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Date : 20221027


Dossier : T-607-21

Référence : 2022 CF 1476

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 27 octobre 2022

En présence de monsieur le juge Southcott

ENTRE :

APOTEX INC.

demanderesse

et

JANSSEN INC., JANSSEN ONCOLOGY INC. et BTG INTERNATIONAL LTD.

défenderesses

ORDONNANCE ET MOTIFS PUBLICS

I. Aperçu

[1] La présente décision porte sur une requête présentée par Janssen Inc, Janssen Oncology Inc et BTG International Ltd [collectivement, Janssen], les défenderesses à l’instance introduite en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-113 [le Règlement]. Dans l’action au principal, la demanderesse, Apotex Inc [Apotex], réclame à Janssen des dommages-intérêts pour la perte de ventes d’acétate d’abiratérone.

[2] Par la présente requête au titre de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], Janssen interjette appel de l’ordonnance du 14 juin 2022 [l’ordonnance] de la protonotaire Milczynski (maintenant juge adjointe), qui assure la gestion de la présente instance [la juge responsable de la gestion de l’instance]. Dans l’ordonnance, la juge responsable de la gestion de l’instance a refusé, pour des motifs de pertinence, de contraindre Apotex à répondre à certaines questions posées lors de l’interrogatoire préalable concernant les activités d’Apotex aux États-Unis relatives aux produits d’acétate d’abiratérone.

[3] Certains des éléments de preuve produits en lien avec la présente requête font l’objet d’une ordonnance de confidentialité visant à protéger les renseignements confidentiels des parties qui sont sensibles sur le plan commercial. Un projet de décision confidentielle a donc été envoyé aux parties le 7 octobre 2022 afin qu’elles puissent proposer des passages à caviarder dans la version publique de la décision. Les parties ont conjointement proposé des passages à caviarder. Comme le caviardage de ces passages ne nuit pas à l’intelligibilité de la décision, j’estime qu’il permet d’établir un juste équilibre entre la protection des renseignements confidentiels et l’intérêt public à l’égard de procédures judiciaires ouvertes et accessibles. Par conséquent, deux versions de la présente décision, l’une publique et l’autre confidentielle, seront rendues simultanément.

[4] Comme je l’explique plus en détail ci-dessous, la requête de Janssen est accueillie, car j’estime que la juge responsable de la gestion de l’instance a commis une erreur en concluant que certaines des questions posées à l’interrogatoire préalable ne se rapportent pas aux questions soulevées dans la présente action, telles qu’elles ont été définies dans les actes de procédure des parties.

II. Contexte

[5] Janssen commercialise au Canada l’acétate d’abiratérone, un médicament contre le cancer de la prostate, sous le nom de ZYTIGA, à l’égard duquel elle a inscrit le brevet canadien no 2,661,422 [le brevet 422] au Registre des brevets.

[6] Apotex a voulu commercialiser un produit générique à base d’acétate d’abiratérone et a contesté la validité du brevet 422. Janssen a donc intenté une action contre Apotex au titre de l’article 6 du Règlement à l’égard du produit à base d’acétate d’abiratérone de cette dernière. Le 6 janvier 2021, le juge Phelan a rejeté la revendication de Janssen et déclaré invalide le brevet 422 (voir Janssen Inc c Apotex Inc, 2021 CF 7).

[7] La décision du juge Phelan de rejeter l’action intentée en vertu de l’article 6 a cristallisé une cause d’action pour Apotex au titre de l’article 8 du Règlement. Le 12 avril 2021, Apotex a intenté l’action au principal visant la réclamation, auprès de Janssen, de dommages-intérêts pour la perte de ventes de son produit à base d’acétate d’abiratérone. L’instruction de l’action devrait commencer le 19 juin 2023.

[8] Dans sa déclaration, Apotex allègue que, n’eût été la conduite de Janssen, elle aurait reçu son avis de conformité [l’AOC] de Santé Canada et commencé à vendre son produit à base d’acétate d’abiratérone au Canada le 8 août 2019. Ainsi, Apotex allègue que le début de ses ventes a été retardé du 8 août 2019 au 11 janvier 2021, date à laquelle elle a finalement et réellement reçu l’AOC.

[9] Dans sa défense, Janssen affirme qu’Apotex n’avait pas la capacité de fabriquer et de fournir des quantités suffisantes de son produit à base d’acétate d’abiratérone pour répondre à la demande pour ce médicament sur le marché canadien des médicaments génériques, ce qu’Apotex nie dans sa réplique.

