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Date : 20240104


Dossier : IMM-1259-23

Référence : 2024 FC 12

Montréal (Québec), le 4 janvier 2024

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

MARINA NABUGI MUNYANDAMUSA

demanderesse

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, madame Marina Nabugi Munyandamusa, est citoyenne de la République démocratique du Congo [RDC]. Elle sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 11 janvier 2023 [Décision] aux termes de laquelle la Section d’appel des réfugiés [SAR] de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié du Canada a conclu qu’elle n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni celle de personne à protéger, conformément aux articles 96 et 97(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27 [LIPR]. La SAR a refusé la demande d’asile de Mme Munyandamusa en raison de son manque de crédibilité et des nombreuses incohérences, omissions et contradictions émaillant son narratif et son témoignage lors de l’audience devant la Section de la protection des réfugiés [SPR].

[2] Mme Munyandamusa conteste la Décision de la SAR pour trois motifs. Elle soumet d’abord que la SAR aurait violé les principes de justice naturelle en évaluant de manière erronée et partiale la preuve qu’elle avait soumise eu égard à deux avis de convocation de la police congolaise. Elle prétend ensuite que la SAR aurait erré en appliquant la mauvaise norme de preuve dans son analyse sous l’article 96 de la LIPR. Elle allègue enfin que la SAR aurait omis de fournir un avis de connaissance spécialisée en vertu de la règle 24(1) des Règles de la Section d’appel des réfugiés, DORS/2012-257 [Règles] avant de rejeter des éléments de preuve sur la foi de cette connaissance.

[3] Pour les motifs qui suivent, je vais rejeter la demande de contrôle judiciaire de Mme Munyandamusa. Après avoir examiné les motifs et les conclusions de la SAR, la preuve dont elle disposait et le droit applicable, je ne vois aucune raison d’infirmer la Décision. Les motifs de la SAR possèdent les qualités qui rendent son raisonnement logique et cohérent en regard des contraintes juridiques et factuelles pertinentes. De plus, je suis d’avis que la SAR a respecté tous les principes applicables en matière d’équité procédurale. Il n’y a donc aucun motif justifiant l’intervention de la Cour.

II. Contexte

A. Les faits

[4] Mme Munyandamusa fait partie du mouvement politique la Lucha (« Lutte pour le Changement »), un organisme politique et mouvement citoyen qui lutte pour la dignité humaine et la justice sociale dans la RDC. Au mois de février 2019, la Lucha aurait organisé des manifestations contre l’ex-président Kabila afin que celui-ci soit poursuivi en justice pour ses crimes. Mme Munyandamusa était alors responsable du recrutement de nouveaux membres de la Lucha. Elle dit ne pas avoir participé aux manifestations puisqu’une de ses amies qui travaillait au ministère de l’Intérieur de la RDC l’avait averti que les autorités congolaises recherchaient les partisans de la Lucha.

[5] Par ailleurs, Mme Munyandamusa et son conjoint, lequel était membre du parti de l’ancien régime, le Parti du peuple pour la reconstruction de la démocratie, avaient des positions politiques opposées. Mme Munyandamusa affirme que sa relation avec son conjoint était presque inexistante en raison de ces divergences idéologiques.

[6] Plus tard en 2019, son amie qui travaille au ministère de l’Intérieur lui fournit des informations selon lesquelles les autorités de la RDC pensaient qu’elle mobilisait des personnes pour financer la fragmentation de la RDC.

[7] Le 29 février 2020, Mme Munyandamusa quitte la RDC pour un voyage qui était déjà prévu chez son fils au Canada. Quelques mois plus tard, soit le 7 juillet 2020, ses enfants qui vivent à Kinshasa l’informent qu’une convocation de la police a été laissée à son domicile en RDC en date du 4 juillet. Mme Munyandamusa a par la suite amendé son narratif en juin 2022 pour ajouter qu’une deuxième convocation de la police aurait également été déposée à son domicile à Kinshasa le 8 juillet 2020.

[8] En octobre 2020, Mme Munyandamusa dépose une demande d’asile au Canada. Elle dit craindre d’être emprisonnée et torturée par la police advenant un retour à la RDC en raison de sa participation au mouvement la Lucha.

