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Date : 20231205


Dossier : IMM-6968-22

Référence : 2023 CF 1633

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 5 décembre 2023

En présence de monsieur le juge Régimbald

ENTRE :

SHAH JAMAL, ANWAR HOSSAIN, TASNIM, AFROZA ET NILUFA YASMIN

demandeurs

et

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, au titre du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LC 2001, c 27) [LIPR], d’une décision de la Section d’appel des réfugiés [SAR] rendue le 6 juillet 2022 et portant rejet de l’appel interjeté par les demandeurs. La SAR a conclu que les demandeurs, qui sont des citoyens du Bangladesh et des musulmans sunnites, n’étaient pas des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger parce qu’ils disposaient de possibilités de refuge intérieur [PRI] viables dans les villes de Dacca, de Chittagong et de Khulna, au Bangladesh.

[2] Les demandeurs craignent d’être persécutés par les dirigeants présumés de la Jamaat-e-Islami [JEI], MM. Malek et Miah, depuis que Shah Jamal, le demandeur principal [DP], a refusé d’adhérer à l’organisation JEI et de faire des dons pécuniaires.

[3] L’examen du dossier soumis à la Cour, notamment des observations écrites et verbales des parties, ainsi que du droit applicable, m’amène à conclure que les demandeurs ne se sont pas acquittés du fardeau qui leur incombait et n’ont pas démontré que la décision de la SAR était déraisonnable. Pour les motifs qui suivent, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

I. Contexte

[4] Les demandeurs sont des citoyens du Bangladesh et des musulmans sunnites qui résidaient auparavant en Arabie Saoudite. Shah Jamal, le père, vivait en Arabie saoudite depuis 1991, Nilufa Yasmin, la mère, depuis 1999, ainsi qu’Anwar Hossain, Afroza et Tasnim [les enfants] depuis leur naissance.

[5] Le 28 juin 2015, la famille est retournée à Noakhali, au Bangladesh, avec l’intention d’y résider de manière permanente.

[6] Au cours de la dernière semaine d’août 2015, le directeur et l’imam de la madrasa locale, MM. Malek et Miah respectivement, qui, selon les demandeurs, étaient membres de l’organisation JEI, se sont rendus au domicile des demandeurs. Le DP n’était pas chez lui à ce moment-là.

[7] Le DP affirme que, le 5 septembre 2015, MM. Miah et Malek sont retournés à son domicile et se sont entretenus avec lui. Il affirme également qu’ils lui ont demandé de rencontrer les dirigeants de la JEI dans une madrasa locale.

[8] Le 8 septembre 2015, le DP aurait rencontré les deux chefs religieux à la madrasa; cinq autres hommes habillés comme des fondamentalistes islamiques étaient également présents. Le DP affirme que MM. Malek et Miah lui ont demandé un soutien financier pour leurs activités religieuses et lui ont demandé, ainsi qu’au demandeur associé de sexe masculin, son fils, d’adhérer à leur organisation. Le DP a refusé et a exprimé des opinions critiques sur l’éducation dans la madrasa et sur l’activisme islamiste, soutenant que l’un et l’autre étaient liés à des violations des droits de la personne et à des activités terroristes. Ces déclarations les ayant mis en colère, les deux dirigeants auraient déclaré qu’une condamnation à mort devait être prononcée à contre le DP.

[9] Le 14 septembre 2015, les demandeurs sont retournés en Arabie saoudite, craignant pour leur vie. Ils sont ensuite arrivés au Canada, où ils ont demandé l’asile le 30 août 2018.

[10] Le 25 février 2022, la Section de la protection des réfugiés [SPR] a rejeté les demandes d’asile des demandeurs et, le 6 juillet 2023, la SAR a rejeté l’appel interjeté par les demandeurs.

II. Questions en litige et norme de contrôle

[11] La seule question en litige est de savoir si la décision de la SAR est raisonnable.

[12] Une décision raisonnable doit être justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov], au para 85). C’est à la partie qui conteste la décision qu’il incombe de démontrer que la décision de la SAR est déraisonnable (Vavilov, au para 100). Pour que la cour de révision intervienne, la partie qui conteste la décision doit convaincre la cour que la décision « souffre de lacunes graves à un point tel qu’on ne peut pas dire qu’elle satisfait aux exigences de justification, d’intelligibilité et de transparence », et que ces lacunes ou insuffisances ne sont pas « simplement superficielles ou accessoires par rapport au fond de la décision » (Vavilov, au para 100).

