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Date : 20231214

Dossier : IMM-2452-22

IMM-2453-22

Référence : 2023 CF 1681

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 14 décembre 2023

En présence de monsieur le juge en chef Crampton

ENTRE

JASKIRAT SINGH SIDHU

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Introduction

[1] Les circonstances qui ont mené à ces procédures sont déchirantes. Je n’ai souvenir d’aucun cas plus tragique pour toutes les personnes concernées.

[2] En avril 2018, un autobus transportant une équipe de hockey de Humboldt, Saskatchewan, est entré en collision avec un camion conduit par le demandeur, M. Sidhu. À la suite de cet accident horrible, 16 personnes ont perdu la vie et 13 autres personnes ont subi des blessures qui ont changé leur vie. Au-delà de ces conséquences catastrophiques, les familles, les amis et les collectivités de toutes les victimes ont souffert terriblement et cette souffrance perdurera probablement pendant de nombreuses années.

[3] Le demandeur, M. Sidhu, et son épouse, Mme Mann, ont également subi des conséquences dramatiques. Il a été condamné à huit ans de prison. Les rêves d’une nouvelle vie au Canada qu’il partageait avec Mme Mann, à la suite de leur récent mariage, ont été anéantis, et chacun d’eux a été gravement traumatisé.

[4] De toute évidence, M. Sidhu s’est montré accablé de très grands remords sincères et déchirants. Il risque maintenant d’être renvoyé en Inde, après les nombreuses années que Mme Mann et lui ont passé à travailler fort pour s’établir au Canada.

[5] La perspective du renvoi de M. Sidhu en Inde découle de deux décisions (les décisions) rendues en vertu des paragraphes 44(1) et 44(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [la LIPR], respectivement. Dans la première décision, un agent (l’agent) de l’Agence des services frontaliers du Canada a exercé son pouvoir discrétionnaire pour rédiger un rapport recommandant que M. Sidhu fasse l’objet d’une enquête en vue d’une mesure d’expulsion. Dans la deuxième décision, le délégué du ministre (le délégué) a conclu que la décision de l’agent était bien fondée et l’a renvoyée à la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié pour une audience. Les parties s’entendent pour dire que la Section de l’immigration n’aura pas la possibilité de prendre en considération les facteurs qui peuvent jouer en défaveur de la prise d’une mesure d’expulsion une fois qu’elle aura confirmé formellement que M. Sidhu est effectivement « interdit de territoire » au Canada pour « grande criminalité ». C’est pourquoi M. Sidhu demande que les décisions soient annulées et renvoyées pour réexamen par des décideurs différents.

[6] Il convient de souligner que ces procédures ne sont pas des appels. Il s’agit de demandes de contrôle judiciaire. Par conséquent, je me concentrerai uniquement sur la question de savoir s’il faut faire droit à la demande de M. Sidhu et annuler les décisions contestées et les renvoyer pour réexamen.

[7] Pour évaluer ces décisions, la norme de contrôle applicable à la question de l’équité procédurale soulevée par M. Sidhu consiste à savoir si le processus suivi pour rendre les décisions était équitable, eu égard à l’ensemble des circonstances. La norme de contrôle applicable aux autres questions principales soulevées par M. Sidhu consiste à savoir si les décisions étaient déraisonnables. Si je conclus que les décisions n’étaient pas déraisonnables, elles doivent être maintenues, même si j’aurais pu rendre une décision différente, en fonction du dossier dont l’agent et le délégué étaient saisis.

[8] Malheureusement, quelle que soit ma décision, la guérison nécessaire pour retrouver une vie meilleure peut devenir plus difficile pour certaines personnes qui souhaitent une issue différente de celle à laquelle je parviens.

[9] Pour les motifs exposés ci-dessous, je conclus que les processus suivis par l’agent et le délégué étaient équitables, eu égard à l’ensemble des circonstances. Je conclus également que les décisions n’étaient pas déraisonnables. De plus, je conclus que le délégué n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne tenant compte que de la gravité des infractions pour lesquelles M. Sidhu a été déclaré coupable, comme l’a allégué M. Sidhu.

II. Contexte

[10] M. Sidhu est citoyen de l’Inde. Il est arrivé au Canada au début de 2014, quelques mois après l’arrivée au pays de Mme Mann. Ils se sont mariés en février 2018 et sont devenus résidents permanents du Canada le mois suivant.

[11] En avril 2018, au cours de l’un de ses premiers déplacements sans supervision en tant que conducteur de camion, M. Sidhu a omis de s’arrêter à une intersection contrôlée alors qu’il conduisait un camion transportant deux remorques complètement chargées en direction ouest sur une autoroute près de Nipawin, en Saskatchewan. Son véhicule a été heurté par un autobus qui circulait en direction nord et qui transportait une équipe de hockey, les Broncos de Humboldt, et d’autres personnes. Des 29 personnes à bord de l’autobus, 16 sont décédées et 13 ont subi des blessures graves.

[12] M. Sidhu a par la suite été accusé de 16 chefs de conduite dangereuse d’un véhicule à moteur causant la mort et de 13 chefs de conduite dangereuse d’un véhicule à moteur causant des lésions corporelles. Il a plaidé coupable à ces accusations pour épargner aux familles des victimes le supplice d’un procès. En mars 2019, il a été condamné à huit ans d’emprisonnement, qu’il a immédiatement commencé à purger. Le délégué a fait observer dans sa décision qu’à ce moment-là, il s’agissait de la peine d’emprisonnement la plus longue jamais imposée au Canada pour les infractions en question.

[13] M. Sidhu n’a pas d’autres antécédents criminels et n’a commis aucune infraction en établissement pendant son incarcération. De toute évidence, il s’est montré accablé de très grands remords à l’égard des conséquences de ses actes.

III. Dispositions législatives pertinentes

[14] L’agent a recommandé que M. Sidhu soit renvoyé pour enquête afin de déterminer son interdiction de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)a) de la LIPR. Cet alinéa est libellé comme suit :

Grande criminalité

Serious criminality

36 (1) Emportent interdiction de territoire pour grande criminalité les faits suivants :

36 (1) A permanent resident or a foreign national is inadmissible on grounds of serious criminality for

a) être déclaré coupable au Canada d’une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans ou d’une infraction à une loi fédérale pour laquelle un emprisonnement de plus de six mois est infligé;

[…]

(a) having been convicted in Canada of an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years, or of an offence under an Act of Parliament for which a term of imprisonment of more than six months has been imposed;

[…]

[15] Le rapport de l’agent a été rédigé conformément au paragraphe 44(1) de la LIPR, qui est ainsi libellé :

Perte de statut et renvoi

Loss of Status and Removal

Constat de l’interdiction de territoire

Report on Inadmissibility

Rapport d’interdiction de territoire

Preparation of report

44 (1) S’il estime que le résident permanent ou l’étranger qui se trouve au Canada est interdit de territoire, l’agent peut établir un rapport circonstancié, qu’il transmet au ministre.

44 (1) An officer who is of the opinion that a permanent resident or a foreign national who is in Canada is inadmissible may prepare a report setting out the relevant facts, which report shall be transmitted to the Minister.

