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Date: 20240626

Dossier: T-2149-23

Référence: 2024 CF 995

Ottawa (Ontario), le 26 juin 2024

En présence de monsieur le juge Régimbald

ENTRE :

LEMAY CO INC.

Demanderesse

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

Défendeur

JUGEMENT ET MOTIFS

I. Contexte

[1] Le défendeur demande la radiation d’une demande de contrôle judiciaire de la demanderesse Lemay Co Inc. [Lemay ou la demanderesse], laquelle demande le contrôle judiciaire du refus de la ministre du Revenu national [Ministre] d’accepter d’augmenter le montant des subventions salariales d’urgence du Canada [SSUC] qui selon elle devraient lui être accordées pour certaines périodes où elle était admissible.

[2] Pour les motifs qui suivent, le défendeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer que la demande de contrôle judiciaire est vouée à l’échec, ni qu’il y ait un recours interne et efficace disponible pour que Lemay puisse faire valoir sa demande. Pour ces motifs, la requête en radiation est rejetée.

II. Faits

[3] Les faits suivants ne sont pas contestés par les parties. Au cours de la pandémie de COVID-19, Lemay a obtenu le versement de la SSUC pour dix (10) périodes de paies de deux semaines portant les numéros 6 à 15, du 2 août 2020 au 8 mai 2021.

[4] Suite à une vérification des montants de SSUC reçus par Lemay, la Ministre a constaté que Lemay avait fait une erreur de calcul et réclamé un montant supérieur à ce qu’elle avait droit pour les périodes 6, 7 et 13 à 15, résultant à un trop-payé de l’ordre de 311 204 $. Par ailleurs, en raison de la même erreur de calcul, Lemay a réclamé un montant inférieur à ce qu’elle aurait pu avoir droit pour les périodes 8 à 12.

[5] Le ou vers le 27 mars 2023, la Ministre a avisé Lemay de son intention de la cotiser et de procéder à des redressements pour les périodes 6-7 et 13-15, soit les périodes où Lemay a réclamé des montants en trop.

[6] Le 12 mai 2023, Lemay a demandé à la Ministre « d’appliquer sa discrétion » en vertu du paragraphe 125.7(16) de la Loi de l’impôt sur le revenu, LRC 1985, c 1 (5e suppl) [LIR] afin de majorer le montant qu’elle aurait pu réclamer pour les périodes 8 à 12. Cette modification aurait permis de recevoir des montants supérieurs à ceux qui lui ont été versés à l’époque pour ces périodes, pour un montant total de l’ordre de 1 715 341 $.

[7] Le 22 juin 2023, la Ministre confirme son intention de procéder à un redressement pour les périodes 6, 7 et 13 à 15, mais refuse la demande de Lemay pour les périodes 8 à 12 en la référant à l’interprétation technique émise par l’Agence du revenu du Canada [ARC].

[8] Le 26 juillet 2023, Lemay transmet une nouvelle lettre à la Ministre avec des représentations écrites additionnelles. Lemay soumet que la Ministre peut accepter d’accorder des montants de SSUC plus élevés que ceux réclamés dans sa demande initiale pour les périodes 8 à 12 en vertu des paragraphes 164(1)b) et 152(3.4) de la LIR.

[9] Dans une lettre du 11 septembre 2023, la Ministre maintient son refus en raison d’une absence de compétence d’octroyer la demande de Lemay. Selon la Ministre, il n’y a pas de redressement possible à la hausse pour les périodes 8 à 12 (en vertu des paragraphes 164(1)b) et 152(3.4)) puisque les montants initialement réclamés ont été payés, et que les montants maintenant demandés excèdent les montants initialement réclamés par le contribuable et faits dans les délais prescrits. De plus, l’alinéa 125.7(5)a) de la LIR limite le montant de la subvention au montant initialement réclamé par le contribuable. Enfin, la Ministre ne peut accepter une demande modifiée parce que si le législateur avait prévu un tel pouvoir, « ce pouvoir aurait été conféré par la Loi, comme cela a été fait pour les demandes initiales au paragraphe 125.7(16) LIR ».

[10] Le 11 octobre 2023, Lemay a demandé le contrôle judiciaire de la décision.

