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Date : 20060925

Dossier : IMM-289-06

Référence : 2006 CF 1113

ENTRE :

DIENE KABA et

FATOUMATA KABA

Partie demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

Partie défenderesse

 

 

 

MOTIFS DE JUGEMENT

 

LE JUGE PINARD

 

[1]          Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de Citoyenneté et Immigration Canada (CIC) rendue le 16 décembre 2005, refusant aux demanderesses leur demande de protection suite à l’examen des risques avant renvoi (ERAR).

 

I.  Les faits

[2]          La demanderesse principale, Diene Kaba (la demanderesse) et sa fille, également demanderesse en l’instance, sont citoyennes de la Guinée. La demanderesse allègue craindre son conjoint, pour elle-même et sa fille, depuis de nombreuses années, soit depuis 1993, et plus particulièrement depuis le 20 février 2001.

 

[3]          En janvier 1992, la demanderesse a épousé Karou Kaba, le père de sa fille. Ils sont tous les trois partis vivre au Gabon en mars 1992.

 

[4]          Pendant qu’elle vivait au Gabon, la demanderesse a fait de nombreux voyages dans des pays africains et elle a également séjourné aux États-Unis du 23 novembre au 1er décembre 1996.

 

[5]          Le 20 février 2001, la demanderesse allègue que son mari aurait pris des arrangements pour procéder à l’excision de leur fille. Toutefois, la demanderesse aurait réussi à revenir à temps et à s’enfuir avec sa fille.

 

[6]          En février 2001, la demanderesse a voyagé en France, sans sa fille, alors qu’elle était déjà en possession des documents nécessaires pour quitter le Gabon avec elle.

 

[7]          Suite à ce séjour en France, la demanderesse est retournée au Gabon rejoindre son mari et sa fille, qui était restée avec son père.

 

[8]          Le 2 avril 2001, la demanderesse a obtenu un visa canadien émis à Libreville.

 

[9]          Le 25 mai 2001, elle a quitté le Gabon en compagnie de sa fille. Elles sont passées par le Maroc et la France pour finalement arriver au Canada le 27 mai 2001.

[10]      À son arrivée au Canada, la demanderesse a demandé le statut de réfugié pour elle et sa fille mineure, alléguant craindre son conjoint polygame qui la maltraitait et qui désirait l’excision de sa fille.

 

[11]      Le 17 septembre 2002, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a rendu une décision négative, refusant le statut de réfugié et celui de personnes à protéger aux demanderesses. La SPR a conclu à l’absence de crédibilité du récit allégué ainsi qu’à l’absence de crainte subjective.

 

[12]      En octobre 2002, une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été déposée devant cette Cour à l’encontre de cette décision négative de la SPR. Cette demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée le 3 février 2003.

 

[13]      Le 3 mars 2003, le Centre de traitement des demandes de Vegreville a reçu la demande de dispense de visa pour motifs humanitaires (CH) des demanderesses.

 

[14]      Le 16 décembre 2005, la demande CH a été refusée. La demanderesse a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’encontre de cette décision (IMM-290-06).

 

[15]      Par ailleurs, le 16 décembre 2005, après que la date de renvoi des demanderesses du Canada eût été fixée au 28 février 2006, l’agent a rejeté la demande ERAR faisant l’objet de la présente demande d’autorisation et de contrôle judiciaire.

 

[16]      Le 22 février 2006, les demanderesses ont signifié une requête demandant le sursis de leur renvoi du Canada. Cette requête était greffée aux deux demandes d’autorisation et de contrôle judiciaire présentées par les demanderesses à l’encontre de la décision concernant leur demande ERAR et celle concernant leur demande CH.

 

[17]      Le 27 février 2006, l’audition de la requête en sursis a eu lieu. Après avoir entendu les deux parties, le juge Blais a rejeté la requête en sursis. Il a conclu que les demanderesses n’avaient pas démontré qu’elles subiraient un préjudice irréparable advenant leur renvoi dans leur pays d’origine.

