandeur d’asile, les conditions dans la PRI sont telles qu’il ne serait pas déraisonnable pour le demandeur d’y chercher refuge.

[12] Une fois la question soulevée, il incombe au demandeur d’asile de prouver qu’il ne dispose d’aucune PRI. Pour réfuter la conclusion selon laquelle il dispose d’une PRI viable, le demandeur d’asile a le fardeau de démontrer qu’il serait exposé à un risque dans la PRI proposée ou, même s’il ne l’était pas, qu’il serait déraisonnable dans toutes les circonstances qu’il s’y installe. Le fardeau dont il faut s’acquitter pour satisfaire au deuxième volet (le caractère raisonnable de la PRI) est assez lourd puisque la Cour d’appel fédérale a jugé, dans l’arrêt Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), 2000 CanLII 16789 (CAF), [2001] 2 CF 164 [Ranganathan], qu’il ne faut rien de moins que l’existence de conditions qui mettraient en péril la vie et la sécurité du demandeur d’asile tentant de s’installer temporairement en lieu sûr. De plus, il faut une preuve réelle et concrète de l’existence de telles conditions. Pour le critère relatif à la PRI en général, voir Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.), 1991 CanLII 13517 (CAF), [1992] 1 CF 706; Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589; Ranganathan; et Rivero Marin c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2023 CF 1504 au para 8.

B. Premier volet : Était-il raisonnable pour la SAR de conclure que le demandeur n’était pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution pour un motif prévu par la Convention au sens de l’article 96 de la LIPR ou, selon la prépondérance des probabilités, à un risque personnel de préjudice au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR?

[13] Le demandeur affirme qu’en raison de son arrestation pour meurtre par la police d’Uttar Pradesh, l’existence d’une base de données des criminels accessible à toute la police et l’exigence d’enregistrement pour tous les locataires, la police va prendre connaissance de son retour en Inde et qu’elle lui causera un préjudice.

[14] En outre, le demandeur allègue qu’il est fort possible que la police, les hommes de main du Shiv Sena et les personnes d’influence du village, comme le père de Rajesh Sharma, agissent de connivence afin de lui imputer le meurtre d’une femme innocente qu’ils ont tuée. En raison de l’accusation de meurtre, l’avocat du demandeur a avancé à l’audience que ce dernier est une personne d’intérêt bien en vue à laquelle s’intéressent les autorités, Rajesh Sharma, son père influent et le Shiv Sena.

[15] Ainsi, même si sa détention initiale était extrajudiciaire, le demandeur reste un suspect dans une affaire de meurtre, ce qui fait de lui une personne d’intérêt aux yeux de la police.

[16] J’estime que la SAR a procédé à une analyse minutieuse des éléments de preuve dont elle était saisie sur les actions de la police. En réalité, le demandeur fait valoir que le caractère déraisonnable de la décision de la SAR découle du refus de la commissaire de la SAR de se perdre en conjectures sur les diverses façons dont la police pourrait composer avec la politique locale.

[17] Selon le propre témoignage du demandeur, ce dernier n’a pas été formellement accusé d’un crime; il n’a pas comparu devant un juge ou un magistrat, comme le veut le protocole pour les arrestations judiciaires; il a été relâché après le versement d’un pot-de-vin, sans autres conditions. Le demandeur spécule sur l’intérêt que la police pourrait lui accorder en raison de l’interaction de divers acteurs politiques locaux.

[18] C’est sur le fondement de son analyse des éléments de preuve personnels du demandeur que la SAR a raisonnablement conclu qu’il avait fait l’objet d’une arrestation extrajudiciaire et que ses renseignements n’avaient probablement pas été saisis dans le réseau de suivi des crimes et des criminels (Crime and Criminal Tracking Network System – CCTNS), avec lequel la vérification des locataires est effectuée. À l’audience, l’avocat du demandeur a aussi confirmé que l’arrestation était extrajudiciaire, mais il a soutenu que la police dans ce genre de situation souhaite souvent ne pas laisser de traces écrites; par conséquent, l’absence de documents officiels ne devrait pas être considérée comme un élément prouvant que le nom du demandeur ne se trouve pas dans la base de données du CCTNS. En réalité, le demandeur affirme que ce qui a rendu la décision de la SAR déraisonnable découle du refus de la commissaire d’émettre des hypothèses sur ce que la police aurait ou n’aurait pas fait. Cependant, j’estime que la commissaire de la SAR a fondé son analyse sur les éléments de preuve dont il était saisi et non sur des hypothèses ou d’autres conjectures. J’estime qu’il était raisonnable de la part de la commissaire de la SAR d’agir ainsi.

