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Date : 20030808

Dossier : T-635-02

Référence : 2003 CFPI 959

OTTAWA (ONTARIO), LE VENDREDI 8 AOÛT 2003

EN PRÉSENCE DU PROTONOTAIRE MIREILLE TABIB

AFFAIRE INTÉRESSANT l'article 56 de la

Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13

ET un appel d'une décision en date du 18 février 2002 par laquelle le registraire des marques de commerce a refusé la demande d'enregistrement de la demande 811 982 portant sur la marque de commerce NOSE (dessin)

ENTRE :

SARASIN CONSULTADORIA E. SERVICOS LDA

appelante

- et -

ROOX'S INC.

intimée

- et -

LE REGISTRAIRE DES MARQUES DE COMMERCE

                                MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

LE PROTONOTAIRE TABIB


[1]                Suivant l'intimée, ce qui distingue la requête en prorogation de délai de l'appelante des autres requêtes du même type, c'est le fait qu'il existe en l'espèce une ordonnance aux termes de laquelle le protonotaire Lafrenière a ordonné que l'appel soit instruit en « stricte » conformité avec les exigences des Règles de la Cour en matière de délais. La thèse de l'intimée est que, comme le protonotaire n'a pas fixé de délai dans son ordonnance, mais qu'il s'est contenté d'exiger le respect des Règles, la présente instance échappe à l'application de l'article 8 des Règles de la Cour fédérale (1998), de sorte qu'il n'est plus loisible à la Cour de proroger ou d'abréger les délais, à moins que l'ordonnance du protonotaire Lafrenière ne fasse l'objet d'un appel ou d'un réexamen ou que l'ordonnance ne soit annulée ou modifiée en vertu des articles 397 ou 399 des Règles. L'intimée a été incapable de me citer de jurisprudence à l'appui de sa thèse.

[2]                Il est évident que la partie de son ordonnance dans laquelle le protonotaire Lafrenière enjoint aux parties de respecter rigoureusement les délais prescrits par les Règles de la Cour fédérale (1998) n'est rien de plus qu'une ordonnance fixant un délai à laquelle l'article 8 des Règles s'applique. Peu importe que le délai fixé par une ordonnance soit exprimé par un nombre de jours, en fonction d'une date précise ou par renvoi aux Règles de la Cour fédérale (1998), ce délai demeure assujetti à l'article 8. Dans l'arrêt Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada c. Le « Norango » , [1976] 2 C.F. 264, la Cour d'appel fédérale a bien précisé qu'aucun juge ne peut s'empêcher lui-même ou empêcher un autre juge d'exercer sa compétence en libellant son ordonnance en des termes « définitifs » (à la page 268). Dans l'arrêt Espinoza c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 437, la Cour d'appel fédérale a de nouveau déclaré : « Une ordonnance de prolongation de délai ne règle pas d'une manière définitive un point litigieux quelconque et peut toujours être réexaminée, qu'elle ait été faite péremptoirement ou non » .


[3]                Il est vrai toutefois que, lorsqu'elle est saisie d'une requête en prorogation d'un délai fixé aux termes d'une ordonnance péremptoire, la Cour doit exercer « avec précaution » son pouvoir discrétionnaire de libérer une partie des conséquences d'un manquement à cette ordonnance de la Cour. Le genre de justification qui est exigée est fixé à un très haut niveau. Le plaideur doit notamment satisfaire à un critère double en démontrant qu'il « n'avait pas l'intention d'ignorer l'ordonnance ou d'y passer outre et que son omission de s'y conformer était due à des "circonstances extérieures" » (Angloflora Limited c. K. Van Bourgondien & Sons Inc., 2002 CFPI 1230). Mais l'ordonnance du protonotaire Lafrenière est-elle une ordonnance péremptoire? Je ne le crois pas.


[4]                La requête dont le protonotaire Lafrenière était saisi était une requête en radiation de l'affidavit produit au soutien de l'appel de l'appelante par suite du refus de l'appelante de collaborer de façon raisonnable pour s'assurer que le déposant soit disponible pour être contre-interrogé. Au lieu de radier l'affidavit, le protonotaire Lafrenière a enjoint au déposant de comparaître à une date déterminée pour être contre-interrogé [traduction] « à défaut de quoi son affidavit sera radié » . Le protonotaire Lafrenière a également ordonné que l'instance soit poursuivie à titre d'instance à gestion spéciale et il a ordonné que l'appel soit « instruit en stricte conformité avec les exigences des Règles de la Cour fédérale (1998) en matière de délais » . Comme les mots employés témoignent qu'il s'agissait d'une ordonnance péremptoire pour ce qui était de la présence du déposant à son contre-interrogatoire, il semble évident que si la Cour avait voulu que les conditions relatives au respect des délais soient péremptoires, elle aurait employé des mots tout aussi clairs. Je n'interprète donc pas l'ordonnance par laquelle le protonotaire Lafrenière a établi l'échéancier applicable au déroulement de l'instance comme étant de la nature d'une ordonnance péremptoire. Néanmoins, les mots employés témoignent du fait que la Cour estimait que les délais prévus par les Règles étaient suffisants et que tout retard imputable à un manque de collaboration de la part de l'appelante ne devait pas être excusé trop aisément lors de l'examen ultérieur d'autres questions interlocutoires.

