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Date : 20240119


Dossier : T-1151-20

Référence : 2024 CF 91

Montréal (Québec), le 19 janvier 2024

En présence de madame la juge adjointe Alexandra Steele

ENTRE :

SYLVIE ROBITAILLE

demanderesse

et

SA MAJESTÉ LE ROI

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La demanderesse, Madame Sylvie Robitaille, est une contribuable canadienne qui prépare et produit elle-même ses déclarations annuelles provinciales et fédérales de revenus par le biais de formulaires papier.

[2] Vers l’automne 2012, la Ministre du revenu national prend la décision de cesser la distribution automatique de trousses d’impôt en format papier aux domiciles des contribuables canadiens. Les contribuables, comme Madame Robitaille, qui souhaitaient toujours soumettre leur déclaration annuelle de revenus en format papier sont alors invités à soit les télécharger à partir du site web de l’Agence du revenu du Canada l’[ARC], ou encore à se les procurer à un bureau de Postes Canada, de Service Canada, ou à l’un des établissements des Caisses Desjardins au Québec, ou encore en faisant la demande par téléphone ou via le web auprès de l’ARC.

[3] Vers le mois d’avril 2017, Madame Robitaille tente en vain de se procurer une trousse papier pour faire sa déclaration de revenus pour l’année fiscale 2016. Elle se rend à deux bureaux de poste les plus près de chez elle, mais les présentoirs sont vides. Elle téléphone à l’ARC, mais ne parvient pas à avoir la ligne pour parler à un préposé.

[4] Elle décide donc de transmettre une lettre à l’ARC expliquant la situation, accompagnée d’un chèque de 1 000,00$, qu’elle estime largement suffisant pour couvrir tout solde d’impôt qui serait dû pour l’année fiscale 2016. Or, par erreur, un agent de l’ARC omet d’indiquer dans le système que le chèque vise l’année fiscale 2016. Le paiement est donc traité comme un acompte provisionnel pour l’année en cours, soit 2017. Il s’ensuit alors une série d’échanges épistolaires entre Madame Robitaille et l’ARC pour clarifier, rectifier et régulariser son dossier. L’ARC reconnait d’ailleurs avoir commis une erreur de traitement et présente une lettre d’excuses à Madame Robitaille en août 2019.

[5] Au terme de ce parcours, incluant une audience devant la Cour canadienne de l’impôt au mois d’août 2020, le dossier fiscal de Madame Robitaille est en règle. Madame Robitaille institue néanmoins le présent recours en dommages le 28 septembre 2020. Elle reproche à l’ARC sa « lourdeur bureaucratique », son inefficacité et la mauvaise gestion de son dossier fiscal. Elle soumet également que la décision de la Ministre du revenu national de cesser l’envoi postal automatique des trousses d’impôt est discriminatoire. Elle réclame des dommages-intérêts compensatoires et punitifs au montant de 20 000,00$, montant qu’elle a rajusté à 40 000,00$ lors de l’audience au mérite du présent dossier.

[6] Malgré toute la sympathie éprouvée pour les tribulations vécues par Madame Robitaille, et reconnaissant qu’elle a fait preuve de patience et de ténacité, la Cour n’est néanmoins pas convaincue qu’elle ait prouvé une faute de l’État susceptible d’engager sa responsabilité, ni une atteinte à ses droits fondamentaux en vertu de la Charte des droits et libertés de la personne, (RLRQ c C-12) [CQDLP], ou de la Charte canadienne des droits et libertés (Loi constitutionnelle de 1982, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R-U), 1982, c 11) [CCDL]. En conséquence, Madame Robitaille n’a pas droit au paiement de la compensation monétaire sollicitée. L’action de Madame Robitaille doit conséquemment être rejetée.

[7] Avant de plonger dans l’analyse des motifs qui mènent au dispositif susmentionné, attardons-nous aux prétentions des parties et à la preuve.

II. Les prétentions des parties

[8] Dans sa Déclaration et sa Réplique, Madame Robitaille reproche essentiellement à l’ARC sa « lourdeur bureaucratique », la mauvaise gestion de son dossier fiscal et son attitude « pénalisante et discriminatoire » envers elle-même ainsi que tous les contribuables qui produisent leur déclaration de revenus en format papier suite à la décision de la Ministre du revenu national d’arrêter l’envoi postal automatique à domicile des trousses d’impôt papier pendant les années 2013 à 2017 inclusivement.

[9] Madame Robitaille soutient que l’ARC, et/ou ses agents, ont été négligents et de mauvaise foi dans le traitement de son dossier fiscal et qu’ils ont porté atteinte à sa réputation. Elle soutient aussi qu’il y a eu atteinte à ses droits fondamentaux par suite de la cessation de la distribution automatique des trousses d’impôt à domicile. Madame Robitaille a d’abord plaidé une discrimination fondée sur l’âge et la condition sociale contraire aux articles 10 et 12 de la Charte québécoise des droits et libertés de la personne [CQDLP]. Au procès, Madame Robitaille a plaidé une atteinte au droit à l’égalité fondé sur l’âge et/ou un motif analogue au handicap suivant l’article 15(1) de la CCDL. Elle soutient qu’elle-même, et les gens âgés qui comme elle n’ont pas accès à la technologie, sont isolés ou minorisés par la décision de cesser la distribution à domicile des trousses d’impôt papier.

[10] Dans sa Déclaration, Madame Robitaille réclame des dommages-intérêts compensatoires et punitifs, quantifiés d’abord à 20 000,00$, mais qu’elle a augmentés à 40 000,00$ lors de l’audience. Elle demande à la Cour d’exercer sa discrétion de lui accorder des dommages compensatoires (quantifiés à 20 000,00$ le matin de l’audience) pour le temps, des centaines d’heures, consacrées à s’occuper de son dossier et à faire valoir ses droits, ainsi que l’abandon temporaire de ses cours à l’université comme étudiante libre en droit. Quant aux dommages punitifs (quantifiés à 20 000,00$ le matin de l’audience), elle estime qu’ils sont nécessaires pour éviter que la situation ne se reproduise et pour les mesures discriminatoires qui ont porté atteinte à ses droits fondamentaux.

[11] Le défendeur nie les allégations et répond que les faits du présent dossier ne donnent pas ouverture à la responsabilité civile de l’État. Le défendeur nie catégoriquement l’existence de toute faute de la Ministre du revenu national ou des préposés de l’ARC. Selon le défendeur, la décision de la Ministre de cesser l’envoi postal des trousses d’impôt est une décision politique qui jouit d’une immunité de poursuite. La Ministre a d’ailleurs rendu une autre décision en janvier 2018 et l’envoi de trousses d’impôt à domicile a repris. De plus, les gestes posés par les divers agents de l’ARC respectent les politiques et procédures et sont raisonnables eu égard aux faits de l’espèce. Bien que l’ARC reconnait certaines erreurs dans le traitement du dossier de la demanderesse pour 2016, ces erreurs ont été corrigées depuis au moins décembre 2019, si ce n’est avant. En effet, l’ARC a annulé les pénalités et intérêts pour la production tardive de la déclaration de revenus de Madame Robitaille pour l’année 2016, et s’est excusée. De plus, au terme de l’audience devant la Cour canadienne de l’impôt en août 2020, le dossier est définitivement réglé. Quant aux dommages, la Cour canadienne de l’impôt a accordé à Madame Robitaille une somme pour les débours de l’appel, de sorte qu’elle a obtenu la compensation à laquelle elle avait droit suite à la procédure engagée. Le défendeur soutient également qu’il n’y a aucune démonstration de faute intentionnelle ou d’atteinte illicite ou intentionnelle à quelque droit fondamental. En conséquence, Madame Robitaille n’a pas non plus droit à des dommages punitifs.

[12] Le défendeur demande donc que l’action soit rejetée.

III. Les questions en litige

[13] Les parties ne sont pas parvenues à s’entendre sur les questions en litige. Madame Robitaille a aussi reformulé à quelques reprises les questions qu’elle estime que la Cour doit trancher, y compris dans un document intitulé « Exposé sommaire des questions en litige » soumis le matin du procès.

[14] Il revient donc à la Cour de déterminer les questions à trancher, lesquelles questions sont principalement fondées sur les actes de procédure déposés de part et d’autre.

[15] Il ne fait aucun doute que le recours engagé concerne la responsabilité civile de l’État.

[16] La question centrale est donc de savoir si le défendeur a commis une faute, intentionnelle ou non, si Madame Robitaille a subi un dommage découlant de cette faute et si ce dommage est une conséquence directe et immédiate de la faute. La Cour doit aussi déterminer s’il y a eu atteinte, intentionnelle ou non, aux droits fondamentaux de Madame Robitaille.

[17] Ainsi, la Cour identifie les questions suivantes:

  • a)Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve que la Ministre du revenu national et/ou ses préposés ont par leur conduite commis une faute pouvant engager la responsabilité civile de l’État?

  • b)Dans l’affirmative, Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve d’un dommage qui est une suite directe et immédiate de cette faute si oui, quel en est le quantum?

  • c)Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve d’une atteinte à l’un de ses droits fondamentauxpar suite de la décision de la Ministre du revenu national de cesser l’envoi postal automatique des trousses d’impôt de 2013 à 2017 inclusivement?

  • d)Dans l’affirmative, Madame Robitaille est-elle en droit de recevoir des dommages compensatoires ou punitifs pour cette atteinte?