[10] Peu de temps avant de procéder à l’interrogatoire préalable du représentant d’Apotex, Janssen a produit un document (que les parties appellent le [traduction] « document de données des États-Unis ») qui contiendrait des données sur les ventes de produits à base d’acétate d’abiratérone aux États-Unis. Comme je l’explique plus loin dans les présents motifs, Janssen allègue que, selon ces données, Apotex a commencé à avoir des problèmes d’approvisionnement à partir de mars 2019, plus ou moins, ce qui l’a empêchée de fabriquer son produit à base d’acétate d’abiratérone en quantité suffisante pour répondre à la demande sur le marché américain.

[11] Pendant l’interrogatoire préalable du représentant d’Apotex, l’avocat de Janssen a posé des questions qui, selon Janssen, se rapportent à l’établissement de la capacité d’Apotex à approvisionner, hypothétiquement, le marché canadien à compter d’août 2019. Apotex ayant refusé de répondre à plusieurs de ces questions en lien avec sa production pour le marché américain et ses ventes sur ce marché, Janssen a présenté une requête pour que la Cour ordonne à Apotex de répondre à ces questions et à d’autres. Les points 86, 87, 88, 94, 95, 98 et 241 de la requête du 20 mai 2022 que Janssen a présentée afin que la Cour ordonne à Apotex de répondre à ces questions [les questions en cause], lesquels sont pertinents à la présente requête, sont reproduits ci-dessous :

[TRADUCTION]

Point

Page no

Question no

Question

86

217

617

Est-il arrivé qu’Apotex ne soit pas en mesure d’honorer la commande de clients aux États-Unis?

87

217-218

618

Pourquoi la part de marché d’Apotex sur le marché de l’abiratérone a-t-elle diminué de mars 2019 (32 %) à juin 2019 (2,7 %) (voir communication no 103 de Janssen, ligne 15)?

88

218

619

La part de marché d’Apotex a-t-elle diminué de mars 2019 (32 %) à juin 2019 (2,7 %) en raison de l’incapacité d’Apotex à approvisionner ses clients en apo‑abiratérone (voir communication no 103 de Janssen, ligne 15)?

94

222-223

632-633

Les comprimés d’apo-abiratérone vendus aux États-Unis sont-ils les mêmes que ceux vendus au Canada?

95

225

637

Les installations d’Etobicoke et de Signet sont‑elles les usines où est fabriquée l’apo‑abiratérone vendue aux États-Unis (voir communication no 15 d’Apotex)?

98

226-227

643

L’apo‑abiratérone vendue aux États-Unis a‑t‑elle été en cours de réapprovisionnement, ce qui expliquerait l’importante diminution des ventes enregistrées par Apotex aux États-Unis?

241

387-388

1053

L’ingrédient pharmaceutique actif de l’abiratérone pour le marché canadien est-il différent de celui pour le marché américain?

[12] Dans l’ordonnance attaquée, la juge responsable de la gestion de l’instance a ordonné à Apotex de répondre à plusieurs questions, mais a rejeté la requête de Janssen en ce qui concerne les questions en cause. Dans son ordonnance, la juge responsable de la gestion de l’instance n’expose aucun motif sur cette partie de sa décision, mais, dans leurs observations écrites, les deux parties caractérisent la décision comme étant fondée sur la pertinence des questions. Au vu des arguments des parties ainsi que des commentaires de la juge responsable de la gestion de l’instance formulés à l’audience sur la requête, les parties semblent s’entendre pour dire que la juge responsable de la gestion de l’instance a rejeté cette partie de la requête au motif que les questions en cause n’étaient pas pertinentes.

III. Questions en litige

[13] Par la présente requête, Janssen sollicite une ordonnance visant l’annulation de la partie de l’ordonnance qui porte sur les questions en cause, et exigeant qu’Apotex réponde à ces questions et à d’autres questions connexes qui pourraient suivre. Janssen articule de la manière suivante les questions que notre Cour doit examiner dans le cadre de la présente requête :

  1. La juge responsable de la gestion de l’instance a-t-elle commis une erreur en concluant que les questions en cause n’étaient pas pertinentes?

  2. Quoi qu’il en soit, les questions en cause sont-elles pertinentes et proportionnelles, et Apotex devrait-elle être contrainte à y répondre?

[14] Je conviens que ces questions représentent un cadre approprié pour l’examen des arguments des parties, mais il est d’abord nécessaire de trancher le désaccord quant à la norme de contrôle applicable.

IV. Norme de contrôle applicable

[15] La norme de contrôle applicable aux décisions des protonotaires (maintenant juges adjoints) est celle que la Cour suprême du Canada a expliquée dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen] (Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Institute of Rheumatology, 2016 CAF 215 au para 79). Ainsi, les pures questions de droit sont susceptibles de contrôle selon la norme de la décision correcte. S’agissant des questions de fait ou des questions mixtes de droit et de fait, la cour de révision ne peut intervenir que si elle constate une erreur manifeste et dominante dans la décision attaquée. Conformément à ces principes, si la décision concerne une question de droit isolable, la norme de la décision correcte s’applique à l’égard de cette question.

