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Date : 20070116

Dossier : T-41-06

Référence : 2007 CF 35

Ottawa (Ontario), le 16 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE TREMBLAY-LAMER

ENTRE :

 

MARK DELISLE

demandeur

et

 

LE CONSEIL DES MOHAWKS DE KANESATAKE

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 18.1(1) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, d'une décision de l'arbitre Claude Lauzon rendue le 12 décembre 2005. L'arbitre a conclu qu'il ne pouvait pas conclure que M. Mark Delisle (le demandeur) avait été injustement congédié parce qu'il n'avait pas été « congédié » au sens de l'article 240 du Code canadien du travail, L.R.C. 1985, ch. L-2 (le Code).

 

LES FAITS

 

[2]               Le contexte suivant comprend les faits les plus pertinents qui ont donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[3]               En août 1999, le Conseil des Mohawks de Kanesatake (le Conseil, ou le défendeur) et les gouvernements du Canada et du Québec ont signé une entente qui créait officiellement le Service de police des Mohawks de Kanesatake (le Service de police), à la suite de la signature d'un accord provisoire en décembre 1996. Le document signé en 1999 s'intitulait « Entente concernant l'établissement et le maintien d'un corps de police à Kanesatake » (l'entente de 1999) et devait être en vigueur du 1er avril 1999 au 31 mars 2002 (article 3.1). Une disposition prévoyait la prorogation transitoire de l'entente au cours de la négociation de son renouvellement.

 

[4]               L'entente de 1999 a aussi créé la Commission de police des Mohawks de Kanesatake (la Commission), qui avait pour mandat de gérer le Service de police et qui était responsable, entre autres, de « toute décision relativement à l’embauche et le licenciement des employés du corps de police mohawk de Kanesatake » (article 5.3). L'entente précisait aussi que les membres du Service de police « exerceront leurs fonctions en tant qu’employés » du Conseil (article 4.5) et que le Conseil « sera seul responsable de la sélection et du recrutement » des policiers (article 4.6).

 

[5]               Dans une lettre datée du 23 avril 1998, le demandeur, M. Mark Delisle, s'est vu offrir un emploi au sein du Conseil comme policier, pour une période de soixante mois débutant le 21 mai 1997 et se terminant le 20 mai 2002, [traduction] « auquel moment le contrat se terminera automatiquement, à moins qu'il soit renouvelé par écrit ».

 

[6]               À la suite d'une réunion du Conseil au cours de laquelle la question des postes temporaires par rapport aux postes permanents avait été débattue, le Conseil a adressé une note à l'intention de la Commission le 3 août 2000 dans laquelle le Conseil recommandait à la Commission de donner le statut d'employé permanent à tous les agents du Service de police. Le Conseil a demandé à la Commission de rendre une décision par écrit au sujet de cette recommandation [traduction] « afin que les modifications nécessaires soient apportées aux dossiers des employés ».

 

[7]               Au cours d'une réunion le 14 décembre 2001, la Commission a adopté une résolution visant à donner aux agents le statut d'employés permanents. Le 23 mai 2002, la Commission a envoyé une note à divers agents du Service de police, notamment au demandeur, dans laquelle elle mentionnait que [traduction] « la recommandation a été transmise au Conseil des Mohawks de Kanesatake par l’entremise du Bureau du directeur du personnel. La décision entre en vigueur dès maintenant. »

 

[8]               Après la note de mai 2002, le demandeur a reçu une série de lettres qui l'avisaient de la prolongation de son contrat de travail pour diverses périodes précises. Ces lettres mentionnaient aussi le fait que son statut d'employé était à l’étude, mais qu'il serait avisé avant l'expiration de chaque prolongation de son contrat. Finalement, le demandeur a été avisé en avril 2003 que son contrat était prolongé pour un an et qu'il se terminerait donc le 31 mars 2004.

 

[9]               Le 31 mars 2004, l'entente de 1999 a pris fin et n'a pas été renouvelée. Le défendeur soutient qu'après l'expiration de l'entente, il n'était plus en mesure de faire fonctionner le Service de police faute de financement.

