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Date : 20221017


Dossier : T-2032-22

Référence : 2022 CF 1416

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 17 octobre 2022

En présence de madame la juge Strickland

ENTRE :

CANAMAX HOLDING INC.

requérante

et

NONGHAO FREIGHT INC., COCSO SHIPPING LINES CO. LTD., COSCO SHIPPING LINES (CANADA) INC., LOCATION WAY INC., 2708042 ONTARIO INC., ET WEI (« VISON ») ZHENG

intimés

ORDONNANCE ET MOTIFS

[1] Par voie d’avis de requête déposé le mercredi 5 octobre 2022, la requérante, Canamax Holding Inc. [Canamax], a présenté contre Nonghao Freight Inc. [Nonghao], COSCO Shipping Lines Co. Ltd., COSCO Shipping Lines (Canada) Inc. [collectivement, COSCO], Location Way Inc. [Location Way], 2708042 Ontario Inc. [2708042 Inc.] et Wei Zheng une requête en injonction provisoire :

  1. ordonnant à COSCO et Nonghao de délivrer le connaissement original d’un véhicule Ford GT, année 2017, portant le numéro d’identification de véhicule 2FAGP9CW1HH200090 [le véhicule], arrimé dans le conteneur portant le numéro TLLU3031803 [le conteneur];

  2. empêchant Nonghao et COSCO d’éloigner davantage le véhicule ou le conteneur de leur nouvelle destination au port de Prince Rupert, en Colombie‑Britannique, ou de modifier ou de remplacer les instructions et la documentation d’expédition du véhicule et du conteneur;

  3. empêchant Nonghao et COSCO de céder le véhicule ou le conteneur à toute partie autre que Canamax et de prendre quelque mesure que ce soit pour vendre ou céder le véhicule à toute partie autre que Canamax;

  4. empêchant Location Way et Wei Zheng de prendre, directement ou indirectement, quelque mesure que ce soit pour vendre ou céder le véhicule à toute partie autre que Canamax;

  5. à titre subsidiaire, ordonnant que le véhicule soit confié à la garde et au contrôle de Canamax ou de ses représentants ou mandataires;

  6. ordonnant à Canamax de déposer sa déclaration dans les 15 jours suivant le dépôt de la présente requête;

  7. mettant en place toute autre mesure de réparation que Canamax peut proposer ou que la Cour peut ordonner.

[la requête]

[2] Au départ, la requête devait être entendue le 6 octobre 2022. À cette date, la juge Go a entendu les observations des avocats de Location Way, de Canamax et de Nonghao. À la demande de Location Way, elle a ajourné la requête et a ordonné ce qui suit :

[traduction]

  1. L’audition de la requête est ajournée à une date qui sera fixée par la Cour. Les parties doivent se conformer aux instructions supplémentaires de la Cour concernant les dates limites pour les dépôts ainsi que la date et l’heure de l’audience.

  2. Nonghao, COSCO Shipping Lines (Canada) Inc. et COSCO Shipping Lines Co. Ltd. ne peuvent sortir le véhicule du conteneur avant que la requête soit entendue et qu’une autre ordonnance soit rendue par la Cour relativement à la requête.

  3. Nonghao n’est pas autorisée à délivrer le connaissement original du conteneur à quelque partie que ce soit avant qu’il soit statué sur la requête.

  4. La requérante doit placer immédiatement la somme de 5 000 $ CA dans un compte en fiducie détenu par Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. pour Nonghao afin de couvrir les frais d’entreposage et de manutention qui seront engagés par Nonghao. La Cour pourrait aussi ordonner à la requérante de payer les frais d’entreposage et de manutention supplémentaires qui seront engagés par Nonghao en raison de la présente requête.

  5. Les parties se réservent le droit de demander des modifications à toute ordonnance que la Cour pourrait rendre concernant l’entreposage, le transfert ou l’expédition du véhicule en attendant la décision définitive dans la présente affaire.

[3] La requête devait ensuite être entendue le 14 octobre 2022.

[4] En bref, Canamax affirme qu’elle est le propriétaire légal du véhicule et qu’elle est partie au contrat de transport en vertu duquel le véhicule devait être expédié par bateau au Japon dans le conteneur. Canamax est désignée comme expéditeur dans le contrat de transport et a prépayé le fret maritime. Toutefois, après que le véhicule et le conteneur ont été chargés sur un navire qui a pris la route vers le Japon, ils ont été réacheminés vers le Canada en raison des actions inappropriées de Location Way, de M. Zheng et de Nonghao. Selon Canamax, si le véhicule est cédé sans son autorisation expresse à son retour au Canada, un bien de valeur lui appartenant sera acquis frauduleusement par d’autres parties, notamment Location Way et M. Zheng, et la probabilité qu’elle puisse le récupérer par la suite sera faible, ce qui lui causera un préjudice irréparable.

[5] À la suite de la publication de l’ordonnance susmentionnée rendue par la juge Go, tous les intimés ont eu la possibilité de déposer des dossiers de requête. J’ai ordonné que ces documents soient déposés au plus tard à 16 h 30 le mardi 11 octobre 2022. À la demande de l’avocat de Location Way, l’échéance a été prorogée à midi le mercredi 12 octobre 2022. Aucun des intimés n’a déposé de dossier de requête en réponse.

[6] M. Zheng a cependant déposé un affidavit non accompagné, souscrit le 12 octobre 2020, dans lequel il se présente comme le président et l’unique actionnaire de Location Way [l’affidavit de M. Zheng]. Bien que le contenu du dossier de réponse, qui comprend les prétentions écrites, soit précisé au paragraphe 365(2) des Règles des Cours fédérales, DORS/98‑106 [les Règles], aucune prétention écrite n’a été présentée par Location Way ou M. Zheng. L’avocat de Location Way a plutôt présenté un tableau dans lequel il a reproduit divers documents ou parties de documents déjà déposés, a mis ces éléments en évidence, puis a présenté ses observations sous forme de commentaires énumérés. Cette approche n’est pas conforme aux Règles et a limité la capacité de Canamax et de la Cour à examiner les points soulevés avant l’audience.

[7] En réponse au dépôt de l’affidavit de M. Zheng, Canamax a déposé ce qu’elle qualifie de dossier de réponse, qui comprenait des prétentions écrites modifiées et l’affidavit, souscrit le 13 octobre 2022, de M. Quix (Bill) Ling, qui se présente comme le directeur général de Canamax [l’affidavit de M. Ling].

Compétence

[8] Canamax n’a pas encore déposé de déclaration. En ce qui concerne la réparation demandée, elle a indiqué dans son avis de requête qu’elle sollicitait une ordonnance qui, entre autres choses, lui enjoindrait de déposer sa déclaration dans les 15 jours suivant le dépôt de sa requête (6 octobre 2022). Lorsque la Cour a communiqué avec les avocats de Canamax avant l’audition de la requête (14 octobre 2022) pour s’enquérir de l’état de la déclaration, ils ont répondu par courriel qu’il s’agissait d’une affaire de nature maritime. Le différend porte sur la détermination des parties au contrat de transport et, par conséquent, sur la garde et la possession du fret transporté par navire sous connaissement. Les avocats de Canamax ont soutenu que l’origine de ce différend demeure la décision du transitaire d’accepter la modification des instructions d’expédition d’un tiers qui n’était ni partie au contrat de transport ni propriétaire du véhicule. Selon eux, Canamax n’affirme pas que la Cour fédérale est le tribunal qui tranchera les demandes de dommages‑intérêts autres que celles liées aux questions découlant du contrat de transport. En outre, ils savent que la compétence de la Cour en matière de détermination du titre de propriété du véhicule est limitée.

