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Date : 20250717

Dossier : IMM-12770-24

Référence : 2025 CF 1276

Montréal (Québec), le 17 juillet 2025

En présence de monsieur le juge Diner

ENTRE :

CARLOS MARIO IZQUIERDO SANTOS

demandeur

et

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

[1] Le demandeur, Carlos Mario Izquierdo Santos (« Demandeur ») sollicite le contrôle judiciaire de la décision de la Section d’appel des réfugiés (« SAR ») de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, confirmant la décision de la Section de la protection des réfugiés (« SPR ») à l’effet qu’il n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention, ni de personne à protéger. La SPR et la SAR ont conclu que le Demandeur dispose d’une possibilité de refuge intérieur (« PRI »). La demande de contrôle judiciaire est rejetée. J’ai rendu ma décision séance tenante, avec motifs à suivre – ceux-ci sont les suivants.

A. Le contexte factuel

[2] Le Demandeur est citoyen du Mexique. Il est arrivé au Canada par avion le 9 février 2018 et a fait une demande d’asile alléguant une crainte des membres du cartel Los Zetas et d’un membre en particulier (« les agents de risque ») qui l’a approché alors qu’il était au travail afin d’obtenir des informations confidentielles qu’il possédait. Les agents de risque ont battu le Demandeur afin qu’il coopère et partage les informations. Le Demandeur a quitté son emploi et a déménagé à quelques reprises à l’intérieur de la même ville, où il a été retrouvé par les agents de risque. Il a donc quitté pour le Canada. Il allègue que les agents de risque ont la motivation et les ressources de le retrouver en cas de retour au Mexique, et ce, pour avoir quitté.

[3] La SPR a conclu que le Demandeur disposait d’une PRI viable et qu’il n’avait pas démontré que les agents de risque étaient motivés à s’en prendre à lui où qu’il soit au Mexique. De plus, la SPR a conclu que puisque le cartel Los Zetas s’est fragmenté depuis son départ, que sa famille n’a pas été approchée par quiconque ayant un lien avec les allégations et que les informations qu’il possédait sont maintenant périmées par l’écoulement du temps, que le Demandeur n’a plus le profil d’une personne d’intérêt pour les agents de risque, et qu’il ne serait pas déraisonnable qu’il se relocalise dans la PRI.

[4] La SAR a refusé de casser la décision de la SPR et a conclu que la preuve n’avait pas démontré que les agents de risque auraient la motivation de retrouver le Demandeur dans la PRI, et qu’il n’était pas déraisonnable qu’il s’y installe.

[5] Selon le Demandeur, la SAR a erré en ne corrigeant pas la SPR qui a qualifié la nature du motif de l’agent de persécution d’ « économique », en faisant une évaluation trop sommaire de la capacité de l’agent de persécution à retrouver le Demandeur dans le pays, et quant aux motivations de l’agent de persécution.

[6] Le Défendeur soutient que la conclusion de la SAR est bien fondée eu égard à la preuve au dossier, et que la Cour ne devrait pas intervenir.

B. L’analyse

[7] La seule question devant la Cour est à savoir s’il était raisonnable pour la SAR de confirmer la décision de la SPR. Les parties sont d’accord quant à la norme de contrôle – celle de la décision raisonnable (Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c Vavilov, 2019 CSC 65 au para 99 [Vavilov]).

[8] Tel qu’énoncé dans Ojeda Escobar c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1453 au para 7 [Ojeda Escobar], le test permettant d’établir l’existence d’une PRI est de jurisprudence constante et a été établi par la Cour d’appel fédérale dans Rasaratnam c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1991 CanLII 13517 (CAF) et Thirunavukkarasu c Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), 1993 CanLII 3011 (CAF).

[9] Ainsi, selon la prépondérance des probabilités, il doit être établi en premier lieu que le demandeur ne sera pas exposé à la persécution ou à un danger ou un risque au titre de l’article 97 et que, en second lieu, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles qui lui sont propres, les conditions dans la région de la PRI sont telles qu’il ne serait pas déraisonnable pour un demandeur de s’y établir. Le fardeau d’établir la PRI ne répond pas à l’un des deux volets du test. Le fardeau repose ainsi sur le demandeur. Afin d’établir que la PRI est déraisonnable, le demandeur doit démontrer que l’agent de persécution a à la fois la capacité et la motivation de le retrouver dans la PRI (Ojeda Escobar au para 8).

[10] En l’espèce, la SPR a conclu que le Demandeur n’a pas démontré la motivation de l’agent de persécution à le poursuivre dans la PRI. La SAR a noté que quiconque voulant retrouver une personne au Mexique serait en mesure de le faire, pourvu qu’elle ait la motivation de le faire, dû à la corruption importante. La SAR a aussi observé que la preuve indiquait que dû au niveau de corruption important, il serait facile de corrompre un employé d’une compagnie privée ou même publique pour obtenir les coordonnées d’une personne ciblée. Cependant, la SAR a conclu que le Demandeur n’avait pas établi que l’agent de persécution avait la motivation de le retrouver dans la PRI.

