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Date : 20070108

Dossier : T-997-03

Référence : 2007 CF 14

Ottawa (Ontario), le 8 janvier 2007

En présence de Monsieur le juge Blanchard

ENTRE

GEORGE FLYNN

demandeur

et

LE PROCUREUR GÉNÉRAL

DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Lors de son incarcération à l’établissement correctionnel de La Macaza, le demandeur George Flynn à vu suspendre ses visites contacts avec sa conjointe de fait.

 

1.         Introduction

[2]               La présente est une demande pour un bref de mandamus, en vertu des articles 18 et 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. (1985), ch. F-7, art. 1; 2002, ch. 8, art. 14, concernant la décision prise le 6 juin 2003 par le Commissaire du service correctionnel du Canada dans l’affaire d’un grief au troisième palier. Cette décision a confirmé la suspension des visites contacts du demandeur avec sa conjointe de fait, Elizabeth Boucher, pour une période indéterminée.

 

[3]               La présente demande vise à obtenir les ordonnances suivantes : une ordonnance annulant la décision du Commissaire du Service correctionnel du Canada; une ordonnance enjoignant le partage de l’information détenue par le Service correctionnel pour toutes les procédures entreprises concernant la décision prise par la Directrice de La Macaza de suspendre les visites contacts du demandeur et les décisions subséquentes du deuxième et troisième palier de maintenir ladite décision; et une ordonnance enjoignant le défendeur de corriger le dossier du demandeur afin de radier toute information erronée concernant les allégations portées contre le demandeur et sa conjointe de fait. Enfin on demande tout autre remède que la Cour jugera approprié.

 

[4]               À l’audience les parties ont informées la Cour que le demandeur n’est plus incarcéré à l’établissement de La Macaza, puisqu’il a purgé sa peine. Bien qu’il soit reconnu par les parties en cause que la demande principale de ce contrôle, notamment l’émission d’un bref de Mandamus, est maintenant sans intérêt pratique, ils demandent tout de même que la cour considère les prétentions des parties et tranche les questions en litige au mérite. On informe la cour que le demandeur aurait intenté une action civile contre la partie défenderesse devant cette cour et que l’action est présentement en suspend attendant le résultat de cette demande de contrôle judiciaire. Dans l’affaire R. c. Grenier, 2005 CAF 348, au paragraphe 20, la Cour d’appel fédérale a statué que «… le justiciable qui veut s’attaquer à une décision d’un organisme fédéral n’a pas le libre choix d’opter entre une procédure de contrôle judiciaire et une procédure d’action en dommages-intérêts : il doit procéder par contrôle judiciaire pour faire invalider la décision. » La Cour d’appel a aussi reconnu qu’une décision d’un organisme fédéral conserve sa force et son autorité légales, demeure juridiquement opérante et produit des effets légaux tant qu’elle n’a pas été invalidée. Alors, bien que la Cour ne soit pas en mesure d’émettre un bref de Mandamus dans les circonstances, il y a lieu de déterminer si une erreur révisable fut commise concernant la décision prise par la Directrice de La Macaza de suspendre les visites contacts du demandeur ainsi qu’aux deuxième et troisième paliers de maintenir ladite décision.

 

2.         Contexte factuel

[5]               Le demandeur a purgé une peine d’emprisonnement à l’établissement de La Mazaca, dans la province de Québec, a compté du mois d’avril 2002. Depuis son arrivée il jouissait de visites avec contact physique avec sa conjointe de fait, Mme Boucher. Le demandeur et Mme Boucher participaient également au programme de visites familiales privées (V.F.P.) de façon régulière.

 

[6]               Une enquête concernant le demandeur a été effectuée par M. Pilette, agent de renseignement de sécurité de l’établissement. Suite à une accumulation de renseignements provenant d’informateurs différents, le service de la sécurité préventive de l’établissement a obtenu l’autorisation de placer les conversations téléphoniques du demandeur sous écoute électronique. Cette autorisation a été donnée par la directrice de l’établissement, Mme Prévost.

 

[7]               Le défendeur prétend que l’information était à l’effet que le demandeur fait du prêt de tabac, des transactions d’argent et qu’il fait entrer des stupéfiants et de l’argent par le biais des visites familiales privées. Selon les informations, la conjointe du demandeur, Mme Boucher, était impliquée dans les activités illicites de celui-ci. Cette enquête a conclu que les activités illicites du demandeur et de Mme Boucher représentent un risque pour la sécurité de l’établissement.