[16] Janssen affirme que la première question énoncée ci-dessus, c’est-à-dire celle qui porte sur le caractère pertinent des questions en cause pour ce qui est des questions en litige, est une question de droit à laquelle s’applique la norme de la décision correcte. Elle soutient que la norme de l’erreur manifeste et dominante s’applique à la deuxième question, laquelle suppose notamment une analyse de la proportionnalité.

[17] Selon Apotex, la norme applicable aux deux questions est celle de l’erreur manifeste et dominante. Elle affirme que les conclusions sur le caractère pertinent d’une question posée lors de l’interrogatoire préalable reposent sur une analyse des faits effectuée à la lumière d’une appréciation des principes juridiques applicables. Apotex fait valoir que la norme de l’erreur manifeste et dominante s’applique puisque des questions mixtes de droit et de fait sont visées.

[18] Lors de l’examen des arguments des parties sur la norme de contrôle, il est utile de d’abord résumer les grands principes qui s’appliquent aux requêtes visant la prise d’une ordonnance pour que l’une des parties soit contrainte à répondre aux questions posées à l’interrogatoire préalable.

[19] Conformément à l’alinéa 240a) des Règles, la personne soumise à un interrogatoire préalable doit répondre à toute question qui se rapporte à un fait allégué et non admis dans l’acte de procédure. Pour trancher sur la pertinence de la question, la Cour déterminera si la question est susceptible de favoriser la cause de la partie qui la pose ou de nuire à celle de la partie qui doit y répondre, ou si la question pourrait vraisemblablement mener à une série de questions desquelles l’un ou l’autre de ces résultats pourrait découler. Ce critère sera rempli ou non en fonction des allégations que la partie qui pose la question tente d’établir ou de réfuter (Apotex Inc c Bristol-Myers Squibb Company, 2007 CAF 379 aux para 30-31; Canada c Lehigh Cement Limited, 2011 CAF 120 [Lehigh] au para 34).

[20] Même si elle conclut que la question est pertinente, la Cour conserve le pouvoir discrétionnaire de ne pas ordonner à la partie concernée d’y répondre si l’une des parties abuse du processus de l’interrogatoire préalable, si la réponse exigerait trop d’efforts et de dépenses pour la partie à laquelle elle est posée, s’il y a d’autres moyens d’obtenir les renseignements demandés ou si la question s’inscrit dans une recherche à l’aveuglette de portée vague et étendue (Lehigh, au para 35). En d’autres termes, la réponse à la question posée à l’interrogatoire préalable doit être non seulement pertinente, mais également proportionnelle. La proportionnalité tient notamment compte du fait que la preuve comporte divers degrés d’importance et de lien avec l’affaire, du travail nécessaire pour obtenir les renseignements, de la portée de la requête et de la disponibilité des renseignements auprès d’autres sources (Corporation de soins de la santé Hospira c Kennedy Trust for Rheumatology Research, 2020 CAF 177 aux para 8-9).

[21] Dans ce contexte, Janssen soutient que, si l’analyse de la proportionnalité repose sur des considérations de faits et appelle donc un contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante, l’analyse de la pertinence est quant à elle une pure question de droit. Janssen renvoie à la décision Reading & Bates Construction Co c Baker Energy Resources Corp, [1988] ACF no 1025 (QL) (CF 1re inst), au para 10, qui énonce que le critère s’appliquant à la détermination des documents à produire est celui de la pertinence, qui est une question de droit, et non une question pouvant donner lieu à l’exercice du pouvoir discrétionnaire.

[22] Je reconnais que l’analyse de la pertinence ne relève pas du pouvoir discrétionnaire et que le critère de la pertinence est en soi une question de droit. Toutefois, je ne souscris pas à l’argument de Janssen selon lequel il en découle que l’analyse de la pertinence est une pure question de droit, susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte. Comme la Cour d’appel fédérale l’a expliqué au paragraphe 3 de l’arrêt 684761 BC Ltd c Canada, 2015 CAF 123, la pertinence d’une question donnée est habituellement une question mixte de fait et de droit. À moins que l’existence d’une erreur de droit isolable ne soit établie (comme l’utilisation du mauvais critère en ce qui a trait à la pertinence), la cour de révision interviendra seulement lorsque l’existence d’une erreur manifeste et dominante est établie.