IV. La preuve des parties

A. Objection à la preuve soumise le 11 mai 2023

[18] Comme la présente action est une action simplifiée, les parties ont échangé des documents et tenu des interrogatoires écrits, lesquels sont déposés dans le « Dossier d’instruction ». Les parties ont reconnu l’authenticité des documents, mais non leur véracité (Directive du 10 mars 2023). En sus, conformément à la Règle 299 des Règles des Cours fédérales, les parties ont soumis une preuve par affidavit : (1) l’affidavit de la demanderesse Sylvie Robitaille déposé le 29 novembre 2022 et (2) l’affidavit de Chantal Tourigny, pour le défendeur, déposé le 3 mars 2023. Tant Madame Robitaille que Madame Tourigny ont été contre-interrogées à l’audience.

[19] Le 11 mai 2023, soit après l’échange de la preuve par affidavit en chef et en réponse des parties, Madame Robitaille a soumis trois pièces supplémentaires. La procureure du défendeur s’est objectée à cette preuve aux motifs qu’elle est tardive et n’est pas introduite en preuve par affidavit. La Cour a pris l’objection sous réserve.

[20] L’objection du défendeur est maintenue. En effet, les documents soumis lors de l’audience et qui sont postérieurs au témoignage écrit de Madame Robitaille dans son affidavit déposé le 29 novembre 2022 sont irrecevables puisqu’ils sont de nature à prendre le défendeur par surprise. Notamment, ils n’ont pas été préalablement communiqués au défendeur, ils ne sont pas introduits en preuve par le biais d’un affidavit suivant la Règle 299 et conséquemment, le défendeur n’a pu y répondre.

[21] La Cour ne tiendra donc pas compte des documents (p. 1101 et suivantes) soumis le 11 mai 2023, ni de tout argument découlant de ces documents. En d’autres termes, la Cour n’évaluera que la preuve régulièrement produite suivant les Règles 295, 296 et 299 des Règles des Cours fédérales, ainsi que les contre-interrogatoires tenus à l’audience.

[22] Passons maintenant à la preuve des faits.

B. Les faits mis en preuve par les parties

[23] Il convient de noter que la chronologie des faits n’est pas remise en cause par les parties. Ainsi, ceux-ci peuvent être résumés comme suit.

[24] Madame Robitaille est née en 1959 et considère qu’elle n’a pas « baigné » dans l’ère des technologies. En particulier, elle n’a pas Internet à la maison, ni cellulaire, principalement par choix. Elle admet néanmoins en contre-interrogatoire qu’elle a accès à ce médium à l’école, et y avait accès en 2016, incluant une adresse courriel, pour les fins de ses études comme étudiante libre en droit.

[25] Madame Robitaille prépare et produit assidument chaque année ses déclarations de revenus (fédérale et provinciale) par le biais des formulaires papier et elle est bien au fait de ses dossiers. En 2013, elle apprend que l’ARC cessera l’envoi postal automatique des trousses d’impôt fédérale à domicile et qu’elle devra se les procurer autrement.

[26] En effet, la Ministre du revenu national de l’époque, l’honorable Gail Shea, décide à l’automne 2012 de supprimer l’envoi postal automatique de la trousse générale d’impôt et de prestations directement aux domiciles des contribuables canadiens. Le constat de la Ministre est que de plus en plus de canadiens choisissent d’interagir avec l’ARC via son site web et ses services électroniques. Des considérations budgétaires, environnementales et d’efficacité sont invoquées par la Ministre pour expliquer sa décision. Les contribuables visés ont été informés par lettre du changement ainsi que les diverses façons de se procurer autrement les trousses papier, bien que Madame Robitaille estime avoir été prise par surprise.

[27] En particulier, il était prévu que les trousses seraient disponibles aux comptoirs de Postes Canada, de Service Canada, aux succursales des Caisses Desjardins au Québec ou en téléphonant à l’ARC. Les formulaires pouvaient également être téléchargés ou commandés en ligne. L’ARC ne contrôlait pas la distribution des formulaires : les points de service étaient responsables des commandes. Diverses mesures étaient prévues pour que les points de service puissent s’approvisionner ou pour aviser les contribuables en cas de ruptures de stock.

[28] Malgré ces mesures, Madame Robitaille note une difficulté croissante d’obtenir les trousses d’impôt, tant dans les bureaux de poste près de chez elle, où elle se rend à pied, que par téléphone. Elle va même jusqu’à contacter l’ARC pour demander que soit noté à son dossier sa demande qu’une trousse lui soit envoyée à chaque année. Cette demande est refusée et elle est invitée à continuer à s’approvisionner suivant les moyens préconisés par l’ARC. Une plainte à l’ombudsman des contribuables ne produit pas non plus le résultat escompté.

[29] En avril 2017, Madame Robitaille tente sans succès de se procurer une trousse de déclaration de revenus fédéral pour l’année fiscale 2016 à deux bureaux de poste près de son domicile. Elle ne parvient pas non plus à parler à un agent en appelant le numéro fourni par l’ARC pour faire sa demande.

[30] Afin de ne pas rater l’échéance du 30 avril 2017, elle transmet alors à l’ARC par courrier recommandé une lettre datée le 24 avril 2017 dans laquelle elle explique la situation et joint un chèque au montant de 1 000,00$ pour couvrir tout solde éventuel d’impôt pour l’année fiscale 2016.

[31] Vers le mois de juin 2017, le Receveur général du Canada encaisse le chèque de 1 000,00$, mais l’agent de l’ARC qui traite la communication omet d’indiquer l’année fiscale visée par le chèque.

[32] En janvier 2018, la Ministre du revenu national annonce la reprise de l’envoi des trousses papier, incluant un guide d’impôt et de prestations et un cahier de formulaires pour l’année 2017, aux contribuables ayant produit préalablement leurs déclarations par un formulaire papier.

[33] Vers le mois de février 2018, Madame Robitaille constate l’erreur de traitement de son chèque de 1 000,00$ sur réception d’un avis sommaire d’acomptes provisionnels. En effet, plutôt que de réserver le montant pour le paiement de tout solde d’impôt payable pour l’année fiscale 2016, tel que demandé par Madame Robitaille dans sa lettre du 24 avril 2017, le montant apparait comme acompte provisionnel pour l’année fiscale en cours, soit 2017. Madame Robitaille transmet à l’ARC une seconde lettre explicative le 28 février 2018, accompagnée de sa lettre initiale.

[34] Le 5 octobre 2018, Madame Robitaille reçoit une lettre de l’ARC lui demandant de produire sa déclaration de revenus pour 2016. Elle reçoit aussi un chèque au montant de 1 291,84$ que l’ARC considère avoir reçu en trop pour l’année 2017.

[35] Vers le 5 novembre 2018, Madame Robitaille transmet à l’ARC sa déclaration de revenus pour 2016 et une troisième lettre expliquant la situation, accompagné du chèque au montant de 1 291,84$.

[36] Vers le mois de février 2019, l’ARC envoie à Madame Robitaille un chèque au montant de 1 295,53$. Le 26 février 2019, Madame Robitaille transmet une quatrième lettre à l’ARC, accompagnée du chèque au montant de 1 295,53$. Elle explique dans sa lettre que le montant de 1 000,00$ est réservé pour courir ses impôts pour 2016 et éviter de payer des pénalités. En date du 26 février 2019, il faut noter qu’elle n’a pas encore reçu d’avis de cotisation suite à sa déclaration de revenus pour 2016 transmise le 5 novembre 2018.

[37] Le 15 avril 2019, Madame Robitaille envoie une cinquième lettre suite à une demande de renseignements d’un agent de l’ARC.

[38] Le 16 mai 2019, le Ministre émet un avis de cotisation pour l’année fiscale 2016, lequel avis inclut notamment un remboursement d’impôt pour 2016 au montant de 707,11$, déduction faite d’une pénalité pour production tardive de 77,15$, et les intérêts sur arriérés totalisant 63,52$. Madame Robitaille encaissera subséquemment le chèque le 3 juillet 2019.

[39] Le 21 mai 2019, Madame Robitaille transmet une lettre de mise en demeure à l’ARC, laquelle reste sans réponse. Elle débute donc des démarches pour loger une opposition à l’avis de cotisation et entreprendre un appel à la Cour canadienne de l’impôt.

[40] Vers le 14 juin 2019, Madame Robitaille transmet un avis d’opposition contestant la pénalité et les intérêts sur arriérés pour production tardive de sa déclaration de revenus de 2016.

[41] Le 2 août 2019, l’ARC transmet à Madame Robitaille une lettre offrant ses excuses pour les erreurs et le délai de traitement relatifs à l’année fiscale 2016. La lettre indique également que les intérêts et pénalités devraient être renversés, mais que le remboursement de 707,11$ a été fait par erreur et qu’il doit être retourné.

[42] Le 7 août 2019 et le 22 novembre 2019, un relevé de compte est transmis à Madame Robitaille indiquant que le solde de son compte est évalué à 0$.

[43] Le 23 septembre 2019, Madame Robitaille dépose un appel relatif à l’avis de cotisation pour 2016 à la Cour canadienne de l’impôt puisque son avis d’opposition n’a pas encore été traité.

[44] Le 18 novembre 2019, la Division d’appel de l’ARC rend sa décision sur l’avis d’opposition et conclut qu’aucun ajustement n’est requis. Madame Robillard est invitée à fournir des documents supplémentaires le cas échéant. Madame Robitaille répond le 25 novembre 2019 que tous les documents pertinents ont été fournis et qu’elle maintient son opposition.

[45] Le 12 décembre 2019, l’ARC confirme à Madame Robitaille qu’un nouvel avis de cotisation sera émis pour l’année 2016 et que les pénalités pour production tardive et intérêts au montant de 130,44$ seront annulés.

[46] En janvier 2020, en sus du nouvel avis de cotisation pour 2016, Madame Robitaille reçoit aussi de nouveaux avis de cotisation pour les années 2013, 2017 et 2018.