 

II.  Analyse

A.  Violation de justice naturelle

[18]      Selon la demanderesse, les lettres de monsieur Karou Kaba et de l’oncle Kabine étaient déterminantes quant à la demande de protection puisqu’elles confirmaient plusieurs éléments avancés par elle. La lettre de l’époux de la demanderesse, Karou Kaba, exige que leur fille Fatoumata devienne une « vraie musulmane » (i.e. excisée), et confirme que la demanderesse s’expose à des représailles graves et même mortelles s’il devait la revoir. La lettre de l’oncle Kabine confirme tant les menaces de monsieur Karou Kaba à l’endroit de la demanderesse, que le fait que la demanderesse a été battue par son mari auparavant et aussi la volonté de monsieur Karou Kaba d’exciser sa fille.

 

[19]      La demanderesse soutient qu’en se fondant sur des questions de crédibilité, l’agent a décidé de n’accorder aucune force probante à ces deux documents importants, et ce, au détriment du droit de la demanderesse d’être entendue.

[20]      Selon la demanderesse, toujours, l’agent ERAR, dans sa décision CH, réitère les motifs pour lesquels la CISR a conclu à un manque de crédibilité et ne lui a pas reconnu le statut de réfugié. Ce faisant, l’agent met en doute la crédibilité de toute l’histoire de la demanderesse sans même la recevoir en entrevue afin d’éclaircir les soi-disant contradictions ou incohérences reprochées.

 

[21]      La demanderesse soutient que la nécessité d’être entendue devant le décideur en matière de crédibilité et de conclusions de fait pour les demandeurs d’asile a déjà été décidée par la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Singh et autres c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1985] 1 R.C.S. 177, à la page 231 :

     Il y a d'autres motifs pour lesquels les appelants auraient dû bénéficier d'une audition. Ils sont énoncés dans l'argument suivant que j'accepte :

 

[TRADUCTION]  Les appelants soutiennent que même si la « justice fondamentale » n'exige pas la tenue d'une audition dans chaque cas, lorsque la vie ou la liberté peut dépendre de conclusions de fait et de la crédibilité, ce qui peut être le cas dans les présentes espèces, la possibilité de soumettre des observations écrites, même assortie de la possibilité de répondre par écrit aux allégations de fait et de droit défavorables, est insuffisante.

 

 

 

[22]      Selon la demanderesse, le défaut d’accorder une audience au demandeur va à l’encontre des principes de justice fondamentale prévus à l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. L’alinéa 113b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi) énonce qu’une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires, et l’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le Règlement) indique que les facteurs qui servent à décider si la tenue d’une audience est requise sont :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

 

 

[23]      La demanderesse soutient donc que cette violation du droit d’être entendue est injustifiée compte tenu du fait que la décision de renvoi et le rejet des demandes ERAR et CH ont des conséquences graves sur la sécurité, l’intégrité et la vie des demanderesses.

 

[24]      À mon avis, les motifs de la décision ERAR respectent les prescriptions de la Loi et du Règlement. Conformément aux prescriptions de l’alinéa 113a) de la Loi, l’agent a bien analysé les « nouveaux » éléments de preuve soumis par la demanderesse à l’appui de la demande ERAR, mais elle a conclu que celle-ci n’avait, suite au rejet de la demande d’asile par la SPR, apporté aucun nouvel élément de preuve crédible appuyant les risques personnels allégués et pouvant écarter la conclusion négative tirée par la SPR.

 

[25]      L’obligation d’équité qui incombe à l’agent est déterminée par l’alinéa 113b) de la Loi et l’article 167 du Règlement. Les critères de l’article 167 sont conjonctifs, de sorte que si la situation du demandeur ne répond pas à un critère, l’audience n’est pas tenue. Comme déjà indiqué dans Bhallu c. Solliciteur général du Canada, 2004 CF 1324 :

. . . Aucune audience n'est tenue dans le contexte d'un ERAR, sauf dans des circonstances exceptionnelles, lorsque toutes les conditions mentionnées à l'article 167 du Règlement sont remplies.

 

[26]      De plus, l’agent n’a pas simplement discrédité ces documents en raison du manque de crédibilité de la demanderesse, comme le prétend cette dernière.

 

[27]      Il est utile, à ce stade-ci, de rappeler des faits importants et non contestés qui ressortent du dossier de la demanderesse :

  • La demanderesse allègue que sa fille sera nécessairement victime d’excision, alors que les faits en preuve démontrent qu’elle-même, qui est âgée de 29 ans et a vécu en Guinée durant son jeune âge, n’a pas subi l’excision dans son pays parce que sa mère s’y serait toujours objectée.