[16] La décision du délégué a été prise en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR. Ce paragraphe est libellé comme suit :

Suivi

44 (2) S’il estime le rapport bien fondé, le ministre peut déférer l’affaire à la Section de l’immigration pour enquête, sauf s’il s’agit d’un résident permanent interdit de territoire pour le seul motif qu’il n’a pas respecté l’obligation de résidence ou, dans les circonstances visées par les règlements, d’un étranger; il peut alors prendre une mesure de renvoi.

 

Referral or removal order

44 (2) If the Minister is of the opinion that the report is well-founded, the Minister may refer the report to the Immigration Division for an admissibility hearing, except in the case of a permanent resident who is inadmissible solely on the grounds that they have failed to comply with the residency obligation under section 28 and except, in the circumstances prescribed by the regulations, in the case of a foreign national. In those cases, the Minister may make a removal order.

[17] Les objectifs énoncés dans la LIPR en matière d’immigration comprennent les suivants :

Objet en matière d’immigration

Objectives — immigration

3 (1) En matière d’immigration, la présente loi a pour objet :

3 (1) The objectives of this Act with respect to immigration are

[…]

[…]

h) de protéger la santé et la sécurité publiques et de garantir la sécurité de la société canadienne;

(h) to protect public health and safety and to maintain the security of Canadian society;

i) de promouvoir, à l’échelle internationale, la justice et la sécurité par le respect des droits de la personne et l’interdiction de territoire aux personnes qui sont des criminels ou constituent un danger pour la sécurité;

(i) to promote international justice and security by fostering respect for human rights and by denying access to Canadian territory to persons who are criminals or security risks;

[…]

[…]

IV. Questions en litige

[18] M. Sidhu soulève les trois questions suivantes relativement à la décision de l’agent :

  1. L’agent a-t-il rendu une décision inéquitable sur le plan de la procédure en s’appuyant sur des éléments de preuve extrinsèques ?

  2. La décision de l’agent était-elle déraisonnable au motif qu’elle a été prise de façon abusive et arbitraire et sans tenir compte de la preuve ?

  3. La décision de l’agent était-elle déraisonnable au motif que l’agent a appliqué le mauvais critère juridique ?

[19] En ce qui concerne la décision du délégué, M. Sidhu soulève les quatre questions suivantes :

  1. Le délégué a-t-il rendu une décision inéquitable sur le plan de la procédure en s’appuyant sur une preuve extrinsèque ?

  2. Le délégué a-t-il entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant d’examiner i) la question de savoir si M. Sidhu pose un risque présent ou futur pour le public, ou ii) les difficultés auxquelles M. Sidhu pourrait faire face en Inde ?

  3. La décision du délégué était-elle déraisonnable au motif qu’il a appliqué le mauvais critère juridique ?

  4. La décision du délégué était-elle déraisonnable au motif qu’elle a été prise de façon abusive et arbitraire et sans tenir compte de la preuve ?

V. Norme de contrôle

[20] Les questions d’équité procédurale soulevées par M. Sidhu doivent être examinées selon la norme de la décision correcte : Canada (Citoyenneté et Immigration) c Khosa, 2009 CSC 12, [2009] 1 RCS 339 au para 43 : Association canadienne des avocats et avocates en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35 [ACADR]. Dans ce contexte, l’objectif ultime de la Cour est de savoir « si la procédure était équitable eu égard à l’ensemble des circonstances » : Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 aux para 35 et 54.

[21] Il n’est pas nécessaire de déterminer la norme de contrôle applicable aux questions relatives à l’entrave au pouvoir discrétionnaire soulevées par M. Sidhu. Cela s’explique par le fait que le résultat sera le même selon la norme de la décision correcte ou la norme de la décision raisonnable, puisqu’une décision qui découle d’un pouvoir discrétionnaire limité est en soi déraisonnable : Stemijon Investments Ltd. c Canada (Procureur général), 2011 CAF 299 au para 24 ; Danyi c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2017 CF 112 au para 19 ; ACADR au para 34 (demande d’autorisation rejetée).

[22] Les parties s’entendent pour dire que la norme de contrôle applicable aux autres questions soulevées par M. Sidhu consiste à savoir si les décisions étaient déraisonnables. Je suis du même avis : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 aux para 16 et 17 [Vavilov].

[23] Lorsqu’elle examine une décision selon la norme de la décision raisonnable, la Cour doit traiter la décision avec « une attention respectueuse » et examiner la décision « dans son ensemble » : Vavilov, aux para 84 et 85. L’objectif global de la Cour sera de savoir si la décision est justifiée, transparente et intelligible. Autrement dit, la Cour se demandera si elle est en mesure de comprendre le fondement sur lequel la décision a été rendue et si elle appartient « aux issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Vavilov, aux para 86 et 97.

[24] Une décision justifiée, transparente et intelligible en est une qui est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et qui « est justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » : Vavilov, au para 85. Elle devrait également refléter le fait que le décideur « s’[est] attaqu[é] de façon significative aux questions clés ou aux arguments principaux formulés par les parties » : Vavilov, au para 128.

[25] La Cour n’a pas pour rôle de tirer ses propres conclusions de fait, de substituer son appréciation de la preuve ou l’issue appropriée ou de soupeser à nouveau les éléments de preuve. La fonction de la Cour est uniquement d’évaluer si les conclusions et le raisonnement du tribunal sont raisonnables : Vavilov, aux para 125 et 126 ; Pascal c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 751 au para 7.

VI. Évaluation de la décision de l’agent

A. L’agent a-t-il rendu une décision inéquitable sur le plan de la procédure en s’appuyant sur des éléments de preuve extrinsèques ?

[26] M. Sidhu soutient que l’agent a procédé de manière inéquitable sur le plan de la procédure en s’appuyant sur des éléments de preuve extrinsèques qui ne lui ont pas été communiqués, ce qui l’a privé de la possibilité de connaître la nature de la preuve qu’il devait réfuter.

[27] La preuve en question consistait en des lettres de personnes de la collectivité qui s’opposaient au désir de M. Sidhu de demeurer au Canada.

[28] Sous la rubrique « Potentiel de réadaptation », l’agent a souligné que M. Sidhu et son avocat avaient fourni de multiples lettres d’appui de la part de membres de la collectivité. Il a fait remarquer que, de façon générale, ces lettres exprimaient un appui à l’égard du souhait de M. Sidhu de rester au Canada. Il a ensuite déclaré ce qui suit :

[traduction]

Cependant, l’ASFC est également en possession de nombreuses autres lettres de personnes inquiètes qui disent le contraire et qui appréhendent l’exemple que donnerait à notre société le fait de ne pas renvoyer un individu qui a causé pareille désolation. Il convient de souligner que Michael COOPER, député fédéral à la Chambre des communes, a demandé le renvoi de M. SIDHU.

[29] M. Sidhu fait remarquer que, dans les observations de son avocat à l’ASFC, il est mentionné que son bureau avait reçu des centaines de lettres et de courriels non sollicités à l’appui de M. Sidhu de la part de personnes de partout au Canada. Un échantillonnage de ces lettres a été fourni à l’ASFC. Étant donné que le dossier certifié du tribunal (le DCT) ne contient que 39 lettres, dont 20 à l’appui de M. Sidhu, ce dernier affirme que la raison pour laquelle l’agent a conclu que l’ASFC avait « de nombreuses autres lettres » s’opposant à son désir de demeurer au Canada demeure inconnue. M. Sidhu ajoute que la déclaration de l’agent citée ci-dessus indique qu’il a conclu que l’opinion publique jouait en faveur de l’expulsion, et qu’il s’agissait d’un facteur convaincant ou déterminant dans la conclusion de l’agent de recommander qu’il soit renvoyé pour enquête.