 

[10]           Le demandeur a déposé une plainte auprès du Conseil canadien des relations industrielles, en vertu de l'article 240 du Code, parce qu'il disait avoir été injustement congédié par le Conseil des Mohawks le 31 mars 2004. Un agent des affaires du travail a été chargé d'enquêter à ce sujet, mais comme les parties ne sont pas arrivées à une entente, une demande a été présentée pour qu'on renvoie l’affaire directement à l’arbitrage.

 

[11]           M. Claude Lauzon a été chargé d’examiner la question et de déterminer s'il s'agissait bien d'un congédiement injuste. Il a conclu que la jurisprudence était claire : avant qu’il puisse décider si le demandeur avait été injustement congédié ou non, il devait d'abord déterminer s'il y avait vraiment eu congédiement. M. Lauzon s'est exprimé ainsi :

La condition fondamentale pour l’exercice du droit reconnu par l’article 240 du Code canadien du travail est que la personne qui porte plainte ait été injustement congédiée. Avant même de décider si le congédiement était injuste, l’arbitre doit d’abord déterminer s’il y a vraiment eu congédiement.

 

[12]           À défaut de trouver une définition de « congédiement » dans le Code, M. Lauzon s'est fondé sur la jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d'appel fédérale selon laquelle le non-renouvellement d’un contrat à durée déterminée ne peut pas être qualifié de congédiement. Par conséquent, il a conclu que le demandeur ne pouvait pas porter plainte, parce qu'il n'avait pas été congédié, et il a rejeté la demande :

[...] le plaignant n’a jamais été congédié par le Conseil. On l’a simplement avisé que son contrat d’engagement, tel qu’extensionné, ne serait pas renouvelé à sa dernière échéance du 31 mars 2004. Vu ce qui précède, Monsieur Delisle n’était pas dans une situation qui lui permettait de se plaindre d’avoir été congédié injustement, étant donné qu’il n’a jamais été congédié.

 

Pour toutes ces raisons, la plainte est rejetée.

 

[13]           Le demandeur a présenté un avis de demande de contrôle judiciaire de cette décision le 10 janvier 2006.

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES APPLICABLES

 

[14]           Les dispositions légales applicables en l'espèce se trouvent à la partie III du Code, section XIV, qui porte sur le congédiement injuste :

240. (1) Sous réserve des paragraphes (2) et 242(3.1), toute personne qui se croit injustement congédiée peut déposer une plainte écrite auprès d’un inspecteur si :

 

240.(1) Subject to subsections (2) and 242.(3.1) any person

 

a) d’une part, elle travaille sans interruption depuis au moins douze mois pour le même employeur;

 

(a) who has completed twelve consecutive months of continuous employment by an employer, and

 

b) d’autre part, elle ne fait pas partie d’un groupe d’employés régis par une convention collective.

 

(b) who is not a member of a group of employees subject to a collective agreement,

may make a complaint in writing to an inspector if the employee has been dismissed and considers the dismissal to be unjust.

242. (1) Sur réception du rapport visé au paragraphe 241(3), le ministre peut désigner en qualité d’arbitre la personne qu’il juge qualifiée pour entendre et trancher l’affaire et lui transmettre la plainte ainsi que l’éventuelle déclaration de l’employeur sur les motifs du congédiement

242.(1) The Minister may, on receipt of a report pursuant to subsection 241(3), appoint any person that the Minister considers appropriate as an adjudicator to hear and adjudicate on the complaint in respect of which the report was made, and refer the complaint to the adjudicator along with any statement provided pursuant to subsection 241(1).

(3) Sous réserve du paragraphe (3.1), l’arbitre :

a) décide si le congédiement était injuste;

b) transmet une copie de sa décision, motifs à l’appui, à chaque partie ainsi qu’au ministre.

(3) Subject to subsection (3.1), an adjudicator to whom a complaint has been referred under subsection (1) shall

(3.1) L’arbitre ne peut procéder à l’instruction de la plainte dans l’un ou l’autre des cas suivants :

(3.1) No complaint shall be considered by an adjudicator under subsection (3) in respect of a person where

a) le plaignant a été licencié en raison du manque de travail ou de la suppression d’un poste;

(a) that person has been laid off because of lack of work or because of the discontinuance of a function; or

b) la présente loi ou une autre loi fédérale prévoit un autre recours.