 

[8]               Le demandeur et Mme Boucher nient les allégations qui leur ont été imputées.

 

[9]               Le 21 février 2003, le défendeur allègue que Mme Boucher a été rencontrée par l’agent de renseignements de sécurité et la gérante d’unité pour l’informer des motifs ayant conduit à la suspension des visites contacts. Elle a été avisée que son droit d’accès à l’établissement était suspendu jusqu’à ce que l’enquête soit terminée. Immédiatement après la rencontre avec Mme Boucher, le défendeur allègue que le demandeur a été rencontré et les mêmes informations lui ont été communiquées oralement, notamment les informations suivantes :

 

1.                  Il a fait l’objet d’une enquête de la sécurité préventive et d’écoute électronique;

 

2.                  Il était soupçonné d’avoir participé à des actes illicites avec l’aide de Mme Boucher, à savoir l’introduction de pilules, d’argent et de stupéfiants;

 

3.                  Il était aussi soupçonné de prêt de tabac et de transactions d’argent dans l’établissement.

 

[10]           Cependant, le demandeur prétend qu’il n’a obtenu aucun détail concernant cette information jusqu’au moment où son procureur en soit informer par lettre de la Directrice datée le 12 mars 2003.

 

[11]           En date du 26 février 2003, le résultat de l’enquête de sécurité a mené les autorités carcérales à conclure que les visites contacts entre le demandeur et Mme Boucher compromettaient la sécurité de l’établissement. Le 27 février 2003, le comité de visite a décidé que le privilège des visites contacts devait être retiré au demandeur et que seule la visite « guichet » serait autorisée. Mme Boucher a été avisée par lettre qu’une révision de la décision sera faite tous les six mois, tant que le risque subsistera.

 

[12]           Lors d’une fouille de la cellule du demandeur, les agents du Service correctionnel Canada (SCC) ont retrouvé le même type de pilules que Mme Boucher avait en sa possession lors de la rencontre du 26 février 2003, soit des Motrin 200 mg de couleur brune.

 

[13]           Depuis le 27 février 2003, le demandeur a rencontré Mme Boucher par le biais de visites « guichet » à de nombreuses occasions. Le 12 mars 2003, la directrice de La Mazaca a confirmé la suspension des visites contacts du demandeur ainsi que la suspension de sa participation aux programmes de visites familiales privées avec Mme Boucher de façon indéterminée. Le 13 mars 2003, un contrat de comportement a été proposé au demandeur, contrat que ce dernier a refusé de signer.

 

[14]           Le 6 mai 2003, la décision, quant à un grief au deuxième palier contre la décision de la directrice, a été rendue par le Sous-commissaire de région. Dans sa décision, ce dernier constate que les renseignements ont été scrupuleusement vérifiés et qu’ils ne laissent aucun doute quant à l’implication du demandeur et sa conjointe dans des activités illicites en établissement qui de plus sont de nature protégée. Il confirme la décision de la Directrice. Par la suite, le demandeur a déposé un grief au troisième palier.

 

[15]           Le 6 juin 2003, la décision au troisième palier a été rejetée pour les mêmes motifs que celles retrouvées dans la décision du deuxième palier. La décision a été reçue par le demandeur le 12 juin 2003.

 

[16]           Le demandeur allègue que la suspension des visites entre le demandeur et sa conjointe de fait a eu des conséquences néfastes sur leur santé.

 

3.         Questions en litige

 

A.        Le Service Correctionnel Canada a-t-il respecté l’équité procédurale lors du partage de renseignements qui ont donné lieu à la décision d’annuler les visites contacts entre le demandeur et Mme Boucher?

 

B.         Si oui, la décision est-elle manifestement déraisonnable dans les circonstances du présent dossier?

 

4.         Analyse

A.        Le Service Correctionnel Canada a-t-il respecté l’équité procédurale lors du partage de renseignements qui ont donné lieu à la décision d’annuler les visites contacts entre le demandeur et Mme Boucher?

 

[17]           Les articles pertinents de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi) et le Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (le Règlement) sont reproduits en annexe.