[47] Le 24 janvier 2020, l’ARC transmet une lettre confirmant l’annulation des pénalités et intérêts et invitant Madame Robitaille à se désister de son recours devant la Cour canadienne de l’impôt vu le nouvel avis de cotisation pour 2016.

[48] Madame Robitaille ne communique pas avec l’ARC et ne se désiste pas de son recours, estimant qu’il n’est pas entièrement réglé, notamment au vu du calcul du montant des pénalités et intérêts qu’elle estime erroné (il y aurait une différence de 10$ inexpliquée entre les calculs de l’ARC et les calculs de Madame Robitaille), et l’absence de mention quant aux dommages punitifs.

[49] Pendant l’été 2020, la Cour canadienne de l’impôt fixe l’audition de l’appel au 27 août 2020. La procureure de l’ARC tente de communiquer avec Madame Robitaille afin de régler le dossier, mais ne parvient pas à la joindre.

[50] Le 20 août 2020, la procureure de l’ARC transmet par huissier une lettre à Madame Robitaille l’informant notamment que la Cour canadienne de l’impôt n’est pas compétente pour entendre sa demande de dommages punitifs et exemplaires et l’invitant à nouveau à se désister afin d’éviter l’audition prévue pour le 27 août 2020. Comme Madame Robitaille est absente, elle ne reçoit pas la lettre.

[51] Le 26 août 2020, n’ayant toujours pas de nouvelles de Madame Robitaille, la procureure de l’ARC lui transmet une seconde lettre par huissier l’informant qu’elle demandera le rejet de l’appel comme elle estime qu’il n’y a plus de litige entre les parties.

[52] Le matin de l’audience du 27 août 2020, la procureure de l’ARC réitère à Madame Robitaille la position de l’ARC. Les parties se présentent alors devant la juge d’Auray. Il y a échanges et débats devant la Cour, notamment sur l’historique du dossier et sur le quantum des pénalités et intérêts, et sur les déboursés encourus par Madame Robitaille pour mener son dossier à terme. La Cour ajourne l’audition afin que l’ARC puisse vérifier et valider les montants discutés comme Madame Robitaille estime toujours qu’il y a discordance entre ses calculs et ceux de l’ARC.

[53] Par jugement daté le 3 septembre 2020, la juge d’Auray de la Cour canadienne de l’impôt rejette sommairement l’appel, mais accorde à Madame Robitaille la somme de 222,08$ pour couvrir certains déboursés en lien avec l’audition, notamment les frais de photocopies et assemblage de pièces.

[54] À l’issue de cette audience, Madame Robitaille considère qu’il y a toujours des erreurs en lien avec l’avis de cotisation pour 2017, mais cette situation est finalement réglée en janvier 2021 suite à une demande de redressement.

[55] Passons donc maintenant à l’analyse des questions en litige.

V. Analyse

A. Première question : Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve que la Ministre du revenu national et/ou de ses préposés ont par leur conduite commis une faute pouvant engager la responsabilité civile de l’État?

(1) Principes juridiques

[56] Au Québec, la responsabilité civile extracontractuelle de l’État fédéral découle des article 3(a)(i) et 10 de la Loi sur la responsabilité civile de l’État et le contentieux administratif, L.R.C. 1985, c. C-50 et de l’article 1457 du Code civil du Québec [CcQ] (Hinse c Canada (Procureur général), 2015 CSC 35 [Hinse] au para 21).

[57] Comme il ne peut y avoir de faute institutionnelle, Madame Robitaille a le fardeau d’établir que le préjudice qu’elle prétend avoir subi découle d’une faute commise par la Ministre du revenu national, ou de ses préposés, dans l’exercice de leurs fonctions, et seulement si ces préposés peuvent eux-mêmes être l’objet d’une poursuite en responsabilité civile (art. 2803 CcQ, Hinse au para 70).

[58] Il y a néanmoins certaines limites à la responsabilité civile de l’État.

[59] En particulier, dans le cas de décisions que l’on peut qualifier de « décisions de politique générale », la jurisprudence reconnait que l’État jouit généralement d’une immunité relative de poursuite. Dans Hinse, citant R. c Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42 [Imperial Tobacco], au para 90, la Cour suprême du Canada écrit :

[23] Parmi ces principes, mentionnons ceux relatifs à l’immunité de l’État, sur lesquels notre Cour s’est penchée dans R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, 2011 CSC 42, [2011] 3 R.C.S. 45; voir aussi Agence canadienne d’inspection des aliments, par. 27; art. 8 L.R.C.É. Dans Imperial Tobacco, la Cour souligne que, selon le point de vue majoritaire qui prévaut au Canada, seules les « véritables » décisions de politique générale sont protégées par une immunité. La Cour précise qu’il n’y a pas lieu de supposer une nette dichotomie entre les décisions de politique générale et les décisions opérationnelles, ou de définir négativement les premières comme n’étant pas des décisions de nature « opérationnelle » : par. 84-86. Sans établir de critère absolu, la Cour conclut que les décisions de politique générale fondamentale à l’égard desquelles le gouvernement est soustrait aux poursuites « se rapportent à une ligne de conduite et reposent sur des considérations d’intérêt public, tels des facteurs économiques, sociaux ou politiques, pourvu qu’elles ne soient ni irrationnelles ni prises de mauvaise foi » : par. 90. Ces décisions forment un sous-ensemble restreint de décisions discrétionnaires. Elles sont réfléchies et traduisent « une “politique générale” dans le sens d’une règle ou orientation générale appliquée dans une situation précise » : par. 87. Pour les identifier, le rôle du décideur peut se révéler pertinent, car les employés au niveau opérationnel ne participent habituellement pas à la prise de décisions de politique générale : par. 87-90.

[24] Dans Imperial Tobacco, la Cour n’édicte pas une règle ferme selon laquelle seules les décisions qui sont de « véritables » décisions de politique générale fondamentale sont susceptibles d’être protégées par une immunité relative. Au contraire, elle affirme qu’« [i]l serait illusoire de vouloir établir un critère absolu qui donnerait rapidement et infailliblement une réponse à l’égard de toute décision parmi la gamme infinie de celles que peuvent prendre les acteurs gouvernementaux » : par. 90. Même si cet arrêt portait sur la responsabilité de l’État canadien pour cause de négligence en common law, les conclusions sur la question de l’immunité reconnue à l’égard des actes étatiques relèvent du droit public. À ce titre, elles sont applicables aux règles québécoises en matière de responsabilité de l’État.

[60] Pour conclure à une immunité relative de poursuite, la Cour doit être en mesure de déterminer que la décision en cause est ni irrationnelle, ni prise de mauvaise foi et repose sur une ligne de conduite et des considérations d’intérêt public, tels des facteurs économiques, sociaux ou politiques (Imperial Tobacco au para 90; Nelson (Ville) c. Marchi, 2021 CSC 41 aux para 1, 3, 39, 42 à 44, 46-47, 60 à 68).

[61] En particulier, quant à la bonne foi, celle-ci se présume, même dans le contexte d’une décision gouvernementale. Dans Hinse, la Cour suprême du Canada écrit:

[48] En droit civil québécois, la notion de mauvaise foi est flexible et son contenu varie selon les domaines du droit : Entreprises Sibeca Inc. c. Frelighsburg (Municipalité), 2004 CSC 61, [2004] 3 R.C.S. 304, par. 25. Dans Finney, notre Cour a défini la portée d’une immunité d’origine législative prévoyant que le Barreau du Québec ne pouvait être poursuivi pour des actes accomplis de bonne foi. Elle a reconnu que la mauvaise foi a une portée plus large que celle de la seule faute intentionnelle ou de l’existence d’une volonté affirmée de nuire à autrui : par. 37. Elle englobe notamment la notion d’insouciance grave. Selon le juge LeBel :

. . . l’insouciance grave implique un dérèglement fondamental des modalités de l’exercice du pouvoir, à tel point qu’on peut en déduire l’absence de bonne foi et présumer la mauvaise foi. L’acte, dans les modalités de son accomplissement, devient inexplicable et incompréhensible, au point qu’il puisse être considéré comme un véritable abus de pouvoir par rapport à ses fins. [Nous soulignons; par. 39.] [Souligné dans l’original.]

[49] La définition de mauvaise foi établie dans Finney a été reprise par notre Cour dans Sibeca dans le contexte de l’immunité relative dont bénéficie une municipalité dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de réglementation. Les remarques de la juge Deschamps sur la nature de ce pouvoir peuvent être transposées en l’espèce :

Les municipalités exercent des fonctions qui requièrent la prise en considération d’intérêts multiples, parfois contradictoires. Pour favoriser pleinement la résolution démocratique des conflits politiques, les corps publics élus doivent disposer d’une marge de manœuvre considérable. Hors d’un contexte constitutionnel, il serait inconcevable que les tribunaux s’immiscent dans ce processus et s’imposent comme arbitres pour dicter la prise en considération d’un intérêt particulier. Ils ne peuvent intervenir que s’il y a preuve de mauvaise foi. La lourdeur et la complexité des fonctions inhérentes à l’exercice du pouvoir de réglementation justifient l’incorporation d’une protection, tant en droit civil qu’en common law. [par. 24]

[50] Pour la juge Deschamps, l’interprétation du concept de mauvaise foi proposée dans l’affaire Finney permet de viser tant les cas où les actes sont délibérément accomplis dans l’intention de nuire que ceux où une preuve circonstancielle de mauvaise foi s’avère nécessaire : Sibeca, par. 26.