 

  • La demanderesse qui vivait au Gabon avec son mari et sa fille depuis 1992, a fait plusieurs voyages dans divers pays sans que sa fille ne l’accompagne, et ce, malgré la crainte alléguée de son mari.

 

 

 

[28]      En l’espèce, la demanderesse ne rencontrait pas les conditions prévues à l’article 167 du Règlement et par conséquent, l’agent ERAR n’avait pas à la convoquer en entrevue (voir Abdou c. Solliciteur général du Canada, 2004 CF 752; Kim c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 321; Allel c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 533 et Sylla c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 475).

 

[29]      Dans les circonstances, l’allégation de la demanderesse voulant que l’agent ait commis une erreur en ne lui accordant aucune audience du fait de la remise en question de sa crédibilité est erronée. Même si l’agent a tiré des conclusions de crédibilité, sa décision est surtout fondée sur l’insuffisance de preuve soumise par la demanderesse pour se décharger de son fardeau d’établir qu’elle et/ou sa fille encourent personnellement des risques de retour tels que ceux prévus aux articles 96 et 97 de la Loi dans l’éventualité d’un retour en Guinée.

[30]      De plus, le droit à une audience n’est pas absolu : un processus d’examen d’une demande qui ne comporte pas de rencontre physique entre le décideur et le justiciable est néanmoins conforme aux principes de justice naturelle s’il permet au demandeur de présenter tous ses arguments (voir, entre autres, Knight c. Indian Head School Division No. 19, [1990] 1 R.C.S. 653; Charkaoui c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1670; Younis c. Solliciteur général du Canada, 2004 CF 266 et Sylla c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, supra).

 

B.  Crainte de partialité

[31]      La demanderesse soutient que la décision CH et la décision ERAR ont été rendues par le même agent, madame Hélène Dostie, en date du 16 décembre 2005. De ce fait, la demanderesse soutient qu’il existe une crainte raisonnable de partialité quant aux décisions CH et ERAR. Cette même question de droit a récemment été certifiée comme suit dans Oshurova c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1321 :

Y a-t-il apparence de partialité, en l’espèce, parce que le même agent a traité la demande de dispense de visa pour des considérations humanitaires et la demande d’ERAR?

 

 

 

[32]       Selon la demanderesse, l’alinéa 2e) de la Déclaration canadienne des droits prévoit que toute personne a droit à une audition impartiale. Les principes de justice fondamentale de l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés assurent également le respect de l’impartialité.

 

[33]      La demanderesse soutient que l’honorable juge Gibson dans l’arrêt Say c. Solliciteur général, 2005 CF 739, a reconnu que la question d’indépendance de l’agence ERAR est une question de droit sérieuse et il a certifié la question suivante :

[TRADUCTION] Lorsqu’elle relevait de l'Agence des services frontaliers du Canada, la section d'examen des risques avant renvoi était-elle dotée du degré d'indépendance institutionnelle voulu, en conformité avec les principes de justice naturelle et de justice fondamentale?

 

 

 

[34]      Cependant, dans l’affaire Uzkar c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 1734, le même argument a été soulevé dans le cadre d’une requête en sursis attaquant deux décisions, soit une CH et une ERAR. Mon collègue le juge Rouleau a rejeté cet argument et a indiqué que les juges de cette Cour ont toujours catégoriquement conclu que les décisions rendues par un même agent ne créent pas une apparence de partialité :

[18]     En ce qui concerne la prétention du demandeur relativement à un manque d'objectivité de la part de l'agent qui était chargée d'évaluer la dispense d'obligation d'ordre humanitaire et aussi responsable de l'examen des risques avant renvoi, la Cour s'est prononcée à maintes reprises sur ce sujet.

 

[19]     Le principe énoncé dans Monemi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, [2004] A.C.F. no 2004, a été confirmé dans l'arrêt Malekzai c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 256 F.T.R. 199, où le juge O'Keefe mentionnait ce qui suit :

 

     De plus, le défendeur prétend que les agents d'immigration peuvent exécuter diverses obligations législatives prévues par la LIPR et qu'ils le font. La Cour a statué, dans la décision Zolotareva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1596 (QL), 2003 CF 1274, que les agents d'exécution de la loi ont le pouvoir de rendre des décisions à l'égard des demandes fondées sur des motifs d'ordre humanitaire et, dans la décision Haddad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 579 (QL), 2003 CFPI 405, que le fait d'exercer un type de fonction n'empêche pas un agent d'immigration d'exercer une autre fonction. Ces décisions, selon le défendeur, minent la prétention du demandeur selon laquelle il faut maintenir une barrière stricte entre les divers organismes décisionnels établis par la loi et celle selon laquelle l'omission de le faire dans l'Unité des crimes de guerre laisse planer la menace de l'iniquité.

