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Date : 20240222


Dossier : IMM-9008-22

Référence : 2024 CF 264

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 22 février 2024

En présence de monsieur le juge Pentney

ENTRE :

VICTOR HUGO SALAS AGUIRRE

VICTOR HUGO SALAS PACHECO

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Les demandeurs, Victor Hugo Salas Aguirre (le père) et son fils, Victor Hugo Salas Pacheco (le fils), sont originaires du Guatemala. M. Salas Aguirre a été informé de la tenue de l’audience, mais n’y a pas participé. M. Salas Pacheco y a participé et était accompagné d’un ami qui a agi à titre de traducteur.

[2] Je rédige ces motifs à l’intention des demandeurs directement, puisqu’ils sont les principaux concernés, mais j’adresse mes motifs à M. Salas Pacheco tout particulièrement. Puisque ce dernier n’est pas avocat, j’explique ma décision en ayant moins recours à la terminologie juridique que ce qui est habituellement fait pour ce type de décision. Je fais parfois référence à lui directement, parfois aux deux demandeurs, que je désigne par les expressions « les demandeurs » ou « le père et le fils ».

[3] Les demandeurs sont des citoyens du Guatemala. Ils ont quitté leur pays et sont par la suite venus au Canada parce qu’ils craignaient d’être persécutés par un homme nommé Juan et par d’autres personnes associées au groupe Mara Salvatrucha (« MS-13 »). Le père a mentionné que Juan avait tué un homme au Guatemala en raison d’un conflit au sujet d’un prêt et que Juan veut le tuer parce qu’il est au courant. Le père a quitté le Guatemala et a séjourné aux États-Unis sans statut de 2003 à 2019, avant de venir au Canada.

[4] M. Salas Pacheco a affirmé craindre lui aussi d’être persécuté par l’homme qui voulait du mal à son père. Il a mentionné que Juan s’en est pris à lui en 2015 et que la fille de Juan a tenté de le renverser avec sa voiture. Il a quitté le Guatemala et est venu au Canada en 2020.

[5] Le père et le fils ont tous deux demandé l’asile au Canada. Le tribunal de la Section de la protection des réfugiés a entendu leurs demandes conjointes pendant plusieurs jours en janvier, en juillet et en août 2022. Le tribunal a rejeté leurs demandes d’asile. Il n’est pas nécessaire de passer la décision en revue de manière exhaustive, mais j’en résume brièvement les points principaux ci-dessous.

[6] Le tribunal a conclu que la preuve présentée par le père et le fils n’était pas crédible, et ce, pour plusieurs raisons. Les demandeurs, lors de leurs témoignages devant le tribunal, ont présenté des éléments de preuve qui ne concordaient pas sur certains points essentiels. De plus, leurs témoignages devant le tribunal ne correspondaient pas à certains détails importants qu’ils avaient fournis dans leurs formulaires (en particulier leurs formulaires Fondement de la demande d’asile). Le tribunal a interrogé les demandeurs au sujet des incohérences et omissions, et a conclu que leurs explications n’étaient pas satisfaisantes. Le tribunal a également conclu que leurs témoignages ne correspondaient pas toujours aux autres documents qu’ils avaient déposés, comme le rapport de police au sujet de l’incident impliquant une voiture et ciblant M. Salas Pacheco.

[7] En raison de toutes ces lacunes, le tribunal n’a pas cru l’histoire du père et du fils concernant le risque auquel ils étaient exposés aux mains de Juan. Le tribunal a par ailleurs estimé qu’ils ne seraient pas exposés à un risque s’ils devaient retourner au Guatemala. Le tribunal a donc rejeté leurs demandes d’asile.

[8] Les demandeurs sollicitent le contrôle judiciaire de la décision du tribunal. Ils étaient représentés par une avocate au moment du dépôt de leur demande, mais cette dernière a cessé de les représenter avant la tenue de l’audience.

[9] À l’audience, j’ai expliqué à M. Salas Pacheco que mon rôle consiste non pas à apprécier toute la preuve à nouveau, mais plutôt à examiner le dossier dans son intégralité, y compris toutes observations que M. Salas Pacheco souhaite présenter, en plus des arguments de l’ancienne avocate et de ceux du gouvernement, et à déterminer si la décision du tribunal est déraisonnable. Les règles que je dois suivre dans le contrôle de la décision du tribunal ont été établies dans deux arrêts de la Cour suprême du Canada : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65, et Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21.