[51] Selon nous, retenir une norme de mauvaise foi englobant l’insouciance grave telle qu’elle a été définie dans l’arrêt Finney et reprise dans Sibeca s’inscrit dans la logique du régime québécois de responsabilité civile. Cette norme rejoint d’ailleurs la notion de faute lourde, laquelle comprend l’insouciance grossière : voir art. 1474 C.c.Q.; J.-L. Baudouin, P. Deslauriers et B. Moore, La responsabilité civile (8e éd. 2014), no 1-190.

[52] Il va de soi que cette norme se veut plus exigeante que celle de la faute simple à laquelle s’est erronément tenue la première juge en l’espèce. Une simple faute de la nature d’une erreur ou d’une imprudence cadre mal avec la notion de mauvaise foi qui forme les contours de l’immunité relative de l’État. Il serait d’ailleurs paradoxal que l’exercice du pouvoir de clémence du Ministre soit assujetti à une norme de décision raisonnable en cas de révision judiciaire et examiné sous l’angle de la faute simple en cas de responsabilité extracontractuelle.

[53] En somme, échappent à l’immunité relative de l’État les décisions prises de mauvaise foi par le Ministre, y compris celles démontrant une insouciance grave de sa part au sens établi dans les arrêts Finney et Sibeca. La mauvaise foi peut être établie par une preuve montrant que le Ministre a agi délibérément dans l’intention arrêtée de nuire à autrui. Elle peut aussi l’être par une preuve d’insouciance grave révélant un dérèglement tellement fondamental des modalités de l’exercice du pouvoir que l’on peut en déduire l’absence de bonne foi et présumer la mauvaise foi. C’est sous cet éclairage que l’on doit analyser l’obligation qui incombe au Ministre dans l’exercice de son pouvoir de clémence.

[62] De plus, la jurisprudence enseigne que pour conclure à une faute d’un préposé de l’État dans l’exercice de ses fonctions, il faut la démonstration que le préposé a agi de manière illégitime et délibérée, et qu’il a fait preuve d’une insouciance quant au caractère illégitime de sa conduite et des conséquences de ses gestes, en l’occurrence la probabilité de préjudice (Succession Odhavji c Woodhouse, 2003 CSC 69 [Woodhouse] aux para 23-25).

[63] Gardant ces principes à l’esprit, examinons tour à tour les fautes reprochées à la Ministre du revenu national et ses préposés.

(2) Discussion

[64] D’entrée de jeu, il faut clarifier que le recours de Madame Robitaille est pris en son nom et pour son compte. Bien que certaines allégations et prétentions faites dans le cadre des actes de procédure, et d’autres documents comme le mémoire de conférence préparatoire, ou encore le « Mémoire de faits et de droit » soumis à l’audience, semblent indiquer que Madame Robitaille porte aussi de l’avant les intérêts d’un ou plusieurs groupes, le fait est que la présente action est une action purement personnelle, et non un recours collectif ou une instance à représentation au sens des Règles des Cours fédérales. Le présent jugement n’affecte et ne lie que les parties qui y sont désignées.

(i) Cessation de l’envoi postal automatique des trousses d’impôt à domicile

[65] Tel que mentionné précédemment, Madame Robitaille estime que la décision de la Ministre du revenu national de cesser l’envoi postal automatique de trousses d’impôt à domicile de 2013 à 2018 inclusivement constitue une faute. Elle allègue également que la décision viole ses droits fondamentaux, tel qu’il sera discuté plus loin. Le défendeur répond que la décision de la Ministre est une décision de politique générale bénéficiant d’une immunité simple de poursuite.

[66] Au vu des enseignements dans Imperial Tobacco et Hinse, il convient d’examiner la preuve entourant la décision en question.

[67] La preuve non-contredite du défendeur est à l’effet que la décision de la Ministre du revenu national à l’automne 2012 de cesser l’envoi postal automatique des trousses d’impôt à tous les contribuables s’inscrit dans un objectif plus large d’opérer l’ARC de façon plus efficace et rentable, notamment au vu d’un constat de l’accroissement au fil du temps de l’utilisation de services en ligne de l’ARC par les contribuables canadiens (Affidavit de Chantal Tourigny, aux para 42-44; Affidavit de F. Brassard en réponse à l’interrogatoire écrit, Question 1). En effet, favoriser l’utilisation des services en ligne permettrait à l’ARC de réduire ses coûts et délais de traitement. De plus, des considérations environnementales et budgétaires ont été soulevées par la Ministre, notamment lors de débats à la Chambre des communes, où la Ministre note par exemple le gaspillage de 1.3 millions de trousses papier inutilisées transmises aux domiciles des contribuables canadiens.

[68] Au vu de la preuve, la Cour est en mesure de cerner sans difficulté que la décision de la Ministre du revenu national représente une « ligne de conduite fondée sur une mise en balance de considérations économiques, sociales et politiques » (Imperial Tobacco au para 90). La décision de la Ministre apparait légitime et dans le respect du mandat de l’ARC de maintenir un régime fiscal d’autocotisation efficace et rentable.

[69] Si, avec le recul, l’on peut conclure à de possibles ratées dans l’exécution de la décision, la décision elle-même n’est pas pour autant illégitime, irrationnelle ou empreinte de mauvaise foi. D’ailleurs, outre les déclarations électroniques, il était toujours possible de soumettre des déclarations de revenus par le biais de formulaires papier, sauf qu’il fallait en faire la demande ou se les procurer dans des points de service. En 2018, la décision a été ajustée pour réinstaurer l’envoi postal automatique des guides et formulaires d’impôt, mais seulement pour tous les contribuables qui avaient préalablement soumis leurs déclarations de revenus en format papier.

[70] Ainsi, en l’absence de tout élément de preuve contraire, la Cour estime que la décision de la Ministre de cesser l’envoi postal automatique des trousses d’impôt à domicile de 2013 à 2017 inclusivement n’a pas été prise de manière illégitime ou irrationnelle, ou de mauvaise foi. La décision bénéficie par conséquent d’une immunité de poursuite. La décision de la Ministre du revenu national n’est donc pas génératrice de faute susceptible de donner ouverture à une poursuite en responsabilité civile de l’État.

(ii) Traitement du dossier fiscal et atteinte à la réputation

[71] Quant au traitement de son dossier fiscal, Madame Robitaille soumet, premièrement, qu’il y a eu plusieurs manquements de l’ARC, qu’il a fallu multiples avis et correspondance pour que le chèque de 1 000,00$ soit finalement attribué correctement, que les erreurs de l’ARC ont eu des répercussions entre autres sur le remboursement de la TPS et sur le traitement par l’ARC d’autres années fiscales, comme 2013, 2017 et 2018 où l’ARC a émis de nouveaux avis de cotisation. Elle reproche également aux préposés qui ont traité son dossier d’avoir manqué de transparence à son égard. Le défendeur répond qu’il y a effectivement eu de « regrettables erreurs » de traitement, notamment dans l’attribution du chèque de 1 000,00$ initialement transmis par Madame Robitaille en avril 2017, mais que ces erreurs ne constituent pas une faute susceptible d’engager la responsabilité civile de l’État.

[72] Tel que discuté précédemment, pour conclure à une faute de l’État, il faut la démonstration que ses préposés ont agi de manière illégitime et délibérée et qu’ils ont fait preuve d’insouciance quant à leur conduite et aux conséquences de leurs gestes (Woodhouse aux para 23-24).

[73] Il n’est pas contredit que le dossier de Madame Robitaille a fait intervenir plusieurs préposés de l’ARC. Le défendeur admet également des erreurs dans le traitement dans le dossier fiscal de 2016, notamment l’omission du premier agent de l’ARC d’inscrire l’année visée par le chèque de 1 000,00$ transmis par Madame Robitaille le 25 avril 2017. Cette erreur initiale a entrainé le traitement automatique de la somme à titre acompte provisionnel pour l’année fiscale en cours (2017), plutôt qu’un paiement réservé à l’impôt de l’année fiscale précédente (2016).

[74] Cependant, malgré les erreurs, la Cour ne peut identifier dans les faits mis en preuve quelqu’agissement illégitime ou délibéré par l’un ou plusieurs des préposés de l’ARC qui sont intervenus dans le dossier de Madame Robitaille, ni en quoi les préposés auraient démontré une insouciance quant à leur conduite ou aux conséquences de celle-ci. Même en acceptant que l’erreur initiale était évitable, et qu’une fois dans le système, elle s’est répercutée sur plusieurs mois malgré les lettres de Madame Robitaille, la preuve démontre qu’elle a ultimement a été corrigée dans les mois qui ont suivi la production de la déclaration de revenus pour 2016 et l’envoi de l’opposition à l’avis de cotisation qui en est résulté. Madame Robitaille reconnait d’ailleurs que son dossier est maintenant en règle.

[75] La Cour n’est pas convaincue que Madame Robitaille ait démontré que les agents auraient agi de manière non conforme aux standards, usages ou la loi. Tel que prévu par la Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)) [LIR], le contribuable doit produire annuellement une déclaration de revenus (art. 150(1) LIR)). Ensuite, le ministre, avec diligence, examine la déclaration de revenus du contribuable, fixe l’impôt, et tous intérêts et pénalités payables, et détermine le montant de tout remboursement prévu par la loi et le montant d’impôt réputé avoir été payé (art 152(1) de la LIR). Après cet examen, le ministre envoie l’avis de cotisation (art 152(2) de la LIR). Le fait que la cotisation soit erronée ne relève pas le contribuable de ses responsabilités en vertu de la loi (art. (152(3) de la LIR). Le ministre peut aussi établir une cotisation ou une nouvelle cotisation ou une cotisation supplémentaire (art. 152(4) de la LIR). L’élément déclencheur du processus apparait donc la production de la déclaration annuelle de revenus par le contribuable, qui rappelons-le dans ce dossier a été transmis à l’ARC avec plus d’un an de retard au mois de novembre 2018.