 

[18]           Le paragraphe 91(1) du Règlement prévoit la possibilité pour le directeur du pénitencier d’interdire ou de suspendre les visites d’un détenu. L’alinéa 91(2)b) est particulièrement pertinent en l’espèce. Il prévoit que « le directeur du pénitencier ou l'agent doit informer promptement le détenu et le visiteur des motifs de cette mesure et leur fournir la possibilité de présenter leurs observations à ce sujet ». Le paragraphe 27(1) de la Loi prévoit la communication des renseignements pertinents à un délinquant lors de la prise d’une décision. Cette disposition affirme que la personne chargée de rendre la décision doit communiquer au délinquant dans un délai raisonnable avant la prise de décision tous les renseignements entrant en ligne de compte ou un sommaire de ceux-ci. Cette disposition est sujette au paragraphe 27(3), qui prévoit que le commissaire peut autoriser le refus de communiquer des renseignements s’il a des motifs de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier.

 

[19]           Le demandeur maintient qu’il n’a obtenu aucun détail concernant les allégations pesant contre lui. Ce n’est que lorsque la demande de contrôle judiciaire a été initié que les détails des allégations pesant contre lui ont été divulguées.

 

[20]           Cependant, le défendeur soutient que lors de la rencontre du 21 février 2003, on aurait partagé oralement avec le demandeur les renseignements suivants :

 

1.         Il a fait l’objet d’une enquête de la sécurité préventive et d’écoute électronique;

 

2.         Il était soupçonné d’avoir participé à des actes illicites avec l’aide de Mme Boucher, à savoir l’introduction de pilules, d’argent et de stupéfiants;

 

3.         Il était aussi soupçonné de prêt de tabac et de transactions d’argent dans l’établissement.

 

[21]           Le demandeur prétend que les autorités ont l’obligation d’agir de façon équitable envers le détenu, et s’appuie sur la décision  Demaria c. Regional Classification Board, [1987] 1 F.C. 74. Une de ces obligations est celle de fournir suffisamment d’information au détenu de manière à lui donner une chance équitable de répondre aux allégations contre lui. La décision du juge Hugessen dans Demaria, aux pages 76 et 77, décrit cette obligation :

 

[…]La seule question qui se pose réellement en l'espèce porte sur l'objet de cette obligation. Cette question consiste plus particulièrement à savoir si l'appelant a été suffisamment informé des allégations formulées à son sujet et si on lui a donné une chance équitable d'y répondre.

 

[…]

 

[…]Si on exige qu'un avis soit donné à une personne contre laquelle on se propose d'agir, c'est pour permettre à celle-ci d'y répondre intelligemment. Lorsque la mesure projetée est contestée, une telle réponse consiste habituellement soit à nier ce qui est allégué soit à alléguer d'autres faits complétant le tableau ou les deux. Lorsque, comme c'est le cas en l'espèce, on n'entend pas tenir une audience ni conférer à la personne en cause le droit d'être mis directement en présence de la preuve présentée contre elle, il est particulièrement important que l'avis soit le plus détaillé possible ; sinon le droit d'y répondre devient tout à fait illusoire.[…]

 

 

[22]           En revanche, le défendeur soutient que les motifs du juge Nadon dans Cartier c. Canada (Procureur général), [1998] A.C.F. no 1211, s’applique en l’espèce. Dans ce jugement, le juge Nadon réfère aux pages 341 à 344 de la décision du juge Marceau, Gallant c. Canada (Sous-commissaire, Service correctionnel canada) (C.A.), [1989] 3 C.F. 329. Le savant juge explique que pour apprécier les conséquences pratiques du principe audi alteram partem il ne faut pas traiter de la même façon toutes les décisions administratives portant sur les détenus en milieu carcéral. Il écrit aux pages 342 et 343 :

 

Ces décisions sont non seulement différentes en ce qui a trait aux droits, privilèges ou intérêts personnels visés, ce qui peut entraîner différentes normes en matière de garanties procédurales, mais également, et c'est encore plus important, quant à leurs objectifs et à leur raison d'être, ce qui ne peut qu’influer sur le genre de renseignements que le détenu doit connaître afin que sa participation au processus décisionnel ait une portée réelle. Dans le cas d'une décision visant à imposer une sanction ou une punition à la suite d'une infraction, les règles d'équité exigent que la personne accusée dispose de tous les détails connus de l'infraction. Il n'en est pas de même dans le cas d'une décision de transfèrement rendue pour le bon fonctionnement de l'établissement et fondée sur la croyance que le détenu ne devrait pas rester où il est, compte tenu des questions que soulève son comportement. Dans un tel cas, il n'y a pas de raison d'exiger que le détenu dispose d'autant de détails relatifs aux actes répréhensibles dont on le soupçonne.