[9] Lorsqu’ils ont comparu devant moi, les avocats de Canamax ont confirmé que la demande était fondée sur le paragraphe 22(1) et, en particulier, sur l’alinéa 22(2)i) de la Loi sur les cours fédérales, LRC 1985, c F‑7, qui confère à la Cour la compétence à l’égard de toute demande fondée sur une convention relative au transport de marchandises à bord d’un navire.

Forme d’injonction

[10] Je ferais également observer que Canamax a initialement présenté une requête fondée sur l’article 374 des Règles, qui porte sur les injonctions provisoires accordées sur requêtes ex parte lorsque, en cas d’urgence, aucun avis n’a pu être donné aux intimés ou que le fait de donner un avis porterait irrémédiablement préjudice au but poursuivi. Toutefois, il ne semble pas qu’il y ait eu une requête ex parte ou qu’un avis n’ait pas pu être donné. En tout état de cause, l’ordonnance rendue par la juge Go constituait en fait une injonction provisoire. En d’autres mots, il semble que ce que Canamax demande réellement est une injonction interlocutoire qui restera en vigueur jusqu’à ce que sa demande soit tranchée.

Critère applicable aux demandes d’injonction

[11] Pour commencer, je souligne qu’une grande partie — sinon la majorité — de la preuve par affidavit déposée dans la présente affaire concerne la propriété et le titre de propriété du véhicule. Toutefois, il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre de la présente requête en injonction provisoire ou interlocutoire, de se prononcer sur la propriété du véhicule. La question de la propriété dans le contexte de la présente requête ne concerne plutôt que la question de savoir si Canamax a satisfait aux exigences du critère tripartite afin de se voir accorder une injonction.

[12] Comme je l’ai déjà mentionné dans les décisions Mercedes‑Benz Financial Services Canada Corporation c Maersk Line A/S, 2018 CF 1119, et Tianjin Zhongyishengshi Technology Development Co. Ltd. c Yang Ming Shipping (Canada) Ltd., 2018 CF 1235, la Cour suprême du Canada a, dans l’arrêt R c Société Radio‑Canada, 2018 CSC 5 [Société Radio‑Canada], cité ses précédents arrêts Manitoba (P.G.) c Metropolitan Stores Ltd., [1987] 1 RCS 110, et RJR – Macdonald Inc. c Canada (Procureur général), [1994] 1 RCS 311 [RJR – MacDonald], dans lesquels elle a jugé que les demandes visant à obtenir une injonction interlocutoire devaient satisfaire à chacun des trois volets du critère énoncé dans la décision American Cyanamid Co v Ethicon Ltd, [1975] AC 396. À la première étape, le juge de première instance doit procéder à un examen préliminaire du bien‑fondé de l’affaire pour décider si le demandeur a fait la preuve de l’existence d’une « question sérieuse à juger », c’est‑à‑dire que la demande n’est ni futile ni vexatoire. À la deuxième étape, le demandeur doit convaincre la cour qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction est rejetée. Enfin, à la troisième étape, il faut évaluer la prépondérance des inconvénients afin d’établir quelle partie subirait le plus grand préjudice en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond, selon que la demande d’injonction est accueillie ou rejetée. Dans l’arrêt Société Radio‑Canada, toutefois, l’application par les tribunaux d’instances inférieures d’un seuil plus élevé avait posé pour la première fois à la Cour suprême la question du seuil qui devrait être effectivement appliqué à la première étape, lorsque le demandeur sollicite une injonction interlocutoire mandatoire.

[13] La Cour suprême du Canada a conclu ce qui suit :

[15] À mon avis, lorsqu’il s’agit d’examiner une demande d’injonction interlocutoire mandatoire, le critère approprié pour juger de la solidité de la preuve du demandeur à la première étape du test énoncé dans RJR – MacDonald n’est pas celui de l’existence d’une question sérieuse à juger, mais plutôt celui de savoir si le demandeur a établi une forte apparence de droit. Une injonction mandatoire intime au défendeur de faire quelque chose — comme de rétablir le statu quo —, ou d’autrement [traduction] « restaurer la situation », ce qui est souvent coûteux et pénible pour le défendeur et ce que de longue date l’equity a été réticente à faire. Une telle ordonnance est également (en règle générale) difficile à justifier à l’étape interlocutoire, puisque la réparation qui vise à restaurer la situation peut habituellement être obtenue au procès. De plus, comme l’a exprimé le juge Sharpe (dans un ouvrage de doctrine), « le risque qu’un tort soit causé au défendeur est [rarement] moins important que le risque couru par le demandeur du fait de la décision du tribunal de ne pas agir avant le procès ». Les conséquences potentiellement sérieuses pour un défendeur du prononcé d’une injonction interlocutoire mandatoire, y compris la décision finale relativement à la poursuite en faveur du plaignant, exigent en outre ce que la Cour a décrit dans RJR – MacDonald comme étant « un examen approfondi sur le fond » à l’étape interlocutoire.

[16] Dans certains cas, un dernier élément devra être examiné, soit que, parce que les injonctions interlocutoires mandatoires requièrent que le défendeur fasse quelque chose, elles peuvent constituer un fardeau plus important ou avoir des conséquences coûteuses pour lui. Il faut toutefois garder à l’esprit que le respect d’injonctions prohibitives peut entraîner des coûts aussi lourds que ceux découlant des injonctions mandatoires. Tout en concluant que les demandes d’injonctions interlocutoires mandatoires doivent être examinées à la lumière d’une version modifiée du test énoncé dans RJR – MacDonald, je reconnais qu’il peut être difficile de faire une distinction entre les injonctions mandatoires et les injonctions prohibitives, puisqu’une injonction interlocutoire au libellé prohibitif peut avoir [traduction] « l’effet de forcer le défendeur à faire quelque chose ». Par exemple, en l’espèce, cesser de diffuser les renseignements établissant l’identité de la victime requerrait qu’un employé de la SRC prenne les mesures nécessaires pour retirer ces renseignements du site Web de l’entreprise. En définitive, le juge de première instance, lorsqu’il qualifie l’injonction interlocutoire de mandatoire ou de prohibitive, doit regarder au‑delà de la forme et du libellé de la demande sollicitant l’ordonnance de manière à déceler l’essence de ce qui est recherché et, à la lumière des circonstances particulières de l’affaire, à déterminer [traduction] « quelles risquent d’être les conséquences pratiques de l’injonction ». Bref, le juge de première instance doit examiner si, en substance, l’effet global de l’injonction consisterait à exiger du défendeur qu’il fasse quelque chose ou qu’il s’abstienne de le faire.

[14] Quant à ce qu’implique l’établissement d’une « forte apparence de droit », cela signifie que, lors de l’examen préliminaire de la preuve, le juge de première instance doit être convaincu qu’il y a une forte chance au regard du droit et de la preuve présentée que, au procès, le demandeur réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans l’acte introductif d’instance.

[15] La Cour a tiré la conclusion suivante :

[18] En résumé, pour obtenir une injonction interlocutoire mandatoire, le demandeur doit satisfaire à la version modifiée que voici du test établi dans RJR – MacDonald :

(1) Le demandeur doit établir une forte apparence de droit qu’il obtiendra gain de cause au procès. Cela implique qu’il doit démontrer une forte chance au regard du droit et de la preuve présentée que, au procès, il réussira ultimement à prouver les allégations énoncées dans l’acte introductif d’instance;

(2) Le demandeur doit démontrer qu’il subira un préjudice irréparable si la demande d’injonction n’est pas accueillie;

(3) Le demandeur doit démontrer que la prépondérance des inconvénients favorise la délivrance de l’injonction.