[23] Bien que Janssen avance qu’il y a en l’espèce une erreur sur une question isolable de droit, je ne vois rien dans le dossier dont est saisie la Cour qui étaye une telle conclusion. Ni l’ordonnance ni aucun autre élément du dossier ne permet de penser que la juge responsable de la gestion de l’instance a mal compris le critère de la pertinence ou a appliqué le mauvais critère. Les moyens soulevés par Janssen portent plutôt sur la pertinence des questions en cause quant aux questions soulevées dans les actes de procédure en l’espèce. Cette analyse repose sur des considérations de faits allégués par les parties; il s’agit donc d’une question mixte de fait et de droit susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et dominante.

[24] Comme le soutient Apotex, cette norme requiert l’existence d’une erreur évidente et apparente (c.-à-d. manifeste), laquelle doit également toucher directement à l’issue de l’affaire (c.‑à‑d. dominante) (Canada c South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165 au para 46; Hutton c Sayat, 2020 CF 1183 [Hutton] au para 27). Apotex ajoute que notre Cour a reconnu que, s’agissant d’un appel au titre de l’article 51 des Règles, il convenait de faire preuve de retenue à l’égard des décisions des protonotaires (maintenant juges adjoints) responsables de la gestion de l’instance, car ceux-ci connaissaient très bien les questions et les faits particuliers de l’affaire (Hutton, au para 28).

V. Analyse

[25] Compte tenu de ces principes dictant la norme de contrôle à appliquer, j’en viens à l’analyse des questions de fond soulevées par la présente requête.

A. La juge responsable de la gestion de l’instance a-t-elle commis une erreur en concluant que les questions en cause n’étaient pas pertinentes?

(1) Position de Janssen

[26] Janssen soutient que l’une des questions au cœur du présent litige concerne la capacité d’Apotex, en date du 8 août 2019, à approvisionner le marché en produits à base d’acétate d’abiratérone. Janssen s’appuie sur l’allégation énoncée dans sa défense et selon laquelle Apotex n’avait pas la capacité de fabriquer ou d’obtenir de l’acétate d’abiratérone en quantité suffisante pour répondre à la demande pour ce médicament sur le marché canadien des médicaments génériques.

[27] Janssen invoque également des décisions qui expliquent qu’aux fins de l’appréciation d’une réalité hypothétique dans une action fondée sur l’article 8 du Règlement, la demanderesse doit démontrer qu’elle « aurait pu » être en position d’effectuer les ventes dont la perte constitue les dommages allégués et qu’elle « aurait » effectué les ventes en question (Pfizer Canada Inc c Teva Canada Limited, 2016 CAF 161 [Venlafaxine] aux para 47-52). Janssen souligne que l’arrêt Venlafaxine a établi que la preuve concernant la capacité d’une usine est pertinente à l’analyse de ce que le demandeur « aurait pu » accomplir et « aurait » accompli (au para 52). Elle soutient que la présente requête porte plus particulièrement sur ce qui « aurait pu » être accompli. Janssen a fait valoir l’argument selon lequel Apotex n’avait pas la capacité de production nécessaire pour pouvoir effectuer les ventes qu’elle allègue avoir perdues, et Janssen soutient que les questions en cause se rapportent aux questions que soulève cet argument.

[28] Les questions en cause concernent la capacité d’Apotex à approvisionner le marché américain en acétate d’abiratérone, notamment sa capacité de production pour qu’un tel approvisionnement soit possible. Janssen soutient que ces questions se rapportent à l’évaluation de la capacité d’Apotex à approvisionner le marché canadien, puisque la preuve disponible ||||||||||||||||||||. Janssen fait en outre valoir qu’en posant les questions en cause lors de l’interrogatoire préalable, elle cherchait à confirmer la théorie qu’Apotex éprouvait des difficultés d’approvisionnement aux alentours de mars 2019 et qu’elle n’aurait pas été en mesure de produire à Signet de l’acétate d’abiratérone en quantité suffisante pour répondre à la demande sur le marché américain. Janssen allègue que, si les réponses aux questions en cause corroborent cette théorie, elles pourraient également appuyer sa défense fondée sur l’incapacité d’Apotex à approvisionner le marché canadien.

[29] Comme je le mentionne plus haut, les questions en cause, que Janssen a posées lors de l’interrogatoire préalable, étaient liées au document de données des États-Unis, lequel contiendrait des données sur les ventes de produits à base d’acétate d’abiratérone aux États-Unis. Janssen allègue que ces données démontrent ce qui suit :

  1. Apotex a commencé à vendre ses produits à base d’acétate d’abiratérone aux États-Unis en novembre 2018;

  2. en mars 2019, la part de marché d’Apotex avait atteint environ 32,2 % du marché de l’abiratérone 250 mg;

  3. la part de marché d’Apotex sur le marché américain a diminué considérablement dans les mois qui ont précédé le 8 août 2019, de telle sorte qu’en juin 2019, la part de marché d’Apotex n’était que de 2,7 %;

  4. la part de marché d’Apotex s’est accrue dans les mois qui ont suivi, sans jamais atteindre le même niveau qu’auparavant.