[30] Je ne suis pas d’accord. Le passage cité ci-dessus figurait dans l’une des sections de la décision de l’agent qui précédait la dernière section (section 9), intitulée « Recommandation et justification ». Cette dernière section commence au bas de la page 9 de la décision de l’agent, laquelle compte 14 pages. La structure de la décision reflète le fait que les documents résumés dans les huit premières sections présentaient des renseignements généraux, qui ont fourni le contexte de la décision et de la justification figurant à la section 9. En discutant des perspectives de réadaptation de M. Sidhu à la section 9, l’agent n’a fait aucune mention des lettres de la part de membres de la collectivité. Il a plutôt noté des facteurs favorables à M. Sidhu. La seule exception est que l’agent a traité des déclarations des victimes. L’agent a noté que certains membres des familles ont choisi de pardonner à M. Sidhu, tandis que d’autres ne l’ont pas fait. L’agent a ajouté que le thème commun de ces déclarations était la reconnaissance de la décision de M. Sidhu de plaider coupable, ce qui a épargné les membres de la famille de la douleur supplémentaire que leur aurait causée un long procès criminel.

[31] Il ressort clairement de l’analyse que l’agent a faite des perspectives de réadaptation de M. Sidhu à la section 9 de sa décision qu’il s’agit d’un facteur favorable pour M. Sidhu et que l’agent n’a pas tenu compte de l’opinion publique pour rendre sa décision. Autrement dit, on peut raisonnablement déduire de l’absence de toute discussion au sujet de l’opinion publique à l’article 9 que l’agent a exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas tenir compte de ces motifs en formulant la recommandation : McAlpin c Canada (Sécurité publique et de la Protection civile), 2018 CF 422 au para 82 [McAlpin]. Ma conclusion à cet égard est consolidée par deux autres aspects du DCT. Premièrement, l’agent a déclaré explicitement au début de la section 9 qu’il fondait ses recommandations sur les facteurs qu’il a ensuite abordés. L’opinion publique ou de la collectivité ne faisait pas partie de ces facteurs. Deuxièmement, les lettres de la part de membres de la collectivité ne figurent pas dans le courriel de l’agent, daté du 1er novembre 2021, qui énumérait les documents de tiers que l’agent examinait. Ce courriel a été envoyé en réponse à la demande précise de M. Sidhu de communiquer tout document sur lequel l’agent avait l’intention de se fonder dans ses délibérations.

[32] Mon interprétation de la structure de la décision de l’agent est également conforme aux directives internes fournies aux agents à l’article 12.4.2 d’un manuel d’application de la loi intitulé ENF 5 Rédaction des rapports en vertu du paragraphe 44(1) [l’ENF 5], disponible à l’adresse https://www.canada.ca/content/dam/ircc/migration/ircc/francais/ressources/guides/enf/enf05-fra.pdf. Plus précisément, le deuxième paragraphe de cet article se lit comme suit :

Les agents ne devraient pas fonder leur raisonnement sur des informations pertinentes qui ne peuvent être communiquées à l’intéressé en raison de lois liées à la vie privée ou à l’échange de renseignements et pour lesquelles les agents n’ont pu obtenir l’autorisation de communiquer le document même s’il est caviardé. Il existe des exceptions où l’obligation d’équité est respectée sans que soient fournis tous les documents et rapports sur lesquels le décideur s’est appuyé, notamment lorsqu’un document est protégé par un privilège lié à la sécurité nationale ou à la relation entre l’avocat et son client. Cette position est conforme à la jurisprudence de la Cour fédérale [par exemple, Moghaddam c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 1063].

[33] En résumé, pour les motifs exposés ci-dessus, je conclus que l’agent ne s’est pas fondé sur des éléments de preuve extrinsèques, qui consistent de lettres de membres de la collectivité s’opposant à la demande de M. Sidhu de demeurer au Canada, pour recommander que ce dernier soit renvoyé pour enquête. Il ressort clairement de la décision de l’agent qu’il n’a pas tenu compte de l’opinion publique pour formuler cette recommandation. Par conséquent, je rejette l’argument de M. Sidhu selon lequel la décision de l’agent était inéquitable sur le plan de la procédure au motif que l’agent s’est fondé sur de tels éléments de preuve extrinsèques au moment de formuler sa recommandation. Autrement dit, le processus suivi par l’agent à l’égard des lettres du public n’était pas inéquitable, eu égard à l’ensemble des circonstances.

[34] Quoi qu’il en soit, dans une perspective plus générale, le processus qui a mené à la décision de l’agent était plus qu’équitable dans les circonstances. Entre autres choses, M. Sidhu a reçu une lettre relative à l’équité procédurale datée du 15 septembre 2020, dans laquelle il a été invité à présenter des observations écrites. Après s’être vu accorder de multiples prorogations de délai pour présenter ses observations, il a présenté des observations détaillées, datées du 18 janvier 2021, auxquelles plus de 400 pages de documents étaient jointes. Il a ensuite présenté deux autres observations écrites, datées du 29 avril 2021 et du 8 juin 2021, avant de recevoir une deuxième lettre relative à l’équité procédurale (datée du 22 octobre 2021), dans laquelle il a été invité à présenter des observations supplémentaires. Il a subséquemment remis ses observations supplémentaires le 17 janvier 2022, auxquelles il a aussi joint 144 pages de nouveaux documents. De plus, entre octobre 2021 et janvier 2022, il s’est vu accorder trois prorogations de délai pour présenter ses observations finales.

[35] Je vais m’arrêter un instant pour ajouter au passage que les observations de M. Sidhu à l’agent montrent qu’il savait très bien que certains membres de la collectivité s’opposaient à son désir de rester au Canada. Autrement dit, M. Sidhu était au courant de la nature de la preuve qu’il devrait réfuter si l’opinion publique devenait un facteur pertinent dans la décision de l’agent. Il s’est avéré que l’agent n’a pas considéré que l’opinion publique était pertinente.

B. La décision de l’agent était-elle déraisonnable au motif qu’elle a été prise de façon abusive et arbitraire et sans tenir compte de la preuve ?

[36] M. Sidhu soutient que la décision de l’agent était déraisonnable parce qu’elle était entièrement axée sur un facteur, à savoir la gravité des infractions pour lesquelles il a été déclaré coupable.

[37] Je ne suis pas d’accord. La décision de l’agent ne portait pas uniquement sur la gravité des infractions en question. Ce facteur ne représentait qu’une seule page de la section Recommandation et justification de la décision de l’agent, qui comptait plus de quatre pages. Dans cette section (section 9), l’agent discute sur de nombreux paragraphes de chacun des facteurs suivants : i) la gravité de l’infraction ; ii) la possibilité de réadaptation ; iii) la période passée et le degré d’établissement au Canada ; iv) la famille au Canada et les bouleversements pour la famille si M. Sidhu était renvoyé du Canada ; v) le soutien de la famille et de la collectivité ; et vi) l’importance des difficultés advenant un renvoi du Canada. Selon M. Sidhu, il s’agissait précisément des six facteurs que l’agent devait examiner.

