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Date : 20240409


Dossier : T-853-20

Référence : 2024 CF 556

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 9 avril 2024

En présence de madame la juge Tsimberis

ENTRE :

PROMOTION IN MOTION, INC.

faisant affaire sous le nom de PIM BRANDS, INC.

demanderesse

et

HERSHEY CHOCOLATE & CONFECTIONERY LLC

défenderesse

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] La Cour est saisie d’un appel interjeté par la demanderesse, Promotion in Motion, Inc., faisant affaire sous le nom PIM Brands, Inc. [PIM], en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, LRC 1985, c T-13 [LMC], par lequel elle conteste une décision datée du 27 mars 2020 (2020 COMC 56) [la décision contestée], rendue par la Commission des oppositions des marques de commerce [la Commission]. PIM cherchait à faire enregistrer les marques de commerce SWISSKISS (marque nominale) [la marque de commerce SWISSKISS] et SWISSKISS & Dessin [la marque de commerce SWISSKISS & Dessin], marque figurative reproduite ci-dessous, pour des produits de « chocolat suisse » [collectivement, les marques de commerce SWISSKISS]. La défenderesse, Hershey Chocolate & Confectionery LLC [Hershey] a contesté avec succès les demandes de marques de commerce de PIM, en s’appuyant sur plusieurs marques de commerce enregistrées KISS et KISSES; la Commission a principalement basé sa décision sur les enregistrements de Hershey, no LMC733,263 visant la marque de commerce KISSES [la marque de commerce KISSES] et no LMC833,060 visant la marque de commerce KISS [la marque de commerce KISS] [collectivement, les marques de commerce de Hershey], en liaison avec des « confiseries au chocolat plein avec des ingrédients comme les noix ou non » et des « bonbons au chocolat », respectivement.

[2] Dans la décision contestée, la Commission a rejeté les demandes de PIM concernant les marques de commerce SWISSKISS. La Commission a conclu que les éléments de preuve fournis par PIM ne suffisaient pas pour démontrer que le terme « kiss » est générique au Canada lorsqu’employé en liaison avec du chocolat, ni que les marques de commerce KISSES et KISS sont sans protection au Canada en liaison avec le chocolat. La Commission a jugé qu’il existait une probabilité de confusion entre les marques de commerce SWISSKISS de PIM et les marques de commerce de Hershey, conformément aux motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)d) et 16(3)a) de la LMC.

[3] Dans le présent appel, PIM sollicite une ordonnance accueillant son appel, annulant la décision contestée et ordonnant au registraire des marques de commerce d’accueillir les demandes visant les marques de commerce SWISSKISS. PIM produit de nombreux nouveaux éléments de preuve qui, selon elle, auraient eu un effet important sur les conclusions de fait de la Commission. PIM prétend aussi que la Commission a commis plusieurs erreurs dans son analyse de la question de savoir si le mot KISS est un terme générique, ainsi que dans son analyse relative à la confusion.

[4] À l’audition du présent appel, PIM a confirmé avoir abandonné les allégations concernant les erreurs exposées aux alinéas 13h), 13i) et 13k) de son avis de demande; elle ne les avait d’ailleurs pas abordées dans les représentations écrites qu’elle a présentées dans le cadre de l’appel.

[5] En mettant de côté les allégations d’erreurs dont l’abandon a été confirmé, PIM soutient dans son avis de demande que la Commission a commis les erreurs suivantes, lesquelles constituent ses motifs d’appel :

[traduction]
13. Plus précisément, le registraire a notamment commis les erreurs de droit suivantes :

a) Le registraire a commis une erreur de droit en concluant que la défenderesse avait employé sa marque de commerce KISS ou KISSES indépendamment de la marque de commerce HERSHEY et de la présentation commerciale qui s’y rattache. Il n’y a aucune preuve d’un tel emploi.

b) À titre subsidiaire, le registraire a commis une erreur de droit en concluant que tout emploi des marques de commerce KISS et KISSES, de la défenderesse, en soi, était plus que minime.

c) Le registraire a commis une erreur de droit en concluant que, même si le volume de la preuve étayant l’utilisation générique du mot KISS en liaison avec un « morceau de friandise » est « important », ces éléments de preuve ne s’appliquaient pas également à la confiserie au chocolat HERSHEY’S KISSES de la défenderesse, qui est également « un petit morceau de friandise [au chocolat] [...] emballée dans du papier ou de l’aluminium ».

d) Le registraire a commis une erreur de droit en analysant en détail les marques de la demanderesse, qui comprennent le mot inventé SWISSKISS et non les mots SWISS et KISS, comme l’a laissé entendre le registraire.

e) Le registraire a commis une erreur de droit en n’ayant pas tenu compte des composantes distinctives faisant partie de la marque SWISSKISS & Dessin de la demanderesse, et en traitant plutôt les deux marques de la demanderesse comme équivalentes.

f) Le registraire a commis une erreur de droit en concluant que le mot SWISS, dans le contexte des marques de la demanderesse, ne permettait pas de distinguer ces dernières des marques de commerce KISS et KISSES de la défenderesse et n’empêchait pas non plus une probabilité de confusion. En ce qui concerne le chocolat, le mot SWISS évoque le chocolat d’origine suisse (telle qu’était l’intention de la demanderesse), tandis que les marques de commerce de la défenderesse portent la connotation qui rapporte au chocolat du fondateur de la marque de chocolat Hershey, Milton S. Hershey, et au chocolat fabriqué à Hershey, en Pennsylvanie, aux États-Unis. Cet élément de preuve n’a pas été contesté et le registraire a commis une erreur de droit en ne l’appliquant pas lors de son évaluation des motifs d’opposition.

g) Le registraire a commis une erreur de droit en concluant que l’élément KISS des marques de commerce de la défenderesse était « l’élément le plus frappant », alors qu’il s’agit d’un élément générique et descriptif, ou, subsidiairement, que cet élément possède « un caractère distinctif inhérent relativement faible ». Du point de vue juridique, un élément frappant doit pouvoir permettre de déterminer la source du produit; or, l’élément KISS ou KISSES dans les marques de commerce de la défenderesse ne peut pas remplir cette fonction, car la marque maison HERSHEY la remplit déjà, et ce, pour tous les produits.

j) Le registraire a commis une erreur de droit lorsqu’il a évalué les motifs d’opposition, puisqu’il n’a pas accordé suffisamment de poids à la première partie du mot inventé contenu dans les marques de la demanderesse – c’est-à-dire SWISS – qui est entièrement différente des mots compris dans les marques de commerce sur lesquelles s’est fondée la défenderesse.

l) Le registraire a commis une erreur de droit en confirmant les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)d) et 16(3)a).

[6] Aucune de ces erreurs alléguées ne constitue véritablement à elle seule une question en litige; toutefois, chacune des erreurs alléguées contribue aux questions qui sont à trancher. La Cour comprend que ces erreurs alléguées soulèvent essentiellement les questions en litige suivantes :

1. Quelle est la norme de contrôle applicable, compte tenu du dépôt de nouveaux éléments de preuve par les deux parties?

2. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en concluant que PIM ne s’était pas acquittée du fardeau de prouver qu’il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion, entre les marques de commerce SWISSKISS telles que visées par les demandes et les marques de commerce KISS et KISSES enregistrées par Hershey?

3. La Commission a-t-elle commis une erreur susceptible de révision en concluant que la preuve produite par PIM ne suffisait pas à établir le caractère générique du mot « KISS », lorsqu’employé précisément en liaison avec du chocolat, et par conséquent que les marques de commerce KISS et KISSES sont génériques ou par ailleurs sans aucun caractère distinctif lorsqu’employées en liaison avec le chocolat au Canada?

[7] Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la plupart des nombreux nouveaux éléments de preuve présentés à la Cour par les parties sont inadmissibles, dépourvue d’importance, ou n’auraient pas eu une valeur probante suffisante pour affecter l’analyse effectuée par la Commission, et ne justifient pas le réexamen de novo des questions. Toutefois, étant donné l’importance de l’un des nouveaux affidavits de PIM, j’examinerai de novo la question de savoir si le mot SWISS, en tant que partie intégrante des marques de commerce SWISSKISS, constitue une description de l’origine géographique des chocolats d’origine suisses de PIM et est donc dépourvu de tout caractère distinctif inhérent, comme le membre de la Commission l’a conclu dans la décision contestée. Je conclus également, après examen de la décision contestée telle que décrite ci-dessous, que PIM n’a démontré l’existence d’aucune erreur susceptible de révision dans l’analyse relative à la confusion qui avait amené la Commission à conclure que les marques de commerce SWISSKISS ne sont pas enregistrables et que PIM n’a pas le droit de les faire enregistrer. La décision de la Commission doit donc être confirmée et l’appel de PIM doit être rejeté avec dépens en faveur de Hershey.

II. Contexte

A. Les demandes de PIM et les oppositions de Hershey

[8] Le 5 février 2013, PIM a déposé la demande no 1,612,723 afin d’enregistrer la marque de commerce SWISSKISS [la demande visant la marque de commerce SWISSKISS] et la demande no 1,612,724 afin d’enregistrer la marque de commerce SWISSKISS & Dessin [la demande visant la marque de commerce SWISSKISS & Dessin] sur la base de l’emploi projeté en liaison avec les produits de « chocolat suisse ». La demande visant la marque de commerce SWISSKISS a été publiée aux fins d’opposition le 12 mars 2014 et la demande visant la marque de commerce SWISSKISS & Dessin a été publiée le 23 octobre 2013.

[9] Le 28 avril 2014, Hershey a déposé une déclaration d’opposition à l’encontre de la demande visant la marque de commerce SWISSKISS; et le 13 décembre 2013, une autre déclaration d’opposition a été déposée à l’encontre de la demande visant la marque de commerce SWISSKISS & Dessin en vertu de l’article 38 de la LMC. Étant donné que les déclarations d’opposition ont été déposées avant la modification de la LMC le 17 juin 2019, toutes les références faites dans cette décision se rapportent à la version modifiée de la LMC, à l’exception des références faites au sujet des motifs d’opposition qui se rapportent à la LMC telle qu’elle était rédigée avant sa modification (voir l’article 70 de la LMC, qui prévoit que le paragraphe 38(2) de la LMC, dans sa version antérieure au 17 juin 2019, s’applique aux demandes publiées avant cette date). Hershey a soulevé des motifs d’opposition fondés sur l’article 2 ainsi que les alinéas 12(1)d), 16(3)a), 16(3)b), 30e) et 30i) de la LMC; les motifs invoqués dans les deux déclarations d’opposition sont identiques.

[10] PIM a déposé et signifié, relativement à chacune de ces demandes, une contre-déclaration dans laquelle elle a nié les allégations de Hershey. En résumé, PIM a soumis qu’il n’y avait pas de probabilité de confusion entre les marques de commerce de Hershey et les marques de commerce SWISSKISS, parce que : (1) les mots HERSHEY ou HERSHEY’S et SWISS, qui sont les parties dominantes des marques de commerce respectives des deux parties, ne pourraient pas être visuellement plus différents; (2) PIM n’utiliserait jamais aucun des éléments familiers associés au produit HERSHEY’S KISSES, p. ex., une forme conique ou un ruban ressortant verticalement de la partie supérieure de l’emballage de la friandise; (3) il ressort des éléments de preuve que le mot « kiss » désigne un type de friandise, à savoir une friandise de la taille d’une bouchée. Le mot « kiss » est donc générique et a) Hershey ne peut pas faire valoir de droits exclusifs sur ce mot, et b) puisque le mot « kiss » est le seul élément commun entre les marques des deux parties, sur lequel Hershey ne peut faire valoir aucun droit exclusif, il n’y a aucune probabilité de confusion, et (4) dans la poursuite pour contrefaçon et dilution de la marque de commerce qui opposait les parties aux États-Unis, il a été conclu que le produit SWISSKISS de la défenderesse PIM ne contrefaisait ni ne diluait la marque de commerce valide KISSES de la demanderesse Hershey.

[11] Devant la Commission, les deux parties ont déposé des dossiers de preuve comprenant de nombreux affidavits; ces éléments de preuve sont résumés ci-dessous, et tous les déposants, à l’exception de M. Pete Vanslyke et de Mme Anastassia Trifonova, ont fait l’objet d’un contre-interrogatoire :

[traduction]

  1. La preuve principale de Hershey était constituée de copies certifiées conformes des enregistrements de marques de commerce et des demandes visant KISS et KISSES sur lesquelles elle s’est appuyée, ainsi que de l’affidavit de M. Pete Vanslyke (directeur de la commercialisation (« marketing ») chez Hershey Canada Inc.) souscrit le 7 juillet 2014 [l’affidavit de M. Vanslyke]. L’affidavit de M. Vanslyke accompagnait 26 pièces et faisait notamment état de l’emploi des marques de commerce de Hershey en liaison avec des produits de chocolat et d’autres produits et services au Canada. Les activités de vente, de promotion et de publicité comprenaient des scripts pour les publicités télévisuelles, des tableaux de parution pour la diffusion des publicités de la marque KISSES à la télévision, sur Internet et dans les médias imprimés, des copies des annonces télévisées de la marque KISSES en anglais et en français, des promotions croisées auxquelles Hershey avait participé (c.-à-d. Shoppers Drug Mart/Pharmaprix) et même des produits non alimentaires tels que des décorations de Noël et des sacs fourre-tout affichant bien en vue les marques KISSES.

  2. Les éléments de preuve de PIM comprenaient (i) l’affidavit de Michael G. Rosenberg (le fondateur et chef de la direction de PIM), souscrit le 30 novembre 2016 [le premier affidavit de M. Rosenberg] et (ii) l’affidavit d’Anastassia Trifonova (une étudiante en droit à l’emploi des agents de marques de commerce de PIM), souscrit le 2 décembre 2015 [le premier affidavit de Mme Trifonova]. Le premier affidavit de M. Rosenberg relate l’historique de la marque SWISSKISS et introduit 36 pièces comprenant divers répertoires de conférences de fabricants de confiseries et guides de l’acheteur, un extrait de dictionnaire, différentes marques qui utilisent les mots « Kiss » ou « Kisses » dans des noms de produits, ainsi que des documents se rapportant au différend juridique entre les parties aux États-Unis. Le premier affidavit de Mme Trifonova présente les résultats de plusieurs recherches en ligne de recettes et de produits de confiserie qui comprennent les mots « Kiss » ou « Kisses » dans le nom du produit, ainsi que plusieurs définitions du mot « Kiss » provenant de dictionnaires en ligne.

  3. La contre-preuve de Hershey est constituée de l’affidavit de Me Laurence Virtue-Deshaies (avocat auprès de l’agent de Hershey) souscrit le 24 mars 2017 [l’affidavit de Me Virtue-Deshaies]. Cet affidavit comprend des captures d’écran de plusieurs sites Web (dont beaucoup sont mentionnés dans le premier affidavit de Mme Trifonova) et des précisions au sujet des demandes de marques de commerce tirées du site Web de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada [l’OPIC].

  4. Avec la permission du registraire, PIM a déposé l’affidavit supplémentaire d’Anastassia Trifonova, souscrit le 20 septembre 2017 [le second affidavit de Mme Trifonova]. Cet affidavit comprend des renseignements et des captures d’écran du site Web de Purity Factories, une société de la Terre-Neuve, identifiant les produits auxquels le nom comprend le terme « Kisses ».

[12] La Commission, agissant pour le compte du registraire, a donné gain de cause à Hershey relativement au motif fondé sur l’enregistrabilité au titre de l’alinéa 12(1)d) et au motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement au titre de l’alinéa 16(3)a), et a jugé qu’il était inutile d’examiner les autres motifs d’opposition. En ce qui concerne le motif d’enregistrabilité au titre de l’alinéa 12(1)d), la Commission a conclu que PIM ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer, selon la prépondérance des probabilités, qu’il n’y a aucune probabilité raisonnable de confusion entre ses marques de commerce SWISSKISS et les marques de commerce de Hershey; sa conclusion est résumée aux paragraphes 78 à 80 de la décision contestée et reproduite ci-après :

Conclusion concernant le motif fondé sur l’article 12(1)d)

[78] En bout de compte, la question dans cette affaire est de savoir si le consommateur canadien moyen, avec un vague souvenir de la marque de commerce KISSES ou KISS en liaison avec des chocolats, lorsqu’il voit un produit de chocolat suisse portant la marque de commerce SWISSKISS (ou SWISSKISS et Dessin), croira que les produits proviennent de la même source. J’estime, si je dois accorder toute forme de protection aux enregistrements LMC733,263 et LMC833,060, que je dois fournir une réponse affirmative à cette question.

[79] Les Marques de la Requérante sont formées d’un terme descriptif « SWISS » précédant le terme « KISS » pour lequel il existe déjà des droits enregistrés au Canada en liaison avec les chocolats. Je conclus qu’il est raisonnable de supposer que les consommateurs qui connaissent les marques de commerce KISSES ou KISS en liaison avec les chocolats croiraient que les chocolats suisses portant les marques de commerce SWISSKISS et SWISSKISS et Dessin proviennent de la même entité que le propriétaire des marques déposées ou que, à tout le moins, ils ont été approuvés, ont été employés sous licence ou sont parrainés par le propriétaire de ces marques déposées.

[80] Dans l’évaluation de cette question, je dois tenir compte du fait que la Demande pour la marque nominale et la Demande pour la marque figurative de la Requérante ne sont pas limitées à une couleur ou un style d’emballage en particulier qui pourraient aider à réduire la probabilité de confusion dans le marché. Au contraire, l’enregistrement de la Marque nominale et de la Marque figurative de la Requérante permettrait à la Requérante de présenter les Marques dans n’importe quelle couleur ou n’importe quel agencement choisi par la Requérante.

[13] La Commission a ensuite conclu que Hershey s’était acquittée de son fardeau de preuve initial afin de démontrer qu’elle avait employé les marques de commerce KISSES et KISS au Canada avant la date de dépôt des demandes visant les marques de commerce SWISSKISS et a accueilli le motif d’opposition de Hershey fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement au titre de l’alinéa 16(3)a) pour les mêmes raisons et en fonction de la même analyse que la question de la probabilité de confusion. L’essentiel de la conclusion de la Commission concernant le motif fondé sur l’absence de droit à l’enregistrement se trouve aux paragraphes 83 et 84 de sa décision, paragraphes qui sont reproduits ci-dessous :

[83] Comme il a été susmentionné, la preuve de l’Opposante indique qu’elle a employé la marque de commerce KISSES au Canada en liaison avec les chocolats continuellement depuis 1962. L’étendue de l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce KISS semble être beaucoup moins importante que celle de la marque de commerce KISSES; malgré tout, l’affidavit Vanslyke comporte des exemples de l’emploi par l’Opposante de la marque de commerce KISS avant la date pertinente pour ce motif [voir la pièce F à l’affidavit Vanslyke qui comprend des exemples d’emploi de la marque de commerce KISS avant le 31 décembre 2008]. Il n’y a aucune preuve permettant de suggérer que l’Opposante a abandonné les marques de commerce KISSES ou KISS aux dates de l’annonce des Demandes. Par conséquent, l’Opposante s’est acquittée de son fardeau de preuve initial en ce qui concerne le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a).

[84] L’Opposante s’étant acquittée de son fardeau initial, j’estime que l’analyse de la question de la probabilité de confusion pour le motif d’opposition fondé sur l’article 16(3)a) est essentiellement identique à celle du motif fondé sur l’article 12(1)d). Cela veut dire que la date pertinente antérieure pour le motif fondé sur l’article 16(3)a) ne change pas de manière importante l’analyse.

B. Les nouveaux éléments de preuve présentés par les parties en appel

[14] Les deux parties ont, en vertu du paragraphe 56(5) de la LMC, déposé de nombreux nouveaux éléments de preuve dans le cadre du présent appel.

(1) Les nouveaux éléments de preuve de PIM

[15] En appel, PIM a déposé des copies certifiées conformes des historiques de ses demandes visant les marques de commerce SWISSKISS, ainsi que les six (6) nouveaux affidavits suivants, dont trois (3) sont des affidavits contenant des témoignages d’expert :

a) Le deuxième affidavit de M. Rosenberg

[16] Le second affidavit de M. Michael Rosenberg, souscrit le 4 décembre 2020 [le deuxième affidavit de M. Rosenberg], semble faire suite au paragraphe 51 de la décision contestée, dans lequel la Commission a distingué l’analyse effectuée dans l’action en contrefaçon et dilution intentée aux États-Unis au sujet de l’emballage des produits et sa propre analyse, qui est axée sur les marques de commerce visées par les demandes où, par exemple, la marque nominale SWISSKISS donne à son propriétaire le droit de montrer la marque dans la police, le style ou la couleur de son choix. Au paragraphe 51, la Commission a énoncé ce qui suit : « [...] j’ai l’obligation de tenir compte de la possibilité que la Requérante peut avoir choisi de représenter ses Marques dans une couleur et un emballage qui ressemblent davantage à ceux de l’Opposante comparativement à l’emballage particulier qui était devant la cour dans la Poursuite pour contrefaçon aux États-Unis ».