[5]                Pour examiner la requête en prorogation du délai qui est imparti à l'appelante pour déposer son dossier de demande, j'ai donc appliqué le critère à quatre volets posé dans l'arrêt Canada c. Hennelly (1999), 244 N.R. 399, en m'assurant notamment que, pour justifier le délai, l'appelante n'excipait pas du fait que les Règles ne prévoient pas suffisamment de temps ou encore d'un manque de collaboration de la part de la partie adverse ou de son avocat.

[6]                La justification invoquée par l'appelante est le fait que ses avocats ont omis par inadvertance d'inscrire à leur agenda la date de dépôt et de signification de son dossier en raison du fait que trois avocats du même cabinet s'occupaient de ce dossier et que chacun pensait que l'autre avait inscrit la date applicable à l'agenda du cabinet. L'intimée a qualifié ces circonstances d' « excuse » et non de motif valable et il a laissé entendre que le défaut d'inscrire la date à l'agenda était une raison qui avait été inventée ou sur laquelle les avocats de l'appelante avaient sauté pour dissimuler la véritable raison du retard. L'intimée s'est plainte du fait que l'affidavit produit par l'appelante à l'appui de sa requête avait été souscrit par un technicien juridique sur la seule foi de renseignements tenus pour véridiques, privant ainsi l'intimée du droit à un véritable contre-interrogatoire. L'intimée ajoute que la Cour devrait accorder peu ou point de valeur à cet affidavit.


[7]                L'intimée n'a pas tenté de contre-interroger le déposant. Bien qu'il soit vrai que contre-interroger l'auteur d'un affidavit établi sur la foi de renseignements tenus pour véridiques ne saurait remplacer le contre-interrogatoire du témoin qui a eu personnellement connaissance des faits, je ne pense pas qu'il faille nécessairement tenir l'exercice pour futile au point que la Cour en vienne à n'accorder pratiquement aucune valeur aux affidavits portant sur des questions contestées et souscrits sur la foi de renseignements tenus pour véridiques alors qu'on n'a même pas tenté de procéder à un contre-interrogatoire. Plus particulièrement, lorsqu'un technicien juridique dépose au sujet des directives et renseignements que lui ont donnés les avocats qui l'ont mis au courant du déroulement de l'instance, les motifs sur lesquels repose la croyance du déposant sont suffisamment articulés et ils devraient être considérés comme suffisants, à moins que les circonstances ou le contre-interrogatoire n'indiquent le contraire.

[8]                Je suis donc convaincue que la raison invoquée par l'appelante pour justifier son retard a été établie de façon satisfaisante, qu'une erreur d'inscription dans un agenda commise par inadvertance constitue une explication acceptable du retard eu égard aux circonstances de l'espèce, que l'appelante a démontré qu'elle a toujours eu l'intention de poursuivre la présente instance, qu'il ressort du dossier que l'appelante possède un droit d'action valable et que l'intimée ne subirait aucun préjudice en raison de la quarantaine de jours écoulés entre la date à laquelle le dossier de l'appelante devait être produit et le moment où l'appelante a présenté sa première requête en prorogation de délai. La requête de l'appelante sera par conséquent accueillie.


[9]                En ce qui a trait aux dépens, l'intimée ne m'a pas convaincue qu'il y ait quoi que ce soit de répréhensible, de scandaleux ou d'inacceptable dans la conduite de l'appelante ou de ses avocats au point de justifier de condamner l'appelante aux dépens extrajudiciaires. Conformément au paragraphe 410(2), les dépens de la présente requête en prorogation de délai seront supportés par l'auteur de la requête. Les dépens de la première requête dont l'appelante s'est par la suite désistée seront établis comme s'il s'agissait d'une requête non contestée, tandis que les dépens de la présente requête seront établis au tarif des requêtes contestées.

LA COUR :

1.             PROROGE au 12 août 2003 le délai imparti à l'appelante pour déposer et signifier son dossier de demande;

2.             CONDAMNE l'appelante aux dépens entre parties, lesquels dépens devant être établis, dans le cas de sa première requête du 7 avril 2003, comme s'il s'agissait d'une requête non contestée et, dans le cas de la présente requête contestée, au tarif des requêtes contestées.

                                                                                                                                  « Mireille Tabib »             

                                                                                                                                         Protonotaire                   

Traduction certifiée conforme

Martine Guay, LL.L.


                                                             COUR FÉDÉRALE

SECTION DE PREMIÈRE INSTANCE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                        T-635-02

INTITULÉ :                                       Sarasin Consultadoria E. Servicos LDA

c. Roox's Inc.

LIEU DE L'AUDIENCE :                Ottawa (Ontario)

DATE DE L'AUDIENCE :               7 août 2003

MOTIFS DU JUGEMENT :            Le protonotaire Mireille Tabib

DATE DES MOTIFS :                     8 août 2003

ONT COMPARU :

Me Bruce Morgan

POUR L'APPELANTE/

REQUÉRANTE

Me Kenneth D. McKay

POUR L'INTIMÉE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Gowling Lafleur Henderson, s.r.l.

Ottawa (Ontario)

POUR L'APPELANTE/

REQUÉRANTE

Sim, Hughes, Ashton & McKay, s.r.l.

Toronto (Ontario)

POUR L'INTIMÉE


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