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Date : 20240327

Dossier : IMM-2886-23

Référence : 2024 CF 481

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Vancouver (Colombie-Britannique), le 27 mars 2024

En présence de madame la juge Heneghan

ENTRE :

IBRAHIM YURTGUL

demandeur

et

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Ibrahim Yurtgul (le « demandeur ») sollicite le contrôle judiciaire de la décision par laquelle la Section de la protection des réfugiés (la « SPR ») de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a accueilli la demande de constat de perte de l’asile présentée par le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le « défendeur »).

[2] Le demandeur est un citoyen de la Türkiye arrivé au Canada en 2011. Le statut de réfugié au sens de la Convention lui a été octroyé le 27 mai 2013 en raison de ses activités politiques prokurdes en Türkiye.

[3] Le 19 juillet 2016, le demandeur a obtenu le statut de résident permanent au Canada.

[4] Le 23 janvier 2017, le consulat de Türkiye à Toronto a délivré un passeport turc au demandeur.

[5] Le 17 juillet 2017, le demandeur s’est rendu en Türkiye muni de son passeport turc et y est resté pendant 39 jours. Au retour du demandeur au Canada, un agent de l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC ») l’a averti de ne pas se rendre en Türkiye sans l’autorisation appropriée.

[6] Le 16 juillet 2019, le demandeur s’est rendu en Türkiye en utilisant encore une fois son passeport turc et y est resté pendant 35 jours. Au retour du demandeur au Canada, un agent de l’ASFC l’a informé que ses voyages pourraient démontrer qu’il n’avait plus besoin de protection.

[7] En août 2020, le demandeur a utilisé son passeport turc pour se rendre en République dominicaine, où il a séjourné pendant une semaine.

[8] Le 25 juin 2021, le défendeur a présenté une demande de constat de perte de l’asile à la SPR.

[9] Dans sa décision, la SPR a reconnu la présomption réfutable selon laquelle le réfugié au sens de la Convention qui acquiert un passeport auprès du pays dont il a la nationalité a l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de ce pays. Elle a conclu que le demandeur n’avait pas réussi à réfuter cette présomption.

[10] La SPR a également pris acte des directives que la Cour d’appel fédérale a formulées dans l’arrêt Canada (Citoyenneté et Immigration) c Galindo Camayo, 2022 CAF 50 [Camayo], selon lesquelles il faut tenir compte des efforts que le demandeur a déployés pour se cacher de ses agents de persécution. La SPR a conclu que le demandeur ne s’était pas caché lors de ses séjours en Türkiye.

[11] La SPR a en outre reconnu qu’elle devait tenir compte de la connaissance subjective du demandeur quant aux conséquences auxquelles il s’exposait en voyageant à l’aide de son passeport turc. Elle a conclu que, à la lumière des interactions entre l’ASFC et le demandeur, ce dernier était conscient des conséquences auxquelles il s’exposait.

[12] Le demandeur soutient que la SPR n’a pas procédé à une évaluation individualisée pour déterminer s’il avait réfuté la présomption selon laquelle il s’était réclamé de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité. Il soutient également que la SPR a conclu à l’absence d’une crainte subjective de persécution en Türkiye après avoir apprécié la preuve de façon déraisonnable.

[13] Le demandeur soutient en outre que la SPR a évalué de manière déraisonnable la connaissance subjective qu’il avait des conséquences possibles de ses voyages sur son statut au Canada, compte tenu de sa connaissance limitée de l’anglais et de son manque de raffinement.

[14] Le défendeur soutient que la SPR a examiné de manière raisonnable les facteurs énoncés dans l’arrêt Camayo, et qu’elle a raisonnablement apprécié l’ensemble de la preuve avant de conclure que le demandeur n’avait pas réussi à réfuter la présomption selon laquelle il avait eu l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Türkiye et qu’il s’était effectivement réclamé de la protection de ce pays.

[15] Suivant les directives formulées dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, [2019] 4 RCS 653 (CSC) [Vavilov], la norme de contrôle applicable à la décision de la SPR est la norme de la décision raisonnable.

[16] Pour déterminer si la décision faisant l’objet du contrôle est raisonnable, la Cour doit se demander si cette décision « possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité, et si la décision est justifiée au regard des contraintes factuelles et juridiques pertinentes qui ont une incidence sur celle-ci » : voir Vavilov, au para 99.

[17] Je ne suis pas convaincue que le demandeur a démontré que la décision ne satisfait pas à la norme de contrôle applicable.

[18] Dans sa décision, la SPR a examiné la preuve. Elle a traité des éléments relatifs au fait, pour le demandeur, de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité : le demandeur a agi volontairement; il avait l’intention de se réclamer de nouveau de la protection de la Türkiye; et il a effectivement obtenu cette protection.

[19] C’est à la SPR, et non à la Cour, qu’il incombe d’apprécier la preuve. Il ressort de la décision de la SPR que cette dernière connaissait le critère juridique relatif au fait, pour le demandeur, de se réclamer de nouveau de la protection du pays dont il a la nationalité, et qu’elle a appliqué ce critère.

[20] La demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée. Il n’y a aucune question à certifier.

[21] Le demandeur peut envisager d’autres options pour rester au Canada, y compris celle prévue au paragraphe 25(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, LC 2001, c 27.




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