Preuve par affidavit de Canamax

[16] Le dossier de requête de Canamax comprend l’affidavit de M. Quan (Kenny) Wang, souscrit le 4 octobre 2022. M. Wang se présente comme le chef de la direction, l’unique administrateur et l’unique actionnaire de Canamax. Dans son affidavit, M. Wang a déclaré que, compte tenu de sa position au sein de Canamax, il connaît les questions exposées dans son affidavit, sauf s’il s’agit de renseignements et de croyances. Dans ce cas, la source des renseignements est M. Lin, Mme Rina Shinchi ou M. Zheng. Je souligne ici au passage que la documentation indique que Mme Shinchi est l’épouse de M. Lin et qu’elle est une agente de la société de courtage LYSR Management Ltd. [LYSR].

[17] L’affidavit de M. Wang comprend les déclarations suivantes :

Achat du véhicule par Canamax

  • -Le 20 juin 2022 ou vers cette date, M. Wang a été informé par M. Lin que le véhicule était en vente.

  • -M. Lin a indiqué que sa société, 2708042 Inc., avait acheté le véhicule à Location Way le 31 mars 2022 au prix de 1 448 998,95 $ par l’intermédiaire d’un contrat de vente. Une copie non signée d’un contrat de grossiste, conclu entre le vendeur, Location Way, et l’acheteur, 2708042 Inc., et daté du 31 mars 2022, est jointe en tant que pièce à l’affidavit de M. Wang.

  • -2708042 Inc. a informé Canamax que le contrat de vente avait été conclu et qu’elle avait payé le prix d’achat en totalité, et elle a fourni la preuve (non précisée) de ce paiement.

  • -Sont aussi jointes comme pièces à l’affidavit des copies d’un contrat de grossiste signé et non daté, du même formulaire, entre le vendeur, Prime Leasing Inc. [Prime] et l’acheteur, Location Way, pour la vente du véhicule au prix de 1 428 000 $, ainsi qu’une facture de ce montant datée du 16 mai 2022 établie par Prime à l’intention de Location Way.

  • -M. Wang affirme que, le 20 juillet 2022, Canamax a acheté le véhicule à 2708042 Inc. au prix de 1 448 998,95 $ et a versé le dernier paiement le 22 août 2022. L’affidavit de M. Wang est accompagné d’une copie signée d’un contrat de vente entre 2708042 Inc. et Canamax (la courtière est Rina Shinchi de LYSR), d’une facture établie par 2708042 Inc. à l’intention de Canamax d’une somme correspondant au prix de vente et d’un reçu signé de 2078042 Inc. pour quatre versements en paiement intégral de l’achat.

  • -Selon M. Wang, cela démontre que Canamax était un acheteur de bonne foi qui a acquis le véhicule dans le cours normal de ses activités. De plus, aucune réserve de propriété n’a été publiée dans le Registre des droits personnels et réels mobiliers [le RDPRM] ou sous le régime de la Loi sur les sûretés mobilières, LRO 1990, c P10 [la LSM] concernant le véhicule. Lors de l’achat du véhicule, Canamax ignorait entièrement que Location Way aurait pu conserver un quelconque titre ou intérêt à l’égard du véhicule.

Vente à l’acheteur japonais

  • -M. Wang fait valoir qu’il a conclu le 15 août 2022 un contrat avec M. Mizukami Hiroshi [M. Hiroshi], un résident du Japon, pour la vente du véhicule pour la somme de 1 658 999 $ puisqu’il se croyait légitimement le seul propriétaire du véhicule. Au titre de ce contrat de vente, Canamax avait le droit de conserver le connaissement original et, donc, la propriété du véhicule jusqu’à ce que M. Hiroshi ait effectué le paiement intégral après la livraison. Sont jointes à l’affidavit une copie d’un contrat de vente daté du 5 septembre 2022 conclu entre le vendeur, Canamax, les acheteurs, Auto Dealer Tokyo et M. Hiroshi, et la société de courtage, LYSR, pour la somme de 1 658 999 $, ainsi qu’une facture commerciale du même montant établie par Canamax à l’intention de M. Hiroshi et datée du 15 août 2022.

  • -En collaboration avec 2708042 Inc., Location Way, M. Zheng et une gestionnaire de la logistique nommée Amber, Canamax a embauché Nonghao pour organiser l’expédition du véhicule au Japon. Sont joints comme pièces à l’affidavit des copies d’un bordereau d’expédition daté du 16 juillet 2022 désignant Canamax comme « expéditeur » et M. Hiroshi comme « destinataire », une déclaration d’exportation du Système canadien de déclaration des exportations [le SCDE] désignant Canamax comme exportateur et M. Hiroshi comme destinataire, ainsi qu’un connaissement pro forma de port à port ou de transport combiné [le connaissement] daté du 31 août 2022 désignant Canamax comme expéditeur et M. Hiroshi comme destinataire.

  • -M. Wang affirme que, pendant toute la période pertinente, Location Way et M. Zheng ont pris part aux communications relatives à l’expédition du véhicule au Japon.

  • -Le 23 août 2022, Nonghao a établi à l’intention de Canamax la facture de fret sur laquelle Canamax était désignée comme expéditeur et M. Hiroshi comme destinataire. M. Wang fait valoir que ces instructions avaient été confirmées par Location Way. De plus, Canamax avait prépayé la totalité du fret, remplissant ainsi les obligations contractuelles qui lui incombaient au titre de son contrat avec Nonghao. Une copie de la facture de fret de Nonghao d’une somme de 4 150 $ et datée du 23 août 2022, ainsi que ce qui semble être des captures d’écran de divers virements bancaires par téléphone non datés de 2 500 $, de 800 $, de 500 $ et de 350 $, censés avoir été effectués au nom de Canamax, sont jointes comme pièces à l’affidavit.

  • -Une copie imprimée d’une conversation de groupe sur WeChat à laquelle se serait joint M. Bill Xu, un représentant de Nonghao, aux dires de M. Wang, et qui n’avait d’autre but que de discuter de l’expédition du conteneur/véhicule (d’après, semble‑t‑il, des renseignements fournis par M. Lin) est également jointe comme pièce à l’affidavit. M. Wang affirme que cela démontre qu’il était manifestement entendu que Canamax était l’expéditeur et la principale partie au nom de laquelle l’expédition était organisée.

  • -Entre le 26 août et le 12 septembre 2022, COSCO a échangé des courriels avec Canamax dans le but d’établir le profil d’entreprise de celle‑ci dans son système. Les courriels en question sont joints comme pièce à l’affidavit.

  • -Le 12 septembre 2022, Nonghao a demandé à Canamax de fournir une preuve d’achat et de paiement du véhicule. M. Wang affirme que cette preuve a été fournie le même jour et qu’une copie d’un courriel d’accompagnement (sans pièce jointe) est jointe comme pièce à l’affidavit.

  • -Selon M. Wang, craignant une possible fraude, Canamax a envoyé le 14 septembre 2022 un courriel à Nonghao pour lui demander le connaissement original. Un courriel est joint comme pièce à l’affidavit.

  • -Comme Nonghao n’a pas répondu et qu’il avait des raisons crédibles de croire que celle‑ci, à la demande de tiers, avait modifié ou pouvait modifier les instructions d’expédition, les avocats de Canamax ont envoyé le 16 septembre 2022 une demande de remboursement à Nonghao pour l’obliger à respecter les instructions d’expédition initiales et à remettre le connaissement original à Canamax. Une copie de la demande de remboursement est jointe comme pièce à l’affidavit.

  • -Le 21 septembre 2022, l’avocat de Nonghao a répondu en affirmant que celle‑ci [traduction] « n’a[vait] jamais eu de relation d’affaires avec Canamax Holding Inc., aujourd’hui ou par le passé », qu’elle avait compris que Location Way était propriétaire du véhicule — en joignant un certificat d’immatriculation délivré par la Société de l’assurance automobile du Québec [la SAAQ] le 9 septembre 2022 — et que Location Way avait conservé et fourni toutes les instructions à Nonghao. Une copie de cette correspondance est jointe comme pièce à l’affidavit.