B. Décision de la SPR

[9] Le 14 juillet 2022, la SPR rejette la demande d’asile de Mme Munyandamusa au motif que son récit n’est pas crédible. La SPR détermine que Mme Munyandamusa n’a pas établi une crainte de persécution réelle reliée à son opinion politique et à sa participation dans le mouvement la Lucha.

[10] Dans son analyse, la SPR n’accorde aucune valeur probante aux avis de convocation de la police congolaise car, selon elle, ces derniers comportaient des irrégularités, par exemple le fait que les étampes de la police nationale figuraient sous les informations relatives au signataire et non au-dessus, et Mme Munyandamusa avait omis de mentionner le deuxième avis dans son narratif initial.

[11] De plus, la SPR juge incohérent le fait que Mme Munyandamusa avait indiqué dans son formulaire d’immigration que son conjoint l’accompagnerait au Canada alors qu’elle a affirmé dans son fondement de demande d’asile avoir une relation presque inexistante avec lui.

C. Décision de la SAR

[12] Dans la Décision, la SAR juge que la question déterminante est celle de la crédibilité et confirme la décision de la SPR. Suite à sa propre évaluation des deux avis de convocation — lesquels constituaient la base de la crainte de persécution de Mme Munyandamusa —, la SAR y dénote plusieurs irrégularités et détermine que Mme Munyandamusa n’a pas pu établir de manière crédible qu’elle avait effectivement reçu les deux convocations de la police nationale. La SAR décide donc de ne pas accorder de poids à ces documents.

[13] Après avoir analysé le profil politique de Mme Munyandamusa et considéré son témoignage et la preuve documentaire sur la Lucha, la SAR conclut également que Mme Munyandamusa n’a pas établi une crainte raisonnable prospective de persécution en raison de son profil politique.

[14] Par ailleurs, Mme Munyandamusa a inclus dans son dossier d’appel devant la SAR trois documents qu’elle soumettait comme nouveaux éléments de preuve au soutien de son mémoire : 1) une requête en divorce datée du 1er juillet 2022; 2) une notification de la procédure en divorce datée du 16 août 2022; et 3) un affidavit de sa part. La SAR juge les trois documents irrecevables. En ce qui concerne les deux documents de divorce, la SAR les considère non pertinents pour trancher la question déterminante de la crédibilité. Quant à l’affidavit, la SAR détermine qu’il ne contient pas de nouveaux éléments de preuve puisqu’il n’ajoutait rien de neuf au dossier par rapport aux éléments de preuve soulevés à l’audience ou contenus dans le récit de Mme Munyandamusa.

D. La norme de contrôle

[15] Il est bien connu que les conclusions de la SAR sur des questions de crédibilité sont révisables selon la norme de la décision raisonnable (Lin c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 380 au para 19; Adelani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 23 aux para 13–15). D’ailleurs, le cadre d’analyse relatif au contrôle judiciaire du mérite d’une décision administrative est maintenant celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] (Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 7 [Mason]). Ce cadre d’analyse repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit désormais la norme applicable dans tous les cas.

[16] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Mason au para 64; Vavilov au para 85). La cour de révision doit donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov au para 99, citant notamment Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47, 74).

[17] Il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur administratif « doit également, au moyen de ceux-ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique » [en italique dans l’original] (Vavilov au para 86). Ainsi, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable s’intéresse tant au résultat de la décision qu’au raisonnement suivi (Vavilov au para 87). Cet exercice doit comporter une évaluation rigoureuse des décisions administratives. Toutefois, dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, la cour de révision doit adopter une méthode qui « s’intéresse avant tout aux motifs de la décision », examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse », et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion (Mason aux para 58, 60; Vavilov au para 84). La cour de révision doit adopter une attitude de retenue et n’intervenir que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (Vavilov au para 13). La norme de la décision raisonnable, je le souligne, tire toujours son origine du principe de la retenue judiciaire et de la déférence, et elle exige des cours de révision qu’elles témoignent d’un respect envers le rôle distinct que le législateur a choisi de conférer aux décideurs administratifs plutôt qu’aux cours de justice (Mason au para 57; Vavilov aux para 13, 46, 75).