[30] Selon Janssen, Apotex est le seul acteur sur ce marché à avoir perdu des parts de marché, ce qui explique la théorie de Janssen qu’Apotex a éprouvé des difficultés d’approvisionnement au début et aux alentours du mois de mars 2019. Janssen s’appuie également sur ce qu’elle décrit comme des documents publics en matière d’étiquetage aux États-Unis, qui confirmeraient qu’Apotex fabrique ses produits à base d’acétate d’abiratérone pour le marché américain à l’usine de Signet. Je comprends que ||||||||||||||||||||.

(2) Position d’Apotex

[31] Dans son opposition à la requête de Janssen devant la juge responsable de la gestion de l’instance ainsi qu’au présent appel au titre de l’article 51 des Règles, Apotex s’appuie largement sur les éléments de preuve qu’elle a produits en lien avec le présent litige, c’est-à-dire la communication préalable de la preuve, le témoignage de son représentant lors de l’interrogatoire préalable mené par l’avocat de Janssen ainsi que les réponses subséquentes aux engagements pris lors de l’interrogatoire préalable.

[32] La preuve documentaire comprend un graphique présentant la capacité de production annuelle de l’usine d’Apotex à Signet et d’une autre usine à Etobicoke, de 2017 à 2021. Selon Apotex, ce graphique englobe à la fois la capacité maximale théorique et la production réelle des deux usines. Apotex fait valoir que cet élément de preuve démontre que la capacité excédentaire de son usine de Signet était amplement suffisante pour répondre à la demande en acétate d’abiratérone dans l’ensemble du marché canadien. Apotex a également produit une feuille de calcul présentant ses factures réelles qui corroborerait sa position selon laquelle elle a commencé à vendre le produit immédiatement après avoir reçu son AOC, et a effectué des ventes d’acétate d’abiratérone de manière continue jusqu’à la date de production de la feuille de calcul, en juillet 2021.

[33] Le témoignage recueilli lors de l’interrogatoire préalable sur lequel Apotex s’appuie confirme notamment que ||||||||||||||||||||. Apotex a également confirmé que, dans les faits, elle fabriquait son produit canadien à base d’acétate d’abiratérone à son usine de ||||||||||||||||||||, mais qu’elle aurait également pu le faire à son usine de ||||||||||||||||||||, au besoin. Elle a aussi confirmé qu’elle n’avait connu ni retards ni difficultés dans l’obtention des excipients ou des ingrédients pharmaceutiques non actifs pour son produit, et elle a fourni des factures de fournisseurs ainsi qu’un inventaire relatif à l’approvisionnement des produits pour la fabrication de ses comprimés d’abiratérone. Apotex soutient que cet élément de preuve démontre qu’elle avait à sa disposition |||||||||||||||||||| ingrédients pharmaceutiques actifs au cours de la période visée.

[34] Enfin, Apotex fait observer qu’elle avait accepté, dans le cadre de la requête de Janssen, de fournir des renseignements supplémentaires sur sa capacité de production au Canada. Selon Apotex, ces renseignements attestent encore davantage de sa capacité à approvisionner le marché canadien au cours de la période visée.

[35] Au vu de ces éléments de preuve, Apotex fait valoir que Janssen dispose déjà des renseignements dont elle a besoin au sujet de la capacité de production d’Apotex pour le marché canadien de l’acétate d’abiratérone. Elle soutient que la juge responsable de la gestion de l’instance l’a bien compris et que cette dernière a conclu, sur ce fondement, que les renseignements que Janssen cherchait à obtenir grâce aux questions en cause n’étaient pas pertinents.

(3) Les arguments concernant la preuve

[36] À ce stade de l’analyse, une récapitulation des arguments de chacune des parties concernant les lacunes de la preuve produite par l’autre est nécessaire.

[37] Apotex est d’avis que Janssen ne peut invoquer en preuve le document de données des États-Unis à l’appui de sa requête fondée sur l’article 51 des Règles, car elle n’a pas prouvé l’authenticité du document ou de son contenu. Le document fait partie du dossier de la présente requête et a été produit en pièce jointe de l’affidavit d’un auxiliaire juridique du cabinet d’avocats représentant Janssen, qui ne fait qu’affirmer solennellement qu’il joint [traduction] « des données IMS sur les ventes aux États-Unis, composant la communication no 103 de Janssen ». Bien que l’argument d’Apotex quant à la preuve se concentre sur le document de données des États-Unis, je comprends que sa position est la même en ce qui concerne le document relatif à l’étiquetage aux États-Unis sur lequel se fonde Janssen pour établir qu’Apotex fabrique l’acétate d’abiratérone pour le marché américain à son usine de Signet.