  • -Le 22 septembre 2022, M. Lin a présenté une déclaration signée à Canamax dans laquelle il indiquait que M. Zheng le menaçait et l’extorquait et mentionnait que des hommes le suivaient. Une copie de la déclaration est jointe comme pièce à l’affidavit.

  • -Les avocats de Canamax ont écrit une nouvelle lettre à l’avocat de Nonghao le 23 septembre 2022 pour confirmer de nouveau la position de Canamax selon laquelle elle était l’unique propriétaire du véhicule et pour discuter des documents fournis précédemment à l’appui de cette position. La lettre est jointe comme pièce à l’affidavit.

  • -L’avocat de Nonghao a répondu le 29 septembre 2022. Il a notamment indiqué dans sa lettre que le bordereau d’expédition avait été envoyé par Location Way le 6 août 2022, que la déclaration du SCDE avait été faite le 23 août 2022 et envoyée à Location Way, et que la facture de fret avait quant à elle été établie le 23 août 2022, puis envoyée à Location Way. L’avocat a également indiqué que Nonghao avait reçu un appel de Canamax le 26 ou le 27 août 2022 demandant une modification à la déclaration du SCDE. Il s’agissait du premier appel de Canamax. Nonghao a refusé d’accéder à la demande et a demandé qu’elle soit faite par l’intermédiaire de Location Way, ce qui a été fait le jour même. Le 12 septembre 2022, M. Wang a communiqué avec Nonghao pour l’informer qu’il était le propriétaire de Canamax et du véhicule. Nonghao a demandé une preuve de propriété, qui lui a été fournie, mais elle a déclaré qu’elle ne connaissait pas la société 2708042 Inc. et qu’elle n’entretenait aucune relation d’affaires avec elle. Cependant, [traduction] « de l’autre côté », Location Way avait fourni l’immatriculation et la preuve du paiement intégral du véhicule. La lettre de l’avocat de Nonghao indique également que celle‑ci a reçu de Location Way des instructions selon lesquelles elle devait inscrire Canamax comme exportateur sur le connaissement. La facture de fret a aussi été établie à l’intention de Canamax conformément aux instructions de Location Way. Des fonds ont été reçus par l’intermédiaire de quatre différents virements personnels par courriel. Aucun de ces virements n’a été fait par Canamax. Nonghao affirme qu’elle n’était pas au courant de l’existence de ces paiements avant que Location Way l’informe qu’ils avaient été faits pour payer la facture de fret. Nonghao affirme que Location Way, en sa qualité de client et de propriétaire du véhicule, lui a demandé de modifier l’« expéditeur » sur le connaissement et dans le SCDE et de retourner le véhicule au Canada au motif qu’elle n’avait pas été payée et qu’elle soupçonnait une fraude. Nonghao a indiqué dans la lettre qu’elle ferait son possible pour retenir le conteneur jusqu’à ce qu’un accord soit conclu entre les trois parties ou qu’une décision de justice soit rendue.

Affidavit de Mme Grenier

[18] Canamax a également déposé l’affidavit d’Hélène Grenier, une assistante juridique du cabinet Borden Ladner Gervais S.E.N.C.R.L., S.R.L. [BLG] pour lequel travaillent ses avocats. Dans cet affidavit, Mme Grenier a déclaré que BLG avait envoyé des documents en mandarin à Wenqian Cui pour les faire traduire en anglais. Les documents transmis et les documents traduits reçus sont joints comme pièces V et W à son affidavit, respectivement. Les documents joints à l’affidavit semblent être des transcriptions de discussions sur WeChat concernant le véhicule.

Preuve de 2708042 Inc.

[19] L’affidavit de M. Lin aurait été produit à l’appui de la requête en injonction provisoire de Canamax. Il contient notamment les déclarations suivantes :

Achat du véhicule par 2708042 Inc.

  • -En mars 2022, M. Lin a entamé des discussions avec Location Way concernant l’achat du véhicule dans le but déclaré de le revendre à un autre acheteur.

  • -Le 31 mars 2022, 2708042 Inc. a conclu un contrat de vente avec Location Way pour acquérir le véhicule au prix de 1 448 998,95 $ (renvoi au contrat de grossiste non signé joint comme pièce à l’affidavit de M. Wang).

  • -2708042 Inc. a payé la totalité du prix d’achat à Location Way, y compris les dépôts antérieurs. Le dernier paiement a été effectué le 22 août 2022. Divers documents sont joints comme pièce à l’affidavit, notamment une transcription de WeChat, des notes de débit de la Banque TD de LYSR à Location Way (d’un montant de 1 000 000 $ le 16 mai 2022 et d’un montant de 240 000 $ le 25 mai 2022), la confirmation d’un dépôt de 200 000 $ fait à Location Way le 17 mars 2022 et un document en chinois qui pourrait être un virement de 49 999,00 dans une devise non précisée. M. Lin déclare qu’une fois le paiement intégral effectué, il considérait que 2708042 Inc. possédait tous les droits et titres sur le véhicule et qu’elle pouvait notamment le vendre à un autre acheteur.

Vente du véhicule à Canamax

  • -M. Lin affirme que 2708042 Inc. a vendu le véhicule à Canamax pour 1 448 998,95 $ le 20 juillet 2022. Canamax a ensuite payé le prix de vente intégral à 2708042 Inc. (renvoi au contrat de vente qui est joint comme pièce à l’affidavit de M. Wang).

  • -Au nom de Canamax et en collaboration avec Location Way, M. Zheng et une gestionnaire de la logistique nommée Amber, 2708042 Inc. a embauché Nonghao pour organiser l’expédition du véhicule au Japon. M. Lin affirme qu’il a coordonné l’expédition par l’intermédiaire d’un groupe sur WeChat auquel participaient un représentant de Nonghao, M. Bill Xu, et un représentant de Location Way, M. Zheng. Il fait valoir que Location Way savait parfaitement au moment des faits que le véhicule allait être expédié au Japon au nom de Canamax et que celle‑ci avait conclu un contrat pour vendre le véhicule à un autre acheteur au Japon.

Actes de Location Way et de M. Zheng

  • -M. Lin affirme que, le 1er juillet 2022 ou vers cette date, M. Zheng a commencé à dire que M. Lin lui devait six millions de dollars pour des transactions antérieures sans rapport et a exigé que celui‑ci signe de faux documents attestant cette dette. Lorsque M. Lin a refusé, M. Zheng l’a menacé dans le but de lui extorquer l’argent. Ce scénario s’est reproduit le 8 septembre 2022. Ce jour‑là, M. Zheng a également indiqué que la somme payée par 2708042 Inc. pour le véhicule serait allouée à la prétendue dette de 2708042 Inc. et que Location Way allait reprendre possession du véhicule. Il a ajouté que si M. Lin ne signait pas le document, M. Zheng ferait en sorte que ni Canamax, ni 2708042 Inc., ni M. Lin ne reçoivent jamais le véhicule. M. Lin affirme que son épouse et lui ont ensuite commencé à être suivis par des personnes qui travaillent pour M. Zheng et qu’ils ont tous deux porté plainte à la police régionale de York le 29 septembre 2022. Des copies de ces plaintes sont jointes comme pièces à son affidavit.

  • -En ce qui concerne l’immatriculation du véhicule auprès de la SAAQ le 9 septembre 2022 effectuée par Location Way et sur laquelle celle‑ci s’est désignée comme propriétaire, M. Lin considère qu’il s’agit d’une fausse déclaration faite pour des motifs illicites et inappropriés; en effet, elle est muette sur la vente du véhicule par Location Way et la réception par cette dernière de la totalité du prix de vente.

  • -Au nom de 2708042 Inc., M. Lin consent à l’ordonnance sollicitée par Canamax.