[11] Malgré la décision du Ministre à l’effet qu’elle n’a pas le pouvoir d’accepter une demande modifiée à la hausse en vertu du paragraphe 125.7(16) de la LIR, le 25 octobre 2023, le défendeur a révisé informellement la position et a proposé à Lemay d’effectuer une analyse en vertu du paragraphe 125.7(16) de la LIR, le tout contrairement à la décision du Ministre du 11 septembre 2023, afin de déterminer si la Ministre peut accepter d’accorder les montants de SSUC plus élevés réclamés pour les périodes 8 à 12.

[12] Lemay a rejeté cette proposition, ayant déjà fait la demande et celle-ci ayant déjà été refusée par la Ministre dans sa lettre du 11 septembre 2023, qui demeure la décision officielle et exécutoire portée en contrôle judiciaire devant cette Cour.

[13] Le défendeur a donc déposé la présente requête en radiation, plaidant que l’interprétation proposée par Lemay des dispositions pertinentes de la LIR est vouée à l’échec et que par ailleurs, en raison du paragraphe 125.7(16) de la LIR, la demande de contrôle judiciaire est prématurée puisque Lemay possède un recours interne et efficace adéquat à faire valoir avant de procéder au contrôle judiciaire.

III. Question en litige

[14] La question est à savoir si la demande de contrôle judiciaire de la demanderesse est vouée à l’échec ou prématurée en raison d’un recours interne et efficace existant.

IV. Analyse

A. Le droit applicable

[15] La Cour peut radier une demande de contrôle judiciaire vouée à l’échec ou entreprise de façon prématurée en raison de l’existence de recours internes et efficaces, afin de « restreindre le mauvais usage ou l’abus des procédures judiciaires » (Michaels of Canada, ULC v Canada (Attorney General), 2023 FCA 243; JP Morgan Asset Management (Canada) Inc. c Canada (Revenu national), 2013 CAF 250 au para 48 [JP Morgan]).

[16] Par contre, une demande de contrôle judiciaire ne devrait pas être radiée avant la tenue d’une audience sur le fond, sauf dans des cas exceptionnels tels que lorsque l’avis de demande est « manifestement irrégulier au point de n’avoir aucune chance d’être accueilli » (David Bull Laboratories (Canada) Inc. c Pharmacia Inc., [1995] 1 CF 588 (C.A.) à la page 600; JP Morgan au para 47; Lukács c Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, 2015 CF 267 au para 21 [Lukács]).

[17] Il incombe à la partie requérante qui demande la radiation d’un avis de demande de contrôle judiciaire de satisfaire à cette norme rigoureuse et démontrer qu’il doit être radié (Lukács au para 22; Benhsaien c Canada, 2024 FC 307 aux para 11-12; Canada c Preston, 2023 FCA 178 au para 16).

[18] Lorsqu’une demande de contrôle judiciaire soulève une question d’interprétation législative, le rôle de la Cour en matière de requête en radiation est de déterminer si l’interprétation proposée par la demanderesse a une chance raisonnable de succès : « [d]ès lors qu’un juge constate qu’une disposition législative est susceptible d’être interprétée d’au moins deux manières différentes, il n’a pas la possibilité de conclure qu’il est clair et évident que l’action n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie » (Mohr c Ligue nationale de hockey, 2022 CAF 145 au para 47, voir aussi aux para 45-54 [Mohr]). Dans de tels cas, la requête en radiation doit être rejetée.

[19] Le juge de la requête ne doit donc pas tirer de déclaration juridique définitive sur la portée d’une disposition d’une loi faite lors de la présentation d’une requête en radiation, lorsqu’il existe des interprétations concurrentes et crédibles sur un point d’interprétation législative légitimement contesté. La Cour doit dans ces cas simplement « déterminer s’il existe une interprétation conflictuelle qui mérite d’être prise en considération ou qui a une chance raisonnable d’être accueillie » (Mohr au para 52).

B. La demande de contrôle judiciaire n’est pas vouée à l’échec

[20] Le libellé du paragraphe 125.7(5) de la LIR prévoit ceci :

(5) Pour l’application du présent article, les règles ci-après s’appliquent :

a) le montant d’un paiement en trop déterminé en vertu des paragraphes (2) à (2.2) pour une période d’admissibilité d’une entité déterminée ne peut excéder le montant réclamé par l’entité dans la demande prévue à l’alinéa a) de la définition de entité admissible au paragraphe (1) — ou à l’alinéa a) de la définition de locataire admissible au paragraphe (1) ou à l’alinéa a) de la définition de entité de relance admissible au paragraphe (1) — relativement à cette période.