[76] En outre, la preuve est silencieuse quant aux standards ou usages particuliers à l’ARC, sauf pour la preuve non contredite du défendeur qui indique que Madame Tourigny a examiné les pratiques des autorités fiscales dans le dossier de Madame Robitaille et conclut que malgré de regrettables erreurs, pour laquelle l’ARC s’est excusée, les gestes posés par les divers préposés respectent les politiques et procédures conformément aux pouvoirs conférés par la loi (Affidavit de Chantal Tourigny déposé le 3 mars 2023, aux para 38-41; Affidavit de F. Brassard en réponse à l’interrogatoire écrit, Question 7).

[77] Bien que Madame Robitaille a dû s’astreindre à un suivi rigoureux de son dossier pour tenter de le régulariser, la preuve ne permet pas d’inférer ou de conclure à une faute de la part de l’un ou plusieurs préposés de l’État dans le traitement de son dossier fiscal.

[78] Deuxièmement, Madame Robitaille soumet que les avis de cotisation erronés qu’elle a reçus ont nui à sa réputation. Le défendeur répond que les avis de cotisation ne sont pas publics et ne peuvent soutenir une allégation d’atteinte sa réputation. Le défendeur estime aussi que et le recours est de surcroit prescrit suivant l’article 2929 CcQ.

[79] Dans Prud’homme c Prud’homme, 2002 CSC 85 [Prud’homme], la Cour suprême du Canada énonce le fondement et les critères applicables à un recours pour atteinte à la réputation:

32 Le droit civil québécois ne prévoit pas de recours particulier pour l’atteinte à la réputation. Le fondement du recours en diffamation au Québec se trouve à l’art. 1457 C.c.Q. qui fixe les règles générales applicables en matière de responsabilité civile. Ainsi, dans un recours en diffamation, le demandeur doit démontrer, selon la prépondérance des probabilités, l’existence d’un préjudice, d’une faute et d’un lien de causalité, comme dans le cas de toute autre action en responsabilité civile, délictuelle ou quasi délictuelle. (Voir N. Vallières, La presse et la diffamation (1985), p. 43; Houde c. Benoit, [1943] B.R. 713, p. 720; Société Radio-Canada c. Radio Sept-Îles Inc., [1994] R.J.Q. 1811 (C.A.), p. 1818.).

33 Pour démontrer le premier élément de la responsabilité civile, soit l’existence d’un préjudice, le demandeur doit convaincre le juge que les propos litigieux sont diffamatoires. Le concept de diffamation a fait l’objet de plusieurs définitions au fil des années. De façon générale, on reconnaît que la diffamation « consiste dans la communication de propos ou d’écrits qui font perdre l’estime ou la considération de quelqu’un ou qui, encore, suscitent à son égard des sentiments défavorables ou désagréables » (Radio Sept-Îles, précité, p. 1818).

34 La nature diffamatoire des propos s’analyse selon une norme objective (Hervieux-Payette c. Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal, [1998] R.J.Q. 131 (C.S.), p. 143, infirmé, mais non sur ce point, par Société Saint-Jean-Baptiste de Montréal c. Hervieux-Payette, [2002] R.J.Q. 1669 (C.A.)). Il faut, en d’autres termes, se demander si un citoyen ordinaire estimerait que les propos tenus, pris dans leur ensemble, ont déconsidéré la réputation d’un tiers. À cet égard, il convient de préciser que des paroles peuvent être diffamatoires par l’idée qu’elles expriment explicitement ou encore par les insinuations qui s’en dégagent. Dans l’affaire Beaudoin c. La Presse Ltée, [1998] R.J.Q. 204 (C.S.), p. 211, le juge Senécal résume bien la démarche à suivre pour déterminer si certains propos revêtent un caractère diffamatoire :

« La forme d’expression du libelle importe peu; c’est le résultat obtenu dans l’esprit du lecteur qui crée le délit ». L’allégation ou l’imputation diffamatoire peut être directe comme elle peut être indirecte « par voie de simple allusion, d’insinuation ou d’ironie, ou se produire sous une forme conditionnelle, dubitative, hypothétique ». Il arrive souvent que l’allégation ou l’imputation « soit transmise au lecteur par le biais d’une simple insinuation, d’une phrase interrogative, du rappel d’une rumeur, de la mention de renseignements qui ont filtré dans le public, de juxtaposition de faits divers qui ont ensemble une semblance de rapport entre eux ».

Les mots doivent d’autre part s’interpréter dans leur contexte. Ainsi, « il n’est pas possible d’isoler un passage dans un texte pour s’en plaindre, si l’ensemble jette un éclairage différent sur cet extrait ». À l’inverse, « il importe peu que les éléments qui le composent soient véridiques si l’ensemble d’un texte divulgue un message opposé à la réalité ». On peut de fait déformer la vérité ou la réalité par des demi-vérités, des montages tendancieux, des omissions, etc. « Il faut considérer un article de journal ou une émission de radio comme un tout, les phrases et les mots devant s’interpréter les uns par rapport aux autres. »

35 Cependant, des propos jugés diffamatoires n’engageront pas nécessairement la responsabilité civile de leur auteur. Il faudra, en outre, que le demandeur démontre que l’auteur des propos a commis une faute. Dans leur traité, La responsabilité civile (5e éd. 1998), J.-L. Baudouin et P. Deslauriers précisent, aux p. 301-302, que la faute en matière de diffamation peut résulter de deux types de conduites, l’une malveillante, l’autre simplement négligente :

La première est celle où le défendeur, sciemment, de mauvaise foi, avec intention de nuire, s’attaque à la réputation de la victime et cherche à la ridiculiser, à l’humilier, à l’exposer à la haine ou au mépris du public ou d’un groupe. La seconde résulte d’un comportement dont la volonté de nuire est absente, mais où le défendeur a, malgré tout, porté atteinte à la réputation de la victime par sa témérité, sa négligence, son impertinence ou son incurie. Les deux conduites constituent une faute civile, donnent droit à réparation, sans qu’il existe de différence entre elles sur le plan du droit. En d’autres termes, il convient de se référer aux règles ordinaires de la responsabilité civile et d’abandonner résolument l’idée fausse que la diffamation est seulement le fruit d’un acte de mauvaise foi emportant intention de nuire.

36 À partir de la description de ces deux types de conduite, il est possible d’identifier trois situations susceptibles d’engager la responsabilité de l’auteur de paroles diffamantes. La première survient lorsqu’une personne prononce des propos désagréables à l’égard d’un tiers tout en les sachant faux. De tels propos ne peuvent être tenus que par méchanceté, avec l’intention de nuire à autrui. La seconde situation se produit lorsqu’une personne diffuse des choses désagréables sur autrui alors qu’elle devrait les savoir fausses. La personne raisonnable s’abstient généralement de donner des renseignements défavorables sur autrui si elle a des raisons de douter de leur véracité. Enfin, le troisième cas, souvent oublié, est celui de la personne médisante qui tient, sans justes motifs, des propos défavorables, mais véridiques, à l’égard d’un tiers. (Voir J. Pineau et M. Ouellette, Théorie de la responsabilité civile (2e éd. 1980), p. 63-64.)

37 Ainsi, en droit civil québécois, la communication d’une information fausse n’est pas nécessairement fautive. À l’inverse, la transmission d’une information véridique peut parfois constituer une faute. On retrouve là une importante différence entre le droit civil et la common law où la fausseté des propos participe du délit de diffamation (tort of defamation). Toutefois, même en droit civil, la véracité des propos peut constituer un moyen de prouver l’absence de faute dans des circonstances où l’intérêt public est en jeu (voir les propos de Vallières, op. cit., p. 10, approuvés par la Cour d’appel du Québec dans Radio Sept-Îles, précité, p. 1819).

[80] Tant dans Prud’homme que dans Martineau, les tribunaux ont jugé que la communication d’une information fausse n’est pas nécessairement fautive. Ainsi, même si l’avis de cotisation pour 2016 était erroné, il est bien établi que l’émission d’une cotisation fiscale erronée n’est pas génératrice de faute en soi (Martineau c Québec (Sous-ministre du Revenu), 2004 CanLII 13425 (QCCA) au para 28). De plus, la Cour conçoit mal comment il pourrait y avoir eu atteinte à l’honneur ou la réputation de Madame Robitaille puisque les avis de cotisation ne sont pas publics et aucune preuve ne démontre que les échanges entre Madame Robitaille et les préposés de l’ARC ne sont pas demeurés confidentiels.

[81] Comme il n’y a aucune preuve de diffusion de propos diffamatoires de la part des agents de l’ARC, la Cour ne peut conclure à une atteinte à la réputation de Madame Robitaille.

(3) Conclusion quant à la première question

[82] Au vu de ce qui précède, la réponse à la première question, soit « Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve que la Ministre du revenu national et/ou de ses préposés ont par leur conduite commis une faute pouvant engager la responsabilité civile de l’État? », la Cour répond : non.

B. Deuxième question : Dans l’affirmative, Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve d’un dommage qui est une suite directe et immédiate de cette faute si oui, quel en est le quantum?

[83] Comme la Cour ne conclut à aucune faute de la part de la Ministre du revenu national ou de ses préposés, il n’est pas nécessaire de répondre à cette deuxième question puisque le premier élément requis pour fonder un recours en responsabilité civile de l’État n’est pas rempli.

[84] Cependant, si cette conclusion s’avérait erronée, la Cour est tout de même d’avis que le recours en responsabilité civile doit être rejeté faute d’une preuve d’un dommage et du lien de causalité requis entre la faute et ce dommage.