 

 

 

[35]      Pour ce qui est des décisions de Oshurova et Say, ci-dessus, cette Cour, dans chacune de ces affaires, a déterminé qu’il n’y avait aucune apparence de partialité parce que le même agent a traité la demande CH et la demande d’ERAR. Il est vrai que la Cour a certifié une question à cet égard dans chacune de ces affaires, mais c’est parce que ces affaires traitaient de circonstances spéciales. Dans Oshurova, il ressort d’une lecture de cette décision que la décision ERAR attaquée avait été rendue le 28 septembre 2004. La Cour était préoccupée par les allégations de partialité institutionnelle ressortant du temps où le programme ERAR était régi par l’Agence des services frontaliers au Canada. La même observation s’applique à la décision du juge Gibson dans l’affaire Say, où la décision attaquée avait été rendue le 22 janvier 2004.

 

[36]      Je suis donc d’accord avec le défendeur que les affaires Oshurova et Say traitaient de circonstances spéciales et qu’elles sont inapplicables en l’espèce.

 

[37]      À mon avis, cette Cour a déjà clairement déterminé qu’il n’y a aucune crainte de partialité du fait que la décision CH et la décision ERAR aient été rendues par le même agent.

 

C.  Défaut d’évaluer la crainte alléguée en regard de la situation particulière de la demanderesse

[38]      La demanderesse soutient que c’est le cumul du fait qu’elle est une femme victime de violence et d’abus de la part de son mari, de l’absence de protection de l’État de la Guinée, de l’absence de soutien familial en Guinée, du fait qu’elle refuse de faire exciser sa fille et ce, à l’encontre de la tradition et des ordres de son mari, qui faisait en sorte qu’elle avait une crainte raisonnable de persécution. La demanderesse soutient que l’agent ERAR a fait défaut d’examiner l’impact cumulatif de tous ces facteurs qui mettaient la demanderesse à risque dans son pays de citoyenneté.

 

[39]      À ce sujet, je suis d’avis que les allégations de la demanderesse concernant l’absence de protection de l’État et l’absence de soutien familial sont générales, la demanderesse ne référant à aucune preuve significative à ce sujet.  De plus, les documents au dossier démontrent que la demanderesse principale a plusieurs frères et sœurs qui habitent toujours en Guinée.

 

[40]      Concernant les directives de la SPR, la demanderesse elle-même a souligné à bon droit que ces directives n’ont pas force de loi et qu’elles ont été conçues pour le cadre particulier des demandes d’asile et de leur audition devant la SPR. En effet, les directives sont émises par le président de la SPR en vertu de l’article 159 de la Loi et ne s’appliquent qu’à la SPR. La demanderesse ne peut donc correctement soutenir que l’agent, en procédant à l’étude de la demande ERAR, aurait dû appliquer et indiquer dans ses motifs ces directives de la SPR.

 

[41]      D’ailleurs, une lecture des motifs de la SPR démontre que cette dernière a bien considéré ces directives dans le cadre de l’audition de la demanderesse concernant sa demande d’asile, avant de conclure à l’absence totale de crédibilité de son récit.

 

 

 

D.  Risque personnalisé

[42]      Selon la demanderesse, l’agent a erré en droit en concluant que les demanderesses devaient prouver qu’elles étaient ciblées personnellement sans égard au bien-fondé de leur crainte découlant des risques pour les membres d’un groupe social particulier, soit celui des femmes.

 

[43]      Cependant, contrairement aux prétentions de la demanderesse, la preuve documentaire sur un pays est insuffisante en soi pour justifier une évaluation des risques de retour positive puisque le risque doit être personnel (Jarada c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 409, Rizkallah c. Canada (M.E.I.), 156 N.R. 1 et Sedarat v. Minister of Citizenship and Immigration, 2006 FC 805). Selon Moussaoui c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2004 CF 133, au paragraphe 33 :

. . . L'article 97 prévoit que le demandeur doit personnellement être exposé à ... soit une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant ... elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d'autres personnes originaires de ce pays ou qui s'y trouvent ne le sont généralement pas.