[13] Une cour de révision ne devrait pas modifier les conclusions de fait, en l’absence de circonstances exceptionnelles; il n’appartient pas à notre Cour, dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire, de revoir ou d’apprécier « à nouveau » les éléments de preuve pris en considération par le décideur (Vavilov, au para 125). Un contrôle fondé sur la norme de la décision raisonnable n’est pas non plus une « une chasse au trésor, phrase par phrase, à la recherche d’une erreur »; la cour de révision doit simplement être convaincue que le raisonnement du décideur « se tient » (Vavilov, aux para 102 et 104).

[14] Les demandeurs soutiennent que la décision était déraisonnable parce que l’évaluation des PRI repose sur une caractérisation erronée des profils de risque des demandeurs et des profils des agents de persécution. Les demandeurs soutiennent également que les motifs fournis par la SAR sont dénués de logique intelligible en ce qui concerne la question déterminante, à savoir l’évaluation de la motivation et des moyens des agents de persécution.

III. Analyse

[15] Il est bien établi en droit que les demandeurs d’asile doivent d’abord chercher protection dans une autre partie de leur pays avant de chercher refuge au Canada (Canada (Procureur général) c Ward, 1993 CanLII 105 (CSC), [1993] 2 RCS 689, à la p 752; Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF), [1994] 1 CF 589 [Thirunavukkarasu]; décision de la SAR au para 9).

[16] Le critère permettant de vérifier l’existence d’une PRI viable dans le pays du demandeur est énoncé dans l’arrêt Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 CF 706, 1991 CanLII 13517 (CAF) [Rasaratnam]. Le critère comporte deux volets : le demandeur a une PRI lorsque : 1) il n’est pas exposé à une possibilité sérieuse de persécution ni à un risque de préjudice au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR dans le lieu proposé pour la PRI, et 2) il ne serait pas objectivement déraisonnable pour lui de chercher refuge dans ce lieu, compte tenu de l’ensemble des circonstances. Il doit être satisfait aux deux volets pour que l’on puisse conclure qu’une PRI existe pour le demandeur (Thirunavukkarasu, aux p 597-598; Hamdan c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2017 CF 643, aux para 10-12; Leon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 428, au para 9 [Leon]; Mora Alcca c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 236, au para 5; Souleyman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 708, au para 17).

[17] Quant au premier volet du critère, il incombe aux demandeurs de démontrer que la PRI proposée est déraisonnable parce qu’ils craignent d’être persécutés dans l’ensemble de leur pays. Pour s’acquitter d’un tel fardeau, ils doivent démontrer qu’ils demeureront menacés, malgré la PRI proposée, par les mêmes personnes ou auteurs de persécution que ceux qui les ont mis en danger à l’origine. L’évaluation du risque consiste à déterminer si les agents de persécution ont les « moyens » et la « motivation » de causer un préjudice au demandeur dans la PRI (Singh c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 996, au para 8). Cette évaluation doit être effectuée par le décideur; il s’agit d’une analyse tournée vers l’avenir, que l’on doit effectuer en se plaçant du point de vue des agents de persécution et non du point de vue du demandeur d’asile (Vartia c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 1426, au para 29; Adeleye c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 81, au para 21; Aragon Caicedo c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CF 485, au para 12). Il incombe donc aux demandeurs de présenter des éléments de preuve ou des faits suffisants pour s’acquitter de leur fardeau de preuve et démontrer, selon la prépondérance des probabilités, que les agents de persécution ont les moyens et la motivation nécessaires pour les localiser dans le lieu de refuge proposé et que, par conséquent, ils seront exposés à une possibilité sérieuse de persécution ou à une probabilité de danger ou de risque aux termes de l’article 97 de la LIPR dans le lieu de refuge proposé.