[19] La SAR a également pris en considération les éléments de preuve suivants pour tirer ses conclusions :

  • Les éléments de preuve documentaire indiquent que le CCTNS permet principalement la communication à l’intérieur d’un État ou d’un district et que l’Inde ne possède pas de système d’enregistrement centralisé permettant à la police de vérifier où se trouvent tous les habitants.

  • Même si les renseignements sont saisis dans le CCTNS, la police est généralement mal équipée, manque de personnel et ne maîtrise pas la technologie pour effectuer des recherches.

[20] L’analyse de la SAR révèle une connaissance et une compréhension approfondies du CCTNS et du système de vérification des locataires. Au bout du compte, la SAR a conclu qu’étant donné les circonstances particulières de l’arrestation, il était peu probable que les renseignements du demandeur se trouvent dans le CCTNS. J’estime que cette conclusion était raisonnable et qu’elle est fondée sur l’analyse des documents du cartable national de documentation (CND) dont la SAR était saisie.

[21] Les longues citations du demandeur tirées du CND concernant le CCTNS et l’enregistrement des locataires n’établissent pas que la SAR ait fait fi d’importants éléments de preuve. En fait, le demandeur demande à la Cour d’apprécier la preuve de manière différente.

[22] Même si la SAR (ou la SPR) n’est pas liée par les décisions de ses pairs, la commissaire de la SAR en l’espèce a considéré le fait que le demandeur s’est appuyé sur l’appel de X devant la SAR en 2019 (128885). Dans cette affaire, la SAR avait conclu que le système d’enregistrement des locataires mettait les demandeurs à risque en raison d’une possibilité que des renseignements sur leur nouvel emplacement parviennent à leur police locale. Il était raisonnable pour la commissaire de la SAR d’établir une distinction entre la présente affaire et l’affaire X. Le demandeur dans l’affaire X avait été utilisé comme informateur de police; il avait été arrêté, torturé, relâché, puis arrêté à nouveau et encore relâché sous la condition de se présenter à la police. Ces circonstances sont différentes de l’arrestation extrajudiciaire du demandeur dans l’affaire qui nous occupe.

[23] La SAR a également mentionné que même le commissaire dans l’affaire X avait déterminé que le CCTNS ne contenait pas de renseignements sur les personnes d’intérêt et qu’il avait limité ses conclusions aux circonstances propres au demandeur qui faisait face à un risque accru. Je partage l’avis de la commissaire de la SAR en l’espèce selon lequel les circonstances des deux affaires ne sont pas sensiblement semblables.

[24] Outre le risque présenté par la police, la commissaire de la SAR a pleinement pris en compte les éléments de preuve importants concernant le risque posé par le père de Rajesh Sharma et le Shiv Sena dans la PRI proposée. Il a examiné l’analyse de la SPR sur les éléments de preuve objective contenus dans le CND selon lesquels le Shiv Sena était actif principalement dans le Maharashtra, le Bihar, l’Haryana, le Goa, le Punjab et le Bengale-Occidental, mais pas dans l’Uttar Pradesh. La SPR a également noté que la PRI proposée, Hyderabad, est située dans l’État indien de Telangana et que le CND ne fournit aucune indication que le Shiv Sena y était très présent. Ainsi, la SPR a conclu que le Shiv Sena ne serait pas en mesure de pourchasser le demandeur jusqu’à Hyderabad. Ensuite, la SAR a procédé à sa propre analyse indépendante avant de conclure que l’influence du père de Rajesh Sharma se limitait au mieux à la police locale. Étant donné le constat de la SAR sur l’incapacité de la police à localiser le demandeur dans la PRI, il était raisonnable pour la SAR de conclure que la police n’aurait toujours pas les moyens de pourchasser le demandeur jusqu’à Hyderabad puisqu’aucun premier rapport d’information ou autre renseignement à propos du demandeur n’a vraisemblablement été saisi dans le système CCTNS.

[25] Dans sa plaidoirie, l’avocat du demandeur soutient que la manière dont la SAR a pris en considération la situation précise du demandeur n’était pas raisonnable, car ce dernier est recherché par la police pour meurtre, un crime qui ne passe pas inaperçu. Bien qu’il affirme que la police le traiterait probablement comme un suspect dans une affaire de meurtre, les éléments de preuve personnels du demandeur sur son traitement par la police n’étayent pas cette affirmation. Il n’a présenté aucune preuve d’une inculpation formelle; il n’y a pas eu dépôt de premier rapport d’information; il a été relâché après le versement d’un pot-de-vin, sans autres conditions. Il s’agit là de faits pertinents que la SAR a raisonnablement pris en compte. Le demandeur fait valoir que, même en l’absence de ces « documents administratifs », ses renseignements sont probablement saisis dans un rapport du CCTNS et qu’il est donc retrouvable. On ne peut reprocher à la SAR son refus de se perdre en conjectures.

