Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

     IMM-4219-97

Entre :

     JIE SUN (ALIAS JESSIE SUN),

     requérante,

     et

     LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION,

     intimé.

     MOTIFS DE L"ORDONNANCE

LE JUGE ROULEAU

         La demande de sursis d"exécution d"une mesure d"exclusion décernée par un agent principal de l"immigration a été entendue à Vancouver (Colombie-Britannique), le vendredi 10 octobre 1997. L"agent a décerné la mesure d"exclusion au motif que la requérante n"était pas en possession d"un passeport en cours de validité lors de son entrée au Canada.

         L"avocat de la requérante soumet qu"il n"a pas été accordé à la requérante une audition équitable, en ce sens qu"il y a eu manquement à l"équité dans la procédure, et, subsidiairement, que l"agent d"immigration a omis de reconnaître une revendication du statut de réfugié avant de décerner la mesure d"exclusion.

         La requérante est enceinte de sept mois. Elle est arrivée par Singapore Airlines à l"aéroport international de Vancouver, le samedi 27 septembre 1997. Elle avait avec elle un passeport du Swaziland et un permis de visiteur valide jusqu"au 12 octobre 1997. En raison de renseignements reçus par Immigration Canada de son bureau à Singapour, elle a été détenue dès son arrivée jusqu"au 29 septembre, date à laquelle elle a été libérée pour qu"elle puisse recevoir des soins médicaux, à la condition qu"elle se présente aux autorités de l"immigration lorsqu"on lui en ferait la demande.

         Elle avait initialement été accueillie à l"aéroport par un certain Raymond Tang, avec qui son compagnon, un certain M. Jing Hua Frank Li, devait discuter d"affaires. M. Tang, l"hôte canadien, était accompagné de Bruce D. Redekop, un avocat de Vancouver (C.-B.). Il a, de toute évidence, donné son adresse aux autorités lors de la libération de la requérante et de M. Li, étant donné que, le 1er octobre 1997, il a reçu une lettre en date du 29 septembre 1997 demandant que les deux parties se présentent aux bureaux d"Immigration Canada, à l"aéroport, le 1er octobre 1997, à 16 h.

         M. Redekop allègue qu"il ne lui a pas été permis d"aider la requérante pendant qu"on l"interrogeait; il a aussi été déposé devant moi que cet avocat est conseil de sociétés et que les questions d"immigration ne lui sont pas familières.

         À la suite de l"entrevue, une mesure d"exclusion a été décernée conformément au paragraphe 23(4) de la Loi , l"agent principal ayant été convaincu que la requérante était une personne décrite à l"alinéa 19(2)d ) et au paragraphe 14(3) du Règlement, soit une personne n"ayant pas en sa possession un passeport en cours de validité pour son entrée au Canada. La requérante a signé la mesure d"exclusion [TRADUCTION] " en comprenant parfaitement la décision exposée ci-dessus ".

         Il a été allégué que l"agent d"immigration, se rendant compte que cette personne était née en République populaire de Chine et, à la suite de questions, apprenant qu"elle avait obtenu le passeport du Swaziland par l"entremise d"un centre d"investissement quelques semaines seulement avant son départ (29 août 1997) et apprenant qu"elle avait retourné son passeport de la R.P.C., aurait dû conseiller à la requérante de présenter une revendication du statut de réfugié.

         L"agent d"immigration n"a aucune obligation de conseiller quoi que ce soit aux étrangers qui arrivent au Canada.

         On a aussi allégué que la mesure d"exclusion en cause aura des conséquences très graves. Je ne doute aucunement de cela. Une telle mesure créera des difficultés considérables à toute personne qui désire retourner au Canada.

         On aussi allégué que l"appréciation comparative des inconvénients favorise la requérante et qu"il était concevable qu"un tort irréparable puisse lui être fait. On allègue qu"elle sera très vraisemblablement retournée en République populaire de Chine et que, n"étant pas mariée, elle pourrait avoir à affronter des difficultés et être forcée à un avortement. Il y a aussi au dossier une preuve médicale déposée par un médecin généraliste qui l"a examinée et a conclu que, vu son état, elle ne devrait pas voyager.