(b) a procedure for redress has been provided elsewhere in or under this or any other Act of Parliament.

243. (1) Les ordonnances de l’arbitre désigné en vertu du paragraphe 242(1) sont définitives et non susceptibles de recours judiciaires.

243. (1) Every order of an adjudicator appointed under subsection 242(1) is final and shall not be questioned or reviewed in any court.

(2) Il n’est admis aucun recours ou décision judiciaire — notamment par voie d’injonction, de certiorari, de prohibition ou de quo warranto — visant à contester, réviser, empêcher ou limiter l’action d’un arbitre exercée dans le cadre de l’article 242.

 

(2) No order shall be made, process entered or proceeding taken in any court, whether by way of injunction, certiorari, prohibition, quo warranto or otherwise, to question, review, prohibit or restrain an adjudicator in any proceedings of the adjudicator under section 242.

 

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

 

[15]           La présente demande soulève les questions suivantes :

1. Quelle est la norme de contrôle applicable?

2. L'arbitre a-t-il commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas eu congédiement?

 

ANALYSE

 

1. La norme de contrôle

 

[16]           Le demandeur soutient que, malgré l'existence d'une disposition privative à l'article 243 du Code, la question de savoir s'il pouvait présenter une plainte en vertu de l'article 240 est une question de compétence et que la décision correcte est la norme de contrôle applicable.

 

[17]           Comme la Cour suprême l'a maintes fois déclaré : « la terminologie et la méthode de la question « préalable », « accessoire » ou « de compétence » [ont] été remplacées par [l’]analyse pragmatique et fonctionnelle ». L’accent est mis sur la disposition particulière invoquée et interprétée par le tribunal (arrêt Pushpanathan c. Canada, [1998] 1 R.C.S. 982, au paragraphe 28). Il n'est plus approprié de qualifier une question de « question de compétence » pour arriver directement à l’application de la décision correcte. « [Les cours] ne doivent sauter aucune étape de l’analyse pragmatique et fonctionnelle » (arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20, au paragraphe 21).

 

[18]           L'analyse pragmatique et fonctionnelle exige l'examen de quatre facteurs contextuels : 1) la présence ou l'absence dans la loi d'une disposition privative ou d'un droit d'appel; 2) l'expertise du tribunal par rapport à celle de la cour de révision relativement à la question en litige; 3) l'objet de la loi et en particulier de la disposition en cause; 4) la nature de la question : s'agit-il d'une question de droit, d'une question de fait ou d'une question mixte de fait et de droit? (arrêt Dr Q. c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19, au paragraphe 26; Ryan, précité, au paragraphe 27).

 

[19]           Le libellé non équivoque de la disposition privative qui figure à l'article 243 du Code, et qui a trait à l’arbitre nommé en vertu de l'article 242 du Code, reflète clairement l'intention du législateur de s’en remettre au plus haut point aux décisions de l'arbitre.

 

[20]           Dans le Code, le Parlement a exprimé l'intention de conférer « certaines compétences précises dans des domaines particuliers bien délimités » à différents décideurs (arrêt Postes Canada c. Pollard, [1994] 1 C.F. 652, au paragraphe 25). De ce fait, le Parlement a prévu différents degrés de retenue envers les arbitres nommés en vertu de différentes parties du Code.

 

[21]           L'expertise d'un arbitre à qui le ministre demande de trancher une question de congédiement injuste n'est pas particulièrement spécialisée, puisque le paragraphe 242(1) prévoit uniquement que « le ministre peut désigner en qualité d'arbitre la personne qu'il juge qualifiée ». Comme la Cour d'appel fédérale l'a énoncé dans Pollard, précité, « son expertise est beaucoup moins large que celle des membres du Conseil canadien des relations du travail ou d'un arbitre nommé en vertu de la partie I du Code ». De plus, un tel arbitre est nommé de façon ponctuelle et n'examine que les plaintes déposées par une catégorie limitée d'employés (paragraphes 240(1) et 242(3.1)) au sujet d'une seule question, soit le congédiement injuste (alinéa 242(3)a)) (Pollard, précité, au paragraphe 25). Par conséquent, je conclus que ceci signifie qu'un degré de retenue moins élevé est requis.