[17] Selon le deuxième affidavit de M. Rosenberg, PIM n’a jamais eu l’intention de représenter l’une ou l’autre des marques de commerce SWISSKISS d’une façon qui ressemble au produit HERSHEY’S KISSES ou à son emballage, car cela ne cadre pas avec sa commercialisation d’un chocolat suisse de première qualité. Il confirme également que PIM n’utilisera pas un emballage dont [traduction] « l’apparence » rappelle, de quelque façon que ce soit, l’apparence des produits HERSHEY’S KISSES, à savoir un chocolat conique en forme de goutte emballée dans un papier d’aluminium avec un ruban ressortant de la partie supérieure de l’emballage ou la même teinte de brun que celle utilisée par Hershey.

[18] M. Rosenberg a affirmé dans son premier affidavit, en se fondant sur son expérience, que le brun est une couleur couramment utilisée pour commercialiser des produits de chocolat et que PIM pourrait avoir besoin d’utiliser une, ou plusieurs, teintes de brun dans le cadre de la commercialisation de certaines saveurs de chocolat à tout le moins, mais qu’elle n’utilisera aucun emballage qui soit, d’une manière ou d’une autre, similaire à celui des produits HERSHEY’S KISSES.

b) L’affidavit de Mme Corbin

[19] L’affidavit de Mme Ruth Corbin, souscrit le 24 novembre 2020 [l’affidavit de Mme Corbin], comprend trois pièces :

  • Pièce A – Certificat concernant le code de déontologie régissant les témoins experts signé le 3 novembre 2020.

  • Pièce B – Curriculum vitæ de Mme Corbin daté d’octobre 2020.

  • Pièce C – Rapport de recherche complet daté du 27 octobre 2020, accompagné de tous les documents utilisés et de tableaux de données détaillés.

[20] Mme Corbin est présidente et ancienne associée directrice de CorbinPartners Inc. [CorbinPartners], une société de sciences de la commercialisation qui effectue des études de marché. Le cabinet Marks & Clerk Law LLP [Marks & Clerk], au nom de son client PIM, a retenu les services de Mme Corbin et de CorbinPartners pour planifier, concevoir et mettre en œuvre un sondage auprès des Canadiens qui avaient acheté du chocolat suisse dans un magasin de détail ou qui avaient l’intention d’en acheter. L’objectif de la recherche était d’évaluer la source, le cas échéant, à laquelle les consommateurs associent le logo SWISSKISS & Dessin (c.-à-d. la marque de commerce SWISSKISS & Dessin) et, plus précisément, d’évaluer la mesure dans laquelle les consommateurs concluaient à tort que le logo provient de Hershey en raison du fait que le mot « KISS » y figure.

[21] Le sondage, mené sur Internet au moyen d’un questionnaire réalisé en ligne du 1er au 24 septembre 2020, a rassemblé les réponses en ligne de quatre cent cinquante-quatre (454) participants canadiens, qui étaient des consommateurs de chocolat suisse et qui en avaient acheté dans un magasin de détail au moins une fois au cours des trois (3) mois précédents ou qui avaient l’intention d’en acheter au cours des trois (3) mois suivants. Trois cent trente (330) participants faisaient partie du groupe test auquel on a montré l’image du logo SWISSKISS & Dessin tels que reproduits ci-dessous, et cent vingt-quatre (124) autres participants faisaient partie du groupe de contrôle auquel on a montré l’image du logo SWISSWISH & Dessin tel que reproduite ci-dessous :

Groupe test

Groupe de contrôle

[22] Les 454 participants du groupe test et du groupe de contrôle ont répondu à la même série de questions, notamment quant à savoir ce qu’ils connaissaient des produits de chocolat suisse utilisant le logo présenté et quelle entreprise commercialise du chocolat suisse en utilisant le logo présenté. Si les participants identifiaient une entreprise, on leur demandait les raisons pour lesquelles ils avaient reconnu cette entreprise. Le groupe de contrôle a été inclus afin d’obtenir une inférence causale; il avait la même fonction qu’un placebo dans une expérience médicale et permettait de déduire que les perceptions étaient causées par le logo SWISSKISS & Dessin présenté plutôt que par une supposition aléatoire. La méthodologie et les conclusions du sondage sont présentées dans la pièce C – Rapport de recherche au complet [l’étude SWISSKISS & Dessin de Mme Corbin]. Les résultats de l’étude SWISSKISS & Dessin de Mme Corbin sont les suivants :

[traduction]

  1. Comme le montre la figure ES-1, la majorité des participants du groupe test auxquels on a montré le logo SWISSKISS & Dessin n’ont pu identifier précisément aucune entreprise comme étant la source du logo. Près d’un quart (24 %) des participants du groupe test ont nommé SWISSKISS, le nom du produit, comme étant la source. On a estimé que deux pour cent (2 %) des participants du groupe test avaient déduit à tort que Hershey était la source du logo SWISSKISS & Dessin, soit en mentionnant « Hershey », soit en faisant allusion au produit « KISS(ES) » :

  1. Aucun (0 %) des participants du groupe de contrôle (auxquels on a montré le logo SWISSWISH) n’a déduit à tort que Hershey était la source du logo SWISSWISH & Dessin, soit en mentionnant « Hershey », soit en faisant allusion au produit « KISS(ES) » :

[23] Les conclusions de l’étude SWISSKISS & Dessin de Mme Corbin sont les suivantes :

[traduction]

  1. La majorité des participants au sondage n’ont pas identifié le logo SWISSKISS & Dessin à une source précise, ou n’ont pas identifié une entreprise portant le même nom que celui figurant dans le logo comme étant la source.

2. Il n’y a aucune preuve probante sur le plan statistique d’inférence erronée selon laquelle Hershey est la source du produit utilisant le logo SWISSKISS & Dessin.

c) L’affidavit de M. Bourque

[24] L’affidavit de M. Christian Bourque, souscrit le 26 novembre 2020 [l’affidavit de M. Bourque], comprends trois pièces :

  • Pièce A – Curriculum vitæ de M. Bourque.

  • Pièce B – Certificat concernant le code de déontologie régissant les témoins experts signé le 26 novembre 2020.

  • Pièce C – Rapport de recherche daté du 23 novembre 2020, accompagné d’annexes.

[25] M. Bourque est vice-président directeur et associé principal au sein de l’entreprise de recherche sur les marchés et l’opinion publique Léger. Marks & Clerk, au nom de son client PIM, a retenu les services de M. Bourque et de Léger pour mener un sondage auprès des Canadiens qui achètent du chocolat suisse. La recherche visait à évaluer les impressions générales par rapport à la marque nominale SWISSKISS et à mesurer à quel point, le cas échéant, les acheteurs de chocolat suisse dans un magasin de détail concluent à tort que Hershey est la source de SWISSKISS. On a remis à M. Bourque un questionnaire de sondage au sujet d’un logo, en lui disant que ce questionnaire avait été préparé par Mme Corbin. Après avoir vérifié que le questionnaire était adapté à la mission qu’on lui avait confiée, il l’a utilisé pour son étude de recherche.

[26] Le sondage, mené sur Internet au moyen d’un questionnaire réalisé en ligne du 5 au 16 octobre 2020, a rassemblé les réponses de cinq cent quinze (515) participants sélectionnés parce qu’ils étaient acheteurs de chocolat suisse, tel qu’il a été mentionné précédemment. On a montré à trois cent cinquante-cinq (355) participants du groupe test l’image de la marque SWISSKISS et on a montré à cent cinquante-six (156) participants du groupe de contrôle l’image de la marque SWISSWISH. Les 515 participants ont répondu à la même série de questions que celle dans le cadre de l’étude SWISSKISS & Dessin de Mme Corbin, notamment quant à savoir ce qu’ils connaissaient des produits de chocolat suisse utilisant la marque présentée et quelle entreprise commercialise du chocolat suisse en utilisant la marque présentée. La méthodologie et les conclusions du sondage sont présentées dans la pièce C – Rapport de recherche de Léger [l’étude SWISSKISS de M. Bourque]. Les résultats de l’étude SWISSKISS de M. Bourque sont les suivants :

[traduction]

  1. Comme le montre le tableau ci-dessous, 41 % des participants du groupe test (auxquels on a montré la marque SWISSKISS) ont nommé SWISSKISS, le nom du produit, comme étant la source. Au total, 3 % des participants du groupe test ont associé HERSHEY à la marque SWISSKISS présentée (2 % ont fait une association spontanée et 1 % l’ont associé comme fabricant).

  2. Aucun (0 %) des participants du groupe de contrôle (auxquels on a montré la marque SWISSWISH) n’a déduit à tort que Hershey était la source du logo SWISSWISH.

[27] Les conclusions de l’étude SWISSKISS de M. Bourque sont les suivantes :

[traduction]

  1. Sur le plan statistique, il n’y a pas de preuve significative que les participants du groupe test ont associé HERSHEY à la marque SWISSKISS présentée (2 % ont fait une association spontanée et 1 % l’ont associé comme fabricant).

  2. Compte tenu de la marge d’erreur (1,77 %) applicable à cette proportion de 3 %, cela signifie que la déduction erronée globale établissant Hershey comme étant la source serait de 1,23 % à 4,77 %.

  3. En outre, l’association avec Hershey au sein du groupe test n’était pas statistiquement différente des associations avec d’autres marques citées, comme Lindt ou Nestlé.

  4. La connaissance de Hershey et de ses produits de chocolat Hershey’s Kisses demeure très élevée (95 % au sein du groupe test et 97 % au sein du groupe de contrôle). Le fait que seulement 3 % des participants du groupe test aient associé SWISSKISS à Hershey montre également que les consommateurs n’associent pas de façon significative SWISSKISS à Hershey.

d) L’affidavit de M. Bradley

[28] John Bradley, dans son affidavit souscrit le 4 décembre 2020 [l’affidavit de M. Bradley], présente sa propre expérience dans l’industrie de la confiserie. Il a commencé à travailler pour Cadbury au Royaume-Uni en 1979, pour ensuite intégrer Cadbury Chocolate Canada Inc. en 1996 alors qu’il faisait partie du groupe d’entreprises Cadbury Schweppes, et a fini par être promu au poste de premier vice-président de la commercialisation de Cadbury Chocolate Canada Inc. Il a quitté Cadbury en novembre 2003. Depuis, il a travaillé comme expert-conseil en commercialisation, éditeur et documentariste.

[29] PIM a engagé M. Bradley afin d’obtenir son opinion d’expert quant à la probabilité que les consommateurs croient à tort que la confiserie au chocolat SWISSKISS produite par PIM est fabriquée et vendue par Hershey sur la base que le mot « kiss » figure dans le nom et le logo. L’opinion de M. Bradley est fondée sur l’hypothèse selon laquelle l’emballage SWISSKISS ne présente ni les caractéristiques iconiques ni la couleur d’arrière-plan du produit HERSHEY’S KISSES, et que le logo SWISSKISS illustré ci-dessous utilise une police d’écriture, une couleur et un angle d’illustration différents de ceux employés dans le logo HERSHEY’S KISSES.

[30] M. Bradley, s’appuyant sur ses connaissances, son expérience au sein de l’industrie de la confiserie et ses hypothèses, a déclaré qu’il [traduction] « prévoit qu’un très faible pourcentage des consommateurs canadiens présument qu’il existe un lien entre SWISSKISS et Hershey ou HERSHEY’S KISSES. Je présume que les consommateurs associeraient davantage SWISSKISS à des marques bien connues de chocolat suisse telles que Lindt, Tobler et Suchard, mais dans une proportion certes bien inférieure à 10 %. »

[31] M. Bradley a évalué les marchés des confiseries au chocolat, le comportement d’achat des consommateurs, la conception de l’emballage et les stratégies de présentation, les stratégies semblables de promotion de la marque de Cadbury et de Hershey, la reconnaissance de la marque, ainsi que les conceptions de marque pour HERSHEY’S KISSES et SWISSKISS. Après avoir évalué les documents, M. Bradley a estimé que seul un petit nombre de consommateurs confondraient les marques HERSHEY’S KISSES et SWISSKISS, d’après sa propre évaluation d’une analyse comparative côte-à-côte de l’emballage du produit HERSHEY’S KISSES et de la marque de commerce SWISSKISS & Dessin, ainsi que des documents de commercialisation qui lui avaient été fournis.

[32] M. Bradley a également tenu compte de la différence de provenance des chocolats respectifs des parties (chocolat suisse ou américain), ainsi que de la différenciation de prix et dans la qualité offerte (chocolat suisse [traduction] « de première qualité » par rapport au chocolat américain). M. Bradley indique que son opinion a été formée avant d’avoir été mis au courant de la recherche menée par la firme Léger et par Mme Corbin, et affirme que ces résultats sont compatibles avec son opinion. Son opinion n’est liée à aucune enquête, celle-ci ne repose que sur l’analyse qualitative effectuée par M. Bradley lui-même. En guise de conclusion, M. Bradley indique que la méthodologie utilisée par Mme Corbin et par la firme Léger est bonne et qu’elle est plus susceptible de générer une mauvaise association que ne l’est une situation concrète d’achat en magasin, car on demande aux consommateurs de réfléchir consciemment à une question qu’ils pourraient fort bien ne pas se poser en magasin étant donné que la majorité des achats de confiserie sont des achats impulsifs.

e) Le premier affidavit de Mme Papaconstantinou

[33] Le premier affidavit de Mme Brianne Papaconstantinou, souscrit le 27 novembre 2020 [le premier affidavit de Mme Papaconstantinou], expose le point de vue de PIM selon lequel Hershey ne l’avait pas avisée que les enregistrements de marques de commerce invoqués avaient été transférés à Hershey Canada, avec date de prise d’effet le 27 décembre 2018, et que ce transfert avait été consigné par l’OPIC le 8 mars 2019. PIM a été informée de ce transfert lors de l’audience devant la Commission, lors de laquelle ses avocats ont soulevé une objection quant au fait que Hershey n’avait pas prévenu PIM du transfert et que cette omission portait préjudice à PIM.

f) Le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou

[34] Le deuxième affidavit de Brianne Papaconstantinou, souscrit le 10 juin 2023 [le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou], et déposé à la Cour le matin même de l’audience du présent appel, a servi à présenter les enregistrements des marques de certification SUISSE (LMC324971), SWITZERLAND (LMC325072) et SWISS (LMC325071) relativement à du [traduction] « chocolat et [à des] produits faits de chocolat » au nom de CHOCOSUISSE, la Fédération des fabricants suisses de chocolat [Chocosuisse]. Cet enregistrement a été découvert par les avocats de PIM lors de la préparation en vue de l’audience.

[35] Le test applicable pour admettre des éléments de preuve déposés à un stade avancé d’une instance est énoncé dans l’arrêt Rosenstein c Atlantic Engraving Ltd, 2002 CAF 503 [Atlantic Engraving], et la demanderesse a signalé l’application récente de ce test dans la décision Havi Global Solutions LLC c IS Container PTE Ltd, 2020 CF 803 [Havi]. Ce test requiert que la partie qui a déposé les éléments de preuve doit convaincre la Cour que les quatre conditions suivantes sont réunies :

  1. les éléments de preuve vont dans le sens des intérêts de la justice;

  2. les éléments de preuve aideront la Cour;

  3. les éléments de preuve ne causeront pas de préjudice grave à la partie adverse;

  4. les éléments de preuve n’étaient pas disponibles avant le contre-interrogatoire relatif aux affidavits de la partie adverse.

(Atlantic Engraving aux para 8-9; voir également Havi aux para 33-42)

[36] Dans les représentations écrites produites à ce sujet après l’audience, PIM fait valoir que cet élément de preuve ira dans le sens des intérêts de la justice, parce qu’il n’a pas été porté à la connaissance de la Commission, qu’il est en contradiction avec les conclusions de la Commission en ce qui concerne SWISS et qu’il est pertinent. PIM indique que la marque de certification SWISS montre que l’élément SWISS qui compose les marques de commerce SWISSKISS de PIM a une valeur distinctive, c’est-à-dire qu’il signale la nature ou la qualité des produits associés, ce qui, selon la demanderesse, va à l’encontre de la conclusion de la Commission selon laquelle le mot SWISS est simplement « descriptif de l’origine géographique des [produits SWISSKISS] et, par conséquent, n’a pas un caractère distinctif inhérent » et affaiblit l’argument de la défenderesse à ce sujet. Par conséquent, PIM affirme que l’élément de preuve va dans le sens des intérêts de la justice et aidera la Cour, qui disposera ainsi de l’ensemble des éléments de preuve pertinents. PIM ajoute que l’élément de preuve ne causera pas de préjudice important pour Hershey, parce qu’il s’agit d’un élément de preuve documentaire qui ne nécessite pas de contre-interrogatoire et parce que Hershey aurait la possibilité de présenter des représentations sur la question. PIM soutient qu’elle n’a pas présenté l’élément de preuve avant les contre-interrogatoires parce qu’elle n’en avait pas connaissance à ce moment-là. Enfin, PIM prétend que l’élément de preuve concernant la marque de certification SWISS est important et aidera la Cour à procéder à une analyse de novo.

[37] Hershey, pour sa part, a reconnu à l’audience qu’elle ne subirait pas de préjudice. Elle s’oppose toutefois à l’admission tardive en preuve de cet affidavit, étant donné que PIM et le public pouvaient [traduction] « facilement accéder » aux éléments de preuve en question, car ceux-ci figurent dans la base de données publique, en ligne du registre canadien des marques de commerce.

[38] Bien que je souscrive en principe à l’observation de Hershey selon laquelle cet élément de preuve était facilement accessible avant les contre-interrogatoires, je dispose d’un pouvoir discrétionnaire dans l’appréciation des facteurs énoncés dans l’arrêt Atlantic Engravings pour décider si je permets ou non à PIM de déposer ce nouvel élément de preuve à ce stade avancé de l’instance (voir Havi aux para 34, 51). Aucun de ces facteurs n’est obligatoire et la Cour dispose d’une certaine marge de manœuvre dans son appréciation (voir Havi au para 52).

[39] Étant donné qu’il est allégué que cet élément de preuve est important, particulièrement dans le contexte d’un appel interjeté conformément à l’article 56 de la LMC, et qu’il est lié à des conclusions connexes de la Commission qui font déjà l’objet d’un appel devant la Cour, je conclus que les intérêts de la justice militent en faveur de son admission.

[40] Étant donné que le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou n’entraînerait pas de contre-interrogatoire et que Hershey admet qu’il ne lui porte pas préjudice, j’exerce mon pouvoir discrétionnaire pour admettre celui-ci au dossier, malgré son dépôt tardif. En admettant la preuve, je ne constitue toutefois pas à une conclusion quant à l’importance de l’affidavit, sur laquelle je reviendrai plus tard.

(2) Les nouveaux éléments de preuve de Hershey

[41] En appel, Hershey a déposé trois nouveaux affidavits, dont deux contiennent des témoignages d’experts.

[42] À titre d’observation préliminaire, Hershey soutient que la nouvelle preuve produite par PIM est inadmissible, dépourvue d’importance, inutile et non nécessaire. Compte tenu de sa position et de la nécessité de présenter ses propres éléments de preuve pour contester le présent appel, Hershey soutient qu’elle n’a présenté l’affidavit d’Alexia Wharton que pour démontrer qu’elle avait continué d’utiliser ses marques de commerce KISS et KISSES depuis l’affidavit de M. Vanslyke, et que les affidavits de Margaret Brigley et de Michael Mulvey constituent des réponses aux témoignages d’experts supplémentaires fournis par PIM dans les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque.