(5) For the purposes of this section,

(a) the amount of any deemed overpayment by an eligible entity under any of subsections (2) to (2.2) in respect of a qualifying period cannot exceed the amount claimed by the eligible entity in the application referred to in paragraph (a) of the definition qualifying entity in subsection (1) — or paragraph (a) of the definition qualifying renter in subsection (1) or paragraph (a) of the definition qualifying recovery entity in subsection (1) — in respect of that qualifying period.

[21] Le défendeur soumet que le paragraphe 125.7(5)a) de la LIR interdit à la Ministre de verser un montant de subvention plus élevé que le montant initialement réclamé par une entreprise. Selon lui, puisque la définition de « entité admissible au paragraphe (1) » incorpore une entité qui fait une demande pour une période d’admissibilité précise ainsi qu’un montant spécifique demandé dans un formulaire prescrit et selon un calcul établi par la LIR, le paragraphe 125.7(5)a) ne permet clairement pas au Ministre d’accorder un montant « excédant » le montant réclamé dans ledit formulaire. Le texte du paragraphe 125.7(5)a) est donc clair et ne permet tout simplement pas au Ministre d’octroyer le montant demandé; le recours de Lemay est donc voué à l’échec.

[22] Selon Lemay, la question ne s’arrête pas là. Le paragraphe 125.7(5) de la LIR n’empêche pas une « entité admissible » de modifier une demande initiale de SSUC; il prévoit simplement que le montant d’un paiement en trop déterminé en vertu du paragraphe 125.7(2) de la LIR pour une période d’admissibilité d’une entité déterminée ne peut excéder le montant réclamé par l’entité. Lemay soumet que le paragraphe 125.7(5)a) n’adresse pas, par contre, le droit d’une entité de déposer un nouveau formulaire pour corriger une erreur de calcul soumise dans un formulaire prescrit précédent.

[23] Par ailleurs, Lemay soumet que la Ministre a un pouvoir inhérent en vertu de la LIR d’accepter une nouvelle déclaration du contribuable, notamment en vertu des articles 152(3.4) et 164(1)b) de la LIR. Par conséquent, l’argument du défendeur n’adresse pas complètement la demande de contrôle judiciaire et ainsi, la demande de Lemay n’est pas vouée à l’échec selon elle.

[24] Il est important de noter que Lemay a plaidé l’application des articles 164(1)b) et 152(3.4) de la LIR, et la Ministre a rejeté ce recours dans sa décision du 11 septembre 2023, et ces conclusions de la Ministre font l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

[25] En réponse à cet argument dans le cadre de cette requête en radiation, le défendeur plaide que le paragraphe 152(3.4) vise à remédier aux effets de l’alinéa 152(1)(b) et ne vise pas à permettre à une entité de modifier à la hausse une demande initiale. Selon le défendeur, le paragraphe 152(3.4) de la LIR a pour objectif de permettre à une entité admissible d’obtenir sa subvention dès la fin de la période d’admissibilité en réputant que le paiement en trop se produit dès ce moment. Le paragraphe 152(3.4) prévoit ceci :

(3.4) Le ministre peut, à tout moment, déterminer le montant réputé par les paragraphes 125.7(2) à (2.2) être un paiement en trop qui se produit au cours d’une période d’admissibilité (au sens du paragraphe 125.7(1)), au titre des sommes dont le contribuable est redevable en vertu de la présente partie, ou déterminer qu’aucun tel montant n’existe et envoyer un avis de détermination au contribuable.

(3.4) The Minister may at any time determine the amount deemed by any of subsections 125.7(2) to (2.2) to be an overpayment on account of a taxpayer’s liability under this Part that arose during a qualifying period (as defined in subsection 125.7(1)), or determine that there is no such amount, and send a notice of the determination to the taxpayer.

[26] Ainsi, le paragraphe 152(3.4) de la LIR ne souffre d’aucune ambiguïté selon le défendeur et demeure soumis à la limite contenue au paragraphe 125.7(5) de la LIR.