[38] M. Sidhu affirme que l’agent n’a tiré aucune conclusion concernant son fort potentiel de réadaptation et qu’il a omis de mentionner les éléments de preuve qu’il a présentés à cet égard. Toutefois, il ressort clairement de la décision de l’agent que ce fait a été reconnu et pris en compte par l’agent. Entre autres choses, l’agent a noté que M. Sidhu n’avait pas de casier judiciaire et que son dossier de conduite était vierge. L’agent a également déclaré que M. Sidhu a un réseau de soutien solide et positif pour l’aider à réintégrer la société après sa libération. L’agent a ajouté que M. Sidhu a également plusieurs amis qui le soutiendront au moment de sa libération. Au-delà de ce qui précède, l’agent a déclaré que M. Sidhu éprouve manifestement des remords pour la désolation causée par ses actes.

[39] M. Sidhu ajoute que la façon dont l’agent a traité la gravité de ses infractions a été affaiblie parce qu’il n’a pas tenu compte de certaines de ses observations à cet égard.

[40] Je ne suis pas d’accord. L’exposé de l’agent sur la gravité des infractions de M. Sidhu était plus que suffisant. Il tenait sur une page complète à simple interligne, qui comptait cinq paragraphes. Après un résumé de certaines des principales conclusions du juge qui a prononcé la peine, la décision traite explicitement des principaux points soulevés par M. Sidhu à l’égard de ce facteur, y compris le fait qu’aucune vitesse excessive, intoxication, conduite dangereuse ou de distraction sur un téléphone cellulaire n’étaient en cause dans la collision. En outre, la décision traitait expressément de l’affirmation de M. Sidhu selon laquelle, même si les conséquences de ses actes étaient élevées, la gravité de l’infraction était faible.

[41] En résumé, pour les motifs exposés ci-dessus, je rejette l’observation de M. Sidhu selon laquelle la décision de l’agent était déraisonnable pour les motifs énoncés dans les paragraphes précédents de la présente section VI.B. La décision de l’agent était justifiée, transparente et intelligible. Elle reflétait également une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle et un véritable examen des questions clés soulevées par M. Sidhu.

C. La décision de l’agent était-elle déraisonnable au motif que l’agent a appliqué le mauvais critère juridique ?

[42] M. Sidhu soutient que la décision de l’agent était déraisonnable au motif que l’agent a appliqué le mauvais critère juridique. Plus précisément, il soutient que l’agent a appliqué à tort le critère applicable à l’examen d’une demande en vertu de l’article 25 de la LIPR. À l’appui de cette observation, M. Sidhu soutient que le critère applicable à une demande en vertu de l’article 25 consiste à savoir si les motifs d’ordre humanitaire, pris ensemble, l’emportent sur l’interdiction de territoire du demandeur. Il compare ce critère à sa définition du critère que l’agent était tenu d’appliquer en vertu du paragraphe 44(1), c’est-à-dire examiner s’il doit recommander son renvoi pour enquête, eu égard à l’ensemble des circonstances de l’espèce.

[43] Je ne suis pas d’accord. L’agent n’était pas tenu de tenir compte de l’ensemble des circonstances de l’espèce. En tout état de cause, l’agent a bel et bien tenu compte des facteurs précis qui, selon ce qu’affirme M. Sidhu, auraient dû être pris en compte. Ce faisant, l’agent est allé bien au-delà de son pouvoir discrétionnaire, d’une manière qui a favorisé M. Sidhu.

[44] À l’appui de sa position, M. Sidhu s’appuie sur le contexte législatif. En particulier, il fait remarquer qu’en vertu de l’alinéa 70(1)b) de la Loi sur l’immigration, LRC, 1985, c I-2 [la Loi sur l’immigration], la version « antérieure » de l’actuel article 44, un résident permanent déclaré interdit de territoire pour criminalité avait le droit d’interjeter appel à la Section d’appel de l’immigration (la SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié. Cette disposition prévoyait un appel au motif que, « eu égard aux circonstances particulières de l’espèce, [l’appelant] ne devr[ait] pas être renvoy[é] du Canada ». M. Sidhu fait remarquer que ce critère a été interprété comme exigeant la prise en compte des facteurs énoncés dans Ribic c Canada (Minister of Employment and Immigration), [1985] IABD no 4 (QL) aux pages 4 et 5 : Chieu c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3 aux para 40 et 90. Ces facteurs (les facteurs Ribic) sont les suivants :

  1. la gravité de l’infraction ou des infractions en question ;

  2. la possibilité de réadaptation ou, de façon subsidiaire, les circonstances du manquement par l’appelant aux conditions d’admissibilité au Canada ;

  3. la période passée au Canada et le degré d’établissement de l’appelant au pays ;

  4. la famille qu’il a au Canada et les bouleversements que le renvoi de l’appelant occasionnerait pour cette famille ;

  5. le soutien dont bénéficie l’appelant au sein de sa famille et de la collectivité ;

  6. l’importance des difficultés que causerait le renvoi de l’appelant dans son pays de nationalité.

[45] M. Sidhu affirme que, lorsque le Parlement examinait le projet de loi C-11, Le projet de loi C-11 : Loi concernant l’immigration au Canada et l’asile conféré aux personnes déplacées, persécutées ou en danger, 1re session, 37e législature, 2001 (sanction royale : 1er novembre 2001), qui est devenu la LIPR, un témoignage important a été présenté au sujet des paragraphes 44(1) et 44(2) de la LIPR. Plus précisément, il souligne que Mme Joan Atkinson, sous-ministre adjointe à Citoyenneté et Immigration Canada, a témoigné au sujet de l’étendue du pouvoir discrétionnaire que les agents d’immigration et les délégués du ministre auraient en vertu de ces dispositions. À cet égard, Mme Atkinson a déclaré que ces décideurs auraient [traduction] « maintenant la latitude » de tenir compte de toutes les circonstances de l’affaire. Autrement dit, les facteurs qui avaient déjà été pris en compte par la SAI en vertu de l’alinéa 70(1)b) de la Loi sur l’immigration continueraient d’être pris en compte en vertu des paragraphes 44(1) et 44(2) de la LIPR, bien qu’à une étape antérieure du processus. Mme Atkinson a expliqué que cela était jugé nécessaire pour atteindre le bon équilibre entre la protection de la sécurité des Canadiens, d’une part, et la garantie d’une sensibilité à l’égard des circonstances particulières des personnes d’autre part, avant de rendre une décision visée aux paragraphes 44(1) et (2) : Chambre des communes, Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, Témoignages, 37-1 (26 avril 2001), à 9 h 30.

[46] M. Sidhu s’appuie également sur l’article 10.1 de l’ENF 5, qui fournit des directives internes aux agents lorsqu’ils préparent des rapports en vertu du paragraphe 44(1). L’article 10.1 de l’ENF 5 énonce que « les agents doivent s’assurer que tous les facteurs pertinents relatifs au résident permanent sont examinés dans leur recommandation écrite à l’intention du [délégué du ministre] » et que ces facteurs doivent inclure les circonstances personnelles de la personne concernée.