[43] Essentiellement, Hershey admet qu’il n’est nécessaire de prendre en compte ses nouveaux éléments de preuve que si les nouveaux éléments de preuve de PIM, et plus précisément les affidavits de Mme Corbin et M. Bourque, sont admissibles en preuve et importants aux fins du présent appel. Par conséquent, si la Cour juge que les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque sont inadmissibles en preuve, ou dépourvue d’importance aux fins du présent appel, elle n’a pas non plus besoin d’examiner les affidavits de Mme Brigley et M. Mulvey. Après examen des nouveaux éléments de preuve de Hershey, et sans me prononcer pour le moment sur la question de l’importance, les affidavits de M. Mulvey et de Mme Brigley ne font qu’informer la cour des lacunes dans les éléments de preuve provenant des sondages inclus dans les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque, ainsi que celui de Mme Brigley ayant eu l’intention de présenter un sondage exempt de ces lacunes. Je conviens avec Hershey qu’il ne serait nécessaire d’examiner ses nouveaux éléments de preuve que si les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque sont jugés importants.

a) L’affidavit de Mme Wharton

[44] L’affidavit d’Alexia Wharton, souscrit le 27 avril 2021 [l’affidavit de Mme Wharton], décrit l’information concernant la structure organisationnelle de Hershey, des graphiques et des images des marques pertinentes de Hershey, des pièces supplémentaires en complément à l’affidavit de M. Vanslyke, ainsi que diverses démarches de commercialisation dans lesquelles la marque KISS a été utilisée. Les pièces 3(C), 4(D), 5(D), 6(E), 7(E), 8(G), 12(O), 14(P) et 15(Q) s’ajoutent comme pièces supplémentaires aux pièces correspondantes marquées des lettres identiques dans l’affidavit de M. Vanslyke.

b) L’affidavit de Mme Brigley

[45] L’affidavit de Mme Margaret Brigley, souscrit le 26 avril 2021 [l’affidavit de Mme Brigley], comprend trois pièces :

  • Pièce A – Curriculum vitæ de Mme Brigley.

  • Pièce B – Attestation de l’obligation de l’expert datée du 23 avril 2021.

  • Pièce C – Rapport complet des résultats du sondage daté du 23 avril 2021, accompagné d’annexes.

[46] Mme Brigley est PDG et associée de Narrative Research Inc. [Narrative Research], une entreprise d’information commerciale et de recherche sur l’opinion publique. Le cabinet St. Lawrence Law Firm LLP, au nom de son client Hershey, a retenu les services de Mme Brigley et de Narrative Research pour mettre en œuvre une version modifiée des questionnaires de sondage utilisés dans l’étude SWISSKISS & Dessin de Mme Corbin et dans l’étude SWISSKISS de M. Bourque.

[47] Le sondage, mené sur Internet au moyen d’un questionnaire réalisé en ligne, a rassemblé les réponses de six cent quatre (604) Canadiens qui sont consommateurs de chocolat qui en avaient acheté dans un magasin de détail au moins une fois au cours des trois (3) mois précédents ou qui avaient l’intention d’en acheter au cours des trois (3) mois suivants. Le groupe test, auquel on a montré la marque SWISSKISS dans le cadre du sondage du 25 au 29 mars 2021, était composé de quatre cent quatre (404) participants anglophones et francophones sélectionnés aléatoirement. Le groupe de contrôle, auquel on a montré la marque SWISSWISH dans le cadre d’un sondage effectué entre le 14 au 19 avril 2021, était quant à lui composé de (200) participants.

[48] Tous les 404 participants du groupe test et ceux du groupe de contrôle ont répondu au même questionnaire; on leur a demandé de nommer la société qui, selon eux, vend la marque de chocolat présentée, puis quelle société vend des produits de chocolat de marque KISS et, enfin, quelle société vend des produits de chocolat de marque KISSES. La méthodologie et les conclusions du sondage sont présentées dans la pièce C – Rapport au complet des résultats du sondage [l’étude SWISSKISS de Mme Brigley]. Les résultats de l’étude SWISSKISS de Mme Brigley sont les suivants :

[traduction]

  1. Lorsqu’on leur a demandé d’identifier la compagnie qui, selon eux, vend du chocolat en association avec la marque présentée, 10 % des participants du groupe test auquel on a montré SWISSKISS ont répondu « Hershey’s », tandis que 2 % des participants du groupe de contrôle auquel on a montré SWISSWISH ont répondu « Hershey’s ».

  2. Lorsqu’on leur a demandé « Pouvez-vous identifier la compagnie qui vend des chocolats sous la marque « KISS » ou ne le savez-vous pas? », 55 % des participants du groupe test ont répondu « Hershey’s », tandis que 59 % des participants du groupe de contrôle ont répondu « Hershey’s ».

  3. Lorsqu’on leur a demandé « Pouvez-vous identifier la compagnie qui vend des chocolats sous la marque « KISSES » ou ne le savez-vous pas? », 65 % des participants du groupe test ont répondu « Hershey’s », tandis que 70 % des participants du groupe de contrôle ont répondu « Hershey’s ».

[49] Ces résultats ont mené aux conclusions suivantes dans l’étude SWISSKISS de Mme Brigley :

[traduction]

  1. On constate, chez 10 % des participants, une association spontanée entre Hershey et la marque SWISSKISS présentée au groupe test, ce qui est nettement supérieur aux associations spontanées avec d’autres marques de chocolat (comme Lindt ou Nestlé).

  2. Il n’y a aucune association évidente avec Hershey au sein du groupe de contrôle (c.-à-d. celui auquel on a montré la marque SWISSWISH).

  3. Les marques de commerce KISS et KISSES sont fortement associées à Hershey.

c) L’affidavit de M. Mulvey

(i) Le contenu de l’affidavit de M. Mulvey

[50] M. Michael Mulvey, dans son affidavit souscrit le 26 avril 2021 [l’affidavit de M. Mulvey], explique que les avocats de Hershey l’ont engagé pour donner son avis d’expert en comportement des consommateurs et en recherche sur la consommation. On lui a demandé d’examiner les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque, de se prononcer sur la méthodologie utilisée et de donner son opinion sur la pertinence des éléments de preuve provenant des sondages pour ce qui est de déterminer la probabilité de confusion entre les marques de commerce. Dans son affidavit, M. Mulvey commence par exposer ses qualifications personnelles en tant que responsable de la section de Marketing/Gestion des ressources humaines et comportements organisationnels à l’École de gestion Telfer de l’Université d’Ottawa. Ensuite, il remet en cause la catégorie de produit indiquée dans les sondages de Mme Corbin et de M. Bourque (c.-à-d. [traduction] « chocolat suisse » plutôt que [traduction] « chocolat »). Il affirme que la répétition des mots [traduction] « chocolat suisse » crée un biais d’amorçage qui entraîne une conclusion erronée ou faussée, puisqu’une personne raisonnable ne mentionnerait pas un fabricant de chocolat américain après autant de répétitions du mot « suisse ». Il soutient que les résultats des sondages (celui de Mme Corbin tout comme celui de M. Bourque) ne sont ni pertinents ni valides.

(ii) La nécessité de l’affidavit de M. Mulvey

[51] Indépendamment de la question de savoir si l’affidavit de M. Mulvey est une simple réponse aux éléments de preuve provenant des sondages de Mme Corbin et de M. Bourque, je dois indiquer que je suis de mon côté arrivée aux mêmes conclusions que M. Mulvey en ce qui concerne le biais d’amorçage dans les questions utilisées dans les sondages de Mme Corbin et de M. Bourque. Ma familiarité avec ces types de sondages d’études de marché sur les marques de commerce menées pour appuyer le décideur sur les questions liées aux marques de commerce m’a rendu très conscient de ces enjeux; je n’ai pas eu besoin de l’avis d’expert de M. Mulvey à cet égard. Hershey reconnait que l’affidavit de M. Mulvey ne sert qu’à souligner ces vices, c’est pourquoi je conclus que l’affidavit de M. Mulvey n’est pas nécessaire en l’espèce.

III. Analyse

A. Les principes juridiques généraux

(1) La norme de contrôle applicable

[52] La Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Clorox Company of Canada, Ltd c Chloretec SEC, 2020 CAF 76 [Clorox], a défini la norme de contrôle applicable dans ce type de demande de contrôle judiciaire présentée en vertu de la disposition d’appel prévue par l’article 56 de la LMC. Si les nouveaux éléments de preuve déposés par les parties ne sont pas importants (ou si aucun nouvel élément de preuve n’est produit), la Cour fédérale doit appliquer la jurisprudence de la Cour suprême sur les normes de contrôle applicables pour un appel présenté en vertu du paragraphe 56(1) de la LMC (voir Clorox aux para 21-23; voir également Miller Thomson SENCRL, srl c Hilton Worldwide Holding LLP, 2020 CAF 134 [Miller Thomson] aux para 41-42, décision citée dans Tokai of Canada Ltd c Kingsford Products Company, LLC, 2021 CF 782 [Tokai] au para 22 [Tokai]).

[53] Conformément aux indications données par la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Clorox, les normes de contrôle en appel énoncées dans l’arrêt Housen c Nikolaisen, 2002 CSC 33 [Housen], sont applicables en l’espèce. Pour les questions de fait et les questions mixtes de fait et de droit (à l’exception des questions de droit isolables), la norme applicable est donc celle de l’erreur manifeste et déterminante. En ce qui concerne les questions de droit, la norme applicable est celle de la décision correcte.

[54] Par erreur « manifeste », on entend une erreur évidente, et par erreur déterminante, on entend une erreur qui a une incidence déterminante sur l’issue de l’affaire (voir Millennium Pharmaceuticals Inc c Teva Canada Limited, 2019 CAF 273 au para 6). Le critère de l’erreur manifeste et déterminante est exigeant (voir Canada (Commissaire de la concurrence) c Rogers Communications Inc, 2023 CAF 16 [Rogers] au para 7). Comme la Cour d’appel fédérale l’a récemment indiqué, la Cour doit trouver une erreur manifeste et déterminante ou une « erreur évidente » « qui touche directement à l’issue de l’affaire » pour infirmer une conclusion sur une question mixte de fait et de droit où les faits prédominent (Rogers au para 7).

[55] Lors d’un appel présenté en vertu de l’article 56 de la LMC, la Cour agit à titre de cour de première instance et se demande si les nouveaux éléments de preuve sont importants. Si tel est le cas, la Cour « peut exercer toute discrétion dont le registraire est investi » et l’appel constitue un examen de novo (voir Clorox aux para 20-21, renvoyant au paragraphe 56(5) de la LMC). Si les nouveaux éléments de preuve déposés sont jugés importants, la Cour peut procéder à une nouvelle analyse des questions précises sur lesquelles portent les nouveaux éléments de preuve, en adoptant la norme de la décision correcte, sans égard aux conclusions du décideur d’origine (Clorox au para 21). Toutefois, l’admission de nouveaux éléments de preuve importants n’aboutit pas à la répudiation des conclusions du registraire sur chaque question en litige : seules les questions en litige qui sont visées par les nouveaux éléments de preuve peuvent justifier une analyse de novo par la Cour (voir Clorox au para 21; voir également Seara Alimentos Ltda c Amira Enterprises Inc, 2019 CAF 63 [Seara] au para 22, cité dans Caterpillar Inc c Puma SE, 2021 CF 974 [Caterpillar] au para 36; Advance Magazine Publishers, Inc c Banff Lake Louise Tourism Bureau, 2018 CF 108 aux para 16, 22).

(2) L’importance des nouveaux éléments de preuve

[56] Comme je l’ai indiqué précédemment, dans un appel interjeté en vertu de l’article 56 de la LMC, notre Cour agit à titre de cour de première instance pour l’examen de la question de savoir si les nouveaux éléments de preuve sont importants et commandent donc un examen de novo des questions en litige s’y rapportant (voir Clorox au para 20). Pour être jugés importants, les nouveaux éléments de preuve doivent être « suffisamment importants » et avoir une « valeur probante »; une preuve qui simplement complète ou répète la preuve existante ne satisfera pas au critère requis pour donner lieu à un examen de novo (Clorox au para 21; Papiers Scott Limitée c Georgia-Pacific Consumer Products LP, 2010 CF 478 aux paras 48-49, citées dans Caterpillar au para 33).

[57] La preuve peut être « importante » lorsqu’elle renforce la valeur probante globale du dossier d’une manière susceptible d’avoir eu un effet sur les conclusions du registraire ou sur l’exercice de son pouvoir discrétionnaire (Seara au para 24; Tokai au para 23) ou lorsqu’elle corrige des lacunes ou remédie à une insuffisance de la preuve relevée par le registraire (voir, par exemple, Shell Canada Limitée c PT Sari Incofood Corporation, 2008 CAF 279 [Shell] au para 12). La nouvelle preuve peut traiter de ce que le registraire considère comme étant des lacunes au dossier (voir Mövenpick Holding AG c Exxon Mobil Corporation, 2011 CF 1397 au para 54, confirmée par 2013 CAF 6; voir également Advance Magazine Publishers Inc c Farleyco Marketing Inc, 2009 CF 153 aux paras 93-95, 98, confirmée par 2009 CAF 348).

[58] Le test pour déterminer l’importance n’est pas une question de savoir si la preuve supplémentaire aurait amené le registraire à changer d’avis ou si le résultat ou l’issue s’en serait trouvé modifiée; il s’agit plutôt d’une question de savoir si la preuve supplémentaire aurait eu un effet important sur la décision (voir Seara aux paras 23, 25). La question à se poser se formule ainsi « cette preuve supplémentaire aurait-elle pu, en vertu de sa portée et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la [Commission]? » (Seara au para 25). Il est en outre bien établi que, lorsque des éléments de preuve supplémentaire sont déposés, le test applicable est celui « de qualité et non de quantité » (Conseil canadien des ingénieurs professionnels c APA - Engineered Wood Assn, (2000), 2000 CanLII 15543 (CF), 184 FTR 55 au para 36, citée dans ITV Technologies Inc c WIC Television Ltd, 2003 CF 1056 au para 73; Wrangler Apparel Corporation c Timberland Company, 2005 CF 722 au para 7, citée dans Clorox au para 37).

(3) Confusion

[59] Avant d’aborder la décision de la Commission et les erreurs que cette dernière aurait commises selon PIM, je résume ci-après les règles de droit générales, qui proviennent essentiellement des paragraphes 66 à 69 de la décision Tokai rendue par la juge Furher, en y en apportant les modifications nécessaires qui s’imposent.

[60] Selon l’alinéa 12(1)d), la marque de commerce est enregistrable si elle ne crée pas de confusion avec une marque de commerce déposée. La date pertinente pour apprécier s’il y a confusion au regard de cette disposition est celle à laquelle le juge des faits rend sa décision. Compte tenu de ma conclusion selon laquelle la preuve supplémentaire des parties est soit inadmissible, soit dépourvue d’importance, la date pertinente est la date des décisions de la Commission, soit le 27 mars 2020. Cette date est bien postérieure au 17 juin 2019, date à laquelle des modifications importantes à la LMC sont entrées en vigueur. À mon avis, les modifications apportées à l’article 12 de la LMC ont peu d’incidence – voire aucune – sur l’analyse relative à l’alinéa 12(1)d) de la LMC.

[61] En outre, le paragraphe 6(2) de la LMC dispose que l’emploi d’une marque de commerce crée de la confusion avec une autre marque de commerce lorsque l’emploi des deux marques de commerce dans la même région serait susceptible de faire conclure que les produits liés à ces marques de commerce sont fabriqués, vendus, donnés à bail ou loués, ou que les services liés à ces marques sont loués ou exécutés, par la même personne, que ces produits ou services soient ou non de la même catégorie générale.

[62] Compte tenu des arrêts Masterpiece Inc c Alavida Lifestyles Inc, 2011 CSC 27 [Masterpiece] et Reynolds Presto Products Inc c PRS Meditterranean Ltd, 2013 CAF 119 [Reynolds] au para 20, rendus par la Cour suprême du Canada et la Cour d’appel fédérale, respectivement, je suis d’avis qu’il convient d’énoncer le test applicable pour déterminer la probabilité de confusion en l’espèce : est-ce que le consommateur ordinaire plutôt pressé qui voit du chocolat suisse portant les marques de commerce SWISSKISS ou SWISSKISS & Dessin de PIM, alors qu’il s’agit de la première fois qu’il voit les marques de commerce SWISSKISS ou SWISSKISS & Dessin sur le marché, alors qu’il n’a qu’un vague souvenir de l’une ou l’autre des marques de commerce de Hershey et alors qu’il ne s’arrête pas pour réfléchir à la question en profondeur ou en l’examinant minutieusement, serait‑il à partir de sa première impression vraisemblablement susceptible de se méprendre sur l’origine des produits? En d’autres termes, le consommateur ordinaire croirait‑il que les produits associés aux marques SWISSKISS et SWISSKISS & Dessin, respectivement, ont été autorisés, fabriqués ou vendus par la même personne, c’est‑à‑dire par Hershey ou que ces produits font l’objet d’une licence octroyée par cette même personne?

[63] Le paragraphe 6(5) de la LMC énonce les facteurs spécifiques qui doivent être pris en compte dans l’analyse sur la confusion, et dans le contexte de « toutes les circonstances de l’espèce » :

  1. le caractère distinctif inhérent des marques de commerce ou noms commerciaux, et la mesure dans laquelle ils sont devenus connus;

  2. la période pendant laquelle les marques de commerce ou noms commerciaux ont été en usage;

  3. le genre de marchandises, services ou entreprises;

  4. la nature du commerce;

  5. le degré de ressemblance entre les marques de commerce ou les noms commerciaux dans la présentation ou le son, ou dans les idées qu’ils suggèrent.

[64] Il ne s’agit pas d’une liste exhaustive, et un poids différent pourrait être attribué à chacun des facteurs selon le contexte; en l’espèce, il incombe à PIM de démontrer selon la prépondérance des probabilités qu’aucune confusion n’est susceptible de survenir (voir Mattel, Inc c 3894207 Canada Inc, 2006 CSC 22 [Mattel] au para 54). Cependant, « il arrive souvent que le degré de ressemblance soit le facteur susceptible d’avoir le plus d’importance dans l’analyse relative à la confusion » (Masterpiece au para 49). Ce facteur exige que les marques de commerce soient examinées dans leur ensemble, mais le critère fondé sur la première impression et le souvenir vague signifie que les marques de commerce ne doivent pas être comparées côte-à-côte.

[65] Il est vrai que le premier élément de la marque de commerce sera souvent celui qui est le plus important pour établir le caractère distinctif, mais pour évaluer le degré de ressemblance, il est préférable de se demander si l’un des aspects de la marque de commerce est frappant ou unique (voir Conde Nast Publications Inc c Union des éditions modernes, [1979] ACF no 801 [Conde Nast] au para 34; voir également Masterpiece au para 64). Le facteur de degré de ressemblance entre les marques de commerce reconnaît que des marques comportant un certain nombre de différences peuvent tout de même engendrer une probabilité de confusion (voir Masterpiece au para 62).

[66] L’absence de différence notable entre les produits est également un facteur important qui doit être soupesé en fonction des autres facteurs, y compris, surtout, la ressemblance entre les marques (voir Reynolds aux para 17, 29). Cela dit, « [i]l y a une probabilité plus élevée de confusion si deux marques de commerce qui se ressemblent sont employées en liaison avec les mêmes produits (ou sensiblement les mêmes produits) » (Reynolds au para 30).

B. L’importance et l’admissibilité des nouveaux éléments de preuve des parties

[67] J’en viens maintenant à l’évaluation de l’admissibilité et de l’importance des nouveaux éléments de preuve déposés par les parties. J’évaluerai les affidavits dans l’ordre dans lequel je les ai présentés dans la partie « Contexte » des présents motifs. Pour chaque nouvel affidavit, je me pose la question suivante, qui est tirée du paragraphe 25 de l’arrêt Seara : ce nouvel élément de preuve aurait-il pu, compte tenu de sa portée et de sa valeur probante, avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur le pouvoir discrétionnaire de la Commission?

(1) Les nouveaux éléments de preuve de PIM

a) Le deuxième affidavit de M. Rosenberg

[68] Bien que le deuxième affidavit de M. Rosenberg soit admissible, je ne suis pas convaincu de son importance, car on y répète des éléments de preuve qui ont déjà été présentés à la Commission. Le dossier fourni à la Commission contenait déjà des déclarations de M. Rosenberg selon lesquelles il n’avait pas l’intention de commercialiser les produits de la demanderesse en liaison avec les marques de commerce SWISSKISS d’une manière susceptible d’accroître la probabilité de confusion.

[69] La Commission, dans la décision contestée, a relevé que le premier affidavit de M. Rosenberg indiquait l’intention de PIM en ce qui concerne l’emballage. Cependant, la Commission a jugé que la déclaration de M. Rosenberg devait se voir accorder peu de poids, voire aucun, dans l’analyse relative à la confusion, parce que la marque de commerce SWISSKISS, tel que déposée et une fois enregistrée, permettait à PIM de montrer la marque dans la police, le style ou la couleur de son choix (paragraphe 51 de la décision contestée; Cheah c McDonald’s Corporation, 2013 CF 774 aux para 3-4). De même, la Commission a mentionné que la demande visant la marque de commerce SWISSKISS & Dessin ne comprend aucune forme de revendication concernant la couleur et que les deux demandes visant la marque de commerce SWISSKISS ne sont pas limitées à un style d’emballage en particulier qui pourrait aider à réduire la probabilité de confusion.