[27] Par contre, le défendeur n’a présenté aucun argument réfutant la thèse de Lemay au sujet de l’application de l’alinéa 164(1)b) de la LIR. Le défendeur a seulement cité, lors de sa plaidoirie orale, le paragraphe 152(4) de la LIR, en soumettant que l’argument de Lemay ne trouvait pas application en l’espèce. Selon moi, le paragraphe 152(4) n’adresse pas complètement l’argument de Lemay quant à l’application des articles 152(3.4) et 164(1)(b) de la LIR. Surtout, le défendeur n’a pas adressé la question à savoir si la Ministre a un pouvoir inhérent d’accepter un amendement au formulaire prescrit initial déposé par Lemay, par le truchement des articles 152(3.4), 164(1)(b) et 125.7(5) de la LIR.

[28] Ainsi, il n’est pas clair, à la lumière des articles 125.7(5), 152(3.4) et 164(1)(b), considérés ensembles et lesquels font l’objet de la demande de contrôle judiciaire, que la LIR ne permet pas au Ministre d’accepter un formulaire prescrit amendé comme la demanderesse le lui demande. Cette question est au cœur de la demande de contrôle judiciaire.

[29] Il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre d’une requête en radiation, de déterminer la portée de la LIR et de trancher la question quant à l’interprétation des dispositions de la LIR, dans la mesure où plus d’une interprétation raisonnable existe (Mohr aux para 45-52). Cette tâche appartient au juge qui devra trancher le fond de la demande. Selon moi, il n’est pas clair que les articles 125.7(5), 152(3.4) et 164(1)(b) de la LIR, considérés ensemble, ne peuvent faire droit à la demande de Lemay. Faute d’un argument complet quant au contexte et à l’objet de ces dispositions de la LIR, il m’est impossible dans le cadre d’une requête en radiation de conclure que l’interprétation proposée par Lemay n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie.

[30] Faute d’un argumentaire complet et convaincant démontrant que les articles 152(3.4), 164(1)(b) et 125.7(5) de la LIR, considérés ensemble, font échec à l’interprétation proposée par Lemay à savoir que la Ministre a la discrétion d’accepter le dépôt d’un formulaire prescrit amendé, le défendeur ne s’est donc pas déchargé de son fardeau de démontrer qu’il est clair et évident que l’interprétation proposée par Lemay n’a aucune chance raisonnable d’être accueillie, et la demande de contrôle judiciaire n’est donc pas clairement vouée à l’échec.

C. La demande de contrôle judiciaire n’est pas prématurée

[31] Le défendeur demande à la Cour de radier la demande de contrôle judiciaire pour le motif qu’un recours interne et efficace existe, soit par l’entremise du paragraphe 125.7(16) de la LIR. S’appuyant sur l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans C.B. Powell Limited c Canada (Agence des services frontaliers), 2010 CAF 61 au paragraphe 31, le défendeur soumet que la Cour peut radier une demande prématurée lorsqu’un demandeur bénéficie d’un recours interne et efficace qui pourrait apporter une solution complète à sa question (voir aussi JP Morgan au para 84, 86).

[32] Or, les faits en l’espèce démontrent que la Ministre a déjà statué sur le recours que le défendeur exige que Lemay emprunte, et a interprété le paragraphe 125.7(16) de façon restrictive ne permettant pas à Lemay de faire sa réclamation.

[33] En effet, Lemay a d’abord demandé, le 12 mai 2023, au Ministre « d’appliquer sa discrétion » en vertu du paragraphe 125.7(16) de la LIR afin de majorer le montant qu’elle aurait pu réclamer pour les périodes 8 à 12. Le 22 juin 2023, la Ministre a rejeté ce recours en s’en remettant à l’interprétation technique émise par l’ARC dans le document 2022-0941391I7(E), qui consiste en une interprétation administrative interne des articles pertinents de LIR. Dans ce document, l’ARC indique que le paragraphe 125.7(16) n’a aucun impact sur la capacité du Ministre d’accepter une demande de modifier un montant de SSUC inscrit dans un formulaire précédent.

[34] La Ministre a donc pris la décision qu’aucun recours n’existe en vertu du paragraphe 125.7(16), rejetant le recours que le défendeur plaide maintenant être un recours interne, efficace et disponible pour Lemay.