[18] Quant au second volet du critère concernant le caractère raisonnable de la possibilité de se réfugier dans une autre partie du pays, le seuil est très élevé et le demandeur d’asile doit présenter des preuves réelles et concrètes de l’existence de conditions qui mettraient en péril sa vie ou sa sécurité s’il tentait de se réinstaller dans cette partie du pays (Ranganathan c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (CA), 2000 CanLII 16789 (CAF) [Ranganathan]; Jean Baptiste c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1106, aux para 20-21). Une PRI ne sera jugée viable que si les deux critères sont remplis (Rasaratnam, à la p 711).

A. La décision de la SAR est raisonnable

[19] La décision de la SAR selon laquelle il existe des PRI viables au Bangladesh est raisonnable compte tenu des éléments de preuve produits qui démontrent que les agents de préjudice n’étaient pas décidés à poursuivre les demandeurs dans les lieux de refuge proposés. La SAR a raisonnablement estimé qu’il n’y avait pas de possibilité sérieuse de persécution dans les lieux de refuge proposés en raison de l’insuffisance des preuves démontrant que les agents de persécution puissent souhaiter poursuivre les demandeurs dans ces lieux. Les preuves démontrent que le père du DP continue de fréquenter la madrasa où les agents de persécution se rendent également, et que le père du DP n’a jamais été interrogé sur les allées et venues des demandeurs ni menacé. En outre, le DP a déclaré que les agents de persécution n’avaient jamais approché ses amis et sa famille pour tenter de le retrouver. L’absence de toute preuve d’une volonté persistante de poursuivre le DP était un motif raisonnable permettant à la SAR de conclure que les agents de persécution ne souhaitaient pas continuer à nuire aux demandeurs.

[20] Les demandeurs soutiennent que la SAR a mal interprété leurs profils lorsqu’elle a rendu sa décision sur le premier volet du critère relatif aux PRI. La SAR a analysé le risque éventuel auquel les demandeurs étaient exposés en se fondant sur leur profil de « musulmans sunnites » qui ne sont « pas actifs sur le plan politique » et qui ne sont « pas particulièrement religieux ». La SAR a conclu que les demandeurs ne correspondaient pas au profil des minorités religieuses ou des blogueurs laïques qui, selon les données disponibles dans le Cartable national de documentation [CND] concernant le Bangladesh, ont été particulièrement exposés à des risques de violence.

[21] Les demandeurs soutiennent que la SAR les a qualifiés à tort d’« incroyants » qui ne s’affichent pas publiquement. Malgré le fait que la preuve démontre que leurs opinions religieuses ou politiques ne pouvaient pas être connues du public sur les médias sociaux, les demandeurs soutiennent qu’ils sont des étrangers libéraux qui ont adopté des opinions laïques, voire blasphématoires, concernant le rôle de la religion dans la sphère publique.

[22] Les demandeurs ont également fait valoir, à l’audience, qu’ils ne pouvaient déménager nulle part au Bangladesh parce qu’ils avaient vécu à l’étranger pendant la majeure partie de leur vie (toute leur vie dans le cas des enfants) et que, par conséquent, ils étaient perçus comme des étrangers. Les demandeurs affirment que le profil de risque des étrangers, des libéraux, des laïcs ou des [traduction] « non-croyants » publics ou des blasphémateurs est complètement différent de celui de la population majoritaire de musulmans bengalis sunnites (selon l’évaluation de la SAR), comme l’indique le CND (CND, 29 avril 2022, point 2.4, Bangladesh Freedom in the World 2021, Freedom House, 2021; CND, 29 avril 2022, point 12.6, Bangladesh Freedom of Though Report, Humanists International, 13 octobre 2020). Étant donné que les enfants ont un accent bengali et parlent arabe entre eux, ils seront perçus comme des étrangers.

[23] Ainsi, les demandeurs soutiennent que la situation qu’ils ont connue à Noakhali, au Bangladesh, se reproduira inévitablement n’importe où au Bangladesh. En d’autres termes, parce qu’ils sont des étrangers qui ont un accent, ils seront approchés par des dirigeants islamiques et religieux, où qu’ils résident au Bangladesh (dans tout lieu où il existerait une PRI), et chercheront à obtenir un soutien et un financement. Les demandeurs refuseront immanquablement, ce qui amènera les chefs religieux à prononcer à nouveau une condamnation à mort contre les demandeurs.