[70] Le deuxième affidavit de M. Rosenberg, même s’il satisfaisait au critère de l’importance, n’intéresse pas l’objet du litige, et ce, pour deux raisons. Premièrement, la pertinence de l’intention d’un demandeur de ne pas créer de confusion ni d’association avec une marque déposée importe peu à titre d’élément du contexte (voir Mattel au para 90; voir également Roots Corporation c YM Inc (Ventes), 2019 CF 16 aux para 49-51). Deuxièmement, lors de procédures d’opposition, la Commission doit examiner la question de l’enregistrabilité des marques de commerce dont l’enregistrement a été demandé de façon isolée, sans aucune contrainte associée à la couleur ou à la forme d’emballage ou de présentation des marques de commerce (comme la Commission l’a indiqué à juste titre aux paragraphes 51 et 80 de la décision contestée). Les enregistrements de marques de commerce que la demanderesse PIM cherche à obtenir, si elle les obtenait, lui donneraient le droit exclusif d’utiliser sa marque de commerce nominale SWISSKISS comme bon lui semble et d’employer la marque de commerce SWISSKISS & Dessin dans n’importe quelle couleur partout au Canada en liaison avec les produits visés par la demande. Les déclarations contenues dans le deuxième affidavit de M. Rosenberg ne sont donc pas pertinentes.

b) Les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque

[71] Comme toute preuve d’expert, les éléments de preuve provenant des sondages présentés dans l’affidavit de Mme Corbin et dans l’affidavit de M. Bourque doivent, pour que notre Cour les juge admissibles, satisfaire au critère conjonctif à quatre volets énoncé par la Cour suprême du Canada :

  1. la pertinence;

  2. la nécessité d’aider le juge des faits (en ce sens que les éléments de preuve dépassent l’expérience et la connaissance d’un juge);

  3. l’absence de toute règle d’exclusion;

  4. la qualification suffisante de l’expert.

  5. (Masterpiece au para 75, renvoyant à R c Mohan, 1994 CanLII 80 (CSC), [1994] 2 RCS 9 [Mohan] à la p 20)

[72] Hershey soutient que l’affidavit de Mme Corbin et celui de M. Bourque vont à l’encontre de l’exigence de nécessité établie par la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece, parce que le sondage est une tentative de simuler une confusion quant à la source à l’égard des produits alimentaires destinés au grand public, une chose que le décideur peut facilement évaluer d’après sa propre expérience en tant que consommateur.

[73] Toutefois, en ce qui concerne le critère de nécessité en ce qui a trait aux sondages, la Cour suprême a formulé le commentaire suivant de l’arrêt Masterpiece au para 93:

[93] Les sondages, par contre, sont susceptibles d’apporter une preuve empirique des réactions des consommateurs — précisément la question que le juge de première instance examine dans une affaire de confusion. L’information fournie par ce genre de preuve n’est généralement pas connue des juges de première instance, et, donc, contrairement à d’autres preuves d’expert, une telle preuve respecterait la deuxième exigence en matière de preuve énoncée dans Mohan, à savoir la nécessité de la preuve en question. Toutefois, la preuve par sondage doit être utilisée avec circonspection.

[Caractères gras ajoutés.]

[74] Pour ce motif, je conclus que l’affidavit de Mme Corbin et celui de M. Bourque satisfont au critère de nécessité d’aider le juge des faits, car ils sont susceptibles de fournir des éléments de preuve empiriques concernant les réactions des consommateurs aux questions posées lorsqu’on leur montre la marque en question comparativement à une marque servant de contrôle. Je conclus également que Mme Corbin et M. Bourque sont des experts dûment qualifiés dans le domaine de l’étude et de l’analyse du marché au moyen de sondages, ce qui fait en sorte que cette autre exigence de l’arrêt Mohan est remplie.

[75] Cependant, je suis d’avis que les sondages de Mme Corbin et de M. Bourque présentent des problèmes de validité et de fiabilité qui ont une incidence sur le critère de pertinence énoncé dans l’arrêt Mohan, ce qui les rend inadmissibles en preuve ou, tout au moins, fait en sorte qu’ils n’apportent pas des éléments de preuve d’une « valeur probante » telle qu’ils auraient eu une incidence sur l’analyse de la Commission.

[76] La pertinence en matière de preuve par sondage (dans la mesure que le sondage offre des éléments de preuve probants par rapport à une question en litige quant à l’allégation d’une partie), comme l’a expliqué la Cour suprême dans l’arrêt Mattel, comprend les deux exigences suivantes :

  1. Validité – le sondage doit être valide (à savoir que les bonnes questions ont été posées au bon bassin de participants, de la bonne façon et dans les bonnes circonstances qui permettent d’obtenir la preuve recherchée);

  2. Fiabilité – le sondage doit être fiable (dans le sens où, s’il était repris, on obtiendrait vraisemblablement les mêmes résultats).

(Masterpiece au para 94, citant Mattel au para 45)

[77] J’ai également relevé un problème connexe, mais fondamental, quant au fait que les éléments de preuve provenant des sondages de Mme Corbin et de M. Bourque réalisés en ligne vont à l’encontre du critère d’absence de toute règle d’exclusion énoncé dans l’arrêt Mohan, ce qui les rend inadmissibles en preuve ou, à tout le moins, fait en sorte qu’ils n’apportent pas des éléments de preuve d’une « valeur probante » telle qu’ils auraient eu une incidence sur l’analyse de la Commission. J’examinerai séparément chacun de ces problèmes.

(i) Validité

[78] À mon avis, les sondages de Mme Corbin et de M. Bourque réalisés en ligne sur l’Internet présentent les problèmes de validité suivants :

  1. On n’a pas posé les « bonnes questions » aux participants du sondage : les questions sont viciées dans la mesure où elles comprenaient systématiquement et de façon répétée les mots [traduction] « chocolat suisse », créant ainsi un biais d’amorçage dans les résultats.

2. Les questions n’ont pas été posées aux participants « de la bonne façon » – le format de sondage réalisé en ligne sur Internet n’offre pas les assurances nécessaires justifiant l’acceptation des éléments de preuve provenant du sondage, parce que le processus ne fait pas intervenir l’expert ou une autre personne mandatée qui peut attester que le participant qui fait partie du panel en ligne est effectivement celui qui a rempli le questionnaire du sondage ou qui peut fournir même un enregistrement vidéo du participant qui a rempli le questionnaire du sondage.

3. Les questions posées aux participants n’étaient pas « dans les bonnes circonstances » – le sondage réalisé en ligne était vicié de telle sorte que Mme Corbin ne savait pas que les participants pouvaient tout simplement cliquer sur le bouton « Précédent » et n’avait aucune idée de l’effet de cette action ni de ses répercussions sur les résultats du sondage.

« Les bonnes questions »

[79] Après avoir soigneusement examiné les questionnaires de recrutement au sondage et celles du questionnaire, qui sont communes aux sondages de Mme Corbin et de M. Bourque, je conviens avec la défenderesse (et avec son expert, M. Mulvey) que les participants au sondage ne se sont pas fait poser les bonnes questions, ce qui rend la conception et les résultats des sondages invalides. Les mots « chocolat suisse » ont été mentionnés aux participants au sondage au moins sept ou huit fois dans les questions du sondage. Ces mots se trouvaient trois ou quatre fois (en fonction des réponses données par les participants) dans les questions de recrutement (visant à assurer le recrutement de l’éventail de participants). On les retrouvait également dans chacune des quatre questions principales du questionnaire, donc possiblement jusqu’à quatre autres fois dans le cadre du questionnaire (en fonction des réponses données et du déroulement de la sélection et du questionnaire). Pour avoir une meilleure idée des questions posées aux participants au sondage, les questions de sélection (S#) et celles du questionnaire (Q#) utilisées dans l’étude SWISSKISS et Dessin de Mme Corbin sont reproduites ci-dessous :

S8A. Avez-vous acheté ou non au moins un des produits suivants au moins une fois chez un détaillant au cours des trois derniers mois? [...] c. Chocolat suisse?

S9A. Avez-vous l’intention ou non d’acheter au moins un des produits suivants au cours des trois prochains mois? [...] c. Chocolat suisse?

Q1. Le reste du sondage porte sur le chocolat suisse. Nous allons vous montrer un logo qu’une entreprise utilise pour vendre des produits de chocolat suisse, puis vous poser quelques questions.

Q2. Dites-nous ce que vous savez, le cas échéant, au sujet des produits de chocolat suisse qui utilisent le logo que nous venons de vous montrer.

Q3A. Quelle est l’entreprise qui vend son chocolat suisse en l’associant au logo que vous venez de voir ou ne pouvez-vous pas le dire?

Q3B. Vous avez répondu que l’entreprise qui vend son chocolat suisse en l’associant au logo que vous venez de voir est [INSÉRER LA RÉPONSE À LA QUESTION Q3A-1]. Quels sont les éléments du logo qui vous font nommer cette entreprise?

[80] Il était peut-être possible de mentionner « chocolat suisse » plusieurs fois (voire trois ou quatre fois) dans les questions de recrutement afin de sélectionner la population que PIM souhaitait obtenir, à savoir les acheteurs de chocolat suisse visés par les produits tels que couverts dans ses demandes. L’utilisation des mots « chocolat suisse » dans chacune des questions principales est toutefois difficilement justifiable, d’autant plus que :

  1. ces mentions figuraient déjà dans plusieurs questions de sélection;

  2. le logo SWISSKISS & Dessin présenté aux participants comprenait les mots « FINEST SWISS CHOCOLATES »;

  3. Hershey n’est pas un fabricant de chocolat suisse.

[81] Je conviens avec les avocats de Hershey que l’inclusion systématique et répétée des mots « chocolat suisse » dans chacune des questions de sondage constituerait un amorçage amenant les participants à penser à des marques de chocolat suisse et à donner des réponses qui sont seulement liées à des marques ou à des fabricants de chocolat suisse. En contre-interrogatoire, il était difficile pour Mme Corbin de ne pas admettre qu’il était peu probable que les participants donnent des réponses sur les fabricants de chocolat qui ne sont pas d’origine suisse, étant donné que les questions incluaient les mots « chocolat suisse » et que le logo SWISSKISS & Dessin présenté faisait référence à « Finest Swiss chocolates ».

[82] Cette inclusion systématique et répétée des mots « chocolat suisse » dans chacune des questions du sondage aurait pour conséquence que les participants ne tiennent pas compte des fabricants de chocolat non suisses et/ou à ne pas fournir, dans leurs réponses, des noms de marques ou de fabricants de chocolats provenant d’autres pays qui auraient pu leur venir à l’esprit, ce qui aurait probablement fait baisser le nombre de réponses pour Hershey. Dans l’un des verbatim d’un participant à l’étude SWISSKISS & Dessin de Mme Corbin, on peut déceler l’hésitation ou la remise en cause de la réponse donnée : [traduction] « Hershey?? Ce n’est pas suisse, cependant. » Bien que ce participant ait répondu « Hershey », combien d’autres participants ont pensé à Hershey ou à HERSHEY’S KISSES, mais n’ont pas donné cette réponse, parce qu’ils savaient que Hershey n’est pas un fabricant suisse? Nous ne le saurons jamais.

[83] En outre, la formulation de la question Q1 ( « Le reste du sondage porte sur le chocolat suisse. Nous allons vous montrer un logo qu’une entreprise utilise pour vendre des produits de chocolat suisse, puis vous poser quelques questions. ») semble inappropriée, étant donné que les demandes visant les marques de commerce SWISSKISS & Dessin et SWISSKISS reposent sur l’emploi projetée et que, d’après les éléments de preuve, les marques de commerce SWISSKISS & Dessin et SWISSKISS n’ont pas été employées au Canada.

[84] À mon avis, les questions n’ont pas non plus été posées aux participants « de la bonne façon et dans les bonnes circonstances ».

Questions posées « dans les bonnes circonstances »

[85] Il n’est pas certain que la conception du sondage sur Internet ait simulé avec exactitude le vague souvenir d’une marque de commerce qu’aurait un consommateur ordinaire pressé. Contrairement à un sondage en personne lors duquel on présente aux participants une marque de commerce ou une apparence générale donnée en présence de l’expert ou de son intervieweur mandaté qui peut confirmer que la personne a regardé l’élément pendant un certain temps avant que la marque ou l’apparence soit retirée définitivement par l’expert ou l’intervieweur, l’étude SWISSKISS & Dessin de Mme Corbin ne peut l’attester.

[86] Alors que la programmation des sondages sur Internet de Mme Corbin et de M. Bourque indiquait que la marque serait montrée aux participants pendant 8 secondes au maximum avant d’être retirée de la vue, Mme Corbin a expliqué lors de son contre-interrogatoire (questions 329 à 339) que le sondage qui a réellement eu lieu sur Internet permettait l’utilisation du bouton « précédent » que l’on retrouve habituellement sur les navigateurs Internet, alors que ce bouton n’était pas accessible dans la version d’essai bêta qu’ils ont essayé. Elle ne savait pas avec certitude si les participants pouvaient tout simplement cliquer sur « précédent » et revoir l’image, car elle n’avait pas essayé de le faire. Une erreur aussi simple et directe que celle-ci affaiblit ce que Mme Corbin essayait de démontrer avec son sondage. Si un sondage sur Internet visant à évaluer le vague souvenir d’une marque de commerce qu’a un consommateur ordinaire plutôt pressé est vicié de telle sorte que le bouton « prédécent » ramène le consommateur aux marques évaluées, ce sondage n’évalue plus son vague souvenir de la marque présentée et le consommateur n’est pas plutôt pressé, comme l’exige le test juridique.

Questions posées « de la bonne façon »

[87] Dans son rapport, Mme Corbin indique que [traduction] « le sondage était réalisé au moyen d’entrevues en ligne », qui ne se font pas nécessairement sur Internet. Bien que Mme Corbin ait indiqué dans son rapport que [traduction] « pour être admissibles, les participants éventuels devaient confirmer [...] qu’ils étaient la personne à laquelle l’invitation était adressée et qu’ils répondraient eux-mêmes au sondage », cela ne garantit pas, à mon avis, que c’était effectivement le cas pour le sondage réalisé en ligne sur Internet. Contrairement aux sondages en personne lors desquels les participants sont face à un expert ou à son intervieweur formé et mandaté qui peut attester que le sondage a été réalisé d’une certaine manière et qui peut attester des réponses données par les participants, les sondages réalisés en ligne sur Internet auprès des panels nationaux en ligne ne peuvent pas similairement en attester. Par exemple, l’expert ou l’intervieweur lors d’un sondage en personne peut attester que le participant au sondage est bien celui qu'il prétend être, l’identité du participant au sondage, et non une autre personne qui remplit le sondage en ligne à la place de la personne inscrite au panel Internet donné, par exemple un adolescent qui remplace un parent afin d’obtenir la récompense incitative pour avoir répondu au sondage.

[88] Lors d’un sondage en personne, l’expert ou son intervieweur formé et mandaté peut également veiller à ce que la personne réponde aux questions sans consulter d’autres appareils (comme un téléphone cellulaire, que bien des personnes ont sur elles partout où elles vont). Dans son rapport, Mme Corbin a indiqué que [traduction] « [p]our être admissibles, les participants éventuels doivent confirmer [...] qu’ils ne consultent pas d’autre source d’information lorsqu’ils répondent au sondage » et signalé aux participants que [traduction] « le sondage doit être rempli d’un seul trait, sur un ordinateur de bureau, un ordinateur portable ou une tablette (mais pas sur un téléphone intelligent) ». Toutefois, à mon avis, cela ne garantit pas que c’était bien le cas. Le format de conception du sondage sur Internet, qui n’implique pas une personne dans la boucle ou même un enregistrement vidéo du participant en train de remplir le sondage, n’offre pas les assurances nécessaires justifiant l’acceptation des éléments de preuve provenant du sondage.

(ii) Fiabilité

[89] À mon avis, les sondages de Mme Corbin et de M. Bourque présentent également des problèmes de fiabilité liés à la méthodologie utilisée pour le sondage réalisé en ligne en utilisant un panel Internet:

  1. Pour les motifs mentionnés précédemment au sujet des vices reliées à la conception du sondage qui nuisent à sa validité, on ne sait pas non plus avec certitude si les sondages donneraient les mêmes résultats dans l’éventualité qu’ils devaient être refaits, mais en personne.

2. Il est également difficile de savoir si les résultats du sondage donneraient une représentation fidèle du niveau de confusion au sein de la véritable population de consommateurs de chocolat suisse au Canada.

[90] Sans répéter les motifs liés à la validité exposés précédemment, les vices de conception du sondage réalisé en ligne en utilisant un panel Internet ont jeté un doute sur la possibilité que les mêmes résultats puissent être reproduits dans un sondage subséquent. Il y a trop d’incertitudes et de variables non-contrôlables pour conclure que le sondage est fiable.

[91] De plus, Mme Corbin a indiqué dans son rapport que [traduction] « [l]es groupes dans les sondages réalisés en ligne auprès des panels nationaux Internet ne peuvent pas, sur le plan statistique, être généralisés à l’ensemble des consommateurs de chocolat suisse, parce qu’ils ne rassemblent que des personnes qui se portent volontaires pour faire partie d’un panel sur Internet pour les besoins d’un sondage ». Lors du contre-interrogatoire, Mme Corbin a confirmé qu’elle ne savait pas si les résultats du sondage pouvaient être généralisés à l’ensemble de la population pertinente. Cet aveu, combiné à l’absence d’intervieweur pour vérifier les données démographiques des participants afin de confirmer leur admissibilité au sondage, jette un doute sur la fiabilité des résultats du sondage.

[92] Les éléments de preuve provenant de sondages sont jugés « valide[s] » si « on a posé les bonnes questions au bon bassin de répondants, de la bonne façon et dans des circonstances qui permettent d’obtenir les renseignements recherchés »; ils sont jugés « fiable[s] » si on estime que la répétition du sondage permettrait vraisemblablement d’obtenir les mêmes résultats (Masterpiece au para 94). Comme je l’ai expliqué précédemment, ce type de sondage réalisé en ligne en utilisant un panel Internet ne satisfait pas à ces éléments du test et, à mon avis, ne satisfait pas le facteur de la pertinence tel qu’énoncé dans l’arrêt Mohan.

(iii) Problème fondamental

[93] Comme nous l’avons vu précédemment, j’ai cerné un problème connexe, mais fondamental, relativement à la nature experte des éléments de preuve provenant des sondages réalisés en ligne avancés par les experts, Mme Corbin et M. Bourque, qui vont à l’encontre du critère d’absence de toute règle d’exclusion énoncé dans l’arrêt Mohan.

[94] Comme il a été souligné dans la décision Sun Life Assurance Co of Canada v Sunlife Juice Ltd, 1988 CarswellOnt 926, [1988] OJ No 1114 [Sun Life] (citée pour CarswellOnt), historiquement les tribunaux ont commencé, il y a un certain temps déjà, à reconnaître la recevabilité en preuve des sondages faites auprès des consommateurs :

[traduction]
Tenter de rendre une telle décision sans tenir compte des éléments de preuve au sujet de ce que les autres peuvent penser ou avoir dit ne serait, à mon avis, qu’un exercice de pure fiction judiciaire et ne serait pas d’une grande utilité. Je conclus que les éléments de preuve provenant de sondages qui m’ont été présentés étaient convaincants, puisque ces sondages ont été menés par des personnes très compétentes dans le domaine.

Les questions de fait doivent être tranchées en fonction de la preuve, et les seuls éléments de preuve qui m’ont été présentés provenaient d’un sondage mené par des experts dans leur domaine, qui a été beaucoup plus utile à la Cour que ne l’aurait été un défilé à l’ancienne de témoins quelconques qui seraient venus faire exactement ce que le sondeur a accompli. Le sondage était beaucoup plus efficace et a été bien plus utile à la Cour. À mon avis, il s’agit d’un élément de preuve très convaincant.

(Sun Life, aux paras 21-22, caractères gras ajoutés.).

[95] Le fait qu’un sondage auprès de consommateurs mené par un expert constitue une exception à la règle du ouï-dire est expliqué au paragraphe 43 de l’arrêt Mattel :

Jusqu’à une époque relativement récente, la preuve par sondage d’opinion était régulièrement jugée inadmissible parce qu’elle vise à répondre au volet factuel de la question précise dont est saisie la Commission ou la cour (c.‐à‐d., celle de la probabilité de confusion) et que, de par sa nature, il s’agit de ouï‐dire puisqu’elle consiste en une compilation des opinions émises par des répondants qu’il est impossible de contre‐interroger (voir p. ex. Building Products Ltd. c. BP Canada Ltd. (1961), 36 C.P.R. 121 (C. de l’É.); Paulin Chambers Co. c. Rowntree Co. (1966), 51 C.P.R. 153 (C. de l’É.). La pratique observée plus récemment consiste à admettre la preuve par sondage d’opinion présentée par un expert compétent, dans la mesure où ses conclusions sont pertinentes quant aux questions en litige et où le sondage a été bien conçu et effectué avec impartialité.