[35] Aussi, le 11 septembre 2023, lorsque l’ARC a communiqué à Lemay la décision de la Ministre de maintenir sa position de ne pas accorder la demande de majoration pour les périodes 8 à 12, elle indique que le paragraphe 125.7(16) prévoit que l’ARC a le pouvoir d’accepter une demande SSUC initiale, mais non une modification de demande déjà produite.

[36] Le défendeur soumet aujourd’hui devant la Cour qu’il s’agit là d’une erreur, et qu’un recours interne et efficace existe bel et bien en vertu du paragraphe 125.7(16). Le défendeur soumet donc essentiellement que la décision du Ministre est déraisonnable quant à son interprétation de sa propre compétence en vertu du paragraphe 125.7(16) de la LIR.

[37] Bien que l’interprétation du défendeur quant à la portée du paragraphe 125.7(16) de la LIR est plausible, et potentiellement plus conforme au principe d’interprétation favorisant l’interprétation la plus équitable et la plus large possible permettant la réalisation de son objet (Loi d’interprétation, LRC 1985, c I-21, art. 12), il n’en demeure pas moins que la Ministre a spécifiquement rejeté cette interprétation dans la décision faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire.

[38] Par conséquent, la Ministre ayant déjà conclu et spécifiquement rejeté tout recours interne potentiellement disponible en vertu du paragraphe 125.7(16) de la LIR qui pourrait permettre à Lemay de présenter sa demande, aucun recours interne et efficace n’existe donc en l’espèce.

[39] En d’autres mots, le défendeur ne peut plaider qu’un recours interne et efficace existe en vertu du paragraphe 125.7(16) et que Lemay doit s’y soumettre, alors que la Ministre a déjà décidé du contraire, et que sa décision est exécutoire. Il est libre au défendeur de plaider que la Ministre a erré à cet égard, lors de l’audience au fond, si les parties portent cette question devant la Cour. Par contre, faute d’un recours interne et tel que décidé par la Ministre, Lemay devait donc déposer une demande de contrôle judiciaire, ce qu’elle a fait en l’espèce.

[40] Faire droit à l’argument du défendeur quant à l’existence d’un recours interne et efficace en vertu du paragraphe 125.7(16) en l’espèce reviendrait à trancher la question quant à la raisonnabilité de la décision du Ministre sur son interprétation du paragraphe 125.7(16) et de sa compétence, et ce en l’absence d’un débat et un argumentaire complet des parties sur la question. Or, il n’appartient pas au juge de le faire dans le cadre d’une requête en radiation, mais au juge du fond si la question lui est soumise lors de l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

[41] Par conséquent, le défendeur n’est pas en mesure, dans une requête en radiation, de s’opposer aux conclusions du Ministre, de demander à la Cour de les ignorer, et d’ordonner à Lemay de procéder à un recours que la Ministre lui a déjà interdit.

V. Conclusion

[42] La requête en radiation est donc rejetée.

[43] Tel que demandé par le défendeur, les délais prévus aux Règles 307 et suivantes des Règles des Cours fédérales sont prorogés pour un délai de 30 jours à compter de la date de la décision sur la présente requête.

[44] Tel que convenu entre les parties, des dépens au montant de 3 285 $ sont payables en faveur de Lemay.


JUGEMENT dans le dossier T-2149-23

LA COUR STATUE:

  1. La requête en radiation est rejetée.

  2. Les délais applicables en vertu des Règles de cours fédérales sont prorogés de 30 jours à partir de la date de cette décision.

  3. Des dépens au montant de 3 285 $ sont ordonnés et payables en faveur de Lemay.

« Guy Régimbald »

Juge


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER:

T-2149-23

INTITULÉ:

LEMAY CO INC. c PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

LIEU DE L’AUDIENCE:

MONTRÉAL (QUÉBEC)

DATE DE L’AUDIENCE:

LE 22 MAI 2024

JUGEMENT ET MOTIFS:

LE JUGE RÉGIMBALD

DATE DES MOTIFS:

LE 26 JUIN 2024

COMPARUTIONS:

Me Natalie Goulard et Me Vincent Langlois

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Louis Sébastien, Me Caroline Berthelet et Me Brandon Bonan

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER:

KPMG cabinet juridique

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Procureur général du Canada

Montréal (Québec)

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

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