 

 

 

[44]      Comme l’a souligné l’agent dans ses motifs, bien que la pratique de l’excision soit courante en Guinée, cette situation en elle-même est insuffisante pour amener une détermination favorable. La demanderesse se devait d’établir un lien entre la situation actuelle dans son pays et sa situation personnelle et/ou celle de sa fille. L’agent ERAR n’a simplement pas été satisfaite que la demanderesse avait établi ce lien et n’a pas été convaincue que l’enfant serait personnellement à risque en Guinée.

 

 

E.  Le meilleur intérêt de l’enfant mineure Fatoumata

[45]      La demanderesse soutient que l’intervention de la Cour en l’instance est justifiée parce que les décisions ERAR et CH ignorent la situation particulière de la jeune Fatoumata qui serait à risque d’être soumise à l’excision en Guinée. De plus, l’agent n’a pas accordé l’attention et la sensibilité nécessaire à l’intérêt de l’enfant Fatoumata de demeurer au Canada, pays dans lequel elle s’est intégrée et où elle est à l’abri de l’excision (Ek c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2003 CFPI 526).

 

[46]      La demanderesse soutient qu’il est aussi du meilleur intérêt de l’enfant Fatoumata de ne pas retourner dans un environnement familial malsain où son père polygame violenterait et agresserait sa mère comme dans le passé.

 

[47]      À mon avis, il ressort de la décision ERAR que l’agent a pris en considération l’intérêt supérieur de Fatoumata. En effet, le motif principal allégué au soutien de la demande ERAR était justement le risque d’excision de Fatoumata et l’agent l’a analysé de façon complète et détaillée à la lumière de tous les facteurs et de l’ensemble de la preuve soumise.

 

[48]      Il ressortait clairement de la preuve soumise devant l’agent que la demanderesse, qui est âgée de 29 ans et qui a vécu en Guinée durant son jeune âge, n’a pas subi l’excision dans son pays parce que sa mère s’y aurait toujours objectée. De plus, la preuve démontrait que la demanderesse qui vivait au Gabon avec son mari et sa fille depuis 1992, avait fait plusieurs voyages dans divers pays sans que sa fille ne l’accompagne, et ce, malgré la crainte alléguée de son mari.

 

[49]      Dans la cadre de l’analyse de la demande ERAR, l’agent avait à déterminer si la demanderesse s’était déchargée de son fardeau de preuve d’établir qu’elle-même et sa fille encourent personnellement des risques tels que ceux prévus aux articles 96 et 97 de la Loi dans l’éventualité de leur retour en Guinée et c’est ce qu’elle a fait.

 

[50]      À mon avis, l’agent n’a fait aucune erreur et a adéquatement pris en considération l’intérêt supérieur de Fatoumata.

 

F.  Omission de considérer un nouvel aspect de la crainte de retour

[51]      La demanderesse soutient enfin que la lettre de sa sœur, Kankou Kaba, a apporté un nouvel élément de risque, soit celui de sa crainte de persécution en tant que membre de la famille Kaba et en tant que personne accusée par les autorités d’avoir financé le renversement du président de l’extérieur du pays. Cet aspect de la crainte de retour étant entièrement nouveau et n’ayant pas été invoqué lors de l’audience CISR-SPR, l’agent l’a complètement écarté.

 

[52]      La demanderesse ne peut certes pas reprocher à l’agent de ne pas avoir considéré et analysé un élément de risque qu’elle n’avait même pas allégué dans sa demande ERAR. L’agent, à cet égard, n’a pas davantage erré.

 

 

 

 

 

III.  Conclusion

[53]       Pour tous ces motifs, aucune erreur susceptible de révision judiciaire n’ayant été démontrée, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

                                                                                                            « Yvon Pinard »           

                                                                                                                    Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 25 septembre 2006

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-289-06

 

INTITULÉ :                                       DIENE KABA et FATOUMATA KABA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 23 août 2006

 

MOTIFS DE JUGEMENT :             Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 septembre 2006

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

 

Me Johanne Doyon

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

Me Patricia Deslauriers

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Johanne Doyon

Montréal (Québec)

 

POUR LA PARTIE DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LA PARTIE DÉFENDERESSE

 

 


 

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