Preuve par affidavit de Wei Zheng

[20] M. Zheng se présente comme le président et l’unique actionnaire de Location Way, une société active dans le domaine de la vente de véhicules de luxe. Il déclare, entre autres, ce qui suit :

  • -Il travaille avec M. Lin et 2708042 Inc. depuis le début de 2021, mais ces derniers ont semblé avoir des problèmes à compter du début de 2021; en effet, les paiements étaient faits en retard et les paiements pour les véhicules étaient versés par tranches alors qu’ils avaient été versés en totalité auparavant. Interrogé à ce sujet, M. Lin a répondu qu’il avait des difficultés temporaires et a demandé un bilan de ce qu’il devait (renvoi à la conversation sur WeChat jointe comme pièce à l’affidavit de M. Wang).

  • -À la fin du mois de mars 2022, M. Lin a informé M. Zheng qu’il avait un acheteur sérieux pour le véhicule. Le 22 mars 2022, M. Lin a indiqué qu’il essayait d’obtenir des fonds et a demandé si M. Zheng achèterait le véhicule si M. Lin pouvait prendre des dispositions pour verser un dépôt. M. Zheng déclare que c’est à ce moment‑là qu’il a rédigé le contrat de vente de grossiste (joint à l’affidavit de M. Wang) avec M. Lin et 2708042 Inc., mais qu’il n’a pas signé le contrat parce qu’il n’a jamais été payé pour le véhicule. C’est pourquoi il n’a jamais transféré le titre de propriété du véhicule à M. Lin et à 2708042 Inc.

  • -M. Zheng affirme qu’il a ensuite été contraint d’acheter le véhicule pour tenir parole et conserver sa relation avec Prime, un chef de file dans le domaine de la location et de l’achat de véhicules de luxe au Québec. Il a acheté le véhicule le 16 mai 2022 (renvoi à la facture de Prime, aux copies des chèques et au contrat de vente de grossiste de Prime, des pièces jointes à l’affidavit de M. Wang).

  • -M. Zheng fait valoir que ni M. Lin ni 2708042 Inc. ne l’ont payé pour le véhicule et que les paiements qu’ils ont affirmé avoir faits ont en réalité été effectués pour d’autres véhicules et pour payer des pertes (non précisées). Il joint comme pièce à son affidavit ce qui est décrit, sur une page de couverture, comme la [traduction] « Traduction des textes manquants envoyés par l’intimé le 6 octobre 2022 faite par le même traducteur, Wenqian Cui, le 11 octobre 2022 ».

  • -M. Lin a dit à M. Zheng qu’il avait un partenaire nommé Kenny qui l’aiderait avec l’argent (en faisant vraisemblablement référence à M. Wang), que la transaction avec son acheteur au Japon lui permettrait de lui rembourser la dette qu’il avait accumulée, et que, pour gagner beaucoup d’argent avec la vente du véhicule, il devait l’expédier au Japon pour le montrer à un acheteur sérieux. M. Lin a ajouté qu’il prendrait en charge tous les coûts et frais liés à cette opération. M. Zheng déclare qu’il a pensé que la transaction était liée à M. Lin ou à 2708042 Inc. lorsqu’il a vu le nom de Canamax sur la facture de fret de Nonghao [traduction] « puisqu’ils ont la même adresse ».

  • -Le 12 septembre 2022, M. Zheng a reçu un appel de Nonghao lui indiquant que quelqu’un de Canamax avait communiqué avec elle pour l’informer qu’elle était propriétaire du véhicule. C’est à ce moment‑là que M. Zheng a commencé à avoir peur que le véhicule soit volé et qu’il a demandé qu’il soit ramené au Canada.

  • -M. Zheng affirme que, même si Canamax a payé le véhicule à M. Lin et à 2708042 Inc., lui‑même n’a jamais reçu de paiement pour le véhicule.

Preuve par affidavit supplémentaire de Canamax

[21] Canamax a déposé l’affidavit de M. Ling, qui se présente comme le directeur général de Canamax. Cet affidavit a été souscrit le 13 octobre 2022 dans le contexte des observations faites par M. Ling en réponse [l’affidavit de M. Ling]. L’affidavit de M. Ling comprend ce qui suit :

  • -M. Ling croit savoir qu’aucun connaissement original n’a été établi par Nonghao ou COSCO. En outre, il n’a pas connaissance d’un quelconque contrat de transport pour le véhicule, que ce soit par connaissement ou autrement, auquel Location Way serait partie.

  • -Le 9 octobre 2022, les avocats de Canamax ont transmis par courriel (à l’avocat de Location Way) la preuve du paiement direct fait par Canamax pour le véhicule à 2078042 Inc. Ce courriel est inclus dans une pièce de l’affidavit de M. Zheng, à l’appui du reçu de paiement signé par 2078042 Inc., qui est joint comme pièce à l’affidavit de M. Wang, et qui porte les renseignements suivants :

6 juin 2022 — 200 000 $ (dépôt)

10 juin 2022 — 98 721,10 $ (dépôt)

28 juillet 2022 — 500 000 $

28 juillet 2022 — 162 000 $

22 août 2022 — 495 915 $

TOTAL 1 448 998,95 $

  • -M. Ling affirme que le paiement de 162 000 $ a d’abord été viré d’un compte de Canamax à un autre avant d’être versé à 2708042 Inc. le même jour. Des copies du relevé de compte bancaire montrant les virements et un virement télégraphique du 28 juillet 2022 faits par Canamax à 2708042 Inc. sont jointes comme pièces à l’affidavit.

  • -M. Ling déclare que le reçu du paiement de 2708042 Inc. montre un dépôt de 291 083,95 $. Cette somme a en fait été versée directement par M. Hiroshi à 2708042 Inc. au nom de Canamax, conformément au contrat de vente, qui est joint comme pièce à l’affidavit de M. Wang. M. Ling a été informé par Mme Rina Shinchi, courtière principale de LYSR, que le dépôt versé par M. Hiroshi à 2708042 Inc. avait en fait été effectué en deux versements. Le premier versement, qui s’élevait à 98 721,10 $, a été fait le 6 juin 2022 à la société de courtage LYSR par Peace International Co. Ltd., qui est, selon M. Ling, une société de financement affiliée à l’acheteur, M. Hiroshi. Le deuxième versement, qui s’élevait à 200 000 $, a été fait à Mme Shinchi le 9 juin 2022 (renvoi aux deux demandes et déclarations de fonds datées du 6 et du 9 juin 2022, toutes deux incluses dans une pièce jointe à l’affidavit de M. Zheng; aucune des deux demandes ne fait référence au véhicule, et la deuxième demande désigne le virement comme un prêt personnel). De plus, M. Ling a été informé par Mme Shinchi que le virement total dépasse 291 083,95 $ parce qu’il comprend le paiement du fret maritime, de l’assurance et des redevances sur les opérations de change. En outre, M. Hiroshi a déposé la demande et la déclaration de fonds pour montrer les factures, les documents d’importation et les déclarations de droits de douane à l’importation exigés par les autorités japonaises pour les véhicules à moteur. Son objectif était de prouver que le véhicule était importé légalement au Japon.

  • -M. Ling affirme sur ce fondement que le véhicule a été intégralement payé par Canamax à 2708042 Inc.

Affidavit de Mme Latreille

[22] Un courriel reçu le 13 octobre 2022 par Me Grodinsky, l’avocat de Canamax, de la part de M. Lin est joint comme pièce à l’affidavit souscrit le 13 octobre 2022 par Linda Latreille, assistante juridique chez BLG. Il est indiqué ce qui suit dans ce courriel : [traduction] « Il s’agit d’un virement du Japon, relevé de la Banque TD 06/07/2022 200 00,00 $ 06/13/2022 98 703,60 $. » L’historique des transactions de TD Canada Trust, qui est joint comme pièce, porte le nom de LYSR et montre les transactions suivantes : un crédit de 200 000 $ le 7 juin 2022 et un débit du même montant le jour suivant, ainsi qu’un dépôt de 98 703,60 $ le 13 juin 2022 et un virement de 100 000 $ le même jour. L’identité des déposants et celle des destinataires des virements ne sont pas précisées sur le relevé.

