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Date :  20070125

Dossier :  IMM-2639-06

Référence :  2007 CF 83

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2007

En présence de Monsieur le juge Beaudry 

 

ENTRE :

MOHAMED MAOULOUD AHMED SALEM OULD

demandeur

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, c. 27 (la Loi), d'une décision rendue le 10 avril 2006 par l’agent d’immigration, Olivier Perreault, du ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le tribunal), rejetant la demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR).

 

I.         Questions en litige

[2]               Ce dossier soulève plusieurs questions en litige qui se résument ainsi :

a)   Est-ce que le tribunal a erré dans son évaluation de la preuve et des risques en concluant que les documents soumis par le demandeur ne constituaient pas de la nouvelle preuve selon le paragraphe 113a) de la Loi?

b)   Est-ce que le tribunal a erré en concluant que le risque identifié par le demandeur n’était pas un risque personnel?

c)      Est-ce que le tribunal a eu tort de prendre en considération dans son analyse le changement de régime en Mauritanie?

d)      Est-ce que le tribunal a erré en droit en privant le demandeur du droit d’être entendu en vertu du paragraphe 113b) de la Loi?

 

[3]               La réponse à chacune de ces cinq questions est négative. Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée pour les motifs suivants.

 

II.        Contexte factuel

[4]               Issu d’une famille d’esclaves en Mauritanie, le demandeur arrive au Canada le 25 juillet 2002 et revendique le statut de réfugié après avoir abandonné une demande d’asile aux États-Unis. Or, le demandeur avait foulé le sol américain le 4 mars 2000 avec un visa touristique et n’avait revendiqué le statut de réfugié que quatre mois plus tard.

 

[5]               C’est ce délai et de nombreuses questions de crédibilité portant aussi bien sur des omissions que sur des contradictions dans son récit, qui est à la base du rejet de sa demande initiale au Canada. Le 1er octobre 2004, le juge Yvon Pinard refuse la demande de contrôle judiciaire de cette décision.

 

[6]               Le 20 janvier 2005, le demandeur dépose une demande de dispense de visa pour des considérations humanitaires (CH). Le 9 juin de la même année, il dépose une demande ERAR. Au soutien de cette demande, il produit 19 documents en guise de nouvelles preuves pour appuyer les risques posés par le retour éventuel dans son pays :

1.      Article de Liberté-Égalité-Humanité : « Esclavage et propagande défensive en Mauritanie : Note de synthèse » (2005);

 

2.      Article de la Convergence Républicaine pour l’Instauration de la Démocratie en Mauritanie (CRIDEM) : « What’s At Stake! Help Free the Mauritania Three » (14 mars 2005);

 

3.      Communiqué de presse de CRIDEM : Enlèvement d’opposants mauritaniens en Gambie » (02 juin 2005);

 

4.      Article de CRIDEM : « Le point sur les arrestation [sic] en Mauritanie » (19 mai 2005);

 

5.      Article de Walfadjiri : « Mauritanie : Une esclave délivrée de ses maîtres » (16 mars 2005);

 

6.      Article de BBC News : « Slavery : Mauritania’s best kept secret » (13 décembre 2004);

 

7.      Article de IRIN News : « Mauritanie : Condamnation à perpétuité, mais pas de peine capitale pour les putschistes » (04 février 2005);

 

8.      Article de IRIN News : « Mauritanie : Un ancien maire placé en détention secrète » (12 janvier 2005);

 

9.      Article de Le Monde : « Accrochage meurtrier dans le Nord-Est de la Mauritanie » (05 juin 2005);

 

10.  Déclaration de la Fondation mauritanienne pour la démocratie : « Moratoire International sur les violations perpétuelles des droits de l’Homme en Mauritanie » (05 juin 2005);

 

11.  Article d’Amnesty International : « Maurianie [sic] – Vague d’arrestation d’opposants politiques et d’imams » (18 mai 2003);

 

12.  Communiqué de presse de Amnesty International : AFR 38/007/00 (Craintes pour la sécurité/mauvais traitements) (28 novembre 2000);

13.  « Acknowledgement of Receipt » du Department of Immigration and Naturalisation (08 juillet 2000);

 

14.  Résumé de jugement ou arrêt du Ministère de Justice de la Mauritanie (23 juillet 2003);

 

15.  Carte de membre du parti de l’Union des Forces Démocratiques (UFD) (01 février 1992);

 

16.  Lettre de Liberté-Egalité-Humanité (03 novembre 2003);

 

17.  Lettre du Harateen Institute for Research and Development (23 octobre 2003);

 

18.  Lettre de SOS Esclaves (05 janvier 2005);

 

19.  Lettre de la Mauritanian Foundation for Democracy (10 janvier 2005).

 

 

[7]               Le 10 avril 2006, le tribunal rend deux décisions négatives à l'égard des demandes CH et ERAR. Le 24 août 2004, le juge Simon Noël rejette la demande d’autorisation du contrôle judiciaire à l’encontre de la décision CH. La présente demande de contrôle judiciaire concerne la décision du rejet de la demande ERAR.