[18] Il incombe à la partie qui conteste une décision de prouver qu’elle est déraisonnable. Pour annuler une décision administrative, la cour de révision doit être convaincue qu’il existe des lacunes suffisamment graves pour rendre la décision déraisonnable (Vavilov au para 100).

[19] Toutefois, en ce qui concerne les questions d’équité procédurale, la Cour d’appel fédérale a conclu à plusieurs reprises que l’équité procédurale ne requiert pas l’application des normes de contrôle judiciaire usuelles (Association canadienne des avocats en droit des réfugiés c Canada (Immigration, Réfugiés et Citoyenneté), 2020 CAF 196 au para 35; Lipskaia c Canada (Procureur général), 2019 CAF 267 au para 14; Canadian Airport Workers Union c Association internationale des machinistes et des travailleurs et travailleuses de l'aérospatiale, 2019 CAF 263 aux para 24–25; Perez c Hull, 2019 CAF 238 au para 18; Chemin de fer Canadien Pacifique Limitée c Canada (Procureur général), 2018 CAF 69 au para 54 [CCP]). L’équité procédurale est plutôt une question juridique qui doit être évaluée en fonction des circonstances afin de déterminer si la procédure suivie par le décideur a respecté ou non les normes d’équité et de justice naturelle (CCP au para 56; Huang c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 940 aux para 51–54). La cour de révision ne doit faire preuve d’aucune déférence envers les décideurs administratifs sur les questions d’équité procédurale.

III. Analyse

A. Le traitement des avis de convocation

[20] Mme Munyandamusa soumet qu’il y aurait eu un manquement à l’équité procédurale en vertu d’un manque d’impartialité de la SAR dans son analyse de la crédibilité de la preuve. Mme Munyandamusa allègue notamment que la SAR aurait incorporé des éléments inexistants afin de discréditer les avis de convocation reçus de la police congolaise. Selon elle, la SAR aurait adopté une attitude fermée et biaisée, contraire à l’équité procédurale. À cette fin, elle soulève qu’au paragraphe 50 de sa Décision, la SAR a erronément conclu qu’il y avait des dissimilitudes entre les copies des deux avis de convocation soumis devant la SPR et les originaux envoyés à la SAR. Or, selon Mme Munyandamusa, ces avis de convocation sont identiques.

[21] Je ne suis pas d’accord avec les prétentions de Mme Munyandamusa.

[22] Dans son analyse des avis de convocation, la SAR a procédé à un examen comparatif des avis datés du 4 et du 8 juillet 2020, à l’aide des copies et des originaux de ces documents. Je précise que l’examen de la SAR ne visait pas à comparer les copies aux originaux, mais plutôt à analyser les différences entre les deux avis de convocation que Mme Munyandamusa disait avoir reçus à quatre jours d’intervalle de la même personne. Aux termes de son examen, la SAR a conclu qu’elle ne pouvait leur accorder de poids en raison des problèmes de crédibilité quant aux circonstances dans lesquelles Mme Munyandamusa les aurait reçus (et à son défaut de mentionner l’existence du deuxième dans son narratif initial), et des nombreuses irrégularités identifiées dans leur contenu.

[23] Dans ses motifs, la SAR a relevé plusieurs différences et anomalies dignes de mention entre les avis du 4 et du 8 juillet. Ainsi, sur l’avis du 4 juillet 2020, la date y est inscrite à l’aide d’un tampon dateur alors que, sur l’avis du 8 juillet 2020, la date est manuscrite. De plus, bien que le titre du signataire soit dactylographié dans les deux avis, on y lit « Le Chef de Département des Opérations de la Direction des Renseignements » dans l’avis du 4 juillet mais « Ce Chef » dans celui du 8 juillet. Ensuite, comme l’avait souligné la SPR, les étampes de la police nationale qui apparaissent sur les deux avis sont apposées en dessous du titre, du nom et de la signature de l’auteur des avis, et non au-dessus de ceux-ci (comme l’est généralement un tampon officiel). Finalement, la SAR note que l’avis du 4 juillet comporte des erreurs d’orthographe et de syntaxe et que les deux avis n’emploient pas les majuscules des jours de manière identique.