[Caractères gras ajoutés.]

[96] J’ai précédemment fait état d’une série de vices dans la conception du sondage en ligne qui a été présenté en preuve. À mon avis, la nature de ces vices de conception est problématique, en ce sens que le sondage des avis des participants n’a pas été menée de façon professionnelle par les experts. Ni les experts ni aucun des intervieweurs mandatés sous la direction et le contrôle des experts ne peuvent attester que les participants ayant répondu au sondage sont bel et bien les personnes que prétendent les experts, ni que les réponses données sont bel et bien leurs réponses selon les paramètres précis recommandées dans les préambules des sondages.

[97] Essentiellement, le sondage réalisés en ligne auprès des panels Internet nationaux conçu par Mme Corbin et mené par cette dernière et par M. Bourque comporte des vices fondamentales, en ce sens qu’il ne peuvent pas assurer à la Cour que :

  1. les participants sont les consommateurs concernés et les réponses ont été données par les participants eux-mêmes (et non par une autre personne [p. ex. leur enfant] qui aurait répondu au sondage pour la personne inscrite du panel afin d’obtenir l’honoraire); et

2. les participants n’étaient soumis à aucune influence externe et n’avaient pas accès à de l’information externe.

[98] Cela ne veut pas dire que ce problème est omniprésent dans tous les sondages en ligne menés auprès de consommateurs pour lesquels on peut disposer d’une personne ou d’un enregistrement vidéo garantissant que les participants répondent au sondage, et que l’expert peut voir et présenter à la Cour en tant qu’attestation de la « compilation des opinions émises par des répondants qu’il est impossible de contre‐interroger » (Mattel au para 43). Il convient cependant de se rappeler que l’admissibilité de la preuve par sondage en cause dans l’arrêt Mattel et dont il a par la suite été question dans l’arrêt Masterpiece était liée au contexte de sondages en personne où les experts et leurs intervieweurs associés (1) pouvaient vérifier que l’identité des participants à l’étude était incontestée, et (2) pouvaient contrôler l’environnement du sondage et les paramètres d’évaluation. Il est beaucoup plus facile de vérifier qu’une personne correspond à la population ciblée par l’étude lorsqu’on peut la voir et confirmer son identité en direct. Depuis, ces formes de sondage en personne (face à face) sont devenues une caractéristique des litiges liés aux marques de commerce au Canada.

[99] Les cours de justice ont été disposées à admettre en preuve et à prendre en considération les avis d’experts sur les résultats des sondages menés auprès de consommateurs « dans la mesure où ses conclusions sont pertinentes quant aux questions en litige et où le sondage a été bien conçu et effectué» (Mattel au para 43). Un sondage doit offrir les assurances nécessaires que les participants vérifiés :

  1. ont donné personnellement les réponses qui leur sont attribuées;

  2. ont donné leurs réponses dans un environnement contrôlé, c’est-à-dire un environnement dans lequel l’expert ou l’intervieweur associé s’est assuré que le participant n’est soumis à aucune influence externe et n’a pas accès à de l’information externe pendant l’évaluation.

[100] À mon avis, un témoignage d’expert sous forme de sondage qui n’est pas assorti de telles assurances serait déficient sur le plan de la conception et de la réalisation au point de miner la confiance qu’une cour de justice est prête à accorder à l’opinion de l’expert qui présente le rapport sur la « compilation des opinions émises par des répondants qu’il est impossible de contre‑interroger ». L’expert ne peut pas offrir les assurances nécessaires au sujet des personnes interrogées conformément à la troisième exigence énoncée dans l’arrêt Mohan concernant l’absence de toute règle d’exclusion (ouï-dire).

[101] Je dois tenir compte de la mise en garde de la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece, au paragraphe 93 : « Toutefois, la preuve par sondage doit être utilisée avec circonspection ».

(iv) Conclusion concernant les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque

[102] Pour ces motifs, l’affidavit de Mme Corbin et l’affidavit de M. Bourque sont inadmissibles en preuve, et par conséquent sans importance.

c) L’affidavit de M. Bradley

[103] M. Bradley, bien que son témoignage ait été présenté en tant qu’avis d’expert au sujet du marketing, a reconnu lors du contre-interrogatoire qu’il ne connaît pas le critère juridique applicable en matière de confusion au Canada. Bien qu’il admette son manque de connaissances dans ce domaine, M. Bradley déclare s’attendre à ce [traduction] « qu’un très faible pourcentage des consommateurs canadiens présument qu’il existe un lien entre SWISSKISS et Hershey et/ou Hershey’s Kisses ». Il a également expliqué que cette simple attente était fondée sur ses propres hypothèses selon laquelle l’emballage SWISSKISS ne présenterait ni les caractéristiques iconiques ni la couleur d’arrière-plan du produit Hershey’s KISSES, et que le logo SWISSKISS utiliserait une police d’écriture, une couleur et un angle d’illustration différents de ceux employés dans le logo Hershey’s Kisses.

[104] Il ressort clairement de son affidavit que M. Bradley a pris en compte plusieurs facteurs qui n’ont rien à voir avec le critère juridique à appliquer dans le contexte de la procédure d’opposition à une marque de commerce en l’espèce, comme la forme du produit et la couleur des marques, et la façon dont la marque SWISSKISS serait probablement commercialisée. PIM n’est pas restreinte à certaines conceptions d’emballage, à certaines combinaisons de couleurs ou à d’autres aspects liés à l’emballage si les marques de commerce SWISSKISS sont autorisées. Il convient également de souligner que l’analyse de M. Bradley se rapporte uniquement à la marque SWISSKISS & Dessin, et qu’on ne semble pas avoir pris en compte l’emploi plus permissive qui pourrait être accordée pour un enregistrement de marque de commerce relativement à la marque nominale SWISSKISS. Certaines des hypothèses de M. Bradley concernant les caractéristiques des produits ont même été contredites par M. Rosenberg, qui a notamment indiqué que PIM pourrait potentiellement utiliser la couleur brune et un emballage en papier d’aluminium pour son produit SWISSKISS. De plus, l’analyse côte à côte des marques figuratives effectuée par M. Bradley n’est pas utile, parce qu’il ne s’agit pas du test approprié (voir Veuve Clicquot Ponsardin c Boutiques Cliquot Ltée, 2006 CSC 23 au para 20, renvoyant à Benson & Hedges (Canada) Ltd c St. Regis Tobacco Corp, 1968 CanLII 1 (CSC), [1969] RCS 192, à la page 202).

[105] Je suis d’accord avec Hershey que l’affidavit de M. Bradley est une tentative d’usurper le rôle de la Commission et de la Cour (voir Masterpiece au para 76), du fait que M. Bradley y tire des conclusions quant à la probabilité de confusion chez les clients concernés par l’intermédiaire de son témoignage, alors que, selon le témoignage même (et son propre aveu), il ne connaît pas le critère juridique qui s’applique à la confusion entre marques de commerce au Canada. Bien que M. Bradley ait effectué de nombreuses années comme responsable du marketing dans l’industrie de la confiserie qui puisse faire de lui un expert dans ce domaine, je conclus que son affidavit et son contenu ne sont d’aucune utilité en ce qui concerne le test applicable pour apprécier la probabilité de confusion chez les consommateurs (voir le paragraphe 62 ci-dessus), et qu’ils sont sans importances et inadmissibles.

d) Le premier affidavit de Mme Papaconstantinou

[106] PIM n’a fourni aucune explication quant à l’importance du premier affidavit de Mme Papaconstantinou, et cet affidavit semble être une tentative d’établir comme argument éventuel que PIM a été lésée par le fait que Hershey avait omis de signaler le transfert de ses marques. Cependant, on n’a pas donné suite à cet argument en appel. Le premier affidavit de Mme Papaconstantinou n’est pas important.

e) Le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou

[107] Le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou sert à introduire le fait que la marque nominale « SWISS » en liaison avec le chocolat est une marque de certification dont Chocosuisse est propriétaire. PIM semble s’appuyer sur ce point comme preuve que, puisque le mot SWISS en liaison avec le chocolat est une marque de certification, le mot SWISS doit lui-même être distinctif et constituer l’élément le plus frappant de sa marque SWISSKISS.

[108] La Commission a conclu à divers endroits de sa décision (conclusion à laquelle s’oppose PIM pour divers motifs) que l’utilisation par PIM du mot SWISS dans ses marques de commerce SWISSKISS n’est ni distinctive ni l’élément le plus frappant, et ce, expressément parce que le mot SWISS est « descriptif de l’origine géographique des Produits ».

[109] Le critère de l’importance n’intéresse pas la question de savoir si la nouvelle preuve pourrait changer l’issue de la décision, mais plutôt à celle de savoir si elle aurait pu avoir une incidence sur une conclusion de fait ou sur l’exercice du pouvoir discrétionnaire par la Commission. Pour les motifs expliqués dans l’analyse ci-dessous, ces marques de certification descriptives auraient eu une incidence sur les conclusions de fait de la Commission relativement à l’interprétation du mot SWISS. Les éléments de preuve font intervenir des dispositions de la LMC qui n’avaient pas été examinées par la Commission et introduisent une nouvelle dynamique dans l’appréciation de la façon dont le mot SWISS est analysé en tant que partie des marques de commerce SWISSKISS dans le présent dossier d’opposition à l’égard d’une marque de commerce visé par l’appel. Pour ces motifs, le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou est important.

(2) La nouvelle preuve de Hershey

a) L’affidavit de Mme Wharton

[110] Hershey n’a présenté aucun argument pour convaincre la Cour que l’affidavit de Mme Wharton, qui contient uniquement des éléments de preuve étayant l’utilisation continue de ses marques de commerce KISSES et KISS au Canada depuis le dépôt de l’affidavit de M. Vanslyke, est important. Au contraire, Hershey a reconnu que ses nouveaux éléments de preuve ne seraient pas importants et qu’il ne serait pas nécessaire de les examiner si les nouveaux éléments de preuve de PIM étaient également sans importance. Par conséquent, je ne puis conclure que l’affidavit de Mme Wharton était suffisamment significatif ni que sa valeur probante aurait eu un effet important sur la décision de la Commission.

b) L’affidavit de Mme Brigley

[111] D’emblée, je dirai que Hershey a clairement indiqué que les éléments de preuve provenant de sondages qui se trouvaient dans l’affidavit de Mme Brigley ont uniquement été déposés en réponse aux affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque, et qu’elle a mené le même sondage en ligne en suivant sensiblement le même modèle, mais sans le biais d’amorçage qui entachait les questions des sondages de Mme Corbin et de M. Bourque. Hershey a clairement précisé qu’il serait seulement nécessaire d’examiner ces éléments de preuve si les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque étaient jugés admissibles et importants. Étant donné que cela n’a pas été le cas, il est juste d’affirmer, compte tenu de l’admission de Hershey, que l’affidavit de Mme Brigley n’est ni nécessaire, ni important.

[112] Étant donné que le sondage SWISSKISS de Mme Brigley est un sondage réalisé en ligne auquel a répondu un groupe de personnes semblable aux panel Internet interrogés par Mme Corbin et M. Bourque, il présente, exception faite de la possibilité d’utiliser le bouton « précédent » et des problèmes liés aux questions d’amorçage (voir ci-dessous), les mêmes problèmes de validité et de fiabilité que ces sondages. Comme il constitue une réplique du sondage évoqué dans les affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque, le sondage réalisé en ligne par Mme Brigley présente les mêmes lacunes sur le plan de la conception, de sorte que Mme Brigley n’est pas en mesure de fournir les assurances nécessaires quant aux personnes interrogées, conformément à la troisième exigence énoncée dans l’arrêt Mohan concernant l’absence de toute règle d’exclusion (ouï-dire), le rendant ainsi inadmissible en preuve.

[113] Dans l’éventualité où l’on jugerait ultérieurement que j’avais conclu à tort que les affidavits de Mme Corbin, de M. Bourque et Mme Brigley ne sont ni admissibles ni importants, j’examinerai les autres éléments de fond du sondage SWISSKISS de Brigley qui ont été présentés au moyen de l’affidavit de Mme Brigley. Pour les mêmes raisons que les affidavits de Mme Corbin et M. Bourque, je conclus que l’affidavit de Mme Brigley répond au critère de la nécessité d’être utile au juge des faits. Je conclus également que Mme Brigley est une experte dûment qualifiée dans le domaine de l’étude et de l’analyse du marché au moyen de sondages.

[114] Abstraction faite de la conception problématique du format en ligne du sondage en l’absence des paramètres de conception mentionnés ci-dessus, je juge que, de façon générale, les participants au sondage SWISSKISS de Mme Brigley que Hershey a choisi d’interroger, à savoir les acheteurs de chocolat, se sont fait poser les bonnes questions.

[115] Les avocats de PIM ont soulevé à juste titre devant la Cour que Mme Brigley n’a pas soustrait ce qu’elle croyait être le groupe de contrôle du groupe test, ce qui lui aurait permis d’obtenir un taux de confusion net de 8 % plutôt que le taux de 10 % qu’elle a conclu dans son rapport. Si, pour les besoins de l’analyse, la Cour se disait d’accord avec les avocats de PIM à l’égard du fait que Mme Brigley n’a pas correctement calculé les pourcentages de participants du groupe test (9,1 % et non 10 %) et les pourcentages de participants du groupe de contrôle (3 % et non 2 %) qui ont répondu qu’Hershey était la source des marques de commerce, l’utilisation des pourcentages qui, de l’avis des avocats de PIM, étaient exacts, le taux net des participants au sondage de Mme Brigley qui étaient des consommateurs de chocolat et qui ont associé la marque nominale SWISSKISS à Hershey aurait été de 6,1%.

[116] Les avocats de PIM font valoir que [traduction] « seulement 6,1 % des participants au sondage de Hershey ont associé la marque nominale SWISSKISS à Hershey, ce qui démontre que la confusion n’est pas probable », et que les sondages de Mme Corbin et de M. Bourque affichent un niveau de confusion net chez les consommateurs de chocolat suisse de 2 % et de 3 %, respectivement, ce qui est [traduction] « bien en deçà du seuil de 10 % dégagé dans la jurisprudence » :

[traduction]
60. Ce seuil a été établi dans de nombreuses affaires aux États-Unis et au Canada. Dans la version mise à jour en 2022 de l’ouvrage Trademarks and Unfair Competition, J. Thomas McCarthy fait remarquer que [traduction] « lorsque les résultats sous forme de pourcentage d’un sondage portant sur la confusion tombent en deçà de 10 %, ils peuvent devenir un élément de preuve attestant qu’une confusion est peu probable »83. Étant donné que des versions antérieures de cet ouvrage ont été citées avec approbation par la Cour84, PIM Brands soutient que l’ouvrage peut aider la Cour à évaluer les résultats des éléments de preuve provenant des sondages respectifs des parties.

83 McCarthy, J. Thomas, « Trade Marks and Unfair Competition », 32:189, « Likelihood of confusion-Percentage figures in the cases – Evidence of no likelihood of confusion », p. 32-584-32-585, recueil de jurisprudence électronique, onglet 10.

[117] Les avocats de Hershey prétendent que les seuils de 10 % ou 15 % auxquels la demanderesse et ses experts font référence proviennent de la jurisprudence américaine, et que, à leur connaissance, ils n’ont jamais été employés dans des décisions judiciaires au Canada (sauf peut-être dans New Balance, au para 21, où la Commission des oppositions a conclu qu’un pourcentage de 11 % étaye la conclusion voulant qu’il y a probabilité de confusion). En outre, les avocats de Hershey affirment que PIM ne renvoie à aucune décision judiciaire canadienne dans laquelle il aurait été conclu qu’un faible pourcentage de confusion dans un sondage étayerait une conclusion voulant qu’il n’y ait aucune probabilité de confusion, comme l’ont fait valoir les avocats de PIM. En effet, les avocats de Hershey prétendent que, dans la décision Diageo Canada Inc c Heaven Hill Distilleries, Inc, 2017 CF 571 [Diageo], la Cour fédérale a conclu qu’il existe une importante variation (de 4,8 % à 13,5 %) dans le niveau que les tribunaux judiciaires ont considéré comme suffisant pour établir l’existence d’une probabilité de confusion (Diageo au para 94, renvoyant à Triple Five Corporation v Walt Disney Productions, 1994 ABCA 120 [Triple Five Corporation] au para 44; 11 % dans New Balance Athletic Shoes, Inc v Matthews, 1992 CanLII 7013 (CA COMC) au para 21, et 13,5 % dans Kirkbi AG c Ritvik Holdings Inc, 2002 CFPI 585 au para 128, décision confirmée sans analyse de cette question par 2003 CAF 297, confirmée par 2005 CSC 65). Compte tenu de ces précédents canadiens, il n’est pas nécessaire de se fonder sur la jurisprudence de nos voisins du sud et, de toute façon, je ne suis pas liée par ces décisions des tribunaux.

[118] Même si l’on acceptait les pourcentages qui, selon PIM, sont corrects, il resterait tout de même un pourcentage net de 6,1 % des participants au sondage de Mme Brigley qui ont associé la marque nominale SWISSKISS à Hershey; ce chiffre non négligeable se situe dans la fourchette inférieure du taux de confusion que les tribunaux canadiens ont précédemment établi comme étant suffisant pour établir l’existence d’une probabilité de confusion (Diageo, au para 94, renvoyant à la fourchette de 4,8 % à 8,2 % énoncée dans l’arrêt Triple Five Corporation). Cependant, il convient de prendre en considération que Mme Brigley a mentionné, en contre-interrogatoire, qu’aucune marge d’erreur n’a été prise en compte dans ses calculs, étant donné que, conformément aux normes de son industrie, la marge d’erreur ne peut être appliquée aux recherches en ligne. S’il avait été question de résultats en matière de confusion d’un sondage valide et fiable réalisé en personne, j’aurais eu beaucoup de mal à faire abstraction de tels résultats nets liés à la confusion, lesquels auraient servi à confirmer la décision de la Commission quant à la probabilité de confusion.

[119] Il convient également de noter que les dernières questions de Mme Brigley qui ont été posées aux participants dans le sondage SWISSKISS qu’elle a fait passer, se rapportaient au caractère distinctif des marques de commerce de Hershey :

  1. Pouvez-vous identifier la compagnie qui vend des chocolats sous la marque « KISS » ou ne le savez-vous pas?

  2. Pouvez-vous identifier la compagnie qui vend des chocolats sous la marque « KISSES » ou ne le savez-vous pas?

[120] À la première de ces questions, 55 % des participants du groupe test et 59 % de ceux du groupe de contrôle ont répondu « Hershey’s ». Dans la même veine, 65 % des participants du groupe test et 70 % des participants du groupe de contrôle ont répondu « Hershey’s » à la seconde question. Cet élément de preuve se rapporte directement au caractère distinctif que Hershey a acquis avec les marques de commerce KISS et KISSES, et ce, en dépit de la nature générique du mot « kiss » en confiserie en général, où ce mot s’entend d’un petit morceau de friandise.

c) L’affidavit de M. Mulvey

[121] Comme pour les affidavits de Mme Wharton et de Mme Brigley, mais surtout celui de Mme Brigley, Hershey a clairement indiqué que l’affidavit de M. Mulvey serait important et qu’il y aurait donc lieu de l’examiner uniquement si les affidavits de M. Corbin et de M. Bourque étaient jugés admissibles et importants. Comme ces derniers n’ont pas été jugés admissibles et importants, il en va de même pour l’affidavit Mulvey.

[122] Indépendamment de la question de l’importance des affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque, j’ai laissé entendre plus tôt que je ne jugeais pas nécessaire que l’affidavit de M. Mulvey tienne compte des vices dans les éléments de preuve provenant de sondages de ces affidavits. L’affidavit de M. Mulvey n’est pas nécessaire en l’espèce, parce qu’il ne fait que renforcer ce que je sais déjà. Il s’ensuit que, sans égard à l’admissibilité ou à l’importance des affidavits de Mme Corbin et de M. Bourque, l’affidavit de M. Mulvey n’est pas nécessaire et n’a que peu ou pas de valeur probante.

(3) Conclusion concernant l’importance

[123] À la lumière de ce qui précède, la Cour est essentiellement d’accord avec Hershey quant au fait que la majeure partie de la nouvelle preuve de PIM n’est pas admissible et n’ajoute rien de significative au dossier, et que la nouvelle preuve n’aurait pas influé de manière importante la décision de la Commission. Premièrement, les affidavits de Mme Corbin, de M. Bourque et de Mme Bradley ne sont pas admissibles, ne sont pas importants et n’ont pas de valeur probante. En ce qui concerne le deuxième affidavit de M. Rosenberg, il ne satisfait pas au critère qui permettrait de le considérer comme important, étant donné qu’il ne fait que répéter des éléments de preuve que la Commission avait déjà eu à sa disposition. Pour ce qui est du premier affidavit de Mme Papaconstantinou, PIM n’a présenté aucune observation quant à son importance, et il est impossible, sans autre élément de preuve ou observation, de voir comment le transfert des marques de commerce Hershey aurait pu avoir une incidence quelconque sur la décision contestée.