[26] De même, je ne partage pas l’avis du demandeur selon lequel la SAR aurait dû conclure que l’affaire X (2019) 128885 était convaincante. On ne pouvait pas s’attendre à ce que la SAR spécule sur le profil du demandeur alors que la prépondérance de la preuve pointait dans l’autre sens. En fait, la SAR s’est expressément penchée sur le profil du demandeur au paragraphe 19 de sa décision : [traduction] « Je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que, si la police avait réellement considéré le demandeur comme un criminel, alors elle ne l’aurait pas relâché sans au moins restreindre ses mouvements ou sans lui imposer une quelconque obligation de se présenter aux autorités. »

[27] L’analyse de la SAR et sa conclusion selon laquelle le père de Rajesh Sharma et le Shiv Sena n’avaient pas les moyens de pourchasser le demandeur jusqu’à Hyderabad sont raisonnables. La commissaire de la SAR a pleinement pris en compte l’argument consistant à imputer au demandeur le meurtre de Shenaaz. Elle a examiné l’analyse de la SPR sur l’influence du Shiv Sena dans diverses régions de l’Inde, ce qui ne comprenait pas le Telangana, où se trouve Hyderabad. La SAR a conclu :

[traduction]

À la suite de mon examen indépendant du dossier, y compris le CND, j’estime également, et pour les mêmes motifs, que, même si le Shiv Sena local d’Uttar Pradesh était motivé à pourchasser le demandeur au-delà des frontières de l’État, rien dans le CND concernant le Shiv Sena (et rien de ce que le demandeur a divulgué) n’indique que ce groupe local serait en mesure de motiver ses homologues au Telangana, où il manque de soutien. Je conclus donc que le pouvoir de Rajesh Sharma et du Shiv Sena ne dépasse pas le territoire local.

[28] À l’audience, le demandeur a soutenu que la SAR aurait dû prendre en considération les éléments de preuve de corruption en Inde afin de conclure que Rajesh Sharma et son père pourraient aisément le localiser grâce à l’influence qu’ils exercent sur la police à Hyderabad, et ce, en raison de leur colère persistante contre lui à propos de sa relation avec une femme musulmane. Pour étayer ses dires, le demandeur tente de s’appuyer sur un document actualisé du CND, daté du 7 juillet 2023, qui n’a pas été soumis à la SAR. Le demandeur n’a pas expliqué en quoi ce document, qui n’avait pas été soumis à la SAR, relève d’une exception acceptable que la Cour doit examiner. Je ne peux donc pas accepter un élément de preuve qui n’a pas été présenté à la SAR. Quoi qu’il en soit, la SAR a expressément examiné les éléments de preuve et a conclu que Rajesh Sharma et son père n’avaient pas d’influence au-delà de la zone locale ou sur qui que ce soit à Hyderabad, et la Cour n’appréciera pas à nouveau la preuve.

[29] Je considère que l’analyse de la SAR à l’égard du premier volet du critère de la PRI était raisonnable.

C. Deuxième volet : Était-ce raisonnable pour la SAR de conclure qu’il serait raisonnable pour le demandeur, dans les circonstances qui lui sont propres, de se réinstaller à Hyderabad?

[30] Comme il est indiqué plus haut, pour que le demandeur satisfasse au deuxième volet du critère de la PRI, il doit présenter des éléments de preuve concrète de conditions qui mettraient sa vie et sa sécurité en danger s’il se réinstallait dans la PRI. J’estime qu’aucun élément de preuve de ce genre n’a été présenté à la SAR et qu’il était donc raisonnable pour la commissaire de conclure qu’il était raisonnable pour le demandeur de se réinstaller à Hyderabad.

[31] Le demandeur soutient qu’en raison de sa religion sikhe et de son appartenance à une caste répertoriée, il risque d’être victime de discrimination constituant de la persécution à Hyderabad. L’effet conjugué de ces éléments contribue également à accroître son profil de risque à cause de cette intersectionnalité.

[32] J’estime que la commissaire de la SAR a pleinement pris en compte les circonstances propres au demandeur, et ce, de manière raisonnable :

  • Concernant l’appartenance du demandeur à la caste Ravidasia (caste répertoriée ou autre caste de bas statut), les éléments de preuve documentaire indiquent que certains membres sont aisés, sont des propriétaires terriens et ont du pouvoir, tandis que d’autres sont pauvres. Cependant, les membres des autres castes de bas statut ne sont pas considérés comme des intouchables. Les éléments de preuve personnels du demandeur attestent qu’il travaillait en tant qu’agriculteur, comme son père, et qu’il avait gagné suffisamment d’argent pour beaucoup voyager en Europe et en Asie.