[38] En réponse à cette position, Janssen énonce les éléments lacunaires de la preuve produite par Apotex en lien avec la présente requête. Janssen renvoie la Cour à la décision South Yukon Forest Corp c Canada, 2004 CF 1645 [South Yukon]. Dans cette affaire, qui portait sur une requête en autorisation de modifier une déclaration, la Cour a retenu l’objection de la défenderesse à la tentative de la demanderesse de s’appuyer sur des passages tirés de l’interrogatoire préalable de son propre représentant. La Cour a expliqué que les Règles permettent d’invoquer le témoignage d’une personne en interrogatoire préalable pour le compte de la partie adverse, mais ne prévoient pas l’utilisation de ce témoignage par la partie que la personne interrogée représente (aux para 11-13).

[39] Janssen fait valoir que, si Apotex n’est pas en mesure de s’en remettre à son propre interrogatoire préalable, le seul autre élément de preuve à l’appui de sa position est le document joint à l’affidavit souscrit par l’auxiliaire juridique du bureau de l’avocat représentant Apotex. Selon Janssen, cette façon de faire ne diffère en rien de la manière dont Janssen a introduit en preuve le document de données des États-Unis.

[40] Apotex répond que le problème relevé dans l’affaire South Yukon ne se présente pas dans les circonstances dans lesquelles elle s’appuie sur le témoignage de son représentant en interrogatoire préalable. Elle fait valoir que Janssen s’est appuyée sur des parties de l’interrogatoire préalable du représentant d’Apotex, notamment pour étayer sa position selon laquelle la quasi-totalité questions de Janssen relatives à sa théorie de la rupture d’approvisionnement aux États-Unis a donné lieu à un refus de répondre, et qu’Apotex est donc en droit de compléter le dossier en fournissant des éléments de preuve sur les questions pour lesquelles une réponse a été fournie.

(4) Analyse

[41] Ma décision d’accueillir le présent appel au titre de l’article 51 des Règles repose en grande partie sur le principe selon lequel, s’agissant de l’interrogatoire préalable, la pertinence est définie en fonction des actes de procédure. Ce principe est expressément énoncé à l’alinéa 240a) des Règles et a été reconnu dans la jurisprudence applicable (p. ex., Apotex Inc c Pfizer Canada Inc, 2006 CF 262 au para 9; Kimberly-Clark Corp c Proctor & Gamble Inc, [1990] ACF no 837 (QL) (CF 1re inst) au para 14). De la manière dont j’entends ce principe, la Cour a pour tâche d’évaluer la pertinence en fonction des faits avancés par les parties, et non en fonction de la preuve produite dans le cadre du litige.

[42] Cela dit, la preuve pourrait avoir un rôle à jouer dans l’évaluation de la pertinence. Comme je le note plus haut, la Cour peut refuser d’ordonner à une partie de répondre aux questions qui, selon elle, s’inscrivent dans une recherche à l’aveuglette. Bien que ce principe soit souvent décrit comme se rapportant au pouvoir discrétionnaire résiduel de la Cour (p. ex., Lehigh, au para 35), il a également été considéré comme un élément de l’appréciation de la pertinence (Grand River Enterprises Six Nations Ltd c Canada, 2011 CAF 121).

[43] Toutefois, je souscris à l’argument que l’avocat de Janssen a fait valoir à l’audience sur la présente requête, à savoir qu’il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle évalue la pertinence en lien avec une requête visant l’obtention d’une ordonnance enjoignant à une partie de répondre, de se livrer à une appréciation substantielle des éléments de preuve que les parties ont présentés sur les questions en litige. À mon avis, une bonne compréhension de ce rôle guide tant l’analyse qu’il convient de faire des objections des parties quant à la preuve que le sort du présent appel au titre de l’article 51 des Règles en général.

[44] Tout d’abord, au sujet de la preuve produite par Janssen, je ne souscris pas à l’argument d’Apotex selon lequel Janssen ne peut pas invoquer les documents qu’elle a inclus dans son dossier sans en établir l’authenticité ou en prouver le contenu. Janssen estime qu’elle aurait le droit de poser les questions en cause, même sans tenir compte des éléments de preuve à l’origine de ces questions, puisque les questions en cause se rapportent aux faits qu’elle allègue. Toutefois, elle invoque ces éléments de preuve pour expliquer à la Cour le contexte de cette série de questions et pour dissiper toute crainte qu’elle se livre à une recherche à l’aveuglette. Ces arguments me semblent fondés. La pertinence étant principalement définie au regard des actes de procédure, dans la mesure où les éléments de preuve offerts présentent un fondement et expliquent pourquoi les questions ne relèvent pas d’une recherche à l’aveuglette, je ne juge pas que la véracité de ces éléments de preuve doive être établie comme elle devrait l’être si ces éléments étaient produits aux fins de l’établissement des faits au procès.