[24] Les demandeurs invoquent également une décision récente de la SAR (X (Re), 2020 CanLII 68122), dans laquelle la commissaire a conclu, dans une situation similaire, que le fait que le demandeur ait exprimé publiquement ses opinions religieuses laïques à l’imam local le distinguait d’autres personnes moins religieuses dans leur vie privée.

[25] Enfin, au cours de l’audience, les avocats des demandeurs se sont référé au point 4.2 du CND (Bangladesh : Les organisations islamistes, France. Office français de protection des réfugiés et apatrides, 9 janvier 2018 [CND, point 4.2]), qui est cité à la note de bas de page 12 de la décision de la SAR, pour soutenir que les agents de persécution voudraient tuer le DP parce qu’il n’a pas versé de contribution pécuniaire à la madrasa et parce qu’il a exprimé une opinion hostile à l’islam.

[26] À mon avis, les demandeurs n’ont pas démontré que les conclusions de la SAR étaient déraisonnables.

[27] Premièrement, les demandeurs n’ont présenté aucun argument susceptible de démontrer que la conclusion de la SAR selon laquelle les agents de persécution ne chercheraient à les retrouver et à leur causer un préjudice dans l’une des PRI proposées est déraisonnable. Ils n’ont pas démontré comment ou pourquoi la conclusion de la SAR, fondée sur le fait que le père du DP fréquente toujours la même madrasa que les agents de persécution sans être inquiété, et sur le fait que les agents de persécution n’ont pas communiqué avec les amis et les membres de la famille du DP pour tenter de le retrouver, est déraisonnable. La Cour a conclu que lorsqu’il n’existe aucune preuve des efforts déployés par les agents de persécution pour retrouver un demandeur d’asile, que ce soit en communiquant avec sa famille ou autrement, on peut raisonnablement en déduire que les agents de persécution ne persistent pas à vouloir retrouver le demandeur d’asile dans un lieu de refuge (Chavez Perez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1021, au para 12; Leon, aux para 16, 18, 23; Rodriguez Llanes c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2013 CF 492, au para 10).

[28] Ensuite, les demandeurs ont présenté à l’audience une demande différente de celle indiquée dans leur formulaire « Fondement de la demande d’asile ». Dans celui-ci, des personnes en particulier fréquentant la madrasa ont été désignées. Les demandeurs n’ont pas soutenu être exposés à une autre possibilité sérieuse de persécution ni à un autre risque de préjudice au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR, si ce n’est aux mains des agents de persécution mentionnés dans le formulaire.

[29] La Cour ne peut accepter l’argument des demandeurs selon lequel, en tant [traduction] qu’« étrangers », ils craignent d’être persécutés partout au Bangladesh, car, si je comprends bien l’argument, ce qui s’est produit à Noakhali ne peut que se produire partout ailleurs. Or, non seulement il n’y a pas de preuve à cet égard, mais l’argument est en plus fondé sur des conjectures.

[30] Par ailleurs, les demandeurs sont certes en désaccord avec la manière dont la SAR a dressé leur profil, mais les éléments de preuve objectifs indiquent clairement que les extrémistes islamistes au Bangladesh ciblent « les militants séculiers, les minorités, les écrivains, les journalistes, les intellectuels et les artistes qui insultent publiquement l’islam, et ne ciblent pas surtout des citoyens incroyants » (point 4.2 du CND). En d’autres termes, les extrémistes islamiques ciblent les minorités et les personnes qui sont actives et qui expriment publiquement leurs opinions. Les demandeurs n’ont pas démontré qu’ils faisaient partie de ces groupes.

[31] Par conséquent, selon moi, les demandeurs n’ont pas démontré en quoi la conclusion de la SAR selon laquelle les agents de persécution dans leur cas ne sont pas motivés est déraisonnable. Cette conclusion était fondée sur la preuve évidente que les agents de persécution n’ont pas approché le père du DP, qui continue de fréquenter la même madrasa, ni les amis et la famille du DP, dans le but de retrouver les demandeurs. Je ne constate aucune erreur dans cette évaluation.

[32] La conclusion selon laquelle les agents de persécution n’ont pas l’intention de retrouver un demandeur dans un lieu où il existe une PRI est déterminante en ce qui concerne le premier volet du critère relatif aux PRI. Il était donc raisonnable pour la SAR de ne pas chercher à savoir si les agents de persécution avaient les moyens de repérer les demandeurs.