 

[22]           Un degré élevé de retenue est requis lorsque la décision de l'arbitre s'inscrit dans les paramètres définis de la question du « congédiement injuste ». Cependant, lorsque la décision porte sur la question préalable de la compétence de l'arbitre, il s'agit d'une question de droit et la Cour possède clairement une compétence relativement plus grande que celle de l'arbitre. Comme la Cour d'appel fédérale l'a affirmé au paragraphe 15 de l'arrêt Pollard, précité :

[…] il n'y a pas lieu de faire preuve de retenue à l'endroit du tribunal administratif ayant prononcé la décision, les cours de justice étant éminemment aptes à décider si le tribunal a excédé la compétence que lui confère sa loi habilitante.

 

[23]           La section sur le congédiement injuste du Code vise à offrir à l'employé qui autrement n'aurait pas accès à des mesures réparatoires et qui n'est pas protégé par une convention collective un recours « plus simple, plus rapide et moins coûteux » que celui auquel il aurait normalement accès (articles 240 à 246 du Code; Pollard, précité, au paragraphe 30) en cas de congédiement injustifié. Le Parlement a reconnu les failles de la common law en matière de congédiement injuste et a voulu assurer aux travailleurs qui relèvent de la compétence fédérale une protection accrue de leur emploi, semblable à celle des travailleurs syndiqués (décision Beothuk Data Systems Ltd., Division Seawatch c. Dean, [1998] 1 C.F. 433, au paragraphe 33). Ceci permet une résolution efficace et définitive de ces catégories de litiges en matière d'emploi, ce qui milite en faveur d'une plus grande retenue envers la décision de l'arbitre.

 

[24]           Les règlements de procédures entreprises en vertu de l'article sur le congédiement injuste du Code « ne demandent pas l’examen de vastes questions de politique générale. Au contraire, le rôle de l’arbitre consiste à régler les différends qui surgissent entre deux parties » (arrêt Voice Construction Ltd. c. Construction & General Workers' Union, Local 92, [2004] 1 R.C.S. 609, 2004 CSC 23, au paragraphe 28). Cela donne à penser que les conséquences que comporte la décision ont une faible portée et qu'il faut faire preuve d'une grande retenue. Le paragraphe 240(1) circonscrit expressément l'accès au processus de plainte et précise les critères d'admissibilité, notamment l'exigence selon laquelle l'employé doit avoir été congédié. Cette disposition, ainsi que le paragraphe 242(3.1), atteste l'intention du Parlement de limiter la compétence de l'arbitre par des paramètres précis. Les décisions prises à l’intérieur de ces paramètres sont habituellement axées sur les faits et les cours de révision doivent donc faire preuve d'une grande retenue à leur égard, alors qu’elles peuvent faire preuve de moins de retenue à l'égard des décisions qui portent sur la question préalable de compétence, comme je l'ai déjà mentionné.

 

[25]           La nature de la question en litige porte principalement sur la compétence, mais elle revêt un important caractère factuel. Comme question préalable, l'arbitre devait décider si les circonstances factuelles en l'espèce donnaient à penser que le demandeur avait été congédié. Il devait ensuite décider si M. Delisle était un employé permanent à ce moment ou si son contrat avait expiré. L'arbitre a tiré des conclusions principalement en examinant et en interprétant la preuve documentaire portant sur les conditions d'emploi du demandeur. En raison de la nature factuelle d'un tel examen, il faudrait normalement faire preuve d'une grande retenue lorsque l'application de la disposition aux faits en l'espèce relève des connaissances spécialisées de l'arbitre (Beothuk, précitée, au paragraphe 48).

 

[26]           Cependant, contrairement aux arbitres qui traitent des questions de conventions collectives et qui sont susceptibles d'avoir « plus d'expérience et d'expertise en ce qui concerne l'interprétation des conventions collectives » que les cours, ou aux affaires dans lesquelles l'arbitre traite une question qui relève de ses connaissances particulières et spécialisées, l'affaire en l'espèce nécessite l'interprétation de documents qui, essentiellement, peuvent être qualifiés de contrats, ce qui « relève clairement de l'expertise des tribunaux judiciaires » (Voice Construction, précité, au paragraphe 27). La décision de l'arbitre en l'espèce commanderait donc un degré de retenue nettement moins élevé.