[124] Le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou est important en ce qui concerne l’interprétation du mot SWISS dans le cadre des marques de commerce SWISSKISS visées par les demandes d’enregistrement relativement au chocolat d’origine suisse, et ce, sans égard à la question de savoir si Commission était expressément consciente ou non de la question des marques de certification pour le mot SWISS. Même si la Commission était déjà consciente de cette question de façon générale, l’existence de ces marques de certification aurait eu une incidence sur son interprétation du mot SWISS. Par conséquent, les éléments de preuve que renferme le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou sont importants et commandent un examen de novo de la question de l’interprétation du mot SWISS dans les marques de commerce SWISSKISS de PIM relativement au chocolat d’origine suisse.

C. Les erreurs de la Commission telles qu’alléguées par PIM

(1) Clarification des erreurs alléguées et détermination de la norme de contrôle applicable

a) Clarification des erreurs alléguées

[125] Hershey prétend que les motifs d’appel figurant aux alinéas 13b), 13d) et 13e) n’ont pas été abordés en profondeur par PIM dans ses représentations écrites et ne devraient donc pas être pris en considération par la Cour, surtout étant donné le manque de jurisprudence pertinente au recueil de jurisprudence de PIM (renvoyant à Sibomana c Canada, 2020 CAF 57 au para 6; Rouleau-Halpin c Bell Solutions Techniques Inc, 2021 CF 177 aux para 33 et 34; Singh c Canada (Procureur général), 2022 CF 302 aux para 21, 22, 26).

[126] Après examen, je suis d’avis que ces précédents touchent le sujet en matière de la capacité d’une cour de ne pas aborder les arguments qui n’ont aucunement été soulevés dans un mémoires des faits et du droit, mais qui l’ont été à l’audience. Bien que je convienne que PIM aurait certainement pu rendre plus claires ses représentations à l’égard de chaque erreur alléguée, étant donné que ses arguments semblent suivre la structure de la décision et non l’ordre logique des erreurs, je conclus que les motifs d’appels invoqués aux paragraphes 13b), 13d) et 13e) de l’avis de demande de PIM ont été abordés de façon substantielle dans son exposé des arguments (même s’ils ont été regroupés avec de nombreuses autres erreurs alléguées).

[127] Il convient également de noter que l’erreur alléguée à l’alinéa 13l) semble être simplement une conclusion des huit erreurs alléguées précédentes, qui, ensemble, forment l’allégation selon laquelle la Commission a commis une erreur de façon générale en confirmant les motifs d’opposition fondés sur les alinéas 12(1)d) et 16(3)a) invoqués par Hershey, ce qui n’est pas une erreur, mais une conclusion avancée par PIM. Il n’y avait aucune soumission précise sur ce point, et la Cour n’a pas été en mesure d’identifier des soumissions, des éléments de preuve ou des aspects de la décision contestée qui suggèrent que l’alinéa 13 l) de l’avis de demande de PIM renferme une allégation d’erreur précise et distincte. Par conséquent, la Cour n’analysera pas séparément l’erreur alléguée à l’alinéa13l).

b) La norme de contrôle applicable

[128] Hershey soumet également, et la Cour est d’accord, que les erreurs soulevées dans les motifs d’appels qui se trouvent aux paragraphes 13a), 13b), 13c), 13e), 13f), 13g), 13j) et 13l) ne sont pas des erreurs de droit et que celles-ci devraient être qualifiées à juste titre comme des erreurs concernant des questions de fait ou des questions de droit et de fait. Ces motifs d’appel englobent manifestement une appréciation de la preuve et un examen des circonstances particulières de l’espèce. La seule erreur qui, selon Hershey, pourrait vraisemblablement être qualifiée d’erreur de droit et qui serait, de ce fait, susceptible de contrôle selon la norme de la décision correcte est l’erreur invoquée dans le motif d’appel à l’alinéa 13d). Toutefois, la raison soulevée par la Commission pour traiter SWISS et KISS comme étant deux mots dans une marque nominale reposait sur la preuve qui lui avait été présentée, et non sur le droit; ainsi, cette question est également susceptible de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et déterminante.

[129] Abstraction faite du deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou, j’ai conclu que les nouveaux éléments de preuve en appel des parties sont soit inadmissibles en preuve, soit sans importance. Étant donné que, à mon avis, il n’y a aucune question de droit isolable en litige, la norme de contrôle applicable sur la balance des erreurs alléguées et de leurs composantes est celle de l’erreur manifeste et déterminante, conformément à la norme applicable énoncée dans l’arrêt Housen. Comme il est mentionné dans l’arrêt Clorox, au paragraphe 38, il s’agit d’une « norme de contrôle appelant un degré plus élevé de retenue que la norme de la décision raisonnable ». Le juge Stratas a récemment expliqué la norme dans l’arrêt Rogers au para 7 :

Quant au premier point — les points de droit —, nous ne déférons pas à l’avis du Tribunal de la concurrence. Ainsi, si la conclusion est erronée, nous pouvons l’annuler. En revanche, à l’égard des questions mixtes de fait et de droit où les faits prédominent, nous déférons à l’avis du Tribunal, et ce considérablement. Pour infirmer une conclusion sur une question mixte de fait et de droit où les faits prédominent, la Cour doit trouver une erreur manifeste et dominante ou une « erreur évidente » « qui touche directement à l’issue de l’affaire ». Il s’agit d’un critère exigeant. « On ne peut se contenter de tirer sur les feuilles et les branches et laisser l’arbre debout. » On doit plutôt « faire tomber l’arbre tout entier » : voir Canada c. South Yukon Forest Corporation, 2012 CAF 165, par. 46, repris par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Benhaim c. St‐Germain, 2016 CSC 48, [2016] 2 R.C.S. 352, par. 37 et 38; voir également Mahjoub c. Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CAF 157, [2018] 2 R.C.F. 344.

[Non souligné dans l’original; caractères gras ajoutés.]

[130] Le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou a été jugé important, mais cela ne commande pas une analyse de novo pour toutes les erreurs alléguées en l’espèce. Le contenu de cet affidavit se rapportait strictement aux marques de certification de Chocosuisse, qui ont été fournies dans le but de compléter la preuve liée exclusivement à la question de savoir si le mot SWISS était en mesure de distinguer les chocolats d’origine suisse de PIM, et constituait l’élément le plus frappant des marques de commerce SWISSKISS, permettant ainsi d’écarter l’allégation de confusion avec les marques de commerce HERSHEY’S KISSES, y compris la marque de commerce KISS. Étant donné cette portée restreinte, je procéderai à une analyse de novo uniquement à l’égard des erreurs alléguées qui se rapportent à l’interprétation du mot SWISS en tant que descriptif de l’origine géographique des chocolats suisses de PIM, étant l’une des composantes des erreurs alléguées D, F et J.

[131] Autre que l’analyse de novo de l’interprétation du mot SWISS en tant que descriptif de l’origine géographique des chocolats suisses de PIM, ce qui est l’une des composantes des erreurs alléguées D, F et J, le reste des questions sont susceptibles de contrôle selon la norme de l’erreur manifeste et déterminante.

(2) Explication de la structure de cette analyse

[132] Bien que la demanderesse ait invoqué plusieurs erreurs, elle n’a pas expressément indiqué à quelles parties de la décision contestée chaque erreur alléguée se rapporte. La Cour se voit ainsi contrainte de faire le travail pour la demanderesse, ce qui a pris beaucoup de temps et d’efforts à décortiquer les soumissions orales et écrites de celle-ci pour y voir plus clair. Après avoir procédé à cet exercice, il ne fait aucun doute pour la Cour que la demanderesse que les erreurs alléguées formulées par la demanderesse soulèvent, en tout, des questions à l’égard de cinq parties de la décision contestée.

[133] Pour des raisons de lisibilité, et dans le but de réaliser une analyse logique et intelligible des questions, l’analyse des erreurs alléguées suivra la structure décrite ci-après, et les erreurs alléguées seront désignées par les lettres majuscules que PIM a utilisées pour ses motifs d’appel, dans les alinéas du paragraphe 13 qui se trouvent dans l’avis de demande :

  1. Erreurs alléguées liées aux marques de commerce KISS et KISSES de Hershey :

a. Erreur alléguée A se rapportant aux paragraphes 59 et 60 de la décision contestée;

  1. Erreur alléguée B se rapportant aux paragraphes 64 et 83 de la décision contestée;

  2. Erreur alléguée C se rapportant aux paragraphes 42 à 47 de la décision contestée;

  3. Erreur alléguée G se rapportant aux paragraphes 42 à 46 et 71 à 76 de la décision contestée;

2. Erreurs alléguées liées aux marques de commerce SWISSKISS de PIM :

  1. Erreur alléguée D se rapportant aux paragraphes 61 et 62 et 72 à 76 de la décision contestée;

  2. Erreur alléguée F se rapportant aux paragraphes 61 et 72 à 74 de la décision contestée;

  3. Erreur alléguée J se rapportant aux paragraphes 61 et 73 à 75 de la décision contestée;

3. Erreur alléguée E liée à la marque de commerce SWISSKISS et Dessin de PIM se rapportant aux paragraphes 62 et 75 de la décision contestée.

[134] Bien qu’il s’agisse d’une structure peu orthodoxe pour analyser des erreurs alléguées dans le cadre d’un appel interjeté à l’égard d’une décision de la Commission des oppositions des marques de commerce, la formulation maladroite des questions par la demanderesse, et subséquemment de son incapacité à lier les erreurs aux parties précises de la décision contestée où les erreurs alléguées auraient été commises, justifie l’adoption d’une telle structure. Quoi qu’il en soit, chaque erreur alléguée en litige serait tout de même spécifiquement abordée, mais celles-ci seraient groupées par des sujets en litige semblables, afin d’éviter toute répétition et de veiller à l’utilisation optimale des ressources judiciaires.

(3) Les erreurs alléguées liées aux marques de commerce KISS et KISSES de Hershey – A, B, C et G

[135] Il convient de souligner ici que la Cour est saisie d’un appel à l’encontre d’une conclusion de confusion découlant de l’opposition de Hershey à la demande de PIM visant l’enregistrement des marques de commerce SWISSKISS. Il ne s’agit pas d’une instance en radiation des enregistrements de Hershey pour les marques de commerce KISS et KISSES. Ces erreurs alléguées sont des conclusions de fait que PIM a demandé à la Cour de remplacer par différentes conclusions de fait qui lui seraient favorables. La conclusion de fait que PIM cherche à obtenir appuierait son allégation selon laquelle la Commission a commis une erreur en jugeant que les marques de commerce SWISSKISS de PIM peuvent être confondues avec les marques de commerce Hershey et ne peuvent donc pas être enregistrées.

[136] En gardant cela à l’esprit, il y a en fait deux questions en litige que PIM a réparties en quatre erreurs alléguées. Ces questions sont les suivantes :

  1. Les conclusions de la Commission liées à l’emploi par Hershey des marques KISS et KISSES (erreurs alléguées A et B);

  2. L’emploi par Hershey du mot KISS même si le mot « Kiss » est un terme générique ou descriptif d’un petit morceau de friandise (erreurs alléguées C et G).

[137] J’aborderai chacune de ces questions à tour de rôle.

a) L’emploi des marques KISS et KISSES

[138] Pour ce qui est de l’erreur A, PIM allègue que la Commission a commis une erreur en n’ayant pas tenu compte de l’emploi combiné par Hershey des marques de commerce HERSHEY’S et KISS ou KISSES. Pour ce qui est de l’erreur B, PIM allègue que l’emploi, au fil du temps, de KISS et KISSES avec HERSHEY’S suggère que HERSHEY’S diminue le caractère distinctif de KISS et KISSES lorsqu’ils sont employés en combinaison.

[139] De prime à bord, PIM concède que la durée pendant laquelle les marques de commerce ont été employées penche en la faveur de Hershey. PIM n’a pas encore lancé sa gamme de produits SWISSKISS au Canada; PIM et Hershey vendront probablement leurs produits respectifs par l’intermédiaire de détaillants semblables (la nature du commerce), et peut-être même dans les mêmes rayons. PIM n’a pas fourni de lien logique pour démontrer en quoi l’emploi combiné par Hershey de ses marques au fil du temps constitue en soi une erreur; par conséquent, l’erreur alléguée B doit être rejetée. Dans leurs soumissions, écrites et orales, PIM cherchait essentiellement à diminuer le caractère distinctif de ces marques de commerce KISS et KISSES par le biais de leur emploi associé ou combinée à la marque de commerce HERSHEY’S et à l’« apparence du produit » de Hershey au fil du temps.

[140] L’analyse et les conclusions de la Commission aux paragraphes 59 et 60 sont reproduites ci-après :

[59] Toutefois, j’estime que la preuve de l’Opposante démontre que, en ce a trait aux chocolats en particulier, la marque de commerce KISSES a acquis un caractère distinctif plutôt substantiel au Canada par des ventes importantes et des annonces au cours des décennies. La preuve de l’Opposante suggère que la marque de commerce KISS (au singulier) est employée dans une moindre mesure que KISSES, j’attribue donc un caractère distinctif acquis moins important à la marque de commerce KISS qu’à la marque de commerce KISSES.

[60] Je remarque que la Requérante prend la position selon laquelle tout caractère distinctif dans les marques de commerce KISSES et KISS demeure dans leur combinaison avec la marque de commerce HERSHEY’S. Je rejette cette observation pour deux raisons. D’abord, il est bien établi que deux marques de commerce peuvent être employées ensemble sur un seul produit [AW Allen Ltd c Canada (Registraire des marques de commerce) (1985), 6 CPR (3e) 270 (CF 1re inst) à la page 272]. Deuxièmement, dans la présente affaire, selon la preuve présentée par l’Opposante, il est évident que les marques de commerce KISSES et KISS sont illustrées d’une manière qui communique à l’acheteur le fait que KISSES et KISS sont des marques de commerce distinctes et autonomes (par exemple, la pièce D à l’affidavit de M. Vanslyke comprend plusieurs exemples d’emballage où la marque de commerce KISSES est présentée sur une ligne différente que la marque de commerce HERSHEY’S et avec une police plus large).

[141] Comme Hershey l’indique à juste titre dans ses représentations écrites, PIM est manifestement dans l’erreur lorsqu’elle affirme qu’il n’y a pratiquement aucun élément de preuve établissant que Hershey utilise KISS et KISSES sans sa marque maison HERSHEY’S comme première partie la plus frappante de la marque nominale combinée. PIM a tort pour deux raisons. Premièrement, l’affidavit de M. Vanslyke fournit de nombreux éléments de preuve étayant l’utilisation des marques HERSHEY’S et KISS ou KISSES distinctes, où HERSHEY’S est présenté dans une police différente et plus petite que les marques KISS et KISSES, indiquant qu’il s’agit de marques de commerce distinctes. Deuxièmement, il est reconnu depuis longtemps que plus d’une marque de commerce peut être utilisée en liaison avec un produit ou un service donné sans miner le caractère distinctif de chacune des marques de commerce (voir par exemple, AW Allen Ltd v Canada (Registrar of Trade Marks), 1985 CarswellNat 565, [1985] ACF no 824 [AW Allen] au para 9 (citée pour CarswellNat)).

[142] PIM tente de contourner ce point établi depuis longtemps en faisant valoir, sans aucune jurisprudence à l’appui, que les consommateurs perçoivent néanmoins le produit collectivement comme étant les « HERSHEY’S KISSES », et affirme que cette perception erronée alléguée (et absolument non prouvée) fait de « HERSHEY’S KISSES » une marque composée autonome. Elle continue de prétendre que l’élément le plus frappant de la marque composée autonome est HERSHEY’S, et non KISS ou KISSES, parce qu’il figure en premier et qu’il s’agit de la [traduction] « célèbre marque maison ». Elle boucle la boucle sur ce point en affirmant essentiellement qu’il ne peut y avoir aucune confusion entre SWISSKISS (dont l’élément le plus frappant est SWISS, selon PIM) et HERSHEY’S KISSES (en tant qu’élément le plus frappant de la marque composée « HERSHEY’S KISSES », qui n’est qu’une seule marque).

[143] Pour faire la mise au point, les soumissions de PIM sur ce point sont sans fondement. Les marques de commerce HERSHEY’S, KISS et KISSES sont trois marques séparées et distinctes, pour lesquelles Hershey a différents enregistrements de marques de commerce. Entre le droit et les différents enregistrements pour les marques HERSHEY’S, KISS et KISSES, il est clair que de multiples marques peuvent être utilisées en liaison avec le même produit ou service sans avoir d’incidence sur le caractère distinctif de chaque marque de commerce. Pour cette raison, non seulement la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste et déterminante dans la présente analyse, mais elle a réalisé l’analyse de marque de commerce appropriée.

[144] J’ai soigneusement analysé la pièce D de l’affidavit de M. Vanslyke invoqué par la Commission, un grand nombre de pièces supplémentaires qui ont été énumérées par Hershey au paragraphe 35 de son mémoire des faits et du droit en appel, de même que les extraits de l’annexe A du dossier de Hershey que la Cour a demandé à Hershey de fournir après l’audience. Je ne dégage aucune erreur manifeste et déterminante dans la conclusion de la Commission, ni dans son analyse sous-jacente de la preuve ou du droit relativement au caractère distinctive acquis des marques de commerce KISSES et KISS. Les éléments de preuve montrent clairement que les marques de commerce KISSES et KISS sont affichées sur l’emballage du chocolat de façon distincte et séparée de la marque de commerce HERSHEY’S, dans une police de style différent et, souvent dans une police plus grande que la marque de commerce HERSHEY’S. Les consommateurs seraient en mesure de discerner que les marques de commerce KISSES et KISS sont des marques de commerce qui distinguent le produit de chocolat en question de la marque de commerce HERSHEY’S, qui est une marque de commerce du fabricant et qui caractérise la marque maison du produit de chocolat.

[145] La Commission a également considéré et évalué les éléments de preuve et a conclu qu’ils montrent clairement que les marques de commerce KISSES et KISS figurent sur l’emballage du chocolat de façon distincte et séparée de la marque de commerce HERSHEY’S, de sorte que les mots KISS et KISSES indiqueraient au consommateur qu’il s’agit de marques de commerce distinctes. La Commission a ensuite appliqué correctement le droit applicable (renvoyant à la décision de la Cour fédérale dans l’affaire AW Allen) selon lequel plus d’une marque de commerce peut être employée en liaison avec un produit ou un service donné sans incidence sur le caractère distinctif de chaque marque (voir AW Allen, au para 9; Premier Tech Home & Garden Inc c Ishihara Sangyo Kaisha Ltd, 2022 COMC 25 au para 14). Même si je me trouve dans l’erreur quant à la question sur l’inadmissibilité des sondages en ligne en preuve qui ont été déposés par les parties, les résultats du sondage SWISSKISS de Mme Brigley sont une preuve que les marques de commerce KISS et KISSES distinguent toutes deux leur propriétaire Hershey, en ce sens que 55 % et 70 % des consommateurs de chocolat sont en mesure de répondre « Hershey’s » lorsqu’on leur pose les questions présentées au paragraphe 119 des présents motifs.

[146] Les motifs d’appel de PIM fondés sur l’erreur alléguée A doivent être rejetés, car ils ne sont pas étayés par le droit des marques de commerce et ne sont pas appuyés par la preuve. Par conséquent, il n’y a aucune erreur manifeste et déterminante dans les conclusions de la Commission quant au caractère distinctive des marques KISSES et KISS en dépit de leur utilisation avec une marque de commerce distincte en compagnie de la marque HERSHEY’S sur le même produit.

b) « Kiss » en tant que terme générique ou descriptif

[147] PIM fait valoir, à titre d’erreur alléguée C, que la Commission a fait fausse route lorsque cette dernière a conclu que, malgré le volume « important » de la preuve étayant l’utilisation générique du mot KISS en liaison avec un « morceau de friandise », ces éléments de preuve ne s’appliquaient pas également à la confiserie au chocolat HERSHEY’S KISSES de la défenderesse, qui est également « un morceau de friandise [au chocolat] [...] emballée dans du papier ou de l’aluminium ». De même, PIM soutient, à titre d’erreur alléguée G, que la Commission a commis une erreur en concluant que KISS était l’élément le plus frappant des marques KISS et KISSES de Hershey, parce que le mot est de nature générique ou descriptive.