Analyse

i. Existence d’une question sérieuse

Position de Canamax

[23] Canamax soutient qu’elle a démontré l’existence d’une question sérieuse à juger.

[24] Elle fait valoir qu’elle a fourni le contrat de vente qu’elle a signé avec 2708042 Inc., de même qu’une preuve documentée du paiement qu’elle a fait à 2708042 Inc., soit la facture de 2708042 Inc. et le reçu signé, ainsi que le virement de 162 000 $ qu’elle a fait à 2708042 Inc. le 28 juillet 2022 par l’intermédiaire de la Banque de Chine et le relevé de son compte courant qui montre les virements de 500 000 $ et de 162 000 $ faits à 2708042 Inc. le 28 juillet 2022. Il existe également une preuve documentée des paiements faits par 2708042 Inc. à Location Way, à savoir les paiements de 200 000 $ le 17 mars 2022, de 1 000 000 $ le 16 mai 2022 et de 240 000 $ le 25 mai 2022, ainsi que des nombreuses communications établissant les droits de Canamax à l’égard de la réparation demandée.

[25] Canamax figure comme expéditeur sur le connaissement et, en tant que partie à ce contrat, conserve tous les droits, titres et intérêts dans le véhicule (Arc‑En‑Ciel Produce Inc. c BF Leticia (Navire), 2022 CF 843, aux para 35‑36 [Arc‑En‑Ciel]).

[26] Au titre de l’article 1745 du Code civil du Québec, dans le cadre d’une vente par laquelle le vendeur se réserve la propriété d’un véhicule routier jusqu’au paiement total du prix de vente, la réserve de propriété doit être publiée afin d’être opposable aux tiers. Comme aucune réserve de propriété n’a été publiée dans le RDPRM ou en application de la LSM à l’égard du véhicule, toute réserve de propriété en faveur de Location Way ne serait pas opposable à Canamax, un tiers de bonne foi qui a acheté le véhicule.

[27] De plus, il est clairement indiqué dans l’affidavit de M. Lin et dans le rapport de police que Canamax a un droit clair à la réparation demandée et que les actes de Location Way et de M. Zheng sont illégaux et inappropriés.

[28] Canamax soutient qu’il s’agit d’une solide preuve prima facie que le véhicule est sa propriété exclusive et qu’il sera remis à Location Way ou à des personnes inconnues s’il est cédé par Nonghao. À la lumière de ce qui précède et de la contestation par Location Way de la propriété du véhicule, il existe bel et bien une question sérieuse à juger. En outre, une réparation similaire a été accordée dans des circonstances semblables dans l’affaire Intel Auto Trade Inc (Go Luxury Cars) c Ocean Network Express (Canada) Inc. (T‑1453‑22) [Intel Auto].

Position de Location Way et de M. Zheng

[29] Bien que Location Way et M. Zheng n’aient présenté aucune prétention écrite, leur avocat a fait une longue plaidoirie lorsqu’il a comparu devant moi. Il a essentiellement fait référence aux conversations sur WeChat et à certains éléments de preuve documentaire, et il voulait montrer que deux des paiements de 200 000 $ versés par 2708042 Inc. à Location Way étaient antérieurs au contrat non signé du 31 mars 2022 portant sur l’achat du véhicule par 2708042 Inc. auprès de Location Way, que le paiement de 1 000 000 $ était destiné au paiement d’autres voitures et non du véhicule, et que le montant de 240 000 $ versé le 25 mai 2022 était destiné à couvrir une [traduction] « perte [non précisée] de voitures » et non à l’achat du véhicule. De plus, il n’y a aucune preuve du transfert de la propriété ou de l’immatriculation du véhicule, et le contrat (non signé) entre Location Way et 2708042 Inc. permettait à Location Way de reprendre possession du véhicule.

[30] Quant à l’achat du véhicule par Canamax, Location Way soutient que Canamax a seulement prouvé qu’elle avait fait un paiement de 995 000 $. Location Way affirme que le paiement de 200 000 $ était un prêt personnel entre M. Lin et son épouse, que le paiement de 98 000 $ a été effectué par Peace International Co. Ltd. à LYSR, et que le paiement de 162 000 $ était un virement d’un compte de Canamax à un autre, bien qu’il ait apparemment été viré le même jour à 2708042 Inc. Et, même si ces montants ont été payés, il n’y a aucune preuve que 2708042 Inc. a à son tour payé Location Way de sorte qu’une réclamation à l’égard du véhicule soit justifiée.

[31] Location Way fait valoir qu’il n’y a aucune preuve d’un paiement versé par M. Hiroshi à Canamax.

[32] Location Way soutient notamment que Canamax n’a pas fait preuve de diligence raisonnable en ce qui concerne l’établissement de la propriété du véhicule.

Position de Nonghao

[33] L’avocat de Nonghao a assisté à l’audience, mais il n’a pas présenté d’observations.

Analyse

[34] Selon l’affirmation sous‑jacente faite par Canamax devant la Cour, Nonghao a manqué à ses obligations contractuelles en modifiant les conditions du connaissement et en respectant les instructions de Location Way de réacheminer le véhicule au Canada. Pour ce qui est de la présente requête en injonction provisoire, Canamax subira un préjudice irréparable si Nonghao cède le véhicule à des parties autres que Canamax.

[35] Nonghao n’a déposé aucune preuve. Cependant, la lettre écrite par son avocat à l’intention de Canamax est une pièce à l’affidavit de M. Wang. Cette lettre indique que le bordereau d’expédition a été envoyé par Location Way — je souligne cependant que ce bordereau d’expédition ne fait aucune référence à Location Way. Sur ce document, Canamax et M. Hiroshi sont, respectivement, l’expéditeur‑exportateur et le destinataire désignés. Le fait que la lettre indique que le bordereau d’expédition a été envoyé à Location Way n’y change rien. De même, la lettre indique que la déclaration du SCDE a été envoyée à Location Way. Cependant, ce document désigne Canamax comme exportateur et M. Hiroshi comme destinataire. Il ne fait aucune référence à Location Way. Il est indiqué que la facture de fret a également été envoyée à Location Way. Cependant, sur ce document, il est inscrit Canamax dans la section [traduction] « Facturé à » du document, et Canamax est désignée comme expéditeur et M. Hiroshi comme destinataire. Il n’y a aucune référence à Location Way. En effet, la lettre indique que la facture de fret a été établie au nom de Canamax selon les instructions de Location Way. La lettre indique que le paiement du fret a été fait en quatre versements par l’intermédiaire de virements électroniques personnels et que Location Way a informé Nonghao que ces versements étaient destinés à régler la facture de fret.

[36] En outre, Canamax est désignée sur le connaissement pro forma comme l’expéditeur et M. Hiroshi comme le destinataire, et le document confirme que le fret a été prépayé. Il n’y a aucune référence à Location Way.

[37] Compte tenu de cette preuve et des autres éléments de preuve qui m’ont été présentés dans le cadre de la présente requête, il semblerait, à première vue, que Nonghao ait conclu un contrat de transport avec Canamax, qui a payé pour ce service. Location Way n’était pas partie à ce contrat. La lettre de l’avocat de Nonghao indique également que c’est Location Way qui a donné comme instruction à Nonghao de modifier l’expéditeur sur le connaissement et la déclaration du SCDE et de renvoyer le véhicule au Canada.