 

III.      Décision contestée

[8]               Le tribunal conclut que le demandeur ne risque pas d’être torturé ou persécuté, ou voir sa vie menacée, s’il est  retourné en Mauritanie. Les risques évoqués ont déjà été jugés sans fondement lors de sa demande initiale et il n’apporte rien de nouveau qui puisse justifier une décision favorable.

 

[9]               Au sujet des nouveaux éléments de preuve (les pièces 1 à 19 précitées), le tribunal déclare qu'ils ne  rencontrent pas les exigences du paragraphe 113a) de la Loi, parce qu’ils sont antérieurs à la date de la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Il faut noter cependant que les pièces 16 et 17 portent une date postérieure à cette décision.

 

[10]           En ce qui concerne les éléments de preuve postérieurs à la date de la décision CISR,

soit les pièces 1 à 10, 18 et 19, le décideur ne considère pas qu'il s'agit de la nouvelle preuve car le demandeur aurait pu les obtenir et les déposer avant l'audition devant la CISR.

 

[11]           Pour ce qui est des documents 18 et 19, le tribunal mentionne ceci :

[…] Ces preuves n’ont pas été fournies antérieurement pour la simple raison que le demandeur était de l’opinion qu’ayant une carte de l’UFD, il n’avait pas à fournir davantage sur ses activités politiques au moment de son audience devant la CISR.

 

IV.      Législation pertinente

[12]           L'article 113 de la Loi se lit comme suit :

Examen de la demande

113. Il est disposé de la demande comme il suit :

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

Consideration of application

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

[13]           Les articles 161 et 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, [DORS/2002-227] soulignent les facteurs à considérer dans l’application de l’alinéa 113b).

Observations

161. (1) Le demandeur peut présenter des observations écrites pour étayer sa demande de protection et peut, à cette fin, être assisté, à ses frais, par un avocat ou un autre conseil.

 

Nouveaux éléments de preuve

(2) Il désigne, dans ses observations écrites, les éléments de preuve qui satisfont aux exigences prévues à l’alinéa 113a) de la Loi et indique dans quelle mesure ils s’appliquent dans son cas.

 

Facteurs pour la tenue d’une audience

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise :

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

Submissions

161. (1) A person applying for protection may make written submissions in support of their application and for that purpose may be assisted, at their own expense, by a barrister or solicitor or other counsel.

New evidence

(2) A person who makes written submissions must identify the evidence presented that meets the requirements of paragraph 113(a) of the Act and indicate how that evidence relates to them.

 

Hearing — prescribed factors

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant's credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

[14]           Il convient de citer aussi les articles 96 et 97 de la Loi :

Définition de « réfugié »

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

 

Personne à protéger

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

Personne à protéger

(2) A également qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et fait partie d’une catégorie de personnes auxquelles est reconnu par règlement le besoin de protection.

Convention refugee

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

Person in need of protection

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

 

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

Person in need of protection

(2) A person in Canada who is a member of a class of persons prescribed by the regulations as being in need of protection is also a person in need of protection.

 

 

V.      Analyse

Norme de contrôle

[15]           Les arguments soulevés par le demandeur comportent plusieurs normes de contrôle. À cet égard, j’adopte l’analyse de la juge Eleanor Dawson qui était confrontée à une affaire similaire dans Demirovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1284, [2005] A.C.F. no 1560 (C.F.) (QL). Aux paragraphes 23 et 24, elle écrit :

En ce qui concerne la norme de contrôle applicable aux décisions des agents d'ERAR, dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 540 (1re inst.), au paragraphe 19, le juge Mosley, après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, a conclu que "la norme de contrôle applicable aux questions de fait devrait être, de manière générale, celle de la décision manifestement déraisonnable; la norme applicable aux questions mixtes de fait et de droit, celle de la décision raisonnable simpliciter; et la norme applicable aux questions de droit, celle de la décision correcte". Le juge Mosley a aussi souscrit à l'observation du juge Martineau dans la décision Figurado c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 458 (1re inst.), au paragraphe 51 : lorsque la décision d'un agent d'ERAR est examinée "globalement et dans son ensemble", la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Cette jurisprudence a été suivie par la juge Layden-Stevenson dans la décision Nadarajah c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 895 (1re inst.), au paragraphe 13. Pour les motifs exposés par mes collègues, je reconnais que telