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Date : 20240530


Dossier : IMM-3826-23

Référence : 2024 CF 821

Montréal, Québec, 30 mai 2024

En présence de monsieur le juge Gascon

ENTRE :

GLODI LUBEMBO KAPENDA

Demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Aperçu

[1] Le demandeur, M. Glodi Lubembo Kapenda, est un citoyen de la République Démocratique du Congo [RDC]. Il sollicite le contrôle judiciaire d’une décision datée du 10 février 2023 [Décision] dans laquelle un agent d’immigration du Service des visas de l’Ambassade du Canada à Paris [Agent] a rejeté sa demande de permis de résidence temporaire pour poursuivre des études au Canada [Demande]. L’Agent a conclu que la Demande de M. Kapenda ne répondait pas aux exigences énoncées au paragraphe 216(1) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 [RIPR], et qu’il n’était pas un visiteur bona fide au Canada. L’Agent n’était pas convaincu que M. Kapenda quitterait le Canada et retournerait en RDC à la fin de ses études en raison de sa situation financière et du fait que la raison de sa visite n’était pas compatible avec un séjour temporaire.

[2] M. Kapenda soutient que la Décision est déraisonnable puisque l’Agent aurait commis une erreur dans l’analyse des preuves quant à son retour en RDC à la fin de son séjour et à sa capacité de financer ses études. De plus, M. Kapenda soutient que les motifs de la Décision sont incompréhensibles. À cet égard, il estime qu’il est impossible d’identifier la documentation qui aurait pu soutenir les conclusions de l’Agent puisqu’elles ne sont pas suffisamment motivées.

[3] La demande de M. Kapenda ne soulève qu’une seule question : la Décision de rejeter sa demande de permis d’études est-elle déraisonnable?

[4] Pour les motifs qui suivent, la demande de contrôle judiciaire de M. Kapenda sera accordée. Compte tenu du dossier présenté à l’Agent, je conclus que la Décision est déraisonnable, car l’Agent n’a pas abordé de manière significative les éléments de preuve essentiels qui contredisent directement ses conclusions. En outre, les conclusions de l’Agent, lues conjointement avec le dossier, ne permettent pas de comprendre le raisonnement et la logique du décideur. Dans les circonstances, cela suffit pour justifier l’intervention de la Cour.

II. Contexte

A. Les faits

[5] M. Kapenda a déjà fait des études postsecondaires en France et au Maroc. En 2018, il s’est vu octroyer un diplôme de licence par l’Université Jean-Monnet-Saint-Étienne située à Saint-Étienne en France, dans le domaine de l’administration économique et sociale. Il a également obtenu un diplôme du 1er cycle en administration des entreprises de l’Université internationale d’Agadir au Maroc.

[6] En juillet 2022, M. Kapenda a été admis au programme de Techniques en administration des affaires au niveau d’études collégiales, au Collège La Cité à Ottawa. Il devait débuter son programme d’études de deux ans à la session d’hiver 2023. Son projet d’études, affirme M. Kapenda, s’inscrit dans une volonté de pouvoir compléter et bonifier son profil dans le domaine de l’administration des affaires. Il souhaite également parfaire ses études en ayant l’opportunité d’étudier dans un pays bilingue. M. Kapenda maintient que l’apprentissage de l’anglais constituera un atout pour qu’il puisse se démarquer sur le marché du travail à son retour en RDC.

[7] Dans sa Demande présentée le 27 décembre 2022, M. Kapenda explique qu’il souhaite étudier au Canada pour augmenter ses chances d’employabilité une fois de retour en RDC. Il note également qu’il sera en mesure de subvenir à ses besoins durant son séjour au Canada pour la totalité de son programme de deux ans, grâce au soutien financier de son père, M. Serge Seya Lubembo. Ce dernier a attesté qu’il prendrait en charge les frais d’études et de séjour de son fils. À cet égard, M. Kapenda joint à sa Demande une preuve que son père possède un compte bancaire de la banque « Equity BCDC » en RDC, affichant un solde de plus de 35 000 $ US en date du 13 décembre 2022. Son père a également fourni une attestation d’emploi datée du 11 mai 2022, confirmant qu’il occupe les fonctions d’informaticien-analyste au sein du cabinet du ministre des Finances de la RDC, avec un salaire mensuel de 5 500 $ US. Des preuves de propriété de biens immobiliers ont également été soumises.

