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Date : 20240507


Dossier : T-1850-23

Référence : 2024 CF 703

Montréal (Québec), le 7 mai 2024

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

HATIM BADRANA

demandeur

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

[1] Le demandeur, Monsieur Hatim Badrana, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 10 août 2023 [Décision] en vertu de laquelle l’Agence du revenu du Canada [ARC] a une nouvelle fois conclu qu’il était inadmissible à la Prestation canadienne de la relance économique [PCRE]. Dans le cadre d’un troisième examen du dossier de M. Badrana, l’ARC a refusé sa demande au motif que M. Badrana n’avait pas subi une baisse de 50 % de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID-19.

[2] Selon M. Badrana, la Décision est déraisonnable, car l’agent de l’ARC n’aurait pas examiné la preuve qu’il avait présenté et que l’agent aurait manqué à son obligation d’exercer son pouvoir discrétionnaire. De surcroît, M. Badrana soutient que l’ARC aurait omis de respecter son devoir d’équité procédurale en ne garantissant pas un réexamen impartial et approfondi de son dossier par un agent indépendant. Sur ce point, le défendeur, le Procureur général du Canada [PGC], agissant au nom du Ministre de l’Emploi et du Développement social, concède que la Décision doit être retournée pour un nouvel examen en raison d’un manquement à l’équité procédurale.

[3] Les faits pertinents se résument comme suit. Le 5 décembre 2022, après un premier examen de l’admissibilité de M. Badrana, l’ARC rend une décision l’informant qu’il n’est pas éligible à la PCRE. En désaccord avec la conclusion de l’ARC à l’effet qu’il n’aurait pas eu une baisse de 50 % de son revenu hebdomadaire moyen par rapport à l’année précédente pour des raisons liées à la COVID-19, M. Badrana demande alors un deuxième examen de son éligibilité. Le 11 avril 2023, Mme Caroline Tremblay, une agente de l’ARC, rend une décision de deuxième examen déclarant M. Badrana inéligible à la PCRE.

[4] Le 3 mai 2023, M. Badrana dépose une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision de deuxième examen de Mme Tremblay. Le 31 juillet 2023, M. Badrana se désiste de son recours suite à une transaction conclue avec le PGC. Aux termes de cette transaction, un nouvel examen du dossier de M. Badrana doit être réalisé par un agent de l’ARC qui n’a pas été préalablement impliqué dans le traitement de la demande de M. Badrana.

[5] Le 10 août 2023, M. Guillaume Roberge, un nouvel agent de l’ARC, rend la Décision dans le cadre d’un troisième examen du dossier de M. Badrana, et il déclare à nouveau M. Badrana inadmissible à la PCRE. La lettre qui transmet la Décision à M. Badrana est signée par M. Jean-François Perron – le gestionnaire de M. Roberge –, qui est également la personne qui avait signé la décision de deuxième examen en tant que gestionnaire de Mme Tremblay.

[6] Dans ses soumissions à la Cour, et bien qu’il considère que la Décision de troisième examen soit raisonnable, le PGC concède que la Décision doit être retournée pour un nouvel examen en raison d’un manquement à l’équité procédurale. Selon le PGC, le fait que ce soit la même personne, soit M. Perron, qui ait signé à la fois la Décision de troisième examen et la décision de deuxième examen suffit pour soulever en apparence une crainte raisonnable de partialité, et pour invalider la Décision.

[7] Considérant la concession faite par le PGC, et comme la Cour l’a expliqué à M. Badrana lors de l’audience, la Cour n’a pas d’autre choix que d’accueillir la demande de contrôle judiciaire de M. Badrana et de retourner à nouveau son dossier à l’ARC pour qu’il soit examiné et décidé par un agent de l’ARC qui n’a pas été préalablement impliqué dans le traitement de la demande de M. Badrana, en respectant pleinement le droit de M. Badrana d’être entendu. Dans les circonstances, la Cour n’a donc pas à se pencher sur les allégations relatives au caractère raisonnable ou déraisonnable de la Décision.

[8] Puisque M. Badrana n’a pas demandé de dépens, la Cour n’en accorde aucuns.


JUGEMENT au dossier T-1850-23

LA COUR STATUE que :

    • La demande de contrôle judiciaire du demandeur est accueillie.

    • La décision datée du 10 août 2023 en vertu de laquelle l’Agence du revenu du Canada [ARC] a conclu que le demandeur était inadmissible à la Prestation canadienne de la relance économique [PCRE] est annulée.

    • Le dossier du demandeur relativement à sa demande de prestations de PCRE est retourné à l’ARC pour qu’il soit considéré à nouveau par un nouvel agent qui n’a pas été préalablement impliqué dans le traitement de la demande de M. Badrana, dans le cadre d’un nouvel examen au cours duquel le demandeur aura pleinement l’opportunité de se faire entendre.

    • Aucuns dépens ne sont accordés.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-1850-23

INTITULÉ :

HATIM BADRANA c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL, QUÉBEC

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 7 MAI 2024

JUGEMENT ET MOTIFS :

LE JUGE GASCON

DATE DES MOTIFS

LE 7 MAI 2024

COMPARUTIONS :

M. Hatim Badrana

POUR LE DEMANDEUR

(EN SON PROPRE NOM)

Me Anne Élizabeth Morin

POUR LE DÉFENDEUR

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Procureur général Canada

Montréal (Québec)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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