         L"avocat de la requérante a allégué que, vu le pouvoir conféré à un agent principal de l"immigration qui statue à titre de tribunal administratif en décernant des mesures de renvoi, cet agent devrait être tenu d"agir équitablement, de permettre à un avocat d"être présent, d"informer la personne intéressée des conséquences, de permettre la présentation d"observations et de produire des motifs de décision.

         La requérante a été au Canada pendant au moins cinq jours avant que la mesure d"exclusion ne soit décernée et elle a eu amplement le temps d"obtenir de l"aide; elle a été détenue et interrogée pendant trois jours avant d"être libérée; elle a dû être inquiète et, sans doute, a-t-elle été en contact étroit tant avec M. Tang qu"avec l"avocat de ce dernier, M. Redekop.

         Je rejette la preuve médicale et préfère celle déposée par le Dr M.M. Garrey, un spécialiste respecté dans le domaine de la gynécologie, qui a examiné la requérante au nom de Singapore Airlines, non du ministre, et qui affirme que la requérante peut prendre l"avion.

         La requérante a obtenu un passeport du Swaziland en présentant sa demande à un centre d"investissement à Hong Kong. Elle a ensuite retourné son passeport de la R.P.C. Si elle avait eu l"intention de revendiquer le statut de réfugié, elle aurait eu amplement le temps de le faire depuis son arrivée. Même alors qu"elle était résidente de la R.P.C., si elle avait eu initialement l"intention de venir au Canada pour revendiquer le statut de réfugié au motif qu"elle craignait pour elle-même vu son état de femme enceinte non mariée, je suis convaincu que, compte tenu de l"ingéniosité dont elle a fait preuve pour obtenir un passeport du Swaziland et un permis de visiteur pour le Canada, elle aurait trouvé les moyens d"atteindre ce but, si telle avait été son intention.

         De toute évidence, l"agent d"immigration a fait face à certains problèmes quant à la crédibilité. La requérante a d"abord fait savoir qu"elle avait été au Swaziland à partir de 1995; puis elle a admis ne s"y être trouvée qu"à compter de la fin d"août 1997. Elle a aussi admis qu"elle avait entrepris son voyage au Canada pas tant pour des raisons d"affaires, mais pour y rester et y donner naissance à son enfant.

         L"agent principal, en concluant que le passeport du Swaziland n"était pas authentique, avait le droit et le devoir, en vertu de la Loi , de décerner une mesure d"exclusion. S"il a raison de conclure que le passeport est un faux, comment peut-on lui reprocher de remplir son obligation, soit de décerner une mesure d"exclusion? L"appréciation comparative des inconvénients favorise certainement le ministre, qui a l"obligation d"appliquer les règles adoptées par le Parlement et de se préoccuper de l"intérêt public. Par ailleurs, si l"agent principal a tort et que la requérante a un passeport du Swaziland valide, elle peut retourner dans ce pays. Donner à entendre que la requérante sera nécessairement retournée en R.P.C. et qu"elle est préoccupée par son bien-être physique n"est pour le moment que pure spéculation. Elle est régulièrement retournée à Singapour.

         La requête est rejetée.

     (Signé) "P. Rouleau"

     _________________________________

     Juge

10 octobre 1997

Vancouver (Colombie-Britannique)

Traduction certifiée conforme :      _________________________________

     Jacques Deschênes

     AVOCATS ET PROCUREURS INSCRITS AU DOSSIER

INTITULÉ DE LA CAUSE:              JIE SUN (ALIAS JESSIE SUN)
                             et
                             LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L"IMMIGRATION
NO DU GREFFE:                      IMM-4219-97
LIEU DE L'AUDIENCE:                  Vancouver (C.-B.)
DATE DE L'AUDIENCE:                  10 octobre 1997

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

PRONONCÉS PAR:                      LE JUGE ROULEAU
LE:                              10 octobre 1997

ONT COMPARU:

M. Gordon Meynard                  pour la requérante
M. Brian Frimeth                  pour l'intimé

PROCUREURS AU DOSSIER:

McCrea & Associates                  pour la requérante
M. George Thomson                  pour l'intimé

Sous-procureur général

du Canada

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.