[47] Toutefois, le contexte législatif et les directives internes mentionnées ci-dessus et invoquées par M. Sidhu ne sont pas conformes à la jurisprudence établie concernant la portée très limitée du pouvoir discrétionnaire envisagé par les paragraphes 44(1) et 44(2) de la LIPR.

[48] À la défense de M. Sidhu, la jurisprudence la plus récente sur ce point a été rendue après que les parties ont parachevé leurs dossiers respectifs dans la présente instance : Obazughanmwen c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2023 FCA 151 [Obazughanmwen].

[49] L’affaire Obazughanmwen concernait un résident permanent qui a été renvoyé à la Section de l’immigration au motif qu’il était interdit de territoire en vertu des alinéas 36(1)a) (grande criminalité) et 37(1)a) (criminalité organisée) de la LIPR. La question certifiée était celle de savoir si un délégué du ministre agissant en vertu du paragraphe 44(2) a le pouvoir discrétionnaire de tenir compte de questions complexes comme les facteurs d’ordre humanitaire et l’intérêt supérieur de l’enfant au moment de décider s’il y a lieu de renvoyer un résident permanent à la Section de l’immigration au motif qu’il est interdit de territoire en vertu de l’article 37. Cette question se limitait à l’interdiction de territoire en vertu de l’article 37 parce que les conséquences d’une déclaration d’interdiction de territoire sont plus graves lorsqu’une telle déclaration est fondée sur l’article 37, par opposition à l’article 36. Le demandeur s’est fondé sur ces conséquences plus graves pour affirmer que le délégué du ministre était tenu de tenir compte des facteurs d’ordre humanitaire dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 44(2). Cette observation a été rejetée par la Cour d’appel fédérale (la CAF), qui s’est largement appuyée sur la jurisprudence relative à l’article 36 pour en arriver à sa conclusion.

[50] La CAF a notamment conclu que la question concernant la portée du pouvoir discrétionnaire envisagé par le paragraphe 44(2) n’aurait pas dû être certifiée parce qu’on y avait déjà répondu à de nombreuses reprises et que, par conséquent, elle avait été [traduction] « réglée » : Obazughanmwen, au para 29.

[51] En ce qui concerne la jurisprudence pertinente, la CAF a fait observer que le consensus général gravitait autour des principes portant que les dirigeants et les délégués du ministre qui exercent leurs fonctions ont [traduction] « un pouvoir discrétionnaire très limité et qu’il n’y avait pas d’obligation générale de tenir compte des facteurs d’ordre humanitaire ni d’expliquer pourquoi ils n’étaient pas considérés comme suffisants pour compenser d’autres facteurs à l’appui d’une décision de renvoyer une affaire pour enquête » : Obazughanmwen, au para 29. La CAF a ajouté que cela est particulièrement vrai dans les cas de grande criminalité et de criminalité organisée : Obazughanmwen, au para 27 ; voir aussi le para 33.

[52] La CAF a ensuite souscrit à la justification suivante qu’elle a fournie dans Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile) c Cha, 2006 CAF 126 [Cha] à l’appui de la position précédente :

[35] Je conclus que le libellé des articles 36 et 44 de la Loi et des dispositions applicables du Règlement n’accorde aucune latitude aux agents d’immigration et aux représentants du ministre lorsqu’ils tirent des conclusions quant à l’interdiction de territoire en vertu des paragraphes 44(1) et (2) de la Loi à l’égard de personnes déclarées coupables d’infractions de grande ou de simple criminalité, sauf pour ce qui est des exceptions prévues explicitement par la Loi et le Règlement. La mission des agents d’immigration et des représentants du ministre ne consiste qu’à rechercher les faits, rien de plus, rien de moins. La situation particulière de l’intéressé, l’infraction, la déclaration de culpabilité et la peine échappent à leur examen. Lorsqu’ils estiment qu’une personne est interdite de territoire pour grande ou simple criminalité, ils ont respectivement l’obligation d’établir un rapport et d’y donner suite. [Non souligné dans l’original.]

[…]

[37] Je ne peux concevoir que le législateur ait mis autant de soins pour préciser, aux articles 36 et 44 de la Loi, de manière objective, les cas où les auteurs de certaines infractions bien définies commises au Canada doivent être renvoyés du pays, pour ensuite offrir la possibilité à un agent d’immigration ou à un représentant du ministre de permettre à ces personnes de rester au Canada pour des motifs autres que ceux prévus par la Loi ou le Règlement. Il n’appartient pas à l’agent d’immigration, lorsqu’il décide d’établir ou non un rapport d’interdiction de territoire pour des motifs visés par l’alinéa 36(2)a), ou au représentant du ministre lorsqu’il y donne suite, de se pencher sur des questions visées par les articles 25 (motif d’ordre humanitaire) et 112 (examen des risques avant renvoi) de la Loi (voir Correia, aux paragraphes 20 et 21 ; Leong, au paragraphe 21 ; Kim, au paragraphe 65 ; Lasin c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1356, au paragraphe 18).

Obazughanmwen, au para 31.

[53] La CAF a ajouté que, dans l’arrêt Sharma c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2016 CAF 319 au paragraphe 23 [Sharma], il a été signalé que la justification qui précède s’applique avec la même force aux ressortissants étrangers et aux résidents permanents : Obazughanmwen, au para 32.

[54] La CAF a ensuite réitéré le passage souligné cité au paragraphe 52 ci-dessus : Obazughanmwen, au para 39. Elle l’a fait après avoir fait remarquer (au para 34) que, dans Canada (Citoyenneté et Immigration) c Bermudez, 2016 CAF 131 au paragraphe 38, elle avait fait observer que « des non-citoyens, qu’ils soient étrangers ou résidents permanents, n’ont pas le droit de voir ajoutés par interprétation des motifs d’ordre humanitaire à chaque disposition de la LIPR, dont l’application pourrait mettre en péril leur statut ».

[55] Enfin, la CAF a répété à plusieurs reprises que les agents et les délégués du ministre exercent simplement une fonction de triage administratif : Obazughanmwen, aux para 27, 30, 37 et 38. Elle a expliqué que cette fonction de triage [traduction] « vise seulement à examiner des faits facilement et objectivement vérifiables concernant l’admissibilité et non à trancher des questions de droit et de preuve complexes et controversées » (non souligné dans l’original) : Obazughanmwen, au para 37.

[56] Pour tirer les conclusions qui précèdent, la CAF a examiné en détail la jurisprudence pertinente et a effectué une analyse contextuelle qui comprenait une évaluation du régime et des objectifs de la LIPR : Obazughanmwen, aux para 32, 34, 36, 39 et 44 à 47. Cette analyse s’appliquait au paragraphe 44(1) et au paragraphe 44(2) de la LIPR : Obazughanmwen, au para 41.

[57] L’analyse de la CAF dans Obazughanmwen lie la Cour, malgré le témoignage de 2001 de Mme Atkinson dont il est question au paragraphe 45 ci-dessus. Autrement dit, nonobstant le témoignage de Mme Atkinson, la question de la portée du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 44(1) et 44(2) a été réglée : Obazughanmwen, aux para 29 et 42. Dans la mesure où les directives internes fournies aux agents et dont il est question au paragraphe 46 ci-dessus sont incompatibles avec l’analyse de la CAF, elles méritent d’être révisées.