 

[27]           En somme, après avoir examiné tous ces facteurs, je conclus que la décision raisonnable est la norme de contrôle applicable en l'espèce. Cependant, je suis consciente que la jurisprudence a tendance à privilégier la décision correcte pour le contrôle de l’« interprétation donnée par un arbitre des conditions préalables, énoncées dans la loi, concernant la régularité du dépôt d'une plainte aux termes du paragraphe 240(1)[...] » (Beothuk, précitée, au paragraphe 27; voir aussi Coderre c. La Société Radio-Canada, [2004] A.C.F. no 800, 2004 CF 639, au paragraphe 8; Lemieux c. Canada (Agent des affaires du travail, Développement des ressources humaines), [1998] 4 C.F. 65 (C.A.F.), au paragraphe 47). Je remarque que ces décisions étaient, pour l'essentiel, fondées sur une analyse relative à la « compétence », qui a été remplacée par l'analyse pragmatique et fonctionnelle, comme je l'ai déjà mentionné.

 

[28]           De toute façon, que la décision raisonnable ou la décision correcte soit appliquée au présent contrôle judiciaire, je suis convaincue que le résultat sera le même.

 

2. L'arbitre a-t-il commis une erreur en concluant qu'il n'y avait pas eu congédiement?

 

[29]           Après avoir examiné la preuve dont l'arbitre était saisi, et les motifs de sa décision, je conclus que la Cour n'a aucune raison d'intervenir, parce que la décision était correcte.

 

[30]           M. Lauzon a correctement noté qu’il devait examiner d’abord la question préalable du paragraphe 240(1) avant de pouvoir déterminer si le demandeur avait été injustement congédié. Par conséquent, l'arbitre a judicieusement examiné la preuve afin de déterminer si le demandeur était un employé permanent au moment pertinent ou si son contrat de travail avait simplement pris fin.

 

[31]           L'une des questions les plus importantes était de déterminer si la décision finale quant au statut du demandeur à titre d’employé revenait à la Commission ou au Conseil. M. Lauzon a cité l'article 5.3 de l'entente de 1999 qui régissait les responsabilités de la Commission, qui comprenaient « [...] toute décision relativement à l'embauche et le licenciement des employés du corps de police [...] ». Il a aussi cité l'article 5.1, qui prévoyait que le Conseil « [...] maintiendra le Comité de sécurité publique de Kanesatake [la Commission] [...] imputable devant le Conseil de l'orientation du corps de police mohawk de Kanesatake [...] » au sujet, entre autres, de l'administration du Service de police.

 

[32]           L'arbitre a mentionné une résolution de la Commission du 27 août 2002 dans laquelle elle recommandait [traduction] « au Conseil des Mohawks de reconduire au 31 mars 2003 les contrats des policiers de Kanesatake visés [...] » et que [traduction] « lorsque la nouvelle entente sera signée, les policiers de Kanesatake susmentionnés deviendront des employés permanents du Conseil des Mohawks de Kanesatake ». Je note qu'à cette époque, l'entente de 1999 devait prendre fin le 31 mars 2003. L'arbitre a correctement conclu que la résolution n'était qu'une recommandation conditionnelle à la signature d’une nouvelle entente, et la confirmation du statut du demandeur à titre d’employé temporaire.

Je ne vois là-dedans qu’une recommandation conditionnelle à l’adoption d’une nouvelle entente tripartite. On y confirme le statut contractuel du plaignant et des autres officiers de police. 

 

[33]           L'arbitre a conclu que la résolution faisait état du fait que la Commission reconnaissait l'autorité du Conseil en matière de détermination du statut des policiers, quelles qu’aient été les responsabilités et la compétence reconnues à la Commission.

La Commission […] y reconnaît l’autorité du Conseil, quelles que soient les responsabilités et prérogatives reconnues à la Commission. En dernier ressort, c’était au Conseil qu’était reconnue la compétence pour la détermination du statut des membres du corps de police.