[38] À mon avis, la décision de modifier le connaissement soulève une question sérieuse. Il s’agit de la question de savoir si Nonghao a violé le contrat de transport. Il ressort de la lettre de son avocat que Nonghao a accepté les documents de Canamax et de Location Way quant à la propriété du véhicule, a conclu que Location Way était le propriétaire légal et, sur cette base, a apparemment modifié le connaissement et suivi les instructions de Location Way de retourner le véhicule au Canada. Cependant, comme on peut le voir dans la preuve par affidavit susmentionnée, la question de savoir qui est le propriétaire légal du véhicule est loin d’être réglée.

[39] À cet égard, bien que Location Way ait déployé beaucoup d’efforts pour contester la preuve relative à l’achat du véhicule par Canamax auprès de 2708042 Inc. et la preuve relative à la question de savoir si 2708042 Inc. avait payé le véhicule à Location Way, ainsi que bien d’autres questions, ce n’est pas le rôle de la Cour, dans le cadre de la requête en injonction, d’établir la propriété légale du véhicule ou de juger du bien‑fondé de l’action sous‑jacente envisagée. De plus, bien que je convienne tout à fait que certains des documents — y compris ceux qui ont trait à l’intérêt de Location Way dans le véhicule ou à sa participation à la transaction — soulèvent beaucoup plus de questions qu’ils n’apportent de réponses en ce qui concerne le moment où les paiements ont été faits, l’objectif de ces paiements, l’intention des parties, le titre de propriété du véhicule, etc., cela ne fait que confirmer qu’il existe une question sérieuse découlant de la prétendue violation du contrat de transport (contrat établi en fonction de la conclusion de Nonghao selon laquelle Location Way était le propriétaire légal du véhicule). S’il y a eu violation du contrat, la question sera alors de savoir si Canamax a subi un préjudice consécutif à cette violation, et cette question est liée à la propriété du véhicule. Je voudrais également souligner que beaucoup de temps a été consacré à l’interprétation de certaines parties des transcriptions des discussions sur WeChat. Cependant, en l’absence d’une preuve par affidavit claire fournie par les parties ou d’un contre‑interrogatoire des déposants sur la signification de ces discussions, ces interprétations ne sont pas particulièrement utiles à la Cour.

[40] Cela dit, dans la décision Arc‑En‑Ciel, le juge Rochester a examiné l’historique des connaissements et s’est ainsi exprimé :

[traduction]

[43] La fonction du connaissement en tant que « titre documentaire » peut donc être décomposée en deux éléments : i) le transfert du connaissement est un transfert de possession imputée donnant droit au détenteur de recevoir les marchandises du transporteur (la clé de l’entrepôt flottant); et ii) bien que le connaissement ne transfère pas à proprement parler la propriété des marchandises qu’il représente (il ne s’agit pas d’un instrument négociable comme une lettre de change ou un chèque), il est susceptible de faire partie du mécanisme de transfert de propriété (Delfini, à la p 359; Canadian Maritime Law, à la p 570; William Tetley, Marine Cargo Claims, 4e édition, (Thompson), à la p 533 [Tetley]).

[…]

[46] Le connaissement peut donc être décrit comme un document donnant le droit de posséder les marchandises qui y sont décrites plutôt que comme un document identifiant nécessairement le propriétaire légal ou la personne qui a un droit de propriété sur les marchandises. Le transfert ou la négociation du connaissement entraîne le transfert du droit à la possession.

[41] Ainsi, dans le contexte de la présente requête, lorsque Nonghao a changé l’identité de l’expéditeur sur le connaissement, elle a permis à Location Way, qui n’était pas partie au contrat, de fournir des instructions quant à l’endroit où le véhicule devait être livré et de prendre possession du véhicule à la place de Canamax. Par conséquent, dans la mesure où Canamax demande une injonction interdisant à Nonghao et à COSCO de céder le véhicule à toute autre partie qu’elle‑même, elle a satisfait à l’exigence relative à l’établissement de l’existence d’une question sérieuse. Les conditions minimales pour établir l’existence d’une question sérieuse « ne sont pas élevées » et sont « peu exigeante[s] » (Glooscap Heritage Society c Canada (Revenu national), 2012 CAF 255 au para 25 [Glooscap] citant RJR – Macdonald, à la p 337). Canamax a seulement besoin de démontrer que l’affaire n’est pas vouée à l’échec et qu’elle n’est « ni futile ni vexatoire » (RJR – Macdonald, précité, à la p 337), ce qu’elle a fait.

[42] La réparation demandée, à savoir une ordonnance exigeant de COSCO et de Nonghao qu’elles délivrent le connaissement original et non modifié, pourrait peut‑être s’inscrire dans le champ d’application d’une injonction obligatoire. Cependant, l’effet global de l’injonction serait d’exiger que Nonghao et COSCO s’abstiennent de transférer le droit de propriété du véhicule à toute partie autre que Canamax. Comme le véhicule est de retour au Canada, ou qu’il le sera sous peu, la question de l’existence d’une violation du contrat de transport et celle de la propriété du véhicule seront réglées par le litige qui en découlera, et non par la délivrance du connaissement original. Quoi qu’il en soit, Canamax a présenté une preuve solide à première vue que Nonghao a violé le contrat de transport. Toutefois, même si j’avais tort de conclure que Canamax a établi l’existence d’une question sérieuse, la requête, comme je l’explique plus loin, ne peut être accueillie parce que Canamax n’a pas démontré qu’elle subira un préjudice irréparable.

ii. Préjudice irréparable

[43] Canamax reconnaît qu’elle doit démontrer qu’elle subira un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue pécuniaire ou un préjudice pour lequel un dédommagement adéquat ne peut être obtenu, même s’il est quantifiable d’un point de vue pécuniaire. Elle soutient que le véhicule est extrêmement rare et précieux et que si elle le [traduction] « perd de vue », elle sera privée de la valeur pour laquelle elle a payé 2708043 Inc. en vue d’acquérir le véhicule, qu’elle s’exposera à une responsabilité potentielle envers l’acheteur japonais et qu’elle subira un préjudice irréparable quant à sa réputation du fait de son incapacité à livrer le véhicule comme promis. En outre, aucune somme d’argent ne peut garantir qu’elle pourra récupérer un véhicule identique, et encore moins dans le même état.

Analyse

[44] Dans l’arrêt RJR – MacDonald, la Cour suprême a déclaré :

63 Le terme « irréparable » a trait à la nature du préjudice subi plutôt qu’à son étendue. C’est un préjudice qui ne peut être quantifié du point de vue monétaire ou un préjudice auquel il ne peut être remédié, en général parce qu’une partie ne peut être dédommagée par l’autre. Des exemples du premier type sont le cas où la décision du tribunal aura pour effet de faire perdre à une partie son entreprise (R.L. Crain Inc. c. Hendry, (1988) 48 D.L.R. (4th) 228 (B.R. Sask.)); le cas où une partie peut subir une perte commerciale permanente ou un préjudice irrémédiable à sa réputation commerciale (American Cyanamid, précité); ou encore le cas où une partie peut subir une perte permanente de ressources naturelles lorsqu’une activité contestée n’est pas interdite (MacMillan Bloedel Ltd. c. Mullin, [1985] 3 W.W.R. 577 (C.A.C.‑B.)). Le fait qu’une partie soit impécunieuse n’entraîne pas automatiquement l’acceptation de la requête de l’autre partie qui ne sera pas en mesure de percevoir ultérieurement des dommages‑intérêts, mais ce peut être une considération pertinente (Hubbard c. Pitt, [1976] Q.B. 142 (C.A.)).