[8] M. Kapenda a aussi déposé en preuve plusieurs documents démontrant que son père prend déjà en charge deux de ses frères qui poursuivent des études postsecondaires au Canada. Le père affirme n’avoir jamais manqué à son obligation de prise en charge financière de ses deux autres fils et il s’est engagé à agir de la même façon avec M. Kapenda. Finalement, M. Kapenda note dans sa Demande qu’il réside actuellement avec ses parents en RDC et que ceux-ci ne l’accompagneront pas au Canada.

B. La Décision

[9] L’Agent a refusé la Demande de M. Kapenda le 10 février 2023. Il s’agit du deuxième refus de permis d’études essuyé par M. Kapenda.

[10] La Décision de l’Agent est brève. Elle prend la forme d’une lettre type d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada où l’on peut lire que, « avant la prise d’une décision relative à une demande, plusieurs facteurs […] sont pris en compte ». L’Agent indique ne pas être convaincu que M. Kapenda quittera le Canada au terme de son séjour, et ce pour deux principales raisons : 1) ses biens et sa situation financière insuffisants pour subvenir au motif de son voyage; et 2) l’incompatibilité de la raison de sa visite au Canada avec un séjour temporaire.

[11] Dans le Système mondial de gestion des cas [SMGC], des notes de l’Agent en date du 10 février 2023 (lesquelles font partie de la Décision) répètent ces motifs sans apporter davantage d’éclairage sur les raisons du refus, sauf une mention indiquant que les documents soumis restent similaires à ceux de la demande précédente. Ces notes se limitent à une douzaine de lignes.

C. La norme de contrôle

[12] Il n’y a aucun doute que la norme de contrôle qui régit l’examen factuel d’une demande de permis d’études et la conclusion d’un agent des visas sur la question de savoir si un demandeur quittera le Canada à la fin de son séjour est celle de la décision raisonnable (Kavugho-Mission c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2018 CF 597 au para 8 [Kavugho-Mission]; Penez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2017 CF 1001 au para 12; Solopova c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2016 CF 690 aux para 12–13).

[13] D’ailleurs, le cadre d’analyse relatif au contrôle judiciaire du mérite d’une décision administrative est maintenant celui établi par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 [Vavilov] (Mason c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2023 CSC 21 au para 7 [Mason]). Ce cadre d’analyse repose sur la présomption voulant que la norme de la décision raisonnable soit désormais la norme applicable dans tous les cas.

[14] Lorsque la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable, le rôle d’une cour de révision est d’examiner les motifs qu’a donnés le décideur administratif et de déterminer si la décision est fondée sur « une analyse intrinsèquement cohérente et rationnelle » et est « justifiée au regard des contraintes juridiques et factuelles auxquelles le décideur est assujetti » (Mason au para 64; Vavilov au para 85). La cour de révision doit donc se demander « si la décision possède les caractéristiques d’une décision raisonnable, soit la justification, la transparence et l’intelligibilité » (Vavilov au para 99, citant notamment Dunsmuir c Nouveau-Brunswick, 2008 CSC 9 aux para 47, 74).

[15] Il ne suffit pas que la décision soit justifiable. Dans les cas où des motifs s’imposent, le décideur administratif « doit également, au moyen de ceux-ci, justifier sa décision auprès des personnes auxquelles elle s’applique » [en italique dans l’original] (Vavilov au para 86). Ainsi, le contrôle en fonction de la norme de la décision raisonnable s’intéresse tant au résultat de la décision qu’au raisonnement suivi (Vavilov au para 87). L’exercice du contrôle selon la norme de la décision raisonnable doit comporter une évaluation rigoureuse des décisions administratives. Toutefois, dans le cadre de son analyse du caractère raisonnable d’une décision, la cour de révision doit adopter une méthode qui « s’intéresse avant tout aux motifs de la décision », examiner les motifs donnés avec « une attention respectueuse », et chercher à comprendre le fil du raisonnement suivi par le décideur pour en arriver à sa conclusion (Mason aux para 58, 60; Vavilov au para 84). La cour de révision doit adopter une attitude de retenue et n’intervenir que « lorsque cela est vraiment nécessaire pour préserver la légitimité, la rationalité et l’équité du processus administratif » (Vavilov au para 13). La norme de la décision raisonnable, je le souligne, tire toujours son origine du principe de la retenue judiciaire et de la déférence, et elle exige des cours de révision qu’elles témoignent d’un respect envers le rôle distinct que le législateur a choisi de conférer aux décideurs administratifs plutôt qu’aux cours de justice (Mason au para 57; Vavilov aux para 13, 46, 75).

