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Date : 20240129


Dossier : IMM-8538-22

Référence : 2024 CF 144

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Toronto (Ontario), le 29 janvier 2024

En présence de monsieur le juge Ahmed

ENTRE :

SYED AZHAR HUSSAIN NAQVI

demandeur

et

LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

(Prononcés à l'audience par vidéoconférence le 29 janvier 2024)

[1] Le demandeur sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section d'appel des réfugiés (« SAR ») qui lui a refusé la qualité de réfugié en raison d'un crime grave de droit commun en dehors du Canada au titre de l'article 98 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (« LIPR »).

[2] Le demandeur est entré au Canada en 2019 et a présenté une demande d'asile. Le ministre est intervenu devant la Section de la protection des réfugiés (« SPR ») et a allégué que le demandeur avait commis un crime grave de droit commun aux Émirats arabes unis (« ÉAU »). La SPR a donné raison au ministre et a refusé au demandeur la qualité de personne à protéger au titre de l'article 98 de la LIPR.

[3] La SAR a confirmé la décision de la SPR. La SAR a conclu que le fait que l'ancienne épouse du demandeur ait pu obtenir un divorce du tribunal religieux aux ÉAU indiquait que le crime du demandeur était considéré comme une infraction grave aux ÉAU et que l'agression du demandeur commise contre son épouse serait probablement considérée comme des voies de fait causant des lésions corporelles selon le Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. La SAR a conclu que, si le demandeur avait été reconnu coupable au Canada, son infraction ne lui aurait probablement pas valu une peine près du maximum de 10 ans d'emprisonnement. Par contre, la SAR a reconnu plusieurs facteurs aggravants qui démontrent que le crime était [TRADUCTION] « grave », comme le fait qu'il s'agissait de violence conjugale et qu'il y avait des raisons sérieuses de croire que le demandeur avait agressé son épouse plus d'une fois. La SAR s'est engagée à ne pas minimiser la violence conjugale.

[4] La seule question en litige dans la demande de contrôle judiciaire est de savoir si la décision de la SAR était raisonnable. Je conclus qu'elle l'était. Les arguments du demandeur ne sont pas fondés, ils présentent la preuve de façon gravement erronée et ils ne contestent pas la décision de façon significative. Compte tenu de tous les éléments de preuve présentés à la SPR et à la SAR, y compris des photographies des blessures que l'épouse du demandeur a subies lors de l'agression et le verdict de la cour aux ÉAU (qui comprend une confession du demandeur selon laquelle il battait sa femme), la décision de la SAR est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Vavilov, 2019 CSC 65 (« Vavilov »), aux par. 99 et 101). Comme indiqué dans l'arrêt Vavilov, le demandeur n'a pas démontré le caractère déraisonnable de la décision (au par. 100).

[5] L'affaire est troublante. Une épouse a été agressée par le père de ses enfants à plusieurs reprises, ce qui a causé des blessures qui ont exigé une attention médicale. Elle a surmonté de lourdes épreuves pour faire valoir ses droits devant une cour étrangère qui a de la difficulté à reconnaître ceux‑ci. Et bien que les blessures physiques de l'ancienne épouse du demandeur se soient probablement estompées et qu'elle ait « gagné » en cour, le traumatisme engendré par le temps passé avec son agresseur pourrait être permanent. La violence conjugale occasionne un mal profond chez les victimes, le plus souvent des femmes. La Cour veut exprimer son respect à l'ancienne épouse du demandeur pour avoir traversé cette épreuve.

[6] Mais il y a plus. En référence à l'agression qui a eu lieu en janvier 2016, le demandeur disait ceci :

[TRADUCTION]

[...] la cause de l'ecchymose ou de la marque qui apparaissait sur la peau n'est probablement pas le fait que le demandeur ait saisi le bras de son épouse, mais le résultat de la tentative de celle‑ci de libérer son avant‑bras de l'emprise du demandeur, ce qui a causé un frottement de la peau de l'avant‑bras de l'épouse du demandeur sur la main du demandeur.

[7] Cet argument a été présenté malgré le fait que la SAR ait été, et avec raison, [TRADUCTION] « consternée » face à des arguments semblables et qu'elle ait noté que ces [TRADUCTION] « arguments insensibles tentent de normaliser et de justifier la violence familiale et de fermer les yeux sur celle‑ci. Je trouve que ces arguments sont à la fois préoccupants et déplacés. »

[8] Notre Cour ne peut pas faire abstraction de la violence conjugale, qui est profondément inégale dans son expression et horriblement destructive dans son application. La violence conjugale est le produit d'une histoire violente, misogyne et dévalorisante.

[9] Cela nous ramène à l'argument présenté plus haut : on minimise la souffrance de la victime. Le demandeur semble rejeter la responsabilité des actions qu'il a lui‑même commises sur la victime. La protection des victimes de ce type de violence exige que les cours rejettent les arguments qui cherchent à minimiser ce crime brutal, comme l'argument du demandeur le fait ici. Je rejette donc l'argument du demandeur.

[10] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Le demandeur n'a pas réussi à prouver que la décision est déraisonnable. Aucune question n'a été proposée à des fins de certification et je conviens que l'affaire n'en soulève aucune.


JUGEMENT dans le dossier IMM-8538-22

LA COUR ORDONNE :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n'y a pas de question à certifier.

« Shirzad A. »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-8538-22

 

INTITULÉ :

SYED AZHAR HUSSAIN NAQVI c. LE MINISTRE DE L'IMMIGRATION, DES RÉFUGIÉS ET DE LA CITOYENNETÉ

 

LIEU DE L'AUDIENCE :

Par vidÉoconfÉrence

 

DATE DE L'AUDIENCE :

le 29 Janvier 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge AHMED

 

DATE DES MOTIFS :

le 29 Janvier 2024

 

COMPARUTIONS :

Muhammad Ali Naqi Naqvi

 

Pour le demandeur

 

Kareena Wilding

 

POur le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Muhammad Naqvi Law PC

Avocat

Mississauga (Ontario)

 

Pour le demandeur

 

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POur le défendeur

 

 

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