[45] Et, comme l’a souligné la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Glooscap :

Pour établir l’existence du préjudice irréparable, il faut produire des éléments de preuve suffisamment probants, dont il ressort une forte probabilité que, faute de sursis, un préjudice irréparable sera inévitablement causé. Les hypothèses, les conjectures et les affirmations discutables non étayées par les preuves n’ont aucune valeur probante (Dywidag Systems International, Canada, Ltd. c. Garford Pty Ltd., 2010 CAF 232, au paragraphe 14; Première nation de Stoney c. Shotclose, 2011 CAF 232, au paragraphe 48; Canada (Procureur général) c. Canada (Commissaire à l’information), 2001 CAF 25, 268 N.R. 328, au paragraphe 12; Laperrière c. D. & A. MacLeod Company Ltd., 2010 CAF 84, au paragraphe 17).

[46] Les affirmations générales ne peuvent établir l’existence d’un préjudice irréparable (Gateway City Church c Canada (Revenu national), 2013 CAF 126 aux paras 14‑16 [Gateway]).

[47] Toutefois, comme l’a affirmé le juge Pentney dans la décision Kameron Coal Management Ltd. c Canada (Emploi et Développement social), 2018 CF 715 [Kameron Coal], une réparation en equity doit conserver sa souplesse, et certaines formes de préjudice ne sont pas facilement établies, notamment dans les procédures interlocutoires, où le temps presse et la capacité de préparer un dossier de preuve complète est nécessairement quelque peu limitée. « Il est nécessaire, en fin de compte, de “se fonder sur une preuve solide” pour évaluer le préjudice. De simples affirmations ou hypothèses formulées par le demandeur ne suffisent pas » (Kameron Coal, au para 32).

[48] En l’espèce, il est évident que le véhicule a beaucoup de valeur. Les prix de vente mentionnés dans la requête sont tous supérieurs à 1,4 million de dollars. Cependant, il n’y a aucune preuve de la raison pour laquelle le véhicule vaut ce prix (p. ex., il s’agit d’une pièce de collection rare et très recherchée) ou de ce qui rend le véhicule unique pour le prétendu acheteur final. En outre, si Canamax a payé le véhicule, mais qu’elle ne peut pas le livrer, il est possible qu’elle subisse une perte financière importante. Cela dit, cette perte peut assurément être quantifiée du point de vue pécuniaire.

[49] Rien ne prouve non plus que Canamax ne sera pas en mesure de se faire payer par les intimés visés si elle obtient gain de cause dans son action.

[50] Canamax affirme également qu’elle subira un préjudice irréparable quant à sa réputation du fait de son incapacité à livrer le véhicule si l’injonction provisoire n’est pas accordée. À cet égard, Canamax invoque l’arrêt Intel Auto pour étayer son argument.

[51] Dans l’affaire Intel Auto, la Cour a, à la suite d’une requête ex parte d’urgence, accordé une injonction provisoire interdisant la cession de certains véhicules jusqu’à ce que la requête soit entendue et qu’une nouvelle ordonnance soit rendue. Au bout du compte, cependant, l’injonction provisoire n’a pas été maintenue parce que la Cour a conclu, au terme de l’audience, qu’il y avait eu manquement à l’obligation de faire une divulgation complète et franche des faits importants. En ce qui concerne la question du préjudice irréparable, Intel s’est fondée principalement à l’audience sur la question de l’atteinte à sa réputation auprès de ses partenaires d’affaires en Chine. Une preuve par affidavit concernant l’étendue de ses activités en Chine a été présentée, et le déposant a dit craindre que son agent en Chine ne fasse plus affaire avec Intel si les véhicules étaient perdus (au para 49).

[52] En l’espèce, Canamax n’a fourni aucune preuve concernant l’étendue de ses activités et les conséquences relatives sur sa réputation si l’injonction demandée n’était pas accordée. Dans son affidavit, M. Wang affirme seulement que Canamax sera responsable envers M. Hiroshi si elle ne livre pas le véhicule. Il n’y a rien dans l’affidavit de M. Ling sur la question du préjudice irréparable. Il n’existe tout simplement aucune preuve quant à l’atteinte possible à la réputation.

[53] De plus, dans l’affaire Kameron Coal, le préjudice allégué concernait la réputation de l’entreprise. Cependant, rien ne démontrait la nature ou l’étendue d’un tel préjudice ni des efforts de communication du demandeur pour essayer de réduire ou éviter de tels préjudices. Le juge Pentney a renvoyé à l’arrêt Gateway, dans lequel la Cour d’appel fédérale a jugé qu’une affirmation générale ne suffit pas à établir l’existence d’un préjudice irréparable (Gateway, aux para 13‑14), et a conclu que l’absence d’éléments de preuve précis indiquant la nature ou l’étendue du préjudice qui sera causé au cours de la période d’attente de la décision finale à l’égard de la demande sous‑jacente de contrôle judiciaire constituait un facteur qui pesait contre l’octroi d’une injonction.

[54] Enfin, je souligne que, lorsqu’ils ont comparu devant moi, les avocats de Canamax ont fait référence aux affidavits qui ont été souscrits par M. Lin et son épouse et qui ont été déposés à la police, et dans lesquels ils alléguaient que M. Zheng les avait menacés et extorqués. Ces affidavits sont joints comme pièces à l’affidavit de M. Lin. Si j’ai bien compris l’argument avancé, le refus d’accorder l’injonction causerait à Canamax un préjudice irréparable puisque cela reviendrait à tolérer une conduite illégale. Je ne souscris pas à cet argument. Premièrement, le préjudice irréparable concerne le préjudice que peut subir la requérante si la réparation demandée n’est pas accordée (Glooscap, au para 33). En l’espèce, les menaces et l’extorsion alléguées visaient M. Lin et son épouse, et non Canamax. Le préjudice allégué de Canamax concerne la perte de possession du véhicule, dont elle affirme être propriétaire. Deuxièmement, les événements allégués concernant M. Lin et son épouse ont déjà été signalés à la police. Si la police conclut à une conduite criminelle, la réparation appropriée sera les accusations qu’elle portera. Cet aspect ne fait pas partie de la requête dont je suis saisie. Le refus possible d’une réparation en equity dans la présente requête en injonction interlocutoire ne signifie pas que je ferme les yeux sur le comportement criminel allégué.

iii. Prépondérance des inconvénients

[55] Comme le critère relatif à une injonction est conjonctif et que Canamax n’a pas réussi à établir l’existence d’un préjudice irréparable, je n’ai pas à évaluer le volet de la prépondérance des inconvénients. La requête ne peut être accueillie.


ORDONNANCE dans le dossier T-2032-22

LA COUR ORDONNE :

  1. La requête en injonction provisoire déposée par Canamax Holding Inc. est rejetée.

  2. Les dépens suivront l’issue de l’affaire.

« Cecily Y. Strickland »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


DOSSIER :

T-2032-22

 

INTITULÉ :

CANAMAX HOLDING INC. c NONGHAO FREIGHT INC., COCSO SHIPPING LINES CO. LTD., COSCO SHIPPING LINES (CANADA) INC., LOCATION WAY INC., 2708042 ONTARIO INC., ET WEI (« VISON ») ZHENG

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

AUDIENCE TENUE PAR VIDÉOCONFÉRENCE (Zoom)

 

DATE DE L’AUDIENCE :

Le 14 octobre 2022

 

ORDONNANCE ET MOTIFS :

LA JUGE STRICKLAND

 

DATE DES MOTIFS :

Le 17 octobre 2022

 

COMPARUTIONS :

Daniel Grodinsky

Filipe Costa

 

POUR LA REQUÉRANTE

 

Eric De Louya

 

POUR LES INTIMÉS

LOCATION WAY INC. ET WEI ZHENG

 

Jamal Rehman

 

POUR L’INTIMÉE

NONGHAO FREIGHT INC.

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Borden Ladner Gervais

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

POUR LA REQUÉRANTE

 

De Louya Markakis

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

POUR LES INTIMÉS

LOCATION WAY INC. ET WEI ZHENG

 

Fernandes Hearn LLP

Toronto (Ontario)

POUR L’INTIMÉE

NONGHAO FREIGHT INC.

 

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