[16] Il incombe à la partie qui conteste une décision de prouver qu’elle est déraisonnable. Pour annuler une décision administrative, la cour de révision doit être convaincue qu’il existe des lacunes suffisamment graves pour rendre la décision déraisonnable (Vavilov au para 100).

III. Analyse

[17] Le défendeur, le ministre de la Citoyenneté et l’Immigration [Ministre], soumet que M. Kapenda a fait défaut de fournir les documents établissant qu’il quittera le Canada à la fin de de son séjour autorisé et qu’il ne s’est pas acquitté de son fardeau de preuve. Qui plus est, le Ministre soutient que M. Kapenda n’a pas fourni la preuve requise afin de démontrer la capacité financière suffisante de son garant pour prendre en charge son séjour temporaire au Canada, en plus de ceux de ses deux frères déjà aux études au pays.

[18] Avec égards, et malgré les représentations habiles de l’avocat du Ministre lors de l’audience, je suis en désaccord avec le Ministre, et je ne partage pas sa lecture de la preuve au dossier et de la Décision.

[19] Même sous la norme déférente de la décision raisonnable, il n’en demeure pas moins que les motifs d’une décision doivent permettre à la Cour de comprendre pourquoi elle a été prise et de déterminer si la conclusion est justifiée et justifiable. Lorsque lus dans leur ensemble, les motifs doivent ainsi être suffisamment appuyés et éloquents pour autoriser la Cour à conclure qu’ils fournissent la justification, la transparence et l’intelligibilité requise d’une décision raisonnable. Certes, l’avocat d’une partie peut aider la Cour à comprendre la décision, mais les motifs du décideur administrateur doivent tout de même permettre à la Cour de conclure que l’analyse effectuée est intrinsèquement cohérente et rationnelle.

[20] Ici, la Décision est déraisonnable puisque l’Agent a occulté les preuves sur le retour de M. Kapenda en RDC à la fin de son séjour et sur sa capacité de financer ses études. De plus, les motifs de la Décision dans les notes SMGC ne sont qu’une redite des critères apparaissant dans la lettre type du Ministre, sans aucune référence à la preuve propre à M. Kapenda, et s’avèrent donc tout à fait incompréhensibles.

[21] En se limitant à indiquer qu’il a révisé l’ensemble de la preuve, l’Agent conclut que le plan d’études de M. Kapenda n’est pas compatible avec un séjour temporaire, sans donner d’éclaircissement ni expliquer quels facteurs ou pièces soumises lui ont permis d’en arriver à une telle conclusion.

[22] Or, une lettre au soutien de la Demande de M. Kapenda indique qu’il « voudrait, tout en continuant dans la même filière, bonifier son profil en ayant un diplôme canadien, qui couronnerait son parcours académique. C’est là, la pertinence de son admission au Collège [L]a Cité en vue du suivi d’un programme d’études complémentaires en administration des affaires. Animé d’une volonté de parfaire sa formation supérieure, le Canada étant un pays bilingue, répond à son aspiration et serait un atout pour lui à son retour dans son pays, la République Démocratique du Congo ». L’utilisation des termes « et serait un atout pour lui à son retour dans son pays, la République Démocratique du Congo » indique expressément que M. Kapenda a l’intention de venir de manière temporaire au Canada et de retourner en RDC après ses études.

[23] La lecture de la Décision et de la preuve au dossier ne permet donc pas de comprendre comment l’Agent a pu conclure comme il l’a fait en déterminant que M. Kapenda ne retournerait pas en DRC au terme de ses études. Dans le cadre d’un contrôle judiciaire des décisions administratives, la cour de révision « doit s’assurer de bien comprendre le raisonnement suivi par le décideur afin de déterminer si la décision dans son ensemble est raisonnable » (Vavilov au para 99). La décision de l’Agent passée en examen doit donc être « transparente, intelligible et justifiée » (Vavilov au para 15).