  • Les éléments de preuve documentaire révèlent que les membres de castes répertoriées ne sont pas généralement victimes de discrimination en matière de logement et d’accès à l’emploi. Cependant, le demandeur a de l’expérience en agriculture, en vente de légumes et en conduite de camions; il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve pour démontrer que le demandeur ne serait pas en mesure d’obtenir d’emploi et de logement raisonnables à cause de sa caste.

  • En ce qui a trait à l’affirmation du demandeur qu’il serait victime de discrimination à cause de son sikhisme, les éléments de preuve ne permettent pas d’établir selon la prépondérance des probabilités que la discrimination équivaudrait à un préjudice. Les éléments de preuve documentaire indiquent que les sikhs en dehors du Punjab ne sont pas confrontés à des problèmes notables en matière d’accès aux soins de santé, à l’éducation et à l’emploi, et que les sikhs en Inde subissent généralement peu de discrimination et de violence de la part de la société et des autorités.

[33] À l’audience, le demandeur a fait valoir que la situation des sikhs en Inde est particulière parce qu’il s’agit d’une religion minoritaire et que la SAR aurait dû en tenir compte en raison de la discrimination que le demandeur subirait pour accéder aux soins de santé et au logement. Le demandeur a tenté de mettre de l’avant des documents qui n’étaient pas devant la SAR, lesquels je ne peux prendre en considération, ainsi que le fait que la population sikhe à Hyderabad est relativement petite, ce qui n’est pas particulièrement pertinent si l’on veut démontrer le caractère déraisonnable de la PRI. En fait, aux paragraphes 24 et 25 de sa décision, la commissaire de la SAR s’est penchée sur la religion sikhe du demandeur, et au paragraphe 26, elle s’est penchée sur la caste du demandeur. Elle a ensuite examiné les circonstances propres au demandeur et celles de son père avant de conclure que la PRI n’était pas déraisonnable.

[34] Je conclus que la SAR n’était pas tenue de citer des extraits de tous les documents. Toutefois, elle a considéré les arguments pertinents du demandeur dans le contexte du seuil élevé imposé par le deuxième volet du critère de la PRI. C’était raisonnable de procéder ainsi.

[35] Le demandeur soutient, en citant le manuel du Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés et la Commission ontarienne des droits de la personne, et sans grande analyse, que la SAR n’a pas tenu compte de l’effet cumulatif de son profil. Il est en fait en désaccord avec la manière dont la commissaire de la SAR a soupesé les éléments de preuve. La SAR s’est penchée précisément sur les circonstances propres au demandeur pour juger du caractère raisonnable de la PRI. Il n’appartient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve.

[36] En ce qui concerne le deuxième volet du critère de la PRI, après examen des éléments de preuve au dossier, la SAR a déterminé que, même si l’on prend en considération l’effet cumulatif des circonstances du demandeur, à savoir sa religion, sa caste et ses facteurs personnels tels que la situation socio-économique de sa famille, la réinstallation de ce dernier à Hyderabad ne serait pas indûment difficile ou objectivement déraisonnable.

[37] Je conclus que l’analyse de la SAR du deuxième volet est raisonnable.

VI. Conclusion

[38] Après avoir examiné les deux volets du critère de la PRI, la SAR a conclu que la décision de première instance était correcte et que le demandeur n’est pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger. L’analyse indépendante des éléments de preuve effectuée par la SAR pour parvenir à la conclusion qu’il existe une PRI viable à Hyderabad était raisonnable.

[39] La demande de contrôle judiciaire est donc rejetée.

[40] Il n’y a aucune question à certifier.


JUGEMENT dans le dossier IMM-1438-23

LA COUR STATUE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

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« Negar Azmudeh »

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Juge

Traduction certifiée conforme

Elisabeth Ross, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-1438-23

 

INTITULÉ :

RAJPREET SINGH c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

 

DATE DE L’AUDIENCE :

28 NOVEMBRE 2023

 

JUGEMENTS ET MOTIFS:

La JUGE AZMUDEH

 

DATE DES MOTIFS :

30 NOVEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Gabrielle Morneau El-Hajal

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Simone Truong

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

CME avocates

Montréal, QC

POUR LE DEMANDEUR

 

Ministère de la Justice Canada

Montréal, QC

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

[FIN PARTIE 4 – 831 mots]

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