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Date : 20240423

Dossier : T-437-23

Référence : 2024 CF 612

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 23 avril 2024

En présence de monsieur le juge O’Reilly

ENTRE :

DONNA ROYSTON-BIRBARI

demanderesse

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Mme Donna Royston-Birbari a lancé sa petite entreprise de soins pour animaux en 2019, juste avant que la pandémie de COVID-19 ne frappe. Son entreprise a souffert du fait que, pendant la pandémie, les gens restaient majoritairement à la maison et n’avaient pas besoin de soins pour leurs animaux.

[2] Mme Royston-Birbari a demandé et reçu certaines prestations offertes par le gouvernement, plus précisément la Prestation canadienne d’urgence (la PCU), la Prestation canadienne de la relance économique (la PCRE) et la Prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement (la PCTCC). L’Agence du revenu du Canada (l’ARC) a par la suite donné suite aux demandes de Mme Royston-Birbari et lui a demandé de fournir des preuves supplémentaires de son revenu.

[3] L’ARC a conclu que Mme Royston-Birbari n’était admissible à aucune des trois prestations. Cette dernière a donc demandé un deuxième examen de ses demandes et la conclusion a été la même, plus particulièrement, que Mme Royston-Birbari n’avait pas gagné un revenu suffisant au cours des périodes pertinentes.

[4] Mme Royston-Birbari soutient que les décisions de l’ARC sont déraisonnables parce que la preuve étayait son affirmation selon laquelle elle était admissible aux prestations qu’elle avait demandées. Elle me demande d’annuler les décisions de l’ARC.

[5] Je souscris à l’avis de Mme Royston-Birbari selon lequel les décisions de l’ARC sont en partie déraisonnables parce que, s’agissant de la PCU, l’ARC a tenu compte de son revenu net plutôt que de son revenu brut. Cette erreur a eu une incidence sur l’évaluation, par l’ARC, de l’admissibilité de Mme Royston-Birbari à la PCU et, indirectement, à la PCTCC. Par conséquent, j’accueillerai la présente demande en partie et j’ordonnerai qu’un autre agent de l’ARC examine l’admissibilité de Mme Royston-Birbari à la PCU et à la PCTCC.

[6] Le défendeur a soulevé une question préliminaire concernant l’admissibilité de nouveaux éléments de preuve que Mme Royston-Birbari souhaitait que j’examine lors du présent contrôle judiciaire, éléments de preuve qui n’étaient pas à la disposition de l’agent responsable du deuxième examen (l’agent). Je conviens avec le défendeur que je ne peux tenir compte que des éléments de preuve dont disposait l’agent.

II. Décisions de l’ARC

[7] En ce qui concerne la PCU, l’agent a conclu que, selon les documents fournis par Mme Royston-Birbari, cette dernière avait gagné un revenu total de plus de 5 000 $ au cours des 12 mois précédant la présentation de sa demande. Cependant, l’agent a conclu que le revenu net de Mme Royston-Birbari était inférieur au seuil d’admissibilité de 5 000 $. Même s’il a conclu que Mme Royston-Birbari n’était pas admissible à la PCU, l’agent a déterminé qu’elle n’avait pas à rembourser les sommes qu’elle avait déjà reçues puisque son revenu brut était supérieur à 5 000 $.

[8] Pour ce qui est de la PCRE, l’agent a conclu que le revenu net de Mme Royston-Birbari était inférieur à 5 000 $ en 2019 et en 2020, ainsi qu’au cours de la période de 12 mois précédant la présentation de sa demande. Elle n’y était donc pas admissible.

[9] En ce qui a trait à la PCTCC, l’agent a conclu que le revenu de Mme Royston-Birbari était inférieur à 5 000 $ en 2020 et en 2021, ainsi qu’au cours de la période de 12 mois précédant la présentation de sa demande. De plus, comme elle n’était pas admissible à la PCU, les sommes qui lui avaient été versées en lien avec la PCU ne pouvaient pas être prises en compte dans le calcul de son revenu aux fins de l’établissement de son admissibilité à la PCTCC (même si elle n’a pas été tenue de les rembourser). De même, comme Mme Royston-Birbari n’était pas admissible à la PCRE, ces sommes ne pouvaient pas être considérées comme un revenu au cours des années pertinentes.

III. Caractère déraisonnable des décisions de l’ARC

[10] Le défendeur soutient que les décisions de l’agent sont raisonnables étant donné qu’elles étaient fondées sur la preuve documentaire fournie par Mme Royston-Birbari et qu’il ressortait de cette preuve que son revenu ne respectait pas les critères d’admissibilité.

[11] Je souscris à l’avis du défendeur en ce qui concerne la PCRE, mais pas en ce qui concerne la PCU et la PCTCC.

[12] La question clé en l’espèce est celle de savoir si l’admissibilité aux prestations a été déterminée en fonction du revenu brut ou du revenu net.

[13] En ce qui concerne la PCU, la Loi sur la prestation canadienne d’urgence définit le « travailleur » comme une personne dont les revenus s’élèvent à au moins 5 000 $ pour l’année 2019 ou au cours des 12 mois précédant la date à laquelle elle présente une demande (LC 2020, c 5, art 8, art 2) (la LPCU). Il n’est pas fait référence au « revenu net » (voir Zhang c Canada (Procureur général), 2023 CF 1761 au para 6). L’agent a conclu que Mme Royston-Birbari avait en fait gagné un revenu brut de plus de 5 000 $. Par conséquent, la conclusion de l’agent selon laquelle elle n’était pas admissible à la PCU est injustifiée.

[14] En revanche, s’agissant de la PCRE, l’admissibilité est déterminée en fonction du revenu net. Les dispositions de la Loi sur les prestations canadiennes de relance économique précisent clairement que le revenu de la personne qui exécute un travail pour son compte est son revenu moins les dépenses (LC 2020, c 12, art 2, art 3(1)d) et 3(2)). L’agent n’a donc pas commis d’erreur en concluant que Mme Royston-Birbari n’était pas admissible à la PCRE.

[15] Enfin, pour ce qui est de la PCTCC, la Loi sur la prestation canadienne pour les travailleurs en cas de confinement prévoit que la personne est admissible si ses revenus provenant d’un emploi, d’un travail qu’elle exécute pour son compte ou encore de la PCU ou de la PCRE s’élevaient à au moins 5 000 $ (LC 2021, c 26, art 5, art 4(1)d)). L’agent a conclu que Mme Royston-Birbari n’y était pas admissible en raison des faibles revenus provenant du travail qu’elle exécute pour son compte, mais, ayant conclu qu’elle n’était pas admissible à la PCU, il n’a pas tenu compte de ses revenus provenant de la PCU. Comme je le mentionne plus haut, la conclusion de l’agent selon laquelle Mme Royston-Birbari n’était pas admissible à la PCU est déraisonnable. Par conséquent, la conclusion selon laquelle Mme Royston-Birbari n’était pas admissible à la PCTCC est également déraisonnable.

IV. Conclusion et dispositif

[16] Les décisions de l’agent selon lesquelles Mme Royston-Birbari n’était pas admissible à la PCU et à la PCTCC n’étaient pas justifiées – elles sont déraisonnables. Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner qu’un autre agent de l’ARC examine l’admissibilité de Mme Royston-Birbari à ces deux prestations.


JUGEMENT dans le dossier T-437-23

LA COUR REND LE JUGEMENT suivant :

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« James W. O’Reilly »

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Juge


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