[24] Dans cette veine, la Cour a remarqué dans l’affaire Kavugho-Mission que bien qu’un Agent ne doive pas faire état de chacun des détails et des facettes d’un enjeu en prenant sa décision, un agent ne peut pas agir sans tenir compte des preuves :

[23] Il est bien connu qu’un décideur n’a pas à explicitement faire état de chacun des détails et des facettes d’un enjeu en prenant sa décision. Un décideur est présumé avoir pesé et considéré toutes les preuves qui lui ont été présentées à moins que le contraire n’ait été déterminé (Newfoundland Nurses au para 16; Florea c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1993] ACF no 598 (CAF) (QL) au para 1). Néanmoins, il est également acquis que des preuves contradictoires ne doivent pas être négligées. Cela est particulièrement vrai lorsqu’il s’agit d’éléments clés sur lesquels s’appuie le décideur pour arriver à ses conclusions. Bien que les raisons ne doivent pas être scrutées à la loupe par la Cour, un décideur ne peut pas agir « sans tenir compte des preuves » (Cepeda-Gutierrez c Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] ACF no 1425 (QL) [Cepeda-Gutierrez] aux para 16-17). Ainsi, une déclaration générale affirmant qu’un décideur a examiné l’ensemble de la preuve ne suffira pas lorsque les éléments de preuve dont il n’a pas discuté dans ses motifs semblent carrément contredire sa conclusion (Cepeda-Gutierrez au para 17). Lorsqu’un tribunal passe sous silence des éléments de preuve qui contredisent ses conclusions de façon claire, la Cour peut intervenir et inférer que le tribunal n’a pas examiné la preuve contradictoire pour en arriver à sa conclusion de fait.

[Soulignements ajoutés.]

[25] Dans le présent dossier, la justification de l’Agent n’est basée sur aucun élément de preuve présenté. Au contraire, la Décision ignore complètement le comportement antérieur de M. Kapenda et le fait qu’il soit retourné en RDC après ses études en France et au Maroc, tout autant que les propos explicites affirmant que son parcours académique au Canada « serait un atout pour lui à son retour dans son pays ».

[26] La jurisprudence est claire : « considérant les énoncés précisant [qu’un demandeur d’un permis d’études] allait partir à la fin de son séjour, et l’absence de preuve à l’effet contraire, l’Agent ne pouvait pas raisonnablement conclure que [cette personne] n’allait pas quitter le Canada à la fin de ses études sans avoir mentionné et discuté les preuves contradictoires au dossier » (Kavugho-Mission au para 24). Plus particulièrement, « [l’Agent] avait l’obligation de fournir une analyse expliquant pourquoi il préférait faire passer ses propres conclusions avant la preuve devant lui. Il ne l’a pas fait, et cela suffit pour justifier l’intervention de la Cour. Même si un agent des visas peut se fonder sur le bon sens et la raison dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire, cela ne l’autorise aucunement à rester sourd à la preuve soumise et non contredite » (Kavugho-Mission au para 24; voir également Aghaalikhani c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2019 CF 1080 aux para 21–24).

[27] De surcroît, dans l’affaire Asong Alem c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2010 CF 148 [Alem], la juge Tremblay-Lamer a remarqué ce qui suit :

[14] Bien que je sois consciente des contraintes de temps auxquelles doivent faire face les agents des visas, ces derniers doivent néanmoins fournir aux demandeurs déboutés une explication quant aux éléments qui ont milité contre leur demande, plutôt que fournir une litanie de facteurs sans explication quant à savoir pourquoi ces facteurs appuient le refus de leur demande.

[Soulignements ajoutés.]

[28] Certes, lors de l’audience, l’avocat du Ministre a bien exposé l’analyse que l’Agent aurait peut-être suivie ou pu suivre. Mais, hélas, ce n’est pas ce qui ressort de la Décision où ne transpire aucune forme d’analyse ou de considération de la preuve soumise par M. Kapenda.

[29] Le Ministre soutient par ailleurs que M. Kapenda n’a fourni aucune preuve démontrant que la capacité financière de son garant est suffisante pour prendre en charge son séjour temporaire au Canada, en plus de ceux de ses deux frères déjà aux études au pays. À cet égard, le Ministre soumet que M. Kapenda ne s’est pas déchargé de son fardeau de prouver qu’il dispose d’une capacité financière suffisante pour prendre en charge son séjour temporaire au Canada.