[24] Il ressort de la Décision que c’est la conjonction de ces irrégularités dans les avis de convocation et des problèmes de crédibilité quant aux circonstances dans lesquelles ces avis auraient été reçus qui ont amené la SAR à douter de leur valeur probante et à ne leur accorder aucun poids dans son analyse. À la lumière de la preuve dont disposait la SAR, et des explications incomplètes fournies par Mme Munyandamusa, je ne décèle rien de déraisonnable dans cette analyse.

B. La preuve selon l’article 96 de la LIPR

[25] Mme Munyandamusa soumet d’autre part que la SAR aurait appliqué la mauvaise norme de preuve selon l’article 96 de la LIPR pour conclure qu’elle n’avait pas le profil politique pouvant la mettre en danger. La SAR a noté que Mme Munyandamusa n’a pas manifesté et n’a jamais pris parole publiquement à la défense de la Lucha, et qu’elle n’a donc pas le profil politique des membres du mouvement la Lucha qui ont été arrêtés ou persécutés par la police congolaise. Mme Munyandamusa soumet que la SAR aurait erré en ne considérant pas que l’appartenance à la Lucha ouvre en soi la porte à la persécution fondée sur l’opinion politique, même en l’absence de participation aux manifestations du groupe.

[26] Je ne partage pas cet avis.

[27] Dans la Décision, la SAR a examiné en détail les allégations reliées à la participation limitée de Mme Munyandamusa aux activités du mouvement la Lucha, et il était loisible pour la SAR de conclure que l’engagement politique mis en preuve ne permettait pas d’établir que Mme Munyandamusa aurait une crainte fondée prospective de persécution advenant son retour en RDC. En effet, Mme Munyandamusa n’a personnellement jamais eu de problème avec les autorités congolaises depuis le début de son implication dans le mouvement la Lucha en 2016 jusqu’à son départ de la RDC en mars 2020, elle n’a jamais participé à une manifestation, elle n’a rencontré aucune difficulté avec les autorités lors de son départ du pays, elle n’a reçu les deux avis de convocation de la police congolaise alors qu’elle était déjà au Canada depuis quelques mois, et aucun évènement n’aurait suivi les avis de convocation reçus en juillet 2020.

[28] Il s’agit là de conclusions de fait bien ancrées dans la preuve, et il est bien acquis que, lors d’un contrôle judiciaire comme celui-ci, la Cour doit s’abstenir d’intervenir et de substituer son appréciation à celle de la SAR.

C. L’article 24 des Règles

[29] Mme Munyandamusa prétend enfin que la SAR a rejeté les deux avis de convocation de la police congolaise sur la base de ses connaissances spécialisées et qu’avant de conclure ainsi, elle était tenue d’envoyer aux parties un avis à cet effet en vertu de l’article 24 des Règles. Elle allègue que l’omission d’un tel avis constitue une erreur de la part de la SAR qui a entraîné un manquement aux règles d’équité procédurale.

[30] Je ne suis pas convaincu par les arguments de Mme Munyandamusa.

[31] En ce qui a trait à l’article 24, Mme Munyandamusa s’appuie sur la décision Abdelrahman c Canada (Citoyenneté et Immigration) [Abdelrahman], où la Cour précise « qu’un décideur doit donner au demandeur la possibilité de répondre s’il estime qu’un document n’est pas authentique » (Abdelrahman au para 19, citant Torishta c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2011 CF 362 au para 13) et que l’omission d’envoyer un avis à cet effet constitue un manquement à l’équité procédurale demandant l’intervention de la Cour.