 

[23]           En l’espèce, nous traitons d’une atteinte alléguée à un droit aux visites contacts. Un droit prévu au paragraphe 90(1) du Règlement. Le Règlement prévoit aussi comment ce droit peut être limité ou affecté notamment aux alinéas 90(1)a) et b). Il faut que le directeur du pénitencier ait des motifs raisonnables de croire que la séparation est nécessaire pour la sécurité du pénitencier ou de quiconque et que la solution soit la moins restrictive.

 

[24]           Ici, les faits son tout autre que dans Gallant. Il ne s’agit pas de transfert de détenu. Bien que l’on puisse prétendre que la décision traite d’une question qui relève du bon fonctionnement de l’établissement, la décision affecte aussi d’une façon importante un droit établit et prévu dans le Règlement qui ne peut être affecté qu’en circonstances  particulières prévues elles aussi dans le Règlement. Compte tenu des intérêts personnels et droits visés en l’espèce, il n’y a pas lieu de limiter l’obligation du partage de renseignements en ce qui a trait aux détails relatifs aux actes répréhensibles dont on soupçonne le détenu. Je suis d’avis qu’il devrait disposer de suffisamment de renseignements afin que sa participation au processus décisionnel ait une portée réelle. Je suis d’avis que l’information partagée avec le demandeur en l’instance ne permet pas une telle participation. Je m’explique dans les paragraphes qui suivent.

 

[25]           La question en litige est à savoir si le service correctionnel a fourni au requérant, tel que le requiert l’article 27 de la Loi, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans la prise de la décision, ou un sommaire de ceux-ci.

 

[26]           En l’espèce l’information recherchée par le demandeur lui fut remise après le dépôt de cette demande de contrôle judiciaire mais bien avant la libération du demandeur de l’institution. Alors on ne peut dire que l’information n’aurait pu être divulguée avant la prise de décision en raison des motifs prévu au paragraphe 27(3) de la Loi, soit qu’il y des motifs de croire que les renseignements mettraient en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d’une enquête licite. En l’espèce il n’y a jamais eu question de refuser la divulgation des renseignements recherchés pour les motifs retrouvés au paragraphe 27(3) de la Loi. D’ailleurs, dans les rapports déposés en preuve, on retrouve rayés plusieurs passages considérés de nature renseignements à protéger. Cette preuve rayée ne fait pas l’objet de cette demande.

 

[27]           Le défendeur prétend plutôt qu’un sommaire approprié des renseignements fut partagé oralement avec le demandeur avant la prise de décision, lors de la rencontre du 21 février 2003. Selon le défendeur, ce sommaire suffisait dans les circonstances afin de donner au demandeur une chance équitable de répondre aux allégations contre lui.

 

[28]           Afin d’apprécier si le défendeur a effectivement respecté ses obligations de divulgations telles que prévues à l’article 27 de la Loi, il est utile de revoir les renseignements en question. 

 

[29]           La décision par de la Directrice de La Macaza de suspendre les visites contacts du demandeur avec sa conjointe de fait fut fondée sur des renseignements, entre autres, retrouvés dans le « Rapport sur les renseignements de sécurité » en date du 17 mars, 2003. Dans ce rapport, qui ne fut pas divulgué au demandeur avant la prise de décision, on retrouve l’information suivante :

 

« RRP 2003/01/08; Une source XXX, rencontre sont A.L.G. pour lui indiquer qu’il a une dette de tabacs envers le détenu FLYNN et que ce dernier exerce de la pression pour se faire payer en véhiculant auprès des autres détenus qu’il est un mauvais payeur. Il ajoute que FLYNN a acheté un dépanneur XXXX. Finalement la source indique que FLYNN va faire introduire du « pot » lors de sa prochaine V.F.P.