(1) Principes juridiques

[85] Suivant l’article 1457 CcQ, Madame Robitaille doit démontrer qu’elle a subi un préjudice et que ce préjudice découle directement de la faute reprochée (art. 1607 CcQ; Hinse au para 132). La partie demanderesse a donc une obligation positive de prouver ses dommages: « […] À cela s’ajoute l’exigence pour le demandeur d’établir l’existence des autres conditions communes à tous les délits. Plus précisément, le demandeur doit démontrer que les préjudices qu’il a subis ont pour cause juridique la conduite délictuelle, et que ces préjudices sont indemnisables suivant les règles de droit en matière délictuelle. » (Woodhouse au para 32).

[86] À la lumière de ces exigences, examinons les faits.

(2) Discussion

[87] La question des dommages est quelque peu confuse, car il y a eu insistance plus particulière sur le volet des dommages punitifs en vertu de la CQDLP. La Cour comprend cependant que Madame Robitaille réclame des dommages pécuniaires et non pécuniaires compensatoires et/ou des dommages punitifs, dommages qu’elle dit néanmoins laisser « à la discrétion de la Cour » et « si la situation m’est favorable ». Or, tel qu’il appert de la jurisprudence, l’attribution de dommages n’est pas un remède discrétionnaire; la partie qui les réclame doit en faire la preuve (Woodhouse au para 32).

[88] Madame Robitaille soumet qu’elle a passé des centaines d’heures à préparer son dossier et qu’elle a été contrainte de réduire sa charge de cours à l’université en tant qu’étudiante libre en droit. Elle ajoute qu’elle a subi stress et inconvénients importants par suite de l’ensemble des démarches qu’elle a dû entreprendre pendant des années pour régulariser une situation qu’elle juge fort simple. Le défendeur répond que même si la Cour concluait à une faute civile de l’État, celle-ci ne peut, et n’a pas, entrainé de dommages. De plus, les allégations de stress et inconvénients ne sont pas fondées. À tout le moins, les dommages allégués sont indirects, hypothétiques et grossièrement exagérés.

[89] Au vu de la preuve, même si une faute de l’État était retenue, la Cour est d’avis que l’existence d’un préjudice direct et immédiat découlant de la faute n’a pas été démontré.

[90] Premièrement, il convient de rappeler que l’ARC a exercé la discrétion qui lui est conférée en annulant les pénalités et intérêts pour production tardive de la déclaration de revenus pour 2016. Cette question a aussi fait l’objet d’une audition devant la Cour canadienne de l’impôt et d’un jugement final rejetant l’appel en date du 3 septembre 2020. Même si Madame Robitaille n’est pas entièrement satisfaite du résultat, la Cour canadienne de l’impôt a mis fin au débat. Elle a également accordé à Madame Robitaille le remboursement d’une partie de ses frais, et ce, malgré le rejet de l’appel. Madame Robitaille a sans doute vécu des contrariétés, des tourments et des désagréments du fait d’avoir eu à investir du temps et de l’énergie à se défendre, mais ceux-ci ne sont pas compensables en droit (Restaurant Le Relais de Saint-Jean inc. c Agence du revenu du Québec, 2020 QCCA 823 aux para 71 à 73).

[91] Deuxièmement, le fait que la Cour canadienne de l’impôt ne soit pas compétente pour entendre un recours pour dommages punitifs (Loi de l’impôt sur le revenu (L.R.C. (1985), ch. 1 (5e suppl.)), art 169 et 171; Loi sur la Cour canadienne de l’impôt (L.R.C. (1985), ch. T-2), art. 12) et que Madame Robitaille ait choisi subséquemment d’instituer le présent recours, avec les risques et coûts inhérents à toute procédure judiciaire, n’est pas un dommage direct et immédiat découlant de l’une ou l’autre des fautes reprochées à l’État dans le cadre du recours entrepris. Les frais encourus par une partie pour défendre un dossier devant les tribunaux ne sont généralement pas compensables monétairement à moins qu’il ne soit démontré que le défendeur a agi de manière abusive. Rien dans le présent dossier ne permet de conclure que la position du défendeur soit abusive. Tel que souligné dans Iannuzzi c Procureur général du Canada, 2021 QCCS 2932 au para 29 : « […] la perte de temps et les efforts déployés pour obtenir justice sont des inconvénients inhérents aux efforts de quiconque est entraîné dans une démarche judiciaire […]. De tels inconvénients ne donnent pas ouverture, en soi, à un droit d’action contre l’autorité fiscale. »

[92] Troisièmement, même en acceptant que Mme Robitaille ait vécu des frustrations et moments anxiogènes liés à l’erreur de traitement de son dossier fiscal de 2016, elle est tenue de démontrer que le préjudice dépasse le seuil des contrariétés et est grave et de longue durée (Mustapha c Culligan du Canada Ltée, 2008 CSC 27 (CanLII), [2008] 2 RCS 114 au para 9). Une telle démonstration n’a pas été faite.

[93] Quatrièmement, aucune conduite intentionnelle ou malicieuse de la part des agents qui ont traité son dossier n’a été démontrée, de sorte que les conditions d’ouverture à l’attribution de dommages-intérêts punitifs ne sont pas rencontrées (art. 1621 CcQ).

[94] Cinquièmement, Madame Robitaille n’a pas fait la preuve du quantum des dommages réclamés.

[95] Rappelons que la question des dommages et du lien de causalité entre la faute et les dommages ne repose pas sur la discrétion de la Cour, mais fait partie du fardeau de la preuve de la partie demanderesse. La Cour n’a d’autre alternative que de conclure que Madame Robitaille ne s’est pas déchargée, suivant la prépondérance des probabilités, de démontrer le préjudice subi par suite des fautes reprochées au défendeur.

(3) Conclusion quant à la deuxième question

[96] La réponse à la deuxième question, « Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve d’un dommage qui est une suite directe et immédiate de cette faute si oui, quel en est le quantum? » est : non.

C. Troisième question : Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve d’une atteinte à l’un de ses droits fondamentaux par suite de la décision de la Ministre du revenu national de cesser l’envoi postal automatique des trousses d’impôt de 2013 à 2017 inclusivement?

[97] À la lecture de la Déclaration et de la Réplique, le recours de Madame Robitaille pour atteinte à ses droits fondamentaux repose notamment sur des allégations de discrimination fondée sur l’âge et/ou la condition sociale en vertu des articles 10 et 12 de la CQDLP. Or, lors de l’audience, Madame Robillard a plutôt choisi de plaider une atteinte à son droit à l’égalité basé sur une discrimination fondée sur le handicap ou un motif analogue au handicap, en s’appuyant sur l’article 15(1) de la CCDL. La Cour abordera donc quelques principes juridiques directeurs entourant ces dispositions.

(1) Principes juridiques

[98] Dans Andrews c Law Society of British Columbia, [1989] 1 RCS 143 (CSC) [Andrews], à la p. 174, la Cour suprême du Canda offre une définition de ce qui constitue de la « discrimination », définition qui a été maintes fois reprises par les tribunaux canadiens :

[…] la discrimination peut se décrire comme une distinction, intentionnelle ou non, mais fondée sur des motifs relatifs à des caractéristiques personnelles d'un individu ou d'un groupe d'individus, qui a pour effet d'imposer à cet individu ou à ce groupe des fardeaux, des obligations ou des désavantages non imposés à d'autres ou d'empêcher ou de restreindre l'accès aux possibilités, aux bénéfices et aux avantages offerts à d'autres membres de la société.[…]

[99] Le droit à l’égalité est un droit fondamental enchâssé dans la CCDL et dans la CQDLP, quoiqu’avec quelques nuances.

[100] Suivant l’article 15(1) de la CCDL, c’est un droit à l’égalité réelle qui est protégé (Première Nation de Kahkewistahaw c Taypotat, 2015 CSC 30 [Taypotat] au para 17). Cette disposition interdit toute discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l’âge ou les déficiences physiques ou mentales, ou tous motifs analogues (Andrews p. 174).

[101] L’analyse d’une violation présumée du droit à l’égalité sous l’article 15(1) de la CCDL s’opère en deux temps, tel que plus amplement décrit dans Taypotat :

[19] Le premier volet de l’analyse fondée sur l’art. 15 consiste donc à se demander si, à première vue ou de par son effet, une loi crée une distinction fondée sur un motif énuméré ou analogue. Limiter les demandes à celles fondées sur des motifs énumérés ou analogues — qui « constituent des indicateurs permanents de l’existence d’un processus décisionnel suspect ou de discrimination potentielle » —, permet d’écarter « les demandes [traduction] qui n’ont rien à voir avec l’égalité réelle et de mettre l’accent sur l’égalité dans le cas de groupes qui sont défavorisés dans un contexte social et économique plus large » (Corbiere c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), 1999 CanLII 687 (CSC), [1999] 2 R.C.S. 203, par. 8; Lynn Smith et William Black, « The Equality Rights » (2013), 62 S.C.L.R. (2d) 301, p. 336). Le demandeur peut fonder son allégation sur un ou sur plusieurs motifs, selon l’acte de l’État en cause et son interaction avec le désavantage infligé aux membres du groupe dont il fait partie (Law c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1999 CanLII 675 (CSC), [1999] 1 R.C.S. 497, par. 37).