[10] Le droit prévoit qu’une décision peut être jugée déraisonnable lorsque le bon critère juridique n’a pas été appliqué ou lorsque le décideur n’a pas tenu compte d’un fait important. Une décision peut également être jugée déraisonnable lorsque les motifs n’expliquent pas le résultat. Donc, en l’espèce, même si le tribunal a appliqué les bons principes de droit et a tenu compte des faits importants, je pourrais conclure que la décision est déraisonnable si le tribunal n’a pas expliqué son raisonnement au sujet d’un des points importants.

[11] M. Salas Pacheco n’a pas allégué que le tribunal avait commis des erreurs de droit ni souligné que le tribunal avait écarté des éléments de preuve importants. Il mentionne ne pas savoir pourquoi ses éléments de preuve ne correspondent pas à ceux de son père ni pourquoi le rapport de police contient des détails qui ne correspondent pas à son histoire. M. Salas Pacheco affirme que sa famille et lui restent exposés à un risque au Guatemala et que c’est pour cette raison qu’il est allé chercher sa femme et ses enfants pour les amener au Canada.

[12] Il n’est pas nécessaire de répéter tous les arguments avancés par l’avocate du gouvernement à l’audience, dans ses observations tant écrites qu’orales. Le gouvernement fait valoir que la décision du tribunal est raisonnable puisque les conclusions quant à la crédibilité des demandeurs et au risque auquel ils pourraient être exposés au Guatemala sont fondées sur la preuve. Le gouvernement est d’avis qu’aucune raison ne justifie la cassation de la décision du tribunal.

[13] Je me suis penché de près sur la décision du tribunal. Au vu de la preuve présentée par les demandeurs et des motifs énoncés dans la décision écrite du tribunal, je ne trouve pas matière à conclure que la décision est déraisonnable.

[14] Le tribunal a conclu que la preuve des demandeurs ne concordait tout simplement pas. Le père et le fils se sont contredits, et les explications qu’ils ont fournies lorsqu’ils ont été interrogés au sujet des contradictions et de la modification de leurs témoignages n’étaient pas satisfaisantes. Leurs histoires ne correspondaient pas non plus aux autres éléments de preuve qu’ils avaient présentés, comme le rapport de police. Également, la preuve médicale que les demandeurs ont présentée n’expliquait pas en quoi leurs histoires étaient incompatibles ou incomplètes.

[15] Même si je n’ai aucune raison de douter que M. Salas Pacheco croie véritablement que sa famille et lui seront exposés à un risque s’ils retournent au Guatemala, rien ne me permet, sur le fondement des faits ou du droit, d’infirmer la décision du tribunal. La décision satisfait au critère juridique de la décision raisonnable, conformément au droit canadien.

[16] Je rejette donc la demande de contrôle judiciaire.

[17] Il n’y a aucune question de portée générale à certifier en l’espèce.

[18] En terminant, je tiens à remercier M. Dario Garcia d’avoir agi à titre de traducteur pour M. Salas Pacheco. Je tiens également à remercier l’avocate du procureur général, pour sa flexibilité durant l’audience et pour la façon dont elle a présenté ses arguments de sorte que le traducteur puisse s’assurer que M. Salas Pacheco comprenne. Son approche était fidèle à la pratique des avocats qui représentent le procureur général du Canada.

[19] Finalement, je tiens à remercier M. Salas Pacheco pour sa participation à l’audience.



JUGEMENT dans le dossier IMM-9008-22

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

  2. Il n’y a aucune question de portée générale à certifier.

« William F. Pentney »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DoSSIER :

IMM-9008-22

 

 

INTITULÉ :

VICTOR HUGO SALAS AGUIRRE, VICTOR HUGO SALAS PACHECO c LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

TENUE PAR vidéoconférence SUR zoom, ToronTO (ONtario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 14 FÉVRIER 2024

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE pentney

 

DATE DES MOTIFS :

LE 22 FÉVRIER 2024

 

COMPARUTIONS :

Victor Hugo Salas Aguirre (ABSENT)

POUR LE DEMANDEUR

Victor Hugo Salas Pacheco

POUR LE DEMANDEUR

(POUR SON PROPRE COMPTE)

Ferishtah Abdul-Saboor

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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