 

 

La source de cette information reçoit une cote de fiabilité, « fiabilité apparente ».

 

[30]           Au dossier on retrouve également le Rapport de renseignements protégés du 8 janvier, 2003, auquel on fait référence dans le « Rapport sur les renseignements de sécurité ». Le rapport du 8 janvier ne fut pas divulgué au demandeur avant la prise de décision. Dans ce rapport provenant aussi de source avec « fiabilité apparente »,  on retrouve l’information suivante :

 

LAMA 0389 m’indique que le détenu FLYNN SED : 132893A exerce de la pression à son égard. XXX LAMA 0389 avait une dette envers le détenu Flynn et LAMA 0389 en avait assez que le détenu Flynn ternisse son nom auprès des co-détenus en disant qu’il était un mauvais payeur. Ils avaient été avisés que tout deux se trouvaient impliqués dans des activités illicites (prêt et emprunt. Tous deux avaient convenus que cela ne se produirait plus et qu’ils ne parleraient pas l’un contre l’autre aux co-détenus. Aujourd’hui, LAMA 0389 rapporte que, à chacune des fois où il parle à un co-détenu, le détenu Flynn se présente et informe le co-détenu que LAMA 0389 est un mauvais payeur. Il affirme que le détenu Flynn aurait également fait passer le message à l’effet que LAMA 0389 est un mauvais payeur au sein de la population carcérale. De ce fait, il dit que les co-détenus l’évitent et l’interpellent par différents noms peu flatteur. Il dit que maintenant que Flynn l’a « sali » il refuse de lui payer la dette de 3 tabacs.

 

Il ajoute que, avant d’être placé en isolement préventif, le détenu XXX lui avait dit qu’il était pour le « collecter » en lui disant qu’il demeurerait à ses cotés lors de la cantine pour être certain qu’il paye sa dette envers Flynn. Le détenu Flynn lui aurait également dit la somme exacte de ses dépenses à la cantine et lui aurait dit qu’il devait lui rembourser les tabacs plutôt que de faire des dépenses. Lors de l’entretien, LAMA 0389 me dit que Flynn a passé à trois reprises devant le bureau d’entrevue en passant tout près de la fenêtre du bureau.

 

LAMA 0389 indique que Flynn va tenter de faire entre du « pot » lors de sa prochaine VFP. Il dit également que Flynn a fait l’achat du « dépanneur » qui appartenait à un détenu de race noir du pavillon C nommé XXX. Il dit que Flynn a plusieurs friandises tel que liqueurs, chips, chocolat, tabacs et qu’il en fait le prêt avec intérêts.

 

[31]           Le Rapport de renseignements protégés du 8 janvier, 2003 contient des informations importantes en ce qui a trait au trafique allégué de stupéfiants par le demandeur notamment que ce dernier allait introduire du « pot » lors de sa prochaine visite « V.F.P. » et particulièrement la source de cette information. L’information provenait du détenu Lama, qui selon ces propres déclarations en voulait au demandeur. Il va sans dire que la fiabilité d’une telle preuve pourrait être jugée suspecte. Le défendeur ne dispute pas le fait que cette information a été reçue et considérée par la Directrice de l’institution avant de rendre sa décision et ne dispute pas non plus le fait que l’information ne fut pas divulguée au demandeur avant la prise de décision. Le demandeur était ignorant de cette preuve. Il n’a donc eu aucune chance de le tester ou de présenter une preuve contraire. J’ajoute que le sommaire des renseignements partagé oralement par le défendeur ne contient aucun détail qui permettrait au demandeur de questionner la fiabilité de cette preuve et de se défendre. À mon avis, le sommaire en l’instance était nettement insuffisant et ne respectait aucunement l’obligation du défendeur de remettre « un sommaire » de tous les renseignements entrant en ligne de compte. Le demandeur n’avait aucune chance équitable de se défendre a l’encontre de ces allégations, qui de toute allure, semblent avoir fondées, du moins en partie, la décision de la Directrice de l’établissement.