[20] Le second volet de l’analyse est axé sur les désavantages arbitraires — ou discriminatoires —, c’est-à-dire sur la question de savoir si la loi contestée ne répond pas aux capacités et aux besoins concrets des membres du groupe et leur impose plutôt un fardeau ou leur nie un avantage d’une manière qui a pour effet de renforcer, de perpétuer ou d’accentuer le désavantage dont ils sont victimes :

À la base, l’art. 15 résulte d’une prise de conscience que certains groupes ont depuis longtemps été victimes de discrimination, et qu’il faut mettre fin à la perpétuation de cette discrimination. Les actes de l’État qui ont pour effet d’élargir, au lieu de rétrécir, l’écart entre le groupe historiquement défavorisé et le reste de la société sont discriminatoires. [Québec c. A, par. 332]

[21] Pour établir qu’il y a eu à première vue violation du par. 15(1), le demandeur doit par conséquent démontrer que la loi en cause a un effet disproportionné à son égard du fait de son appartenance à un groupe énuméré ou analogue. À la seconde étape de l’analyse, la preuve précise requise variera selon le contexte de la demande, mais « les éléments tendant à prouver qu’un demandeur a été historiquement désavantagé » seront pertinents (Withler, par. 38; Québec c. A, par. 327).

[22] Il s’agit en l’espèce de déterminer quel « groupe énuméré ou analogue » est victime de discrimination et si M. Taypotat a démontré que l’exigence relative au niveau de scolarité prévue par la Kahkewistahaw Election Act a un effet disproportionné sur les membres de ce groupe.

[102] Si une violation est établie, la partie dont les droits ont été bafoués peut demander réparation suivant l’article 24 de la CCDL. Selon les circonstances, la réparation appropriée peut inclure des dommages punitifs (Vancouver (Ville) c Ward, 2010 CSC 27 au para 56).

[103] Contrairement à l’article 15(1) de la CCDL, l’article 10 de la CQDLP ne protège pas un droit à l’égalité réelle et les motifs de discrimination qui y sont énoncés sont exhaustifs (Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39 [Bombardier] au para 52; Ward c Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse), 2021 CSC 43 [Ward] au para 35).

[104] Le droit à l’égalité sous l’article 10 de la CQDLP doit aussi être rattaché à un autre droit garanti par la CQDLP (Bombardier aux para 53-54). À titre illustratif, l’article 12 de la CQDLP plaidé dans le présent dossier interdit de refuser par discrimination de conclure un acte juridique ayant pour objet des biens ou des services ordinairement offerts au public.

[105] Tout comme sous la CCDL, la démonstration de certains critères est requise pour l’analyse d’une violation présumée du droit à l’égalité sous la CQDLP. Ces critères bien établis ont récemment été réitérés dans Ward:

[36] Le demandeur qui sollicite la protection de l’art. 10 doit satisfaire à un fardeau de preuve qui comprend trois éléments. Premièrement, il doit prouver qu’il a fait l’objet d’une « distinction, exclusion ou préférence » (Charte québécoise, art. 10), c’est-à-dire d’une « décision, mesure ou conduite [qui] le “touche [. . .] d’une manière différente par rapport à d’autres personnes auxquelles elle peut s’appliquer” » (Bombardier, par. 42, citant Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpsons‑Sears Ltd., [1985] 2 R.C.S. 536, p. 551). Deuxièmement, il doit établir qu’une des caractéristiques expressément protégées à l’art. 10 a été un facteur dans la différence de traitement dont il se plaint (Bombardier, par. 52 et 56). Troisièmement, il doit démontrer que cette différence de traitement compromet l’exercice ou la reconnaissance en pleine égalité d’une liberté ou d’un droit garanti par la Charte québécoise (Bombardier, par. 53). Lorsque ces trois éléments sont établis, le fardeau de justifier la discrimination revient au défendeur.

[106] Ainsi, tant sous la CQDLP que sous la CCDL, la partie qui invoque la protection de l’une ou l’autre des chartes a le fardeau de prouver la discrimination alléguée, suivant la prépondérance des probabilités [Bombardier au para 59].

(2) Discussion

[107] D’entrée de jeu, la Cour note que Madame Robitaille n’a pas spécifiquement plaidé une violation de son droit à l’égalité protégé sous la CCDL. Il n’y a aucune allégation à cet effet, ni dans la Déclaration ni dans la Réplique. Il semble y avoir une référence ambiguë à la « charte des droits et libertés » dans le mémoire de conférence préparatoire de Madame Robitaille, mais cette référence est en lien avec l’article 49 de la CQDLP, ce qui laisse supposer qu’à ce moment, le fondement du recours de Madame Robitaille et sa demande de dommages punitifs étaient fondés sur la CQDLP. Le paragraphe 72 de l’affidavit de Madame Robitaille déposé le 29 novembre 2022 fait mention de la CCDL, mais il n’y a aucune demande de réparation plaidée en vertu de l’article 24 de la CCDL. Dans les faits, ce n’est que lors du procès que l’article 15 de la CCDL a été plaidé spécifiquement.

[108] Cette façon de procéder apparait inadéquate pour véritablement placer devant cette Cour la question d’une atteinte à un droit fondamental conféré par la CCDL. Dans la récente décision de Canada (Public Safety and Emergency Preparedness) v Ewen, 2023 FCA 225 [Ewen] au para 26, le juge Stratas de la Cour d’appel fédérale a jugé que la Cour ne pouvait trancher une « question de Charte », si:

  • a)Il n’y a pas de procédure introductive alléguant violation de la CCDL et plaidant les éléments requis afin que le défendeur puisse y répondre;

  • b)Il n’y a pas de preuve du demandeur concernant la violation de l’article 15 de la CCDL;

  • c)Il n’y a pas de demande de remède déclaratoire ou autre remède suivant l’article 24(1) de la CCDL;

  • d)Il n’y a pas eu l’opportunité de produire de la preuve ou de contre-preuve.

[109] La plupart des conditions énoncées dans Ewen ne sont pas remplies dans le présent dossier ce qui, à tout le moins, soulève un questionnement quant à la possibilité pour la Cour de trancher la question.

[110] Quoi qu’il en soit, que l’on aborde la question de la discrimination du point de vue de la CCDL ou de la CQDLP, les faits ne tendent pas à fonder ou établir, à première vue, une atteinte au droit fondamental à l’égalité invoqué par Madame Robitaille.

[111] En effet, Madame Robitaille plaide essentiellement que la décision de la Ministre du revenu national de cesser l’envoi automatique de trousses d’impôt à domicile pendant la période de 2013 à 2017 inclusivement est discriminatoire envers les contribuables qui, comme elle, n’ont pas accès à internet à domicile, particulièrement les personnes âgées.

[112] La preuve soumise par Madame Robitaille est muette sur la définition du groupe constituant des « personnes âgées » n’ayant pas accès à internet à domicile.

[113] Concernant la question d’âge, au moment où la Ministre du revenu national a pris sa décision à l’automne 2012, et pendant la période de 2013 à 2017 inclusivement où la décision était toujours applicable, Madame Robitaille était âgée dans la mi-cinquantaine. Il est vrai que pour un enfant ou un adolescent, une personne dans la cinquantaine peut être perçue comme étant « âgée », mais d’un point de vue plus objectif, comme l’âge habituel pour commencer à recevoir des prestations de retraite au Canada se situe vers 65 ans par exemple, une personne serait qualifiée « d’âgée » à un âge beaucoup plus vénérable que la mi-cinquantaine. Ainsi, se pose les questions de savoir quel est le groupe d’âge réellement ciblé par la décision prétendument discriminatoire de la Ministre du revenu national et si Madame Robitaille en fait partie. La Cour ne peut présumer de la composition du groupe visé, ni que Madame Robitaille en fait partie faute de preuve à cet égard.

[114] Quant à savoir si l’absence d’accès à internet à domicile peut constituer ou s’apparenter à un « handicap » ou à une « condition sociale », la preuve est également déficiente. Madame Robitaille passe par ailleurs complètement sous silence le fait qu’elle n’a pas internet par choix et l’impact de ce choix sur les arguments qu’elle avance.

[115] La notion de « handicap », bien que flexible et non limitative, suggère à tout le moins qu’il doit y exister une affection rattachée à la personne, que cette affection soit réelle ou perçue, et qui sous-tend la distinction prohibée (Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Montréal (Ville); Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c Boisbriand (Ville), [2000] 1 R.C.S. 665 [Boisbriand] aux para 63, 71-72 et 76-82). L’absence d’accès à internet, par choix ou non, cadre mal avec la définition, même large, de handicap.

[116] Il en est de même pour la notion de « condition sociale ». Il est généralement reconnu que cette notion réfère à la place qu’occupe une personne dans la société (Leclair c Paquet, 1981 CanLII 4368 (QC CQ) aux para 39-42). La notion de « condition sociale » suggère également qu’elle se rattache à la personne. Par exemple, le fait d’être prestataire de l’assurance-sociale est généralement associé à la condition sociale d’une personne (A.M. c Procureur général du Québec, 2023 QCCS 1753, demander de permission d’appeler rejetée, 2023 QCCA 1156). L’absence d’accès à internet, par choix ou non, cadre mal avec la définition de la condition sociale.

[117] La Cour reconnait que l’accès à internet peut dans, beaucoup de circonstances, faciliter les communications et l’accès à information, et que l’absence d’accès à ce medium peut aussi susciter des contrariétés ou des désagréments. Cependant, au vu de la jurisprudence et de la preuve, la Cour ne peut souscrire à l’argument de Madame Robitaille à l’effet que l’absence d’accès à internet est un motif, ou motif analogue, de discrimination prohibée en vertu de l’une ou l’autre des chartes.