[30] Encore une fois, ces propos ne résistent pas à l’analyse et à la preuve dont l’Agent disposait. À l’appui de sa Demande, M. Kapenda a fourni une attestation de prise en charge par son père, une attestation d’emploi confirmant le poste occupé par son père, des copies de relevés bancaires au courant des mois d’avril à octobre 2022 démontrant un solde supérieur aux frais de scolarité et de subsistance pour la première année d’études à La Cité, des relevés de paie confirmant un revenu mensuel considérable, des preuves que son père prend déjà en charge les frais pour les études de deux autres de ses enfants, ainsi que la preuve qu’il est propriétaire de biens immobiliers.

[31] De surcroît, au soutien de sa Demande, M. Kapenda a également déposé de la preuve additionnelle qui n’est pas requise dans les listes de contrôle des documents, mais qui s’avère pertinente en l’espèce. Il a ainsi soumis les preuves que son père soutient financièrement déjà deux de ses frères pour leurs études au Canada, ainsi que des preuves de transferts de fonds prouvant que l’engagement du père est sincère et qu’il est en mesure de s’acquitter de cette charge financière.

[32] La seule exigence énoncée pour les demandes d’études provenant de la RDC au niveau de preuve de fonds est qu’un demandeur ou leur garant financier fournisse des preuves qu’il dispose des fonds suffisants pour couvrir les frais d’une année d’études au Canada. En l’espèce, M. Kapenda a démontré par le biais de son père qu’il disposait donc de plus de 46 000 $ CAD de liquidités pour subvenir à ses besoins et assumer ses frais de scolarité pour sa première année d’études. Ceci s’avère bien au-dessus des frais de scolarité estimés pour la première année à La Cité, soit 15 225 $ CAD.

[33] Ici encore, l’Agent a non seulement ignoré les éléments de preuve présentés, mais en plus, il en tire une conclusion contraire. En considération de la décision négative et de la présence d’éléments de preuve contradictoires, l’Agent se devait de justifier pourquoi il préférait retenir ses propres conclusions contraires à la preuve devant lui, ce qui n’a pas été fait (Barrill c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 400 au para 17; Kavugho-Mission aux para 23–24; Alem au para 14).

[34] En somme, les conclusions de l’Agent quant à la raison de la visite et aux ressources financières de M. Kapenda, lorsque lues conjointement avec le dossier, ne permettent pas de comprendre le raisonnement de l’Agent, ce qui rend les motifs de l’Agent non transparents, inintelligibles et injustifiables.

IV. Conclusion

[35] Pour les motifs qui précèdent, le refus de l’Agent d’accorder un permis d’études à M. Kapenda ne représente pas un résultat raisonnable en regard du droit applicable et des preuves au dossier. Aux termes de la norme de la décision raisonnable, la Cour doit intervenir si la décision qui fait l’objet d’un contrôle judiciaire n’appartient pas aux issues possibles et acceptables en regard des faits et du droit et n’est pas compréhensible. C’est le cas ici. Par conséquent, je dois accorder la demande de contrôle judiciaire et retourner la Demande de permis d’études de M. Kapenda pour un nouvel examen par un autre agent des visas.

[36] Aucune des parties n’a proposé de question d’importance générale à certifier. Je suis d’accord qu’il n’y en a aucune.

 


JUGEMENT au dossier IMM-3826-23

LA COUR STATUE que :

  1. La demande de contrôle judiciaire est accordée, sans dépens.

  2. La décision du 10 février 2023 de l’agent des visas rejetant la demande de permis d’études de M. Kapenda est annulée.

  3. L’affaire est renvoyée à Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada pour un nouvel examen par un autre agent des visas.

  4. Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

« Denis Gascon »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

IMM-3826-23

INTITULÉ :

GLODI LUBEMBO KAPENDA c MINISTÈRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

LIEU DE L’AUDIENCE :

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 29 MAI 2024

JUGEMENT ET MOTIFS :

le juge gascon

DATE DES MOTIFS

LE 30 mai 2024

COMPARUTIONS :

Me Sarah Legault

pour le demandeur

Me Aboubacar Touré

POUR le défendeur

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Alepin Gauthier Avocats Inc.

Laval (Québec)

pour le demandeur

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR le défendeur

 

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