[148] Dans la décision contestée, la Commission a examiné les éléments de preuve qui lui avaient été présentés et a conclu qu’ils ne lui permettaient pas de conclure que le terme « KISS » était générique à compter des dates pertinentes de la procédure d’opposition lorsqu’employé en liaison avec les produits de chocolats en particulier (et non avec les friandises en général), ce qui était la question plus précise et pertinente dont elle était saisie. La Commission a d’abord examiné les enregistrements de marques de commerce KISS et KISSES en liaison avec les produits de chocolat, qui sont présumés valides (article 19 de la LMC; voir, par exemple, Group III International Ltd v Travelway Group International Ltd, 2020 CAF 210 au para 12), et a pris en considération le fait que, dans le contexte d’une procédure d’opposition en application de l’article 38 de LMC, elle n’a pas compétence pour radier ces enregistrements ou, de toute autre manière, les déclarer non valides. La Commission a ensuite examiné la preuve d’emploi par des tiers du terme « KISS(ES) » au Canada en liaison avec les chocolats et a conclu qu’il semble particulièrement limité, tant en ce qui concerne le nombre de produits de ce genre que l’absence de preuve quant au volume des ventes au Canada. La Commission a terminé son analyse sur ce point aux paragraphes 58 et 59 de la décision contestée en concluant que, bien que le mot « kiss » puisse effectivement avoir une signification générique en ce qui concerne les friandises en général, le mot « kiss » en ce qui a trait aux chocolats a acquis son propre caractère distinctif grâce aux ventes importantes de Hershey et à des annonces publicitaires dans lesquelles ses marques de commerce KISS et KISSES étaient employées, et ce, sur une période de plusieurs décennies.

[149] Il ressort clairement des paragraphes 43 à 47 des motifs de la décision contestée que la Commission a soigneusement examiné tous les éléments de preuve dont elle était saisie. Comme l’a indiqué Hershey dans ses soumissions, lorsqu’une analyse minutieuse de tous les éléments de preuve est réalisée, on constate qu’il y a peu d’éléments de preuve faisant état d’une utilisation par des tiers du mot « kiss » au Canada pour des chocolats, voire pour des friandises. Hershey soutient – et je suis d’accord – que la Commission et les cours de justice ont par le passé rejeté ou jugé insuffisant une telle preuve limitée portant qu’un terme était devenu générique (voir, par exemple, Vivant Holdings Ltd C Levi Strauss & Co, 2005 CF 707 au para 62). À mon avis, il n’y a aucune erreur manifeste et déterminante qui se trouve dans la conclusion de la Commission résumée ci-dessus. Même si le mot « kiss » aurait pu être un terme générique pour désigner un petit morceau de friandises, la Commission a relevé à juste titre dans son analyse que, grâce à l’utilisation par Hershey de ses marques de commerce KISS et KISSES durant des décennies, ces marques ont acquis un caractère distinctif expressément en ce qui concerne les marques KISS et KISSES de Hershey et permet de désigner la source des chocolats de Hershey. Le motif d’appel fondé sur l’erreur alléguée C de PIM doit être rejeté.

[150] PIM fait également valoir, à titre d’erreur alléguée G, qu’étant donné que le mot KISS est générique ou descriptif, la Commission a commis une erreur en concluant que KISS est l’élément le plus frappant des marques KISS et KISSES de Hershey. Cela, sans égard au fait que le mot KISS représente l’intégralité de la marque de commerce KISS et est simplement utilisé au pluriel dans la marque KISSES. J’ai donc peine à imaginer quel autre élément pourrait constituer l’élément le plus frappant de ces marques. Il devrait suffire que l’analyse ci-dessus illustre que le mot « kiss » dans le contexte du chocolat a acquis jusqu’à un certain point un niveau distinctif en raison de l’utilisation de KISS et KISSES par Hershey, de sorte qu’il se distingue du terme générique et pourrait fort bien constituer l’élément le plus frappant de ces marques. Même en faisant abstraction du caractère distinctif acquis et en admettant simplement, puisqu’il ne s’agit pas d’une procédure en radiation contre les marques de Hershey, qu’il s’agit de marques déposées et que, à ce titre, elles sont présumées valides, KISS et KISSES constituent l’intégralité de ses marques nominales respectives. Si « kiss » n’est pas l’élément le plus frappant de ces marques nominales valides, il est clair que PIM n’est pas parvenue à démontrer quel élément le serait. Par conséquent, le motif d’appel fondé sur l’erreur alléguée G de PIM doit aussi être rejeté.

c) Conclusion concernant les erreurs alléguées A, B, C et G liés aux marques de commerce KISS et KISSES de Hershey

[151] À mon avis, il n’y a aucune erreur manifeste et déterminante dans la conclusion de la Commission ni dans son analyse sous-jacente de la preuve ou du droit en ce qui concerne ses conclusions selon lesquelles « kiss » n’est pas un terme générique dans le contexte du chocolat, et que Hershey a acquis un caractère distinctif pour ce qui est des marques de commerce KISS et KISSES. Les motifs d’appel de PIM fondés sur les erreurs alléguées A, B, C et G doivent être rejetés.

(4) Les erreurs alléguées liées aux marques de commerce SWISSKISS de PIM – D, F et J

[152] PIM affirme, à titre d’erreur alléguée D, que la Commission a commis une erreur en analysant en détail les marques de commerce de la demanderesse, qui comprennent le mot inventé SWISSKISS et non les mots SWISS et KISS. De même, PIM soutient, à titre d’erreur alléguée F, que la Commission a commis une erreur concluant que le mot SWISS, dans le contexte des marques de commerce de la demanderesse, ne permettait pas de distinguer les marques de la demanderesse des marques de commerce KISS et KISSES de la défenderesse et n’empêchait pas non plus une probabilité de confusion. Dans la même veine, PIM prétend, à titre d’erreur alléguée J, que la Commission a commis une erreur en n’accordant pas suffisamment de poids à la première partie (soit, SWISS) du mot inventé contenu dans les marques de commerce de la demanderesse.

[153] Fondamentalement, les erreurs alléguées D, F et J se rapportent à la conclusion tirée à maintes reprises par la Commission selon laquelle l’élément le plus frappant de SWISSKISS est KISS, parce que SWISS, qui ne fait que décrire l’origine du chocolat de PIM, ne permet pas de distinguer le « chocolat suisse » de PIM de ceux des autres commerçants. Les trois erreurs alléguées se rapportent, essentiellement, à la conclusion bien précise de la Commission selon laquelle PIM ne peut pas faire valoir que SWISS est frappant ou revêt un caractère distinctif, étant donné que SWISS est simplement un terme descriptif.

a) Partie la plus frappante

[154] Bien que la Commission reconnaisse que le premier élément d’une marque de commerce soit souvent le plus important (Conde Nast à la page 188), la Commission a adopté l’approche préférable énoncée par la Cour suprême dans l’arrêt Masterpiece, au paragraphe 64 : « pour évaluer le degré de ressemblance, « il faut se demander [...] si l’un des aspects de [la marque de commerce] est particulièrement frappant ou unique ».

[155] En opposant la conclusion de la Commission, PIM soutient que le mot « SWISS » est l’élément le plus frappant des marques de commerce SWISSKISS, et que la Commission n’a invoqué aucune jurisprudence pour justifier le fait qu’elle n’ait pas tenu compte de la première partie de la marque de commerce, qui est souvent considérée comme étant la plus importante – ce qui est inexact puisque la Commission a clairement renvoyé à l’arrêt Masterpiece. La majorité des arguments qu’elle a avancés à l’appui du fait que SWISS serait l’élément le plus frappant de ses marques de commerce SWISSKISS reposent toutefois sur la preuve d’expert, que j’ai jugée inadmissible en preuve et sans importance, et aussi sur la base de leur propre malentendu de la décision de la Commission et du droit des marques de commerce en jeu.

[156] Dans la décision contestée, la Commission a conclu qu’il était évident que l’élément le plus frappant des marques de commerce KISS et KISSES de Hershey est le mot « KISS ». La Commission a ensuite conclu que, bien que la première partie d’une marque soit souvent la plus importante (renvoyant à Conde Nast), dans ce cas-ci, la Commission ne considérait pas la première partie des marques de commerce SWISSKISS comme étant particulièrement frappante ou unique. La Commission a plutôt conclu que le mot « KISS » dans les marques de commerce SWISSKISS était l’aspect le plus frappant ou unique, étant donné que la première partie des marques de commerce SWISSKISS, « SWISS », fait référence à l’origine géographique des produits. La Commission a renvoyé à la décision Caterpillar Inc c Supacat Ltd, 2011 COMC 161, aux paragraphes 21 à 23, à titre d’exemple le cas où la Commission avait précédemment conclu que l’élément le plus frappant était la seconde partie de la marque de commerce, étant donné l’absence d’un caractère distinctif dans la première partie. Le registraire a également renvoyé à la preuve de PIM concernant le développement du nom SWISSKISS qui, selon lui, mettait en évidence l’importance de l’élément « KISS » pour les marques de commerce SWISSKISS de PIM dans leur ensemble, et a laissé entendre qu’une autre raison pour laquelle il abondait dans ce sens est que l’élément « KISS » est particulièrement frappant.

[157] Au paragraphe 61, la Commission a procédé par son propre analyse du caractère distinctif inhérent des marques de commerce SWISSKISS. La Commission a conclu que les marques de commerce possédaient un faible caractère distinctif inhérent, parce qu’elles étaient formées du terme « SWISS », lequel est descriptif de l’origine géographique des chocolats suisses et ne revêt donc pas un caractère distinctif inhérent, et du mot « KISS », lequel, comme il a été établi au paragraphe 58, revêt un caractère distinctif inhérent relativement faible au regard de la preuve de PIM.

[158] À la lumière de ces conclusions qui sont toutes fondées sur la preuve et étayées par la jurisprudence, je conclus que la Commission n’a commis aucune erreur manifeste et déterminante en ce qui concerne les erreurs alléguées D, F et J en tranchant que KISS était la partie la plus frappante de la marque SWISSKISS.

b) Mot inventé

[159] Malgré la formulation employée par PIM pour décrire l’erreur alléguée J, les soumissions de PIM ont clarifié qu’elle estime que « SWISSKISS » est un mot inventé singulier, de sorte qu’il ne peut pas être scindé et analysé en fonction des mots « SWISS » et « KISS » qui le composent. Plus précisément, PIM allègue que le mot inventé « SWISSKISS » [traduction] « communique l’origine du produit, sous-entend le romantisme et la notion connexe d’un cadeau tendre de chocolat » et est constitué de rimes, de sorte que la marque est plus mémorable pour les consommateurs, en plus de comprendre le terme générique « kiss », qui est [traduction] « depuis longtemps enraciné dans l’industrie des produits de confiserie ». PIM prétend également que la Commission a commis une erreur en n’ayant pas accordé suffisamment de poids au mot « SWISS », soit la première partie du terme inventé « SWISSKISS ».

[160] La Commission a pris connaissance de l’argument de PIM selon lequel SWISSKISS devrait être considéré comme un seul terme inventé et a reconnu qu’elle a l’obligation d’évaluer chacune des marques de commerce SWISSKISS de PIM dans son ensemble. Cependant, la Commission a conclu qu’il est malgré tout évident que chacune des marques de commerce SWISSKISS sera lue et prononcée en deux mots séparés, soit « SWISS-KISS », et elle a noté que la combinaison des lettres majuscules et minuscules dans la marque de commerce SWISSKISS & Dessin (c’est-à-dire SwissKiss) renforce cette perspective. La Commission a également pris en considération les éléments des marques SWISSKISS dans le contexte de l’analyse du caractère distinctif inhérent des marques de commerce en cause lorsqu’elle a tiré la conclusion suivante, au paragraphe 61 :

En ce qui a trait à la Marque nominale de la Requérante, j’estime qu’elle possède également un caractère distinctif inhérent faible. Elle est formée du mot « SWISS », lequel est descriptif de l’origine géographique des Produits et, par conséquent, n’a pas un caractère distinctif inhérent [voir London Drugs Ltd c International Clothiers Inc, 2014 CF 223, 120 CPR (4e) 1 au para 49], et du mot « KISS », lequel a un caractère distinctif inhérent relativement faible pour les raisons abordées précédemment.

[161] Hershey soumet, et je suis d’accord, que cette démarche était tout à fait appropriée de la part de la Commission à la lumière des propos formulés par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 31 de l’arrêt Shell, qui est applicable en l’espèce :

[31] À cet égard, l’alinéa 12(1)b) de la Loi prévoit qu’une marque de commerce n’est pas enregistrable si elle donne une description claire « sous forme […] écrite ou sonore ». J’estime, en accord avec Shell, que même si la marque de commerce en cause n’est pas constituée de deux mots distincts, « java » et « café », mais d’un seul mot inventé, JAVACAFE, cette distinction disparaît lorsqu’on prononce la marque de commerce en français. Aussi, pour l’examen du caractère descriptif suivant l’alinéa 12(1)b), la marque de commerce consiste-t-elle en deux mots, « JAVA » et « CAFE ». À nouveau, aucun sondage n’est nécessaire pour démontrer ce point, puisque la marque projetée n’est susceptible d’aucune autre prononciation dans la langue française.

[162] Comme le souligne Hershey, l’impression que laisse une marque de commerce doit être déterminée en prenant en compte les produits auxquels elle est associée (voir Mitel Corp c Canada (Registraire des marques de commerce), [1984] ACF no 17 aux para 16 à 19 (citée à CarswellNat)). L’argument de PIM suppose qu’un consommateur ordinaire ferait simultanément abstraction du fait que la première partie de ses marques de commerce SWISSKISS (c’est-à-dire SWISS) fait référence à l’origine géographique des produits de « chocolat suisse » de PIM tout en percevant le mot SWISSKISS entier comme un mot inventé. Ces marques de commerce sont, en fait, deux mots distincts réunis (SWISS et KISS) et, lorsqu’elles sont dites de vive voix, elles sont prononcées distinctement en tant que deux différents mots, ce qui renforce la perception par les consommateurs qu’il s’agit de deux mots séparés plutôt que d’un seul mot inventé (voir Shell, au para 31; voir également Canadian Council of Professional Engineers c Groupegénie Inc, 2009 CanLII 90448 (CA COMC) au para 35).

[163] Par conséquent, je ne peux conclure que la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante en ce qui concerne les erreurs alléguées D, F et J dans son appréciation de SWISSKISS en tant que mot inventé.

c) SWISS désigne des produits d’origine suisse

[164] Étant donné que le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou contenait des éléments de preuve importants en ce qui a trait à l’interprétation du mot SWISS comme une description de l’origine géographique des produits de « chocolat suisse » de PIM, ce qui est un élément des erreurs alléguées D, F et J, j’analyserai cette question de novo. À ce titre, j’ai le pouvoir d’exercer toute discrétion dont le registraire est investi pour trancher cette question, comme si notre Cour était une cour de première instance (voir le paragraphe 56(5) de la LMC; voir également Clorox au para 20).

[165] PIM fait valoir, à titre d’erreur alléguée F, que la Commission a commis une erreur en concluant que le mot SWISS dans ses marques de commerce SWISSKISS ne permettait pas de distinguer la marque des marques KISS et KISSES de Hershey, étant donné que le mot « Swiss » est descriptif de l’origine des produits de chocolat de PIM. Cette même prétention est omniprésente dans les erreurs alléguées D, F et J en tant que « preuve irréfutable » de PIM étayant que le mot SWISS n’est pas descriptif, étant plutôt distinctif dans les marques de commerce SWISSKISS, et aussi l’élément le plus frappant de ces marques de commerce.

[166] Pour appuyer son argument, PIM a déposé trois marques de certification appartenant à Chocosuisse, l’une d’elles pour SWISS (LMC325,071) pour les produits qui contiennent du chocolat et les produits faits de chocolat provenant de la Suisse. Selon l’article 2 de la LMC dans lequel se trouve une définition de marque de commerce, celle-ci fait référence à la définition de marque de certification, lesquelles sont définies ainsi :

marque de commerce Selon le cas :

  • a)signe ou combinaison de signes qui est employé par une personne ou que celle-ci projette d’employer pour distinguer, ou de façon à distinguer, ses produits ou services de ceux d’autres personnes;

  • b)marque de certification.

marque de certification Signe ou combinaison de signes qui est employé ou que l’on projette d’employer pour distinguer, ou de façon à distinguer, les produits ou services qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne :

  • a)soit la nature ou la qualité des produits ou services;

  • b)soit les conditions de travail dans lesquelles ont lieu leur production ou leur exécution;

  • c)soit la catégorie de personnes qui les produit ou exécute;

  • d)soit la région dans laquelle ont lieu leur production ou leur exécution.

[167] Dans son mémoire supplémentaire des faits et du droit, PIM affirme que [traduction] « le mot SWISS i) est une marque de certification enregistrée; ii) revêt un caractère distinctif du point de vue juridique; iii) revêt un caractère distinctif, ce qui en fait un élément dominant et frappant de ses marques de commerce SWISSKISS, et iv) ne permet pas d’écarter l’allégation de confusion avec les marques HERSHEY’S KISSES, dont KISS. » PIM s’appuie sur le commentaire formulé par le juge Manson au paragraphe 21 de la décision Ontario Dental Assistants Association c Association dentaire canadienne, 2013 CF 266 [Ontario Dental] à l’appui de la proposition selon laquelle les marques de certification doivent tout de même être distinctives et que, étant donné qu’elle utilise la marque de certification SWISS dans ses marques de commerce SWISSKISS, SWISS doit également être un élément distinctif de sa marque. Ce que PIM n’a pas pris en compte, c’est que les commentaires du juge Manson dans la décision Ontario Dental ont été faits au sujet des marques de certification liées à des désignations professionnelles, ce qui correspond à la définition générale d’une marque de certification ci-dessus. Le point principal du juge Manson était que, d’ordre général, les marques de certifications doivent être conformes aux articles 2, 12 et 23 de la LMC pour être considérées comme une marque valide. C’est pourquoi, lorsque l’on compare ce que le juge Manson a écrit au paragraphe 21 de la décision Ontario Dental au libellé des articles 2, 4, 12 et 23 de la LMC, le résumé dans Ontario Dental est un amalgame de toutes ces exigences distinctes, comme il est illustré ci-dessous :

[21] Il faut interpréter cette définition dans le contexte global de la Loi, et ainsi, pour être valide, une marque de certification doit

a) ne pas donner une description claire, ou fausse et trompeuse, des marchandises ou services en liaison avec lesquels elle est employée;

(tel qu’il est prescrit à l’alinéa 12(1)b) de la LMC)

b) permettre de distinguer les marchandises ou services qui sont d’une norme définie par rapport aux marchandises et services d’autres propriétaires (c.‑à‑d. être distinctive);

(tel qu’il est prescrit par la définition d’une « marque de certification » à l’article 2 de la LMC)

c) à la date mentionnée par le propriétaire de la marque de certification comme date de premier emploi, ne pas être employée par le propriétaire, mais uniquement par des personnes autorisées, en liaison avec l’exécution de services, la fabrication de marchandises ou l’annonce des marchandises ou de services de ces personnes autorisées;

(tel qu’il est prescrit dans les paragraphes 23(1) et 23(2) de la LMC)

d) ne pas causer vraisemblablement de confusion avec une marque de commerce enregistrée ou à l’égard de laquelle une demande d’enregistrement a été antérieurement produite, ou avec une marque de commerce ou un nom commercial antérieurement employé, au Canada;

(tel qu’il est prescrit à l’alinéa 12(1)d) de la LMC)

e) être conforme, quant à l’« emploi » en matière de services, à l’article 4 de la Loi, qui prévoit qu’une marque de commerce (et ainsi une marque de certification) est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.

(tel qu’il est prescrit à l’article 4 de la LMC)

[168] Toutefois, par opposition aux marques de certification en général, l’article 25 de la LMC établit des exigences distinctes pour ce que l’on désigne par le terme « marque de certification descriptive » :

Marque de certification descriptive

25 Une marque de certification descriptive du lieu d’origine des produits ou services et ne créant aucune confusion avec une marque de commerce déposée est enregistrable si le requérant est l’autorité administrative d’un pays, d’un État, d’une province ou d’une municipalité comprenant la région indiquée par la marque de certification ou en faisant partie, ou est une association commerciale ayant un bureau ou un représentant dans une telle région. Toutefois, le propriétaire d’une marque de certification déposée aux termes du présent article doit en permettre l’emploi en liaison avec tout produit ou service dont la région de production ou d’exécution est celle que désigne la marque de certification.