[118] De plus, la preuve à l’effet que la décision de la Ministre du revenu national a eu pour effet de créer ou d’exacerber des disparités fondées sur l’un des motifs prohibés ou que la décision de la Ministre tend à renforcer une discrimination envers un groupe, ou sous-groupe en particulier n’est pas convaincante (Taypotat aux para 24 et 27)

[119] Madame Robitaille a certes soumis divers documents (dont la véracité n’est pas admise) pour soutenir sa prétention à l’effet que la cessation de l’envoi par la poste des trousses d’impôt est discriminatoire, et exacerbe la discrimination, envers elle et les personnes qui n’ont pas internet, plus particulièrement les personnes âgées. Ces documents incluent, entre autres, des articles journalistiques, une « Étude d’évaluation » de la Direction générale de la vérification de l’évaluation et des risques datée de novembre 2017 notant que certains groupes ont une transition électronique plus lente, que les personnes à faible revenu, les personnes handicapées, les jeunes et les personnes âgées produisent à un taux plus élevé des déclarations sur papier et qu’il y a des initiatives pour améliorer et augmenter le taux d’utilisation des méthodes électroniques et des extraits de débats à la Chambre des communes, lors desquels débats certains députés soulèvent des enjeux liés à la production de déclarations de revenus, notamment par des ainés à faible revenu.

[120] Même pris en combinaison, ces documents ne permettent pas à la Cour de conclure à un désavantage pour Madame Robitaille ou un groupe spécifique résultant de la décision de la Ministre ou d’une atteinte à première vue aux droits protégés par les chartes. Bien que le fardeau de démontrer une atteinte à un droit fondamental protégé par l’une ou l’autre des chartes ne doit pas être ni trop élevé, ni impossible à rencontrer, il est de jurisprudence constante que la Cour ne peut pas trancher un recours fondé sur la CCDL ou la CDQLP à partir de circonstances anecdotiques, ou de simples conjectures et hypothèses. Pour reprendre les propos de la Cour suprême du Canada dans Taypotat :

[34] Je crois que l’intuition peut fort bien nous amener à la conclusion que la disposition en question produit des effets distincts sur certains groupes, mais avant d’exiger de la Première Nation de Kahkewistahaw qu’elle justifie la violation de l’art. 15 dans sa Kahkewistahaw Election Act, il doit y avoir suffisamment d’éléments de preuve pour établir l’existence d’une atteinte à première vue. Bien qu’il ne soit pas nécessaire de s’acquitter d’un lourd fardeau de présentation, la preuve doit comprendre davantage qu’une accumulation d’intuitions. Les éléments de preuve au dossier ne sont pas suffisants — même lorsqu’on les combine — pour démontrer qu’il existe un rapport entre l’âge, le fait de résider dans une réserve et le niveau de scolarité des membres de la Première Nation de Kahkewistahaw, et encore moins pour établir qu’un désavantage arbitraire découle des dispositions contestées.

[121] Ainsi, force est de conclure que Madame Robitaille ne s’est pas déchargée de son fardeau quant aux éléments essentiels et constitutifs d’un recours en violation de ses droits fondamentaux.

(3) Conclusion

[122] La réponse à la troisième question, « Madame Robitaille a-t-elle fait la preuve d’une atteinte à l’un de ses droits fondamentaux par suite de la décision de la Ministre du revenu national de cesser l’envoi postal automatique des trousses d’impôts entre 2013 et 2017 » est : non.

D. Quatrième question : Dans l’affirmative, Madame Robitaille est-elle en droit de recevoir des dommages punitifs pour cette atteinte?

[123] Comme la Cour ne conclut à aucune atteinte aux droits fondamentaux de Madame Robitaille en vertu de la CCDL ou de la CQDLP, il n’est pas nécessaire de répondre à cette quatrième question puisqu’il n’y a pas de fondement à la réclamation en dommages punitifs.

[124] Cependant, même si une atteinte avait été démontrée, la Cour estime que la preuve ne permettrait pas à Madame Robitaille d’avoir gain de cause quant à sa demande de dommages punitifs.

(1) Principes juridiques

[125] Il est bien établi que puisque l’objectif principal des dommages punitifs est de punir et de dissuader, une preuve de faute ou d’atteinte intentionnelle ou illicite est requise pour fonder le recours (de Montigny c Brossard (Succession), 2010 CSC 51 aux para 47-55).

[126] Tant la CCDL que la CQDLP permettent l’octroi de dommages-intérêts pour une atteinte aux droits fondamentaux.

[127] Tel qu’expliqué dans Hinse :

[164] L’article 49 de la Charte énonce qu’« [e]n cas d’atteinte illicite et intentionnelle, le tribunal peut en outre condamner son auteur à des dommages-intérêts punitifs. » Dans l’arrêt Québec (Curateur public) c. Syndicat national des employés de l’hôpital St-Ferdinand, 1996 CanLII 172 (CSC), [1996] 3 R.C.S. 211, notre Cour a précisé le sens d’une « atteinte illicite et intentionnelle » :

En conséquence, il y aura atteinte illicite et intentionnelle au sens du second alinéa de l’art. 49 de la Charte lorsque l’auteur de l’atteinte illicite a un état d’esprit qui dénote un désir, une volonté de causer les conséquences de sa conduite fautive ou encore s’il agit en toute connaissance des conséquences, immédiates et naturelles ou au moins extrêmement probables, que cette conduite engendrera. Ce critère est moins strict que l’intention particulière, mais dépasse, toutefois, la simple négligence. Ainsi, l’insouciance dont fait preuve un individu quant aux conséquences de ses actes fautifs, si déréglée et téméraire soit-elle, ne satisfera pas, à elle seule, à ce critère. [Nous soulignons; par. 121.] [Souligné dans l’original.]

[165] En l’occurrence, puisque le comportement des Ministres ne saurait être assimilé à de la mauvaise foi ou à de l’insouciance grave, nous ne pouvons conclure à une atteinte intentionnelle. La preuve ne permet pas d’affirmer que les Ministres ont agi avec un état d’esprit démontrant une volonté de nuire à M. Hinse ou avec une connaissance des conséquences nuisibles à ce dernier. Ce critère exigeant n’a pas été satisfait et les dommages-intérêts punitifs n’auraient pas dû être accordés.

[128] Voir également les propos au même effet dans Ludmer c Attorney General of Canada, 2020 QCCA 697 aux para 100 à 103.

[129] La preuve doit donc permettre à la Cour de conclure à une atteinte intentionnelle, à défaut de quoi la demande de dommages punitifs ne peut être accordée.

(2) Discussion

[130] La Cour a déjà déterminé que la décision de cesser l’envoi automatique des trousses d’impôt par la poste au domicile des contribuables est une décision politique bénéficiant d’une immunité. Qui plus est, et tel que la Cour a déjà déterminé à la première question, rien dans la preuve ne permet de démontrer que la Ministre du revenu national a adopté un comportement fautif ou empreint de mauvaise foi, ni qu’elle a autrement abusé de son pouvoir lorsqu’elle a pris la décision en cause.

[131] Ainsi, force est de conclure que les critères nécessaires pour donner ouverture à une condamnation à des dommages punitifs ne sont pas satisfaits.

(3) Conclusion

[132] La réponse à la quatrième question : « Madame Robitaille est-elle en droit de recevoir des dommages punitifs pour cette atteinte? » est : non.

VI. Conclusion

[133] Pour les motifs qui précèdent, l’action simplifiée de la demanderesse, Sylvie Robitaille, déposée le 28 septembre 2020 sera rejetée.

VII. Les dépens

[134] Madame Robitaille a demandé les dépens si elle a gain de cause, essentiellement pour des factures d’impression.

[135] Le défendeur a également demandé les dépens. Il a aussi soumis un mémoire de frais anticipé lors de l’audience au montant de 8 463,37$, incluant les frais judicaires et déboursés.

[136] Habituellement, la partie qui succombe est tenue de payer les dépens de la partie qui a gain de cause. La Règle 400 des Règles des Cours fédérales accorde à la Cour un pouvoir discrétionnaire afin de déterminer si une partie doit être condamnée à payer les dépens de l’autre (Ben Abdesslem c Canada, 2018 CF 998 au para 41). La Règle 400 prévoit également que la Couronne a droit à l’attribution de dépens si elle a gain de cause.

[137] Dans l’exercice de sa discrétion, la Cour peut considérer de multiples facteurs dans l’octroi et la quantification des dépens, incluant la fixation d’un montant forfaitaire, ce qui a pour conséquence d’éviter le temps et les coûts associés à la taxation d’un mémoire de frais.

[138] De l’avis de la Cour, cette affaire a assez duré et il est temps de « clore le chapitre » pour le bénéfice de toutes les parties concernées.

[139] Le défendeur a eu gain de cause et la Cour ne voit aucune raison de déroger au principe que le défendeur a droit aux dépens. Au vu de l’ensemble des circonstances de ce dossier et dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, la Cour accorde au défendeur la somme forfaitaire de 2 500,00$ à titre de dépens.

VIII. Remarques finales

[140] La Cour tient à souligner les efforts et la courtoisie de Madame Robitaille qui s’est représentée seule tout au long du dossier, ainsi que le professionnalisme de la procureure du défendeur, lesquels attributs ont contribué au bon déroulement de l’instance et de l’audience. La Cour remercie également les parties pour leur patience et compréhension dans l’attente du présent jugement.

 


JUGEMENT dossier T-1151-20

LA COUR STATUE que :

  1. L’action de la demanderesse, Sylvie Robitaille, est rejetée.

  2. Le tout avec dépens en faveur du défendeur au montant de 2 500,00$.

blanc

« Alexandra Steele »

blanc

Juge adjointe

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1151-20

INTITULÉ :

SYLVIE ROBITAILLE c SA MAJESTÉ LE ROI

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 24 mai 2023

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE ADJOINTE STEELE

DATE DES MOTIFS :

LE 19 JANVIER 2024

COMPARUTIONS :

Sylvie Robitaille

Se représentant seule

Marieke Bouchard

Pour le défendeur

SA MAJESTÉ LE ROI

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Shalene Curtis-Micallef

Sous-procureure générale du Canada

Ottawa (Ontario)

Pour le défendeur

SA MAJESTÉ LE ROI

 

 

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