[33] Notre Cour a jugé qu’une PRI peut être raisonnable s’il est établi qu’un agent de persécution n’a pas l’intention de retrouver un demandeur d’asile dans le lieu où il existe une PRI. Il n’est pas nécessaire, dans de telles circonstances, d’analyser également si l’agent de persécution aurait les moyens de retrouver le demandeur d’asile (Ocampo c (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1058, au para 28; Kandel c (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1293, aux para 16-17; Kaur c (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 1219, aux para 17-18).

B. La décision de la SAR quant à la viabilité des PRI proposées n’est pas déraisonnable

[34] Dans leur mémoire, les demandeurs n’ont pas présenté d’argument relatif au second volet du critère applicable aux PRI.

[35] Pendant l’audience, les demandeurs ont soutenu que les PRI proposées n’étaient pas objectivement raisonnables. Nous l’avons déjà indiqué : le seuil est très élevé et il incombe au demandeur de démontrer, au moyen d’une « preuve réelle et concrète », « l’existence de conditions qui mettraient en péril [sa vie et [s]a sécurité » (Ranganathan, aux para 14 et 15).

[36] En l’espèce, les demandeurs ont repris leur nouvel argument susmentionné et ont fait valoir que la situation qui s’est produite à Noakhali, au Bangladesh, se reproduirait immanquablement à leur égard en tant [traduction] qu’« étrangers ». Comme cela a été le cas à Noakhali à leur arrivée initiale, ils se rendront dans d’autres lieux de refuge, seront approchés par des chefs religieux pour obtenir du soutien et de l’argent et, lorsque les demandeurs refuseront, une condamnation à mort sera prononcée contre eux. Selon cet argument, toutes les PRI au Bangladesh « mettraient en péril [leur] vie et [leur] sécurité ».

[37] En toute déférence, l’argument des demandeurs, loin d’être une « preuve réelle et concrète » comme cela est requis, est fondé sur des conjectures. Il n’existe aucune preuve que les conditions du pays sont telles que les demandeurs, en tant [traduction] qu’« étrangers », penseurs libéraux et laïques, entre autres, seront la cible de persécutions. Par ailleurs, et encore une fois, les demandeurs n’ont pas fait état, dans leur formulaire « Fondement de la demande d’asile », d’une quelconque possibilité de persécution ou d’un risque de préjudice pour ce motif.

[38] Les demandeurs demandent à la Cour d’évaluer une nouvelle allégation de persécution qu’ils formulent pour la première fois, en se fondant sur les éléments de preuve produits devant la SAR et la SPR. La Cour ne peut accéder à cette demande.

[39] Les demandeurs n’ont pas contesté sous un autre motif l’évaluation par la SAR du deuxième volet du critère à appliquer aux PRI. Par conséquent, à mon avis, la décision de la SAR, en ce qui concerne le deuxième volet, est raisonnable.

IV. Conclusion

[40] La décision de la SAR concernant le critère à appliquer en matière de PRI est intelligible, transparente et justifiée (Vavilov, aux para 15 et 98). La SAR a correctement examiné tous les éléments de preuve qui lui ont été présentés et a conclu à l’existence de PRI viables au Bangladesh. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

[41] Les parties n’ont soulevé aucune question de portée générale à certifier, et je suis d’accord qu’il n’y en a aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-6968-22

LA COUR REND LE JUGEMENT SUIVANT :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question à certifier.

« Guy Régimbald »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


 

DOSSIER :

IMM-6968-22

INTITULÉ :

SHAH JAMAL, ANWAR HOSSAIN, TASNIM, AFROZA ET NILUFA YASMIN c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 NOVEMBRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE RÉGIMBALD

DATE DES MOTIFS :

LE 5 DÉCEMBRE 2023

COMPARUTIONS :

 

Me Jean-François Bertrand

Me Annabel E. Busbridge

POUR LES DEMANDEURS

Me Geneviève Bourbonnais

Béatrice Courchesne-Mackie (stagiaire en droit)

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Bertrand, Deslauriers Avocats

Montréal (Québec)

POUR LES DEMANDEURS

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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