[11] Bien que la preuve indique qu’il a été poursuivi au Mexique par le passé, la SPR a conclu que l’information que l’agent de persécution cherchait à soutirer du Demandeur était maintenant futile et qu’ils n’auraient donc pas la motivation de le poursuivre dans la PRI. À cet effet, la SAR a noté que la famille du Demandeur n’avait pas été approchée depuis son départ, que six années se sont écoulées depuis le départ du Demandeur, et que la situation actuelle au pays est nettement différente qu’elle l’était au départ du Demandeur, alors que le cartel s’est divisé. La SPR a mis l’emphase sur le témoignage du Demandeur qui a lui-même énoncé que les agents de préjudice cherchaient un contact au sein de l’organisme pour lequel il travaillait auparavant. Par ailleurs, la SAR a noté que la dernière fois où les agents de persécution semblaient avoir été à la recherche du Demandeur était en 2018.

[12] Ainsi, si le Demandeur ne peut établir que l’agent de persécution a la motivation de le poursuivre dans la PRI, sa capacité à le faire n’a pas d’incidence sur le résultat (voir, entre autres, Cely Tiria v Canada (Citizenship and Immigration), 2024 FC 422 au para 30; Lopez Gomez c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2022 CF 1160 aux para 27–28; Leon c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 428 aux para 13, 15 [Leon]).

[13] Le Demandeur ne m’a pas convaincu que la SAR a erré en confirmant la décision de la SPR. En effet, la SAR a procédé à sa propre évaluation de la preuve et des circonstances spécifiques du Demandeur. Celle-ci était satisfaite que la PRI est viable, et a conclu que le Demandeur n’avait pas fourni suffisamment de preuve pour convaincre le tribunal que l’argent de persécution avait la motivation de le retrouver dans la PRI, et ce, pour plusieurs facteurs énumérés ci-haut au paragraphe 11.

[14] En effet, la Cour a conclu à maintes reprises qu’il était raisonnable pour la SAR de prendre en considération le temps écoulé depuis le dernier signe d’intérêt du groupe afin de conclure que le risque n’était pas personnalisé (voir, entre autres, Cortes v Canada (Citizenship and Immigration), 2025 FC 597 au para 19 [Cortes]; Martinez Granados c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2014 CF 752 aux para 6–8). En effet, il est de jurisprudence constante que la crainte et le risque actuel et prospectif sont essentiels à la demande d’asile et doivent être évalué au moment où l’on statue sur la demande (Fernandopulle c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2005 CAF 91 au para 21).

[15] De plus, la Cour a déterminé que le manque de preuve quant aux efforts des agents de persécution de retrouver un demandeur, comme par exemple par l’entremise des membres de sa famille, « est un élément pouvant raisonnablement appuyer une conclusion à l’égard de l’absence d’un intérêt continue de poursuive le demandeur et donc l’existence d’une PRI », tel qu’en l’espèce (Cortes au para 19; Leon au para 16; voir aussi Roy c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2012 CF 434 au para 26; Deb c Canada (Citoyenneté et Immigration), 2015 CF 1069 aux para 17–18).

[16] Le Demandeur demande à la Cour de procéder à une réévaluation de la preuve qui était devant la SPR et la SAR et de tirer ses propres conclusions de fait, ce que la Cour ne peut faire en contrôle judiciaire à moins de circonstances exceptionnelles, ce qui n’est pas le cas en l’espèce (Vavilov au para 125; voir aussi Benoit c Canda (Citoyenneté et Immigration), 2020 CF 822 au para 19).

[17] À la lumière de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est rejetée. La Décision de la SAR est raisonnable.


JUGEMENT

LA COUR STATUE que

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
  1. Aucune question n’est certifiée.
  1. Aucuns dépens ne sont adjugés

blanc

« Alan S. Diner »

blanc

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER


Dossier :

IMM-12770-24

INTITULÉ :

CARLOS MARIO IZQUIERDO SANTOS c MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :

Montréal (Québec)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :

LE 16 juillet 2025

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT :

diner j.

 

 

DATE DES MOTIFS :

LE 17 juillet 2025

 

 

COMPARUTIONS :

Francisco Alejandro Saenz Garay

 

Pour le demandeur

 

Steve Bell

 

Pour le défendeur

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

Saenz Avocat

Montréal (Québec)

 

Pour le demandeur

 

Procureur Général du Canada

Ministère de la Justice Canada

Montréal (Québec)

 

Pour le défendeur

 

 

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