[58] À la lumière de l’arrêt Obazughanmwen, il convient de mettre à jour les principes généraux qui ont été résumés dans McAlpin, puis suivis dans plusieurs décisions de la Cour : voir à titre d’exemple Thavakularatnam c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2021 CF 1245 aux para 74 à 78 ; Slemko c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 718 aux para 22 et 43 ; McLeish c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2020 CF 705 aux para 74 à 77, 80 et 86 ; Surgeon c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1314, au para 9 ; Singh c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 1170 aux para 23 et 28.

[59] Alors que McAlpin reconnaissait une certaine incertitude antérieure quant à savoir si les agents et les délégués du ministre pouvaient tenir compte de facteurs d’ordre humanitaire dans l’exercice de leur pouvoir discrétionnaire en vertu des paragraphes 44(1) et (2) [McAlpin, art 70(2)], cette incertitude a maintenant été éliminée.

[60] Par conséquent, il convient de réaffirmer les principes généraux applicables à la portée du pouvoir discrétionnaire prévu aux paragraphes 44(1) et (2) de la LIPR comme suit :

  1. La portée du pouvoir discrétionnaire des agents d’immigration en vertu du paragraphe 44(1) et des délégués du ministre en vertu du paragraphe 44(2) de la LIPR est très limitée, surtout dans les cas de grande criminalité et de criminalité organisée : Obazughanmwen, aux para 27 et 29.

  2. Dans ce contexte, la mission des agents d’immigration et des délégués du ministre ne consiste qu’à rechercher les faits, rien de plus, rien de moins. La situation particulière de l’intéressé, l’infraction, la déclaration de culpabilité et la peine échappent à l’examen de ces décideurs : Obazughanmwen, aux para 31 et 39 (citant Cha, au para 35). Ces circonstances personnelles exclues comprennent les considérations d’ordre humanitaire : Obazughanmwen, aux para 31 (citant Cha, au para 37) et 44 à 45 ; voir aussi Lin c Canada (Sécurité publique et Protection civile), 2019 CF 862 au para 20 [Lin], conf 2021 CAF 81.

  3. Il est entendu que l’exercice visé aux paragraphes 44(1) et (2) est une fonction de triage administratif qui vise seulement à examiner des faits facilement et objectivement vérifiables concernant l’admissibilité : Obazughanmwen, au para 37 ; voir aussi les para 27 et 30.

  4. Ces principes s’appliquent également aux étrangers et aux résidents permanents : Obazughanmwen, au para 32 ; voir aussi Lin, aux para 17 à 18. Ils s’appliquent également avec la même force aux articles 36 et 37 de la LIPR : Obazughanmwen, au para 41.

[61] Il s’ensuit de ce qui précède que l’agent n’a pas commis d’erreur en appliquant le mauvais critère juridique, comme l’a affirmé M. Sidhu. L’agent n’était pas tenu de tenir compte de « l’ensemble des circonstances de l’espèce », y compris les facteurs énoncés dans Ribic. Le rôle de l’agent se limitait à examiner des faits facilement et objectivement vérifiables concernant l’admissibilité de M. Sidhu. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable que l’agent n’ait pas accordé plus d’attention aux facteurs énoncés dans Ribic qui, selon M. Sidhu, jouaient en sa faveur.

[62] Quoi qu’il en soit, l’agent a bel et bien tenu compte des facteurs énoncés dans Ribic. Ce faisant, il a outrepassé son mandat législatif. Dans ce contexte, on peut difficilement soutenir qu’il aurait dû accorder encore plus d’attention à des considérations qui dépassaient ses compétences au départ.

D. Résumé

[63] Pour les motifs énoncés à la partie VI.A. ci-dessus, l’agent n’a pas agi de façon inéquitable sur le plan de la procédure, comme l’a allégué M. Sidhu.

[64] Pour les motifs exposés aux parties VI.B. et VI.C. ci-dessus, la décision de l’agent n’était pas déraisonnable. Cette décision appartenait tout à fait aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Vavilov, au para 86.

VII. Évaluation de la décision du délégué du ministre

A. Le délégué a-t-il rendu une décision inéquitable sur le plan de la procédure en s’appuyant sur une preuve extrinsèque ?

[65] M. Sidhu soutient que, parce que le délégué a fondé sa décision sur un rapport sous-jacent (rédigé par l’agent) qui était inéquitable sur le plan de la procédure, la décision du délégué [traduction] « manque similairement d’équité procédurale ». Compte tenu de ma conclusion, que j’ai expliquée aux paragraphes 26 à 35 ci-dessus, selon laquelle la décision de l’agent n’était pas inéquitable sur le plan de la procédure, je rejette les observations semblables de M. Sidhu au sujet de la décision du délégué.

B. Le délégué a-t-il entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant d’examiner i) la question de savoir si M. Sidhu pose un risque présent ou futur pour le public, ou ii) les difficultés auxquelles M. Sidhu pourrait faire face en Inde ?

[66] M. Sidhu affirme que le délégué a arbitrairement limité la portée de son pouvoir discrétionnaire en refusant de tenir compte de la preuve psychologique objective selon laquelle il présente un faible risque de récidive. M. Sidhu insiste sur le fait que le délégué [traduction] « s’est attardé uniquement sur les conséquences de l’accident » et n’a pas tenu compte de la sécurité ou de la protection futures du public.

[67] Je ne suis pas d’accord. Le délégué a explicitement déclaré que la [traduction] « possibilité de réadaptation [de M. Sidhu] est élevée et constitue un facteur positif ». Il a ensuite reconnu que M. Sidhu [traduction] « s’était montré accablé de très grands remords depuis l’infraction criminelle. » Il a aussi reconnu que le fait que M. Sidhu avait rapidement plaidé coupable avait « soulevé, dans de nombreuses déclarations de victimes, une grande reconnaissance de la part des victimes et de leurs familles ».

[68] M. Sidhu soutient également que le délégué a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant de tenir compte des difficultés qu’il éprouverait à son retour en Inde, y compris la preuve de son trouble de stress post-traumatique (le TSPT) et de son trouble dépressif majeur (le TDM).

[69] Je ne suis pas d’accord. À la première page de sa décision, le délégué a déclaré explicitement qu’il avait [traduction] « pleinement tenu compte des facteurs [d’ordre humanitaire] qui sont présents » et qu’il « était pleinement conscient des répercussions défavorables que cette décision pourrait avoir sur » M. Sidhu.

[70] Plus loin dans la décision, le délégué a fait remarquer que [traduction] « le nombre de membres de la famille immédiate résidant en Inde vient atténuer les difficultés que [M. Sidhu] éprouverait s’il était renvoyé du Canada ». Bien que le mot « atténuer » ait été mal choisi, à la limite insensible, il n’en demeure pas moins que le délégué n’a pas entravé son pouvoir discrétionnaire en refusant de tenir compte des difficultés auxquelles M. Sidhu ferait face à son retour en Inde. Au cours de l’examen de cette question, le délégué a expliqué que M. Sidhu [traduction] « a de très bonnes et solides relations avec sa famille [en Inde] qui sera là pour lui » et que la probabilité qu’il trouve un emploi en Inde est forte. Le délégué a ensuite traité expressément du TSPT de M. Sidhu et de son TDM, ainsi que de son observation selon laquelle il subirait des difficultés en raison [traduction] « d’un manque de psychiatres [en Inde] pour assurer ses traitements ». Le délégué a accordé « un certain poids » à cette observation.