[32] Ce n’est pas ce qui s’est produit ici. La SAR n’a pas esquivé ou ignoré la question et, dans ses motifs, elle a plutôt expliqué de manière intelligible pourquoi ni la SPR ni elle n’avait utilisé une connaissance spécialisée quelconque pour faire le simple examen des avis de convocation de la police congolaise. Au paragraphe 47 de la Décision, la SAR précise que l’examen de l’emplacement d’un sceau sur un document ne relève pas des connaissances spécialisées d’un décideur administratif. De plus, selon la jurisprudence de la Cour, il est bien établi que les règles de l’équité procédurale n’exigent pas qu’un demandeur d’asile soit confronté à des renseignements qu’il connaissait, qu’il avait lui-même fournis et sur lesquels il s’est lui-même fondé (Akanniolu c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 311 aux para 46–47; Moïse c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 93 aux para 9–10; Konare c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 985 au para 16). En d’autres mots, la SAR n’a utilisé aucune connaissance ou preuve extrinsèque pour écarter les avis de convocation de la police congolaise dans son appréciation du risque de persécution auquel Mme Munyandamusa prétendait faire face.

[33] Je suis satisfait que les motifs de la SAR expliquent clairement pourquoi l’avis requis à l’article 24 des Règles n’était pas requis dans les circonstances, et que le défaut d’en donner un ne constituait aucunement une atteinte aux exigences d’équité procédurale. Ici, il est clair que les documents en question étaient des avis de convocation que Mme Munyandamusa disait avoir reçus et qu’elle a elle-même soumis à la SAR.

[34] Dans Torishta et dans Abdelrahman c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2021 CF 527 au paragraphe 19 (également mentionné par Mme Munyandamusa), la Cour a affirmé qu’un demandeur doit avoir la possibilité de répondre et de se faire entendre lorsque la SPR (ou la SAR) est d’avis qu’un document n’est pas authentique et qu’elle s’appuie sur des connaissances spécialisées pour le discréditer en le déclarant frauduleux. Ne pas le faire constitue un manquement à l’équité procédurale, de même qu’une violation de l’article 24 des Règles. Cependant, telle n’est aucunement la situation dans le cas de Mme Munyandamusa. Bien au contraire, la SAR établit clairement qu’elle ne se fonde pas sur ses connaissances spécialisées pour sceller le sort des deux avis de convocation. La SAR estime plutôt, contrairement à l’affirmation de Mme Munyandamusa, que la « SPR n’avait pas l’obligation de faire expertiser les avis de convocation pour juger qu’ils présentaient des anomalies et la SAR n’a pas non plus l’obligation de le faire. Selon la SAR, le simple examen de l’emplacement d’un sceau dans un document ne relève pas des connaissances spécialisées d’un décideur qui sont les connaissances acquises au fil du temps en raison de ses fonctions décisionnelles » (Décision au para 47).

[35] Il était raisonnable pour la SAR de noter l’emplacement étrange de l’étampe en dessous du texte, la date manuscrite d’un avis et la date tamponnée de l’autre, ainsi que les erreurs d’orthographe or syntaxiques au corps du texte et dans le titre officiel du signataire. Puisque toute l’analyse découlait d’éléments intrinsèques de la preuve soumise par Mme Munyandamusa au soutien de sa demande d’asile, aucune question d’équité procédurale n’entrait en jeu et l’article 24 des Règles ne trouve tout simplement pas application.

IV. Conclusion

[36] Pour l’ensemble de ces motifs, la demande de contrôle judiciaire de Mme Munyandamusa est rejetée. Somme toute, la Décision ne souffre ni de manque de logique interne, ni d’une lacune revêtant une importance capitale, et Mme Munyandamusa n’a identifié aucune erreur qui affecterait l’intelligibilité, la justification et la transparence des motifs de la SAR, au point de les rendre déraisonnables et de nécessiter une intervention judiciaire.

[37] Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.


JUGEMENT au dossier IMM-1259-23

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée, sans dépens.

  2. Il n’y a pas de question de portée générale à certifier.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-1259-23

INTITULÉ :

MARINA NABUGI MUNYANDAMUSA c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

OTTAWA (ONTARIO)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 18 OCTOBRE 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

GASCON J.

DATE DES MOTIFS

LE 4 JANVIER 2024

COMPARUTIONS :

Me Anabella Kananiye

POUR LA DEMANDERESSE

Me Maryse Piché Bénard

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Anabella Kananiye

Avocate & Notaire

Ottawa (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Procureur général Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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