[45] À mon sens, cette conclusion découle du fait que l’interrogatoire préalable vise à permettre aux parties d’obtenir des éléments de preuve qu’elles n’ont pas encore en leur possession. Cet objectif est lié à la règle générale voulant que la portée de l’interrogatoire préalable soit définie principalement en fonction des faits avancés, et non en fonction des éléments de preuve déjà obtenus. L’imposition d’une norme de preuve trop élevée à la partie qui tente d’expliquer pourquoi elle considère que certaines questions sont susceptibles de concourir à une recherche fructueuse limiterait indûment la portée de l’interrogatoire préalable. Par exemple, une partie pourrait découvrir l’existence d’un document ou d’un renseignement relatif aux activités de l’autre partie sans avoir les moyens d’en vérifier ou d’en établir l’origine. Selon les circonstances propres à l’espèce, il ne serait pas nécessairement inapproprié pour la partie qui a découvert l’existence du document ou du renseignement de tenter de poser des questions sur ces éléments lors de l’interrogatoire préalable, en s’appuyant uniquement sur l’existence du document ou du renseignement.

[46] J’estime que cette conclusion est d’autant plus à propos lorsque la partie adverse n’allègue pas expressément que le renseignement en question est inexact ou qu’elle ne produit pas de preuve à l’appui d’une telle position. En l’espèce, l’argument d’Apotex relatif à la preuve met principalement l’accent sur le document de données des États-Unis. Bien qu’Apotex n’ait pas expressément admis que les données qui y figurent sont exactes, elle ne semble pas soutenir qu’elles sont inexactes. En fait, dans ses observations écrites sur la présente requête, Apotex explique que, lorsqu’elle s’est opposée, devant la juge responsable de la gestion de l’instance, à la requête visant à la contraindre à répondre aux questions en cause, elle a fait valoir une autre explication concernant la diminution des ventes au vu des données : pendant la période visée, Janssen offrait des remises très alléchantes sur son propre médicament générique.

[47] De même, à propos du document sur l’étiquetage aux États-Unis, qui, selon Janssen, confirme qu’Apotex fabrique ses produits à base d’abiratérone pour le marché américain à son usine de Signet, ma compréhension n’est pas qu’Apotex conteste cette allégation.

[48] En ce qui concerne les objections de Janssen quant au recours, par Apotex, au témoignage recueilli lors de l’interrogatoire préalable, ma conclusion est que la preuve a été dûment présentée à la Cour. J’accepte l’argument d’Apotex selon lequel, puisque Janssen a invoqué, à l’appui de la présente requête, le témoignage du représentant d’Apotex recueilli lors de l’interrogatoire préalable, il est loisible à Apotex de compléter le dossier dont la Cour est saisie en faisant référence à d’autres parties du même interrogatoire qui répondent aux éléments de preuve et aux arguments invoqués par Janssen.

[49] Toutefois, je ne suis pas d’avis que les arguments d’Apotex fondés sur ces éléments de preuve constituent une réponse particulièrement convaincante à la requête de Janssen. Comme je l’indique plus haut, les arguments d’Apotex reviennent à affirmer qu’elle a déjà fourni à Janssen les éléments de preuve dont cette dernière a besoin pour comprendre la capacité de production pertinente à la question soulevée dans l’acte de procédure de Janssen. Bien entendu, il se peut que les éléments de preuve déjà fournis par Apotex donnent une image complète de sa capacité de production. Il se peut que l’explication potentielle avancée par Apotex, à savoir que la baisse de ses ventes en 2019 est imputable aux activités de Janssen sur le marché, soit également correcte. Cependant, à mon avis, Janssen n’est pas tenue, à l’étape des interrogatoires préalables, d’accepter cette preuve et cette explication sans s’y pencher davantage. Pour en revenir à la pertinence, l’argument de Janssen selon lequel les questions en cause pourraient mener à une série de questions susceptibles de l’aider à donner suite à la réclamation d’Apotex me paraît logique.