[71] M. Sidhu conteste le fait que le délégué a déclaré (i) qu’il n’y avait pas de preuve indiquant que son TSPT et son TDM étaient permanents, et (ii) qu’étant donné la [traduction] « nature impermanente et dynamique » de sa santé mentale, il serait plus approprié qu’ils soient évalués à l’étape du renvoi, au moyen d’une demande de report temporaire du renvoi. M. Sidhu affirme qu’il ne peut pas compter sur le fait que son TSPT et son TMJ soient dûment pris en compte à l’étape du rapport, car la jurisprudence limite les facteurs pouvant être pris en compte à cette étape aux facteurs temporaires et à court terme.

[72] À mon avis, la façon dont le délégué a traité cette question ne constituait pas une entrave à l’exercice de son pouvoir discrétionnaire. En bref, il a examiné la question et y a accordé un poids favorable, puis a fait des observations incidentes de nature d’obiter dicta qui, de toute façon, étaient inutiles et dépassaient la portée de son pouvoir discrétionnaire. Je note que le délégué est revenu sur la question des difficultés que vivrait M. Sidhu s’il était renvoyé ; il a accordé une pondération globale « neutre » à cet aspect, probablement en raison des facteurs positifs que représentent la présence de forts liens familiaux en Inde et la grande probabilité qu’il s’y trouve un emploi, comme indiqué précédemment.

[73] M. Sidhu conteste également la déclaration du délégué, selon laquelle il aurait accès à un examen des risques avant renvoi si une mesure d’expulsion était prise. M. Sidhu affirme qu’une telle évaluation ne tiendrait pas compte de sa détérioration mentale et du risque de suicide.

[74] Encore une fois, il s’agissait d’une observation incidente et, en tout état de cause, elle était inutile et dépassait la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué. Je m’abstiendrai donc à en dire plus à ce sujet. Il n’en demeure pas moins que le délégué n’a pas entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en refusant de tenir compte des difficultés auxquelles M. Sidhu pourrait faire face à son retour en Inde, y compris en raison de son accès à du soutien pour son TSPT et son TDM.

[75] J’ajouterai simplement au passage que M. Sidhu pourra toujours présenter une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, conformément à l’article 25 de la LIPR.

C. La décision du délégué était-elle déraisonnable au motif qu’il a appliqué le mauvais critère juridique ?

[76] Les observations de M. Sidhu sur cette question se rapprochent beaucoup des allégations semblables qu’il a faites relativement à la décision de l’agent. Autrement dit, M. Sidhu soutient que le délégué n’a pas tenu compte de « l’ensemble des circonstances de l’espèce » lorsqu’il a examiné s’il fallait recommander son renvoi pour enquête. M. Sidhu affirme que le délégué a plutôt cherché à établir un équilibre inacceptable (et inadéquat) entre les facteurs d’ordre humanitaire et la gravité de ses infractions et leurs conséquences horribles.

[77] Pour les mêmes motifs énoncés à la partie VI.C. ci-dessus, je conclus que le délégué n’a pas commis d’erreur de la manière alléguée par M. Sidhu.

[78] En bref, le délégué n’était pas tenu d’examiner « l’ensemble des circonstances de l’espèce », y compris les facteurs Ribic. Le rôle du délégué se limitait à examiner des faits facilement et objectivement vérifiables concernant l’admissibilité de M. Sidhu. Par conséquent, il n’était pas déraisonnable que le délégué n’ait pas accordé plus d’attention aux facteurs précis énoncés dans Ribic qui, selon ce que considère M. Sidhu, jouaient en sa faveur.

[79] En tout état de cause, à l’instar de l’agent, le délégué a effectivement tenu compte des facteurs Ribic, quoique dans une bien moindre mesure que l’agent. Il n’était pas tenu d’en faire plus : voir les paragraphes 42 à 62 ci-dessus.

D. La décision du délégué était-elle déraisonnable au motif qu’elle a été prise de façon abusive et arbitraire et sans tenir compte de la preuve ?

[80] M. Sidhu reprend ses observations susmentionnées concernant le traitement par le délégué de son TSPT et de son TDM en déclarant que l’examen de ces facteurs n’était pas raisonnable. À cet égard, M. Sidhu affirme qu’en qualifiant la nature de son TSPT et de son TDM d’impermanente et dynamique, le délégué a fait fi du dossier. Cela comprend la conclusion de l’agent selon laquelle il souffrirait probablement de conséquences irréversibles sur sa santé mentale du fait qu’il était conscient de l’impact de ses actes sur les victimes et leurs proches. M. Sidhu ajoute qu’il n’y avait pas de preuve ni de fondement logique pour soutenir les conclusions du délégué selon lesquelles son TSPT et son TDM étaient « impermanents » ou « dynamiques ».

[81] Pour les motifs exposés aux paragraphes 49 à 61 ci-dessus, l’examen de l’effet que le renvoi de M. Sidhu du Canada aurait sur son TSPT et son TDM ne s’inscrivait pas dans la portée du pouvoir discrétionnaire du délégué. Il s’agit d’une réponse complète aux observations de M. Sidhu sur cette question.

[82] Quoi qu’il en soit, même en vertu de la jurisprudence qui existait avant l’arrêt de la CAF dans l’affaire Obazughanmwen, le délégué n’était pas tenu de tenir compte des facteurs d’ordre humanitaire. Toutefois, ayant décidé de le faire, il devait (i) énumérer les facteurs d’ordre humanitaire les plus importants identifiés par M. Sidhu et (ii) expliquer très brièvement pourquoi ils ont été rejetés : McAlpin, aux para 70(4) et (5). Voir aussi l’autre jurisprudence citée au paragraphe 58 ci-dessus.

[83] À mon avis, la décision du délégué satisfaisait aux exigences de la jurisprudence pré-Obazughanmwen. Succinctement, la décision traitait brièvement du TSPT et du TDM de M. Sidhu et accordait [traduction] « un certain poids » à ces affections. En contestant cette décision, M. Sidhu demande essentiellement à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve au dossier.

[84] Il est entendu que, compte tenu du dossier de preuve, il n’était pas déraisonnable pour le délégué de qualifier le TSPT et le TMD de M. Sidhu d’« impermanent » ou de « dynamique ». Cela s’explique par le fait que l’un des psychologues qui l’ont examiné a noté que son traitement l’avait aidé à ressentir un [traduction] « soulagement important » de ses symptômes : DCT, à la page 1391. L’autre psychologue qui l’a examiné a déclaré que [traduction] « le traitement offert par un professionnel de la santé mentale capable de traiter le traumatisme qu’il a subi serait très susceptible de l’aider à se réadapter et à fonctionner pleinement » : DCT, à la page 1467. Ce témoignage des psychologues de M. Sidhu a fourni un fondement raisonnable à la qualification par le délégué de son TSPT et de son TDM d’« impermanent » et « dynamique ».