 

 

[34]           Je suis d'accord avec M. Lauzon que, bien que l'entente de 1999 donne à la Commission le pouvoir de prendre des décisions au sujet de l'embauche et du congédiement, la résolution du 27 août 2002 démontre que la décision de la Commission devait être approuvée par le Conseil pour prendre effet. Ceci, ainsi que de nombreuses autres preuves que l'arbitre a mentionnées, démontre clairement que le Conseil avait le pouvoir absolu d'approuver ou de rejeter la recommandation de la Commission.

 

[35]           Dans sa décision, l'arbitre a aussi fait référence au compte rendu de la réunion du Conseil du 29 janvier 2002, duquel cette interprétation du pouvoir du Conseil quant au statut d'employés des policiers ressort également :

[traduction] [...] les policiers ne deviendront pas des employés après l'expiration de leur contrat en mai 2002. Aucune permanence d'emploi ne sera offerte à ces policiers [...] [cependant] certains d'entre eux seront réembauchés par contrat. Une résolution du Conseil de Bande sera préparée en ce sens.

 

[36]            L'arbitre a aussi fait référence à des lettres du 14, 16 et 23 mai 2002 et du 17 décembre 2002, qui affirmaient toutes que les recommandations de la Commission au sujet de l'emploi seraient présentées au Conseil. Cette interprétation du pouvoir du Conseil est aussi compatible avec le fait que le contrat initial de 60 mois avait été signé par le Conseil, ce qui prouve bien que c’est lui qui avait le pouvoir en matière d'embauche et le fait que l'offre d'avril 1998 était expressément une [traduction] « [...] offre d'emploi auprès du Conseil des Mohawks de Kanesatake ».

 

[37]           Tous ces faits démontrent clairement que c’est le Conseil qui avait le pouvoir d'autorisation en matière d'embauche et de congédiement et étayent les conclusions de l'arbitre à ce sujet. Compte tenu de ce qui précède, l'arbitre avait-il raison de conclure que le statut du demandeur n'avait pas changé?

 

[38]           Le demandeur est d'avis que son statut d'employé a changé lorsqu'il a reçu la note du Conseil du 3 août 2000, dans laquelle il était écrit que [traduction] « le Conseil recommande à la Commission de donner le statut d'employé permanent à tous les agents du Service de police ». À mon avis, M. Lauzon a eu raison de conclure que la preuve ne permettait pas d'affirmer que le Conseil avait appliqué le changement de statut :

·        le témoignage de la chef Marie Chéné l'a convaincu que, bien que le Conseil eût recommandé que le statut d'employé permanent soit donné aux agents, cette recommandation n'a jamais été appliquée;

·        la lettre du Conseil du 19 décembre 2002 n’effectuait pas un changement de statut, mais informait plutôt le demandeur du fait que la question était en attente, puisque le Conseil y déclarait que [traduction] « avant la fin de votre contrat, vous serez avisé de votre statut d’employé [...] »;

·        avant la fin de ce contrat, le demandeur a reçu dans une lettre datée du 17 mars 2003, la décision du Conseil à ce sujet : la permanence ne serait pas accordée;

·        la note du 1er avril 2003 de la Commission informait le demandeur de la prolongation de son contrat pour un an, qui prendrait fin le 31 mars 2004;

·        le contrat de travail du demandeur a pris fin le 31 mars 2004.

 

[39]           En somme, l'arbitre a eu raison de conclure que le non-renouvellement du contrat à durée déterminée du demandeur ne constituait pas un congédiement au sens du Code.

 

CONCLUSION

 

[40]           Pour ces motifs, l'intervention de la Cour au sujet de la décision contestée n'est pas justifiée. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée, et il n'y aura pas d'adjudication des dépens.

 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

 

« Danièle Tremblay-Lamer »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-41-06

 

INTITULÉ :                                       Mark Delisle

 

                                                            c.

 

                                                            Le Conseil des Mohawks de Kanesatake

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 13 décembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LA JUGE TREMBLAY-LAMER

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 16 janvier 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Janet Michelin

 

POUR LE DEMANDEUR

Claire Brassard

Thomas Cliche

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Irving Mitchell Kalichman LLP

4119, rue Sherbrooke Ouest

Westmount (Québec)

H3Z 1A7

 

POUR LE DEMANDEUR

Mercier Leduc, LLP

164, rue Notre-Dame Est

Montréal (Québec)

H2Y 1C2

 

 

 

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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