[50] Je sais pertinemment que je ne me prononce pas en première instance sur la requête visant l’obtention d’une ordonnance enjoignant à une partie de répondre, et qu’il m’appartient plutôt de trancher l’appel de l’ordonnance de la juge responsable de la gestion de l’instance, à laquelle s’applique la norme de l’erreur manifeste et dominante. Dans l’ordonnance, la juge responsable de la gestion de l’instance n’énonce pas les motifs pour lesquels elle a jugé que les questions en cause ne sont pas pertinentes, et, à mon avis, le dossier de la présente requête fondée sur l’article 51 des Règles n’est d’aucune utilité à cet égard. Je tiens à souligner qu’en faisant cette observation, je ne critique aucunement le travail de la juge responsable de la gestion de l’instance. Dans la lignée des principes à l’origine du raisonnement dans la décision Hutton, je souligne que les juges responsables de la gestion de l’instance ont beaucoup à faire et doivent souvent rendre rapidement des décisions détaillées pour que l’instance suive son cours. Ces circonstances ne se prêtent pas toujours à la présentation d’un raisonnement concernant tous les aspects de l’ordonnance de gestion de l’instance.

[51] Toutefois, en l’absence de motifs de la juge responsable de la gestion de l’instance justifiant sa conclusion sur la pertinence, et à la lumière de l’analyse de la pertinence exposée ci‑dessus, j’estime que l’ordonnance est entachée d’une erreur manifeste et dominante. Ainsi donc, l’erreur est évidente et apparente, puisque les questions en cause satisfont au critère de la pertinence eu égard à l’acte de procédure de Janssen, et l’erreur est dominante en ce qu’elle modifie l’issue de la requête visant l’obtention d’une ordonnance enjoignant à une partie de répondre.

B. Quoi qu’il en soit, les questions en cause sont-elles pertinentes et proportionnelles, et Apotex devrait-elle être contrainte à y répondre?

[52] La deuxième question soulevée par la présente requête est celle de savoir si, advenant l’annulation de la partie attaquée de l’ordonnance, la Cour juge les questions en cause à la fois pertinentes et proportionnelles. Comme je l’explique plus haut, je suis d’avis qu’elles sont pertinentes. Par conséquent, il me reste à déterminer si elles sont proportionnelles.

[53] À cet égard, je souscris à l’argument de Janssen selon lequel aucun élément de preuve convaincant n’a été présenté à la Cour quant à la portée excessive des questions en cause ou quant à la lourdeur du fardeau que représenterait pour Apotex l’obligation d’y répondre. Les questions sont précises et directes, elles se rapportent à ce qui semble être l’un des principaux moyens de défense de Janssen, les réponses devraient être à la portée d’Apotex, et cette dernière n’a pas démontré ou fait particulièrement valoir que l’obligation d’y répondre représenterait un fardeau considérable pour elle.

VI. Conclusion

[54] En conclusion, je suis d’avis que Janssen a droit à la mesure qu’elle sollicite dans la présente requête. J’accueillerai l’appel, j’annulerai l’ordonnance de la juge responsable de la gestion de l’instance en ce qui a trait aux questions en cause et j’ordonnerai à Apotex de répondre à ces questions et aux autres questions connexes qui pourraient suivre.

VII. Dépens

[55] Chacune des parties a proposé que des dépens de 3 000 $ soient adjugés à la partie obtenant gain de cause dans la présente requête. J’adjugerai ces dépens en faveur de Janssen.


ORDONNANCE PUBLIQUE dans le dossier T-607-21

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête des défenderesses est accueillie, leur appel est accueilli et l’ordonnance du 14 juin 2022 est annulée en ce qui concerne les questions en cause.

  2. La demanderesse doit répondre aux questions en cause et aux autres questions connexes qui pourraient suivre.

  3. Des dépens de 3 000 $ sont adjugés aux défenderesses.

« Richard F. Southcott »

Juge

Traduction certifiée conforme

Karyne St-Onge, jurilinguiste


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-607-21

INTITULÉ :

APOTEX INC. c JANSSEN INC., JANSSEN ONCOLOGY INC. et BTG INTERNATIONAL LTD.

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 22 SEPTEMBRE 2022

ORDONNANCE ET MOTIFS PUBLICS :

LE JUGE SOUTHCOTT

DATE DES MOTIFS :

27 octobre 2022

COMPARUTIONS POUR LA DEMANDERESSE, APOTEX INC. :

Jerry Topolski

Kirby Cohen

POUR LA DEMANDERESSE

COMPARUTIONS POUR LES DÉFENDERESSES JANSSEN INC. ET BTG INTERNATIONAL LTD. :

Peter Wilcox

POUR LES DÉFENDERESSES

COMPARUTIONS POUR LA DÉFENDERESSE JANSSEN ONCOLOGY INC. :

David Yi

POUR LA DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Goodmans LLP

Toronto (Ontario)

POUR LA DEMANDERESSE

Belmore Neidrauer LLP et Norton Rose Fulbright Canada S.E.N.C.R.L., s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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