[169] Comme l’harmonisation faite par le juge Manson dans la décision Ontario Dental pour les marques de certification en général, l’extrait de l’article 25 comprend le terme « marque de certification » défini à l’article 2, l’exigence d’absence de confusion énoncée à l’alinéa 12(1)d) et les exigences en matière d’enregistrement et d’autorisation pour les marques de certification générales énoncées à l’article 23. L’ouvrage Fox on Canadian Law of Trade-Marks and Unfair Competition souligne que l’article 25 accorde un droit à un type d’enregistrement mineur et très restreint :

[traduction]
[L’article 25] a simplement donné droit à un type d’enregistrement mineur et très restreint. Il n’était pas incompatible avec l’alinéa 26(1)c) ou l’article 29 de l’ancienne Loi, et la présente disposition, qui est comparable, n’est pas non plus incompatible avec le paragraphe 12(3) de la Loi sur les marques de commerce, au titre duquel un commerçant peut obtenir un enregistrement et le droit exclusif d’utiliser une marque de commerce géographique qui à première vue, n’est pas enregistrable en raison de l’alinéa 12(1)b). L’article 25 ne fait que permettre l’enregistrement d’une marque de commerce qui sert seulement à prévenir son utilisation par des tiers à l’extérieur du territoire où la marque est descriptive.

(L.A. Kelly Gill, Fox on Canadian Law of Trade-marks and Unfair Competition, 4e éd. (Thomson Reuters, 2024) [Fox], para 5:69)

[170] En réalité, ces marques de certification descriptives, qui sont enregistrées dans le but de protéger des produits ou des services donnés qui proviennent d’un lieu d’origine commun, ont été exclues des exigences relatives au caractère enregistrable des marques de commerce ordinaires et des marques de certification générales étant donné que, par leur nature même, elles ne sont pas enregistrables à première vue aux termes de l’article 12. En raison de cet obstacle, la LMC prévoit une exception à l’article 12 pour les marques de certification descriptives visées par l’article 25 qui sont clairement descriptives du lieu d’origine des produits ou des services, de sorte qu’elles sont enregistrables aux termes de la LMC en dépit de leur caractère autrement non enregistrable du fait qu’elles constituent une description claire du lieu d’origine des produits ou services.

[171] Ce que PIM n’a pas mentionné à la Cour, ou qu’elle ne réalise pas, c’est que SWISS, SUISSE et SWITZERLAND sont des marques de certification descriptives déposées au titre de l’article 25 de la LMC (et non pas des marques de certification déposées au titre de l’article 23, comme c’était le cas dans la décision Ontario Dental, qui visait la désignation professionnelle Certified Dental Assistant ou CDA). Cela était évident pour la Cour, compte tenu des notes versées au dossier pour la marque de certification descriptive SWISS et la décision pertinente de la Commission invoquée par PIM. Les notes versées au dossier pour la marque de certification descriptive SWISS (LMC325,071) sont accessibles à partir de la base de données publique en ligne du registre pour les marques de commerce pour la marque de certification descriptive connexe SUISSE (LMC324,971), qui a été déposée et qui a été débattue à la Cour en même temps que la marque de certification descriptive SWISS. Comme on peut le constater dans les documents de demande d’origine et les notes versées au dossier, Chocosuisse a clairement indiqué qu’elle déposait une demande d’enregistrement pour ses marques de certification SWISS, SUISSE et SWITZERLAND exclusivement au titre de l’article 25 de la LMC. En effet, les documents liés au dépôt de la demande signés le 12 octobre 1982, par Alex E MacRae & Co, les agents de marque de commerce de Chocosuisse à l’époque, énoncent ce qui suit :

[traduction]
La demanderesse se fonde sur l’article 25 et, à l’appui de son admissibilité au titre de celui-ci et des allégations de fait dans les demandes [SWISS, SUISSE et SWITZERLAND], nous déposons par la présente l’affidavit de D. KUSTER complété par les pièces A, B, C et D s’y rapportant.

[172] Cela a été renforcé par la décision à l’opposition de la Commission découlant de l’opposition déposée par Sanna, Inc contre Chocosuisse pour ces marques de certification (SUISSE, SWISS et SWITZERLAND), à laquelle a renvoyé PIM dans le mémoire supplémentaire des faits et du droit de la demanderesse. Dans Sanna Inc v Chocosuisse union des fabricants suisses de chocolat, 1986 CarswellNat 579 [Sanna], on a demandé à la Commission de juger, entre autres, si SUISSE, SWISS et SWITZERLAND étaient clairement descriptifs du lieu d’origine des produits, et donc, non enregistrables en tant que marques de certification aux termes de l’article 25, conformément à l’article 12 de la LMC. En concluant que l’interdiction [traduction] « clairement descriptive » ne s’appliquait pas aux marques de certification visées à l’article 25, la Commission a conclu ce qui suit :

[traduction]
Il est clair que l’article 25 s’applique dans le cas en l’espèce. À mon avis, les marques de certification SWISS, SUISSE et SWITZERLAND sont toutes indéniablement descriptives du lieu d’origine des produits de la Suisse, et l’affidavit Kuster établit que la demanderesse est une association commerciale qui a un bureau ou un représentant en Suisse.

(Sanna au para 9, non souligné dans l’original).

[173] Comme l’a Commission l’a souligné à juste titre dans la décision Sanna, l’exception prévue à l’article 25 au sujet des marques de certification descriptives existe parce que de telles marques, et, en l’occurrence, la marque de certification SWISS en particulier, sont [traduction] « indéniablement descriptives du lieu d’origine » et seraient autrement non enregistrable (Sanna au para 9). Cela cadre à la fois avec l’ouvrage Fox et le Manuel d’examen des marques de commerce [le Manuel] de l’OPIC, qui, bien qu’il n’ait pas force de droit obligatoire, distingue de façon semblable les marques de certification descriptives des autres marques de certification, en précisant qu’elles sont enregistrables séparément si elles satisfont aux critères de l’article 25. Le Manuel les décrit comme étant des « marque[s] de certification descriptive[s] du lieu d’origine des produits ou services » (OPIC, Manuel d’examen des marques de commerce, section 2.5.4).

[174] En tout temps à partir du moment où PIM a déposé sa demande de marque de commerce en 2013, lorsque Hershey a déposé ses déclarations d’opposition respectives en 2013-2014, lorsque la Commission a rendu sa décision en 2020, et lors de l’audition de l’appel en 2023, les articles 23 à 25 de la LMC traitaient les marques de certification. Pendant toute la période pertinente, une marque de certification descriptive a été décrite à l’article 25 de la LMC en tant que marque « descriptive du lieu d’origine » des produits ou services (article 25 de la LMC; non souligné dans l’original). En outre, c’est Chocosuisse et non PIM qui est propriétaire de la marque de certification SWISS et, aux termes des exigences énoncées à l’article 25 de la LMC, Chocosuisse a accordé à PIM l’autorisation d’utiliser la marque de certification descriptive SWISS en liaison avec ses produits.

[175] Entre le libellé de l’article 25, les parties pertinentes de l’ouvrage Fox et le Manuel de l’OPIC, et compte tenu de la décision rendue antérieurement par la Commission dans l’affaire Sanna qui avait tranché ce point expressément en fonction des marques de certifications descriptives visées à l’article 25, il est clair que SWISS est une marque de certification descriptive. Ainsi, SWISS est descriptif du fait que [traduction] « les produits [associés] ou les composantes des produits de chocolat qu’ils renferment proviennent de la Suisse », comme il est écrit dans la section « Texte de la marque de certification » pour la marque de certification descriptive SWISS (LMC325,314) que PIM a déposé dans le deuxième affidavit de Mme Papaconstantinou. Par conséquent, la marque de certification descriptive SWISS cristallise le fait que la Commission était expressément consciente que SWISS est [traduction] « indéniablement » de nature clairement descriptive quant à l’origine du chocolat et donc ce qui ne permettait pas de distinguer les produits de chocolat suisse de PIM de marque SWISSKISS, étant donné que SWISS ne revêt pas un caractère distinctif inhérent propre à PIM, mais désigne plutôt la norme et l’origine du chocolat. Non seulement je partage l’avis de la Commission sur ce point, mais les éléments de preuve importants présentés par PIM ne font que renforcer le fait que PIM se trompe en affirmant que SWISS, dans les marques de commerce SWISSKISS, sert à distinguer les chocolats de PIM et permet d’écarter l’allégation de confusion avec les marques de commerce HERSHEY’S KISSES, y compris la marque de commerce KISS.

[176] Le fait que Chocosuisse ait accordé à PIM l’autorisation d’utiliser la marque de certification descriptive SWISS pour désigner le chocolat suisse ne signifie pas que l’utilisation du mot SWISS par PIM dans ses propres demandes visant les marques de commerce SWISSKISS est d’une façon ou d’une autre automatiquement distinctive de PIM. En ayant l’autorisation d’utiliser la marque de certification descriptive SWISS, PIM ne commet aucune violation de marque de commerce de Chocosuisse en ce qui concerne ses produits de « chocolat suisse » ni n’entraîne aucune confusion à cet égard. Néanmoins, en incorporant le mot SWISS dans ses marques de commerce SWISSKISS, elle courrait le risque que la nature de la marque de certification descriptive, étant clairement descriptive de chocolats suisses, signifie que SWISS ne peut pas avoir un caractère distinctif inhérent ni désigner la source dans sa marque de commerce. En effet, du fait de sa définition, SWISS, en tant que marque de certification descriptive, peut seulement être descriptive de l’origine des produits. Laisser entendre qu’une marque de certification descriptive pourrait être autre qu’exclusivement descriptive de l’origine des produits reviendrait à miner simultanément la marque de certification descriptive en tant que telle et l’article 25 de la LMC.

[177] Comme on peut le voir à l’article 2 de la LMC reproduit ci-dessus, le législateur a établi une définition distincte pour une marque de certification autre qu’une marque de commerce, étant donné que les marques de certification sont des signes qui permettent de distinguer différemment des produits ou services. Une marque de commerce comme celle que PIM cherche à obtenir doit être un signe qu’une personne projette d’employer dans le but de distinguer, ou de manière à distinguer, ses produits ou services de ceux des autres (un élément permettant de désigner la source qui désigne un commerçant). Une marque de certification descriptive comme SWISS est un signe qui est utilisé dans le but de distinguer ou de façon à distinguer des produits qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas, en ce qui concerne la région dans laquelle ont lieu leur production ou leur exécution (un élément permettant de désigner la source qui désigne la région géographique/le terroir de la norme établie).

[178] La Commission a conclu, et je suis de son avis, que SWISS ne revêt pas un caractère distinctif inhérent dans les marques de commerce SWISSKISS parce que, même s’il compose la première partie de ces marques, il est simplement un descriptif de l’origine géographique des produits. La Commission a renvoyé à juste titre à la décision London Drugs Limited c International Clothiers Inc, 2014 CF 223 [London Drugs], au paragraphe 49, rendue par la Cour, qui renforce cet énoncé :

La Cour a toujours statué que les désignations géographiques, comme les prénoms, les noms de famille, les initiales, les termes descriptifs et les symboles communs, ne possèdent aucun caractère distinctif et ne devraient pas se voir accorder une protection étendue sauf, bien sûr, si elles ont acquis un caractère distinctif au fil du temps. Personne ne peut revendiquer l’exclusivité d’un nom géographique, en particulier s’il s’agit d’un nom aussi connu que LONDON. […]

[179] La Cour, dans la décision London Drugs, n’examinait pas les marques de certification descriptive, mais ce point demeure valable en ce qui concerne l’enregistrabilité de marques de commerce dont une composante est une désignation géographique. Les noms de lieux ne revêtent pas un caractère distinctif inhérent en tant que marques de commerce, de sorte qu’ils ne devraient pas se voir accorder un degré élevé de protection. Il était juste de la part de la Commission de conclure que l’élément SWISS était clairement descriptif d’un lieu géographique réputé pour son chocolat, qu’il ne revêtait pas un caractère distinctif inhérent des chocolats suisses de PIM et qu’il ne présentait aucun caractère distinctif acquis en ce qui concerne les chocolats suisses de PIM. Étant donné que SWISS, dans le contexte des marques de commerce SWISSKISS, ne revêtait aucun caractère distinctif et ne faisait que décrire l’origine géographique des produits, la Commission n’a pas commis d’erreur en jugeant que KISS, et non SWISS, était la partie la plus frappante des marques de commerce SWISSKISS.

[180] Plus particulièrement, les observations de PIM sur cette question doivent être rejetées, parce qu’il est logiquement impossible que son argument concernant la façon dont fonctionne le droit entourant les marques de certification puisse être accepté. Même en considérant que la marque de certification descriptive SWISS est une marque de commerce et est employée pour distinguer, selon l’article 2 de la LMC, elle permet uniquement de distinguer des produits qui sont d’une norme définie par rapport à ceux qui ne le sont pas en ce qui concerne leur région de production. La Commission avait uniquement pour tâche de déterminer le caractère distinctif des marques de commerce SWISSKISS employées en liaison avec les produits de « chocolat suisse » visés par la demande, et non de déterminer le caractère distinctif de SWISS en liaison avec le chocolat d’origine suisse.

[181] Pour ces motifs, PIM n’a pas réussi à établir que la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante lorsqu’elle a conclu que SWISS ne permet pas de distinguer les marques SWISSKISS de PIM des marques KISS et KISSES de Hershey, étant donné que le mot SWISS est un descriptif du lieu d’origine des chocolats de PIM. Les motifs d’appel de PIM fondés sur les erreurs alléguées D, F et J, en ce qui concerne l’interprétation du mot SWISS dans le contexte des chocolats suisses de PIM, doivent être rejetés. En résumé, sur une base de novo, j’aurais tiré les mêmes conclusions que la Commission en ce qui concerne l’alinéa 6(5)a) (le caractère distinctif), l’alinéa 6(5)c) (le genre de produits) et l’alinéa 6(5)e) (le degré de ressemblance).

d) Conclusion quant aux erreurs alléguées D, F et J liées aux marques de commerce SWISSKISS de PIM

[182] Je ne suis pas convaincue que la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante dans ses conclusions sur ces points, ni dans celle selon laquelle l’ensemble de ces conclusions se traduit par un degré de ressemblance significatif entre les marques de commerce SWISSKISS et les marques de commerce de Hershey, parce que le mot « kiss » est l’aspect le plus frappant ou unique des marques de commerce SWISSKISS de PIM et des marques de commerce KISS et KISSES de Hershey. Les motifs d’appel de PIM fondés sur les erreurs alléguées D, F et J doivent être rejetés.

(5) Erreur alléguée E liée à la marque SWISSKISS & Dessin de PIM

[183] PIM fait aussi valoir, à titre d’erreur alléguée E, que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte des composantes distinctives faisant partie de la marque SWISSKISS & Dessin de la demanderesse, et en traitant plutôt les deux marques de la demanderesse comme étant équivalentes.

[184] Cependant, la Commission, au paragraphe 62 de sa décision, a clairement tenu compte du dessin de montagne et de la signature descriptive « Finest Swiss Chocolate » dans son évaluation du caractère distinctif inhérent de la marque SWISSKISS et Dessin de PIM :

[62] La Marque figurative de la Requérante a un caractère distinctif inhérent légèrement plus élevé que la Marque nominale compte tenu de l’élément de dessin de montagne; toutefois, je ne considère pas que cet élément de dessin est une caractéristique dominante ou accorde un caractère distinctif inhérent à la Marque figurative dans son ensemble. Dans le même ordre d’idées, je ne considère pas que la signature descriptive « FINEST SWISS CHOCOLATES » ajoute un quelconque caractère distinctif inhérent à la Marque figurative. En général, j’estime que la Marque figurative possède un caractère distinctif inhérent faible pour les mêmes raisons que la Marque nominale.

[185] Encore une fois, Hershey soutient, et je suis d’accord, qu’il était tout à fait approprié que la Commission conclu que le dessin de montagne et la signature descriptive de la marque de commerce SWISSKISS & Dessin n’étaient pas les caractéristiques dominantes, étant donné la taille plus grande du mot « SWISSKISS », et sa conclusion concorde tout à fait avec la jurisprudence liée aux procédures d’opposition. Effectivement, il est de jurisprudence constante que, lorsque les mots constituent l’élément dominant d’une marque figurative, les mots eux-mêmes sont considérés comme étant la caractéristique la plus importante de la marque, en tenant compte de la façon dont les mots seraient prononcés par les consommateurs (Worldwide Diamond Trademarks Limited c Association canadienne des bijoutiers, 2010 CAF 326 au para 2; Best Canadian Motor Inns Ltd c Best Western International Inc (CF), 2004 CF 135 au para 36).

[186] Comme nous l’avons vu plus tôt, la Commission n’a commis aucune erreur susceptible de révision en concluant que le mot inventé SWISSKISS peut être analysé en fonction de sa partie la plus frappante, que KISS est la partie la plus frappante des marques de commerce SWISSKISS, et que le mot SWISS dans les marques de commerce SWISSKISS est exclusivement descriptif des chocolats suisses de PIM, mais n’est pas distinctif en tant qu’élément permettant de désigner la source pour une marque de commerce en particulier. Conjointement avec ma conclusion selon laquelle la méthode employée par la Commission pour analyser la marque de commerce SWISSKISS & Dessin était tout à fait appropriée, je conclus que PIM n’a pas réussi à prouver que la Commission a commis une erreur manifeste et déterminante dans son examen de la marque de commerce SWISSKISS & Dessin. Le motif d’appel de PIM fondé sur l’erreur alléguée E doit être rejeté.

IV. Conclusion

[187] Sur une base de novo, j’ai conclu que le mot SWISS tel qu’il est utilisé dans les marques de commerce SWISSKISS en liaison avec le « chocolat suisse » est une marque de certification descriptive aux termes de l’article 25 de la LMC. En raison de sa nature exceptionnelle en tant que marque de certification descriptive qui est forcément descriptive de l’origine géographique des produits en dépit des exigences générales en matière d’enregistrabilité de la LMC, il ne fait aucun doute qu’une marque de certification descriptive est exclusivement descriptive de l’origine géographique des produits et permet seulement de distinguer les produits connexes comme étant d’une origine géographique précise. Cette nature signifie qu’une marque de certification descriptive (SWISS) ne peut pas simultanément distinguer des produits d’une origine géographique donnée (chocolat suisse) et un certain commerçant (PIM) en particulier.

[188] Sur la base de la norme manifeste et déterminante, PIM n’a pas pu établir que la Commission a erré en ayant conclu que PIM ne s’était pas acquittée du fardeau de prouver qu’il n’existait pas de probabilité raisonnable de confusion entre ses marques de commerce SWISSKISS, tel qu’elles figuraient dans leurs demandes, et les marques de commerce enregistrées KISS et KISSES de Hershey. Qui plus est, PIM n’a pas pu établir que la Commission a commis une erreur en concluant que la preuve qu’elle avait produite ne suffisait pas à établir le caractère générique de mot « KISS » précisément pour le chocolat, et que les marques de commerce KISS et KISSES sont donc génériques ou autrement sans aucun caractère distinctif au Canada en liaison avec le chocolat.

[189] Dans l’ensemble, PIM n’a pas démontré une erreur susceptible de révision qu’aurait commise la Commission dans son analyse relative à la confusion que les marques de commerce SWISSKISS ne sont pas enregistrables et que PIM n’a pas le droit de les faire enregistrer. La décision de la Commission doit donc être maintenue et l’appel de PIM doit être rejeté avec dépens en faveur de Hershey.

V. Dépens

[190] Compte tenu de l’accord des parties quant aux dépens, la Cour adjuge à la défenderesse une somme globale de 30 000 $ CA, y compris les débours, les honoraires d’avocat et les taxes.


JUGEMENT DANS LE DOSSIER T-853-20

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

  1. L’appel de la demanderesse fondé sur le paragraphe 56(1) de la Loi sur les marques de commerce à l’encontre de la décision rendue le 27 mars 2020 par la Commission des oppositions des marques de commerce, référence 2020 COMC 56, est rejeté.

  2. La demanderesse devra verser à la défenderesse, au titre des dépens, la somme de 30 000 $, y compris les débours, les honoraires d’avocat et les taxes.

« Ekaterina Tsimberis »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-853-20

 

INTITULÉ :

PROMOTION IN MOTION, INC., FAISANT AFFAIRE SOUS LE NOM PIM BRANDS, INC. c HERSHEY CHOCOLATE & CONFECTIONERY LLC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Tenue par vidéoconférence

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 12 juin 2023

 

JUGEMENT ET MOTIFS :

LA JUGE TSIMBERIS

 

DATE DES MOTIFS :

le 9 avril 2024

 

COMPARUTIONS :

Jonathan Colombo

Amrita V. Singh

Pour la demanderesse

 

Maxime Gagné

Jessica Morlon

Pour la défenderesse

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

MARKS & CLERK LAW LLP

Toronto (Ontario)

Pour la demanderesse

 

ST. LAWRENCE LAW FIRM LLP

Montréal (Québec)

Pour la défenderesse

 

 

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