 

[32]           Je suis d’avis que les renseignements non divulgués sont de nature suffisamment importante, compte tenue des intérêts en jeu dans la décision, qu’ils auraient dû être divulgués au demandeur avant la prise de décision, afin de lui permettre de se défendre raisonnablement. Le défendeur a donc manqué à ses obligations de divulgation prévue dans la Loi. Ce manquement fait en sorte que la Directrice de l’établissement n’a pas respecter l’équité procédurale avant de rendre sa décision.

 

[33]           Il en résulte, dû à ce manquement à l’équité procédurale, que la décision de la Directrice ainsi que les décisions subséquentes du deuxième et troisième palier de grief qui ont soutenu la décision de la Directrice doivent être cassées.

 

[34]           Compte tenu de ma conclusion sur la première question en litige, il n’y a pas lieu de traiter de la deuxième question. La Cour n’est pas en mesure de commenter la raisonnabilité de la décision dans les circonstances où l’on détermine que les principes d’équité procédurale n’ont pas été respectés.

 

[35]           L’affaire sera donc renvoyée pour être reconsidérée à la SCC mais devant une personne autorisée, autre que la Directrice de La Macaza. 


ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE que :

 

1.         Le contrôle judiciaire soit accordé.

 

2.         L’affaire soit renvoyée pour être reconsidérée à la SCC mais devant une personne autorisée autre que la Directrice de La Macaza. 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 


ANNEXE

 

 

 

La Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

Corrections and Conditional Release Act

 

 

27. (1) Sous réserve du paragraphe (3), la personne ou l’organisme chargé de rendre, au nom du Service, une décision au sujet d’un délinquant doit, lorsque celui-ci a le droit en vertu de la présente partie ou des règlements de présenter des observations, lui communiquer, dans un délai raisonnable avant la prise de décision, tous les renseignements entrant en ligne de compte dans celle-ci, ou un sommaire de ceux-ci.

 

(2) Sous réserve du paragraphe (3), cette personne ou cet organisme doit, dès que sa décision est rendue, faire connaître au délinquant qui y a droit au titre de la présente partie ou des règlements les renseignements pris en compte dans la décision, ou un sommaire de ceux-ci.

 

(3) Sauf dans le cas des infractions disciplinaires, le commissaire peut autoriser, dans la mesure jugée strictement nécessaire toutefois, le refus de communiquer des renseignements au délinquant s’il a des motifs raisonnables de croire que cette communication mettrait en danger la sécurité d’une personne ou du pénitencier ou compromettrait la tenue d’une enquête licite.

 

[…]

27. (1) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to make representations in relation to a decision to be taken by the Service about the offender, the person or body that is to take the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, a reasonable period before the decision is to be taken, all the information to be considered in the taking of the decision or a summary of that information.

 

 

 

 

 

 

(2) Where an offender is entitled by this Part or the regulations to be given reasons for a decision taken by the Service about the offender, the person or body that takes the decision shall, subject to subsection (3), give the offender, forthwith after the decision is taken, all the information that was considered in the taking of the decision or a summary of that information.

 

 

(3) Except in relation to decisions on disciplinary offences, where the Commissioner has reasonable grounds to believe that disclosure of information under subsection (1) or (2) would jeopardize

 

(a) the safety of any person,

 

(b) the security of a penitentiary, or

 

(c) the conduct of any lawful investigation,

 

the Commissioner may authorize the withholding from the offender of as much information as is strictly necessary in order to protect the interest identified in paragraph (a), (b) or (c).

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition

 

Corrections and Conditional Release Regulations

91. (1) Sous réserve de l'article 93, le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui peut autoriser l'interdiction ou la suspension d'une visite au détenu lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire :

 

a) d'une part, que le détenu ou le visiteur risque, au cours de la visite :

 

(i) soit de compromettre la sécurité du pénitencier ou de quiconque,

 

(ii) soit de préparer ou de commettre un acte criminel;

 

b) d'autre part, que l'imposition de restrictions à la visite ne permettrait pas d'enrayer le risque.

 

(2) Lorsque l'interdiction ou la suspension a été autorisée en vertu du paragraphe (1) :

 

a) elle reste en vigueur tant que subsiste le risque visé à ce paragraphe;

 

 

b) le directeur du pénitencier ou l'agent doit informer promptement le détenu et le visiteur des motifs de cette mesure et leur fournir la possibilité de présenter leurs observations à ce sujet.