[85] Je signale au passage que le pronostic du deuxième psychologue selon laquelle le renvoi de M. Sidhu du Canada entraînerait une détérioration prévisible de sa santé mentale était fondé sur son hypothèque selon laquelle l’accès de M. Sidhu à un bon traitement serait plus difficile en Inde. À son tour, cette hypothèse était fondée sur le fait qu’en Inde, la proportion de psychiatres pour 100 000 habitants est bien moindre qu’au Canada : DCT, aux pages 947 et 948. Les liens familiaux et les moyens économiques de M. Sidhu en Inde n’ont pas été pris en compte.

[86] M. Sidhu affirme en outre que le délégué a mal interprété la preuve concernant les répercussions de son renvoi sur son épouse, Mme Mann. À cet égard, M. Sidhu soutient que la conclusion du délégué selon laquelle son renvoi entraînerait seulement [traduction] « des difficultés ou des bouleversements familiaux minimes » était déraisonnable, parce que le délégué s’est concentré uniquement sur la volonté de Mme Mann de retourner en Inde, s’il devait être expulsé. Cette conclusion a été rendue en dépit du fait que Mme Mann avait déclaré que tous ses rêves quant à son avenir au Canada, et tout ce pour quoi elle avait travaillé dur, seraient détruits, les laissant, elle et M. Sidhu, anéantis et confrontés à la perspective d’une détérioration de leur santé mentale en Inde.

[87] La façon dont le délégué a traité le témoignage de Mme Mann frôlait la mauvaise foi et le manque de respect. Il aurait été mieux avisé de ne rien dire du tout, surtout compte tenu de la portée très limitée de son pouvoir discrétionnaire. Ce pouvoir discrétionnaire ne s’étendait pas à l’examen des effets de la mesure d’expulsion de M. Sidhu sur Mme Mann, qui est une tierce partie.

[88] Quoi qu’il en soit, la référence limitée du délégué au témoignage de Mme Mann n’était pas déraisonnable. Le délégué a fait mention du témoignage au moment d’expliquer sa décision selon laquelle M. Sidhu subirait des difficultés ou des bouleversements familiaux « minimes » s’il était renvoyé du Canada. Comme nous l’avons vu au paragraphe 70 ci-dessus, cette décision était également fondée sur ses conclusions selon lesquelles M. Sidhu a de très bonnes et solides relations avec sa famille en Inde qui [traduction] « serait là pour lui » et que la probabilité qu’il se trouve un emploi en Inde est forte. Dans ce contexte, bien que le mot « minime » ait été mal choisi, il ne rend pas déraisonnable la conclusion du délégué concernant les questions de difficultés et de bouleversements familiaux. Cette conclusion était justifiée, transparente et intelligible. Elle appartenait également aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Vavilov, au para 86.

[89] Enfin, M. Sidhu soutient que la décision du délégué était déraisonnable parce qu’elle contredit logiquement sa conclusion selon laquelle [traduction] « la possibilité de réadaptation de [M. Sidhu] est élevée et constitue un facteur positif ». M. Sidhu ajoute qu’il n’y avait aucune preuve laissant entendre qu’il posait un risque futur pour la sécurité publique. Il affirme en outre que la sécurité publique envisage une évaluation prospective pour déterminer si un demandeur est susceptible de récidiver. À l’appui de cette position, il affirme que l’ENF 5, dont il est question aux paragraphes 32 et 46, et les facteurs Ribic sont centrés sur une évaluation prospective.

[90] Comme il a été mentionné précédemment, les positions de M. Sidhu concernant l’ENF 5 et les facteurs Ribic sont incompatibles avec la jurisprudence, en particulier Obazughanmwen. De façon plus générale, sa position selon laquelle les considérations prospectives l’emportent sur la gravité des infractions en question est incompatible avec le régime de la LIPR, en particulier avec l’objectif énoncé au paragraphe 3(1)(i), ainsi qu’avec les dispositions de fonds aux articles 34 à 37, 40 et 41, qui contiennent de nombreuses dispositions qui rendent les personnes interdites de territoire au Canada en raison de leurs actes antérieurs.

[91] Par conséquent, il n’était pas déraisonnable pour le délégué d’accorder plus de poids à la gravité des infractions pour lesquelles M. Sidhu a été déclaré coupable qu’il n’en a accordé aux perspectives de réadaptation de M. Sidhu. En d’autres mots, malgré le fait que le délégué a accordé un poids favorable aux perspectives de réadaptation de M. Sidhu, il était raisonnablement loisible au délégué d’accorder encore plus de poids à la gravité des infractions et aux conséquences que ces infractions ont eues sur les victimes.

[92] Il n’était pas déraisonnable non plus pour le délégué d’accorder plus de poids à ces infractions et à leurs conséquences que le poids combiné qu’il a accordé aux diverses autres considérations qu’il a évaluées. Encore une fois, sa décision était justifiée, transparente et intelligible. Elle appartenait également aux « issues possibles acceptables pouvant se justifier au regard des faits et du droit » : Vavilov, au para 86.

VIII. Conclusion

[93] Les faits qui sous-tendent les demandes de M. Sidhu à la Cour ont été dévastateurs pour toutes les personnes concernées. De nombreuses vies ont été perdues, d’autres ont été déchirées et de nombreux espoirs et rêves ont été anéantis.

[94] Malheureusement, aucune décision de la Cour ne pourra changer quoi que ce soit à ces conséquences véritablement tragiques.

[95] Pour les motifs exposés à la partie VI.A., précitée, je conclus que l’agent n’a pas agi de façon inéquitable sur le plan de la procédure, comme l’a allégué M. Sidhu.

[96] Pour les motifs exposés aux parties VI.B. et VI.C., précitées, je conclus en outre que la décision de l’agent n’était pas déraisonnable.

[97] Par conséquent, la demande de M. Sidhu visant à faire annuler la décision de l’agent est rejetée.

[98] Pour les motifs énoncés à la partie VII.A.– D. ci-dessus, je rejette les diverses observations de M. Sidhu concernant la décision du délégué. Par conséquent, sa demande d’annulation de la décision du délégué sera également rejetée.

[99] Si M. Sidhu souhaite rester au Canada, il pourra toujours présenter une demande de résidence permanente au Canada fondée sur des considérations d’ordre humanitaire, conformément à l’article 25 de la LIPR.

[100] À la fin de l’audience de ces demandes, les parties ont déclaré que les questions soulevées ne donnaient pas lieu à une question sérieuse d’importance générale. Je suis d’accord. Par conséquent, aucune question genre ne sera certifiée pour appel en vertu de l'alinéa 74d) de la LIPR.

JUGEMENT dans les dossiers IMM-2452-22 et IMM-2453-22

LA COUR REND LE JUGEMENT qui suit :

  1. Les demandes de M. Sidhu visant à annuler les décisions de l’agent et du délégué sont rejetées.

  2. Il n’y a pas de question à certifier en vertu de l’alinéa 74d) de la LIPR.

 

« Paul S. Crampton »

Juge en chef


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-2452-22

IMM-2453-22

 

INTITULÉ :

JASKIRAT SINGH SIDHU c LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

LIEU DE L’AUDIENCE :

CALGARY (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 13 septembre 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE EN CHEF CRAMPTON

 

DATE DES MOTIFS :

LE 14 DÉCEMBRE 2023

 

COMPARUTIONS :

Michael A.E. Greene

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Brendan Friesen

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Sherritt Greene

Calgary (Alberta)

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

Ministère de la Justice Canada

Winnipeg (Manitoba)

Pour le défendeur

 

 

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