 

 

91. (1) Subject to section 93, the institutional head or a staff member designated by the institutional head may authorize the refusal or suspension of a visit to an inmate where the institutional head or staff member believes on reasonable grounds

 

(a) that, during the course of the visit, the inmate or visitor would

 

 

(i) jeopardize the security of the penitentiary or the safety of any person, or

 

(ii) plan or commit a criminal offence; and

 

(b) that restrictions on the manner in which the visit takes place would not be adequate to control the risk.

 

(2) Where a refusal or suspension is authorized under subsection (1),

 

(a) the refusal or suspension may continue for as long as the risk referred to in that subsection continues; and

 

(b) the institutional head or staff member shall promptly inform the inmate and the visitor of the reasons for the refusal or suspension and shall give the inmate and the visitor an opportunity to make representations with respect thereto.

 

 

 

94. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui peut autoriser par écrit que des communications entre le détenu et un membre du public soient interceptées de quelque manière que se soit par un agent ou avec un moyen technique, notamment que des lettres soient ouvertes et lues et que des conversations faites par téléphone ou pendant les visites soient écoutées, lorsqu'il a des motifs raisonnables de croire :

a) d'une part, que la communication contient ou contiendra des éléments de preuve relatifs :

(i) soit à un acte qui compromettrait la sécurité du pénitencier ou de quiconque,

(ii) soit à une infraction criminelle ou à un plan en vue de commettre une infraction criminelle;

b) d'autre part, que l'interception des communications est la solution la moins restrictive dans les circonstances.

(2) Ni le directeur du pénitencier ni l'agent désigné par lui ne peuvent autoriser l'interception de communications entre le détenu et une personne désignée à l'annexe par un agent ou par un moyen technique, notamment l'ouverture, la lecture ou l'écoute, à moins qu'ils n'aient des motifs raisonnables de croire :

a) d'une part, que les motifs mentionnés au paragraphe (1) existent;

b) d'autre part, que les communications n'ont pas ou n'auront pas un caractère privilégié.

(3) Lorsqu'une communication est interceptée en application des paragraphes (1) ou (2), le directeur du pénitencier ou l'agent désigné par lui doit aviser le détenu, promptement et par écrit, des motifs de cette mesure et lui donner la possibilité de présenter ses observations à ce sujet, à moins que cet avis ne risque de nuire à une enquête en cours, auquel cas l'avis au détenu et la possibilité de présenter ses observations doivent être donnés à la conclusion de l'enquête

 

94. (1) Subject to subsection (2), the institutional head or a staff member designated by the institutional head may authorize, in writing, that communications between an inmate and a member of the public, including letters, telephone conversations and communications in the course of a visit, be opened, read, listened to or otherwise intercepted by a staff member or a mechanical device, where the institutional head or staff member believes on reasonable grounds

(a) that the communications contain or will contain evidence of

(i) an act that would jeopardize the security of the penitentiary or the safety of any person, or

(ii) a criminal offence or a plan to commit a criminal offence; and

(b) that interception of the communications is the least restrictive measure available in the circumstances.

(2) No institutional head or staff member designated by the institutional head shall authorize the opening of, reading of, listening to or otherwise intercepting of communications between an inmate and a person set out in the schedule, by a staff member or a mechanical device, unless the institutional head or staff member believes on reasonable grounds

(a) that the grounds referred to in subsection (1) exist; and

(b) that the communications are not or will not be the subject of a privilege.

(3) Where a communication is intercepted under subsection (1) or (2), the institutional head or staff member designated by the institutional head shall promptly inform the inmate, in writing, of the reasons for the interception and shall give the inmate an opportunity to make representations with respect thereto, unless the information would adversely affect an ongoing investigation, in which case the inmate shall be informed of the reasons and given an opportunity to make representations with respect thereto on completion of the investigation.

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                        T-997-03

 

INTITULÉ :                                       George Flynn c. Procureur général du Canada

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 5 décembre 2006

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :              le juge Blanchard

 

DATE :                                               le 8 janvier 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Diane Condo                                                                      POUR LE DEMANDEUR

1-866-464-7812

 

Me Dominique Guimond                                                           POUR LE DÉFENDEUR

1-514-283-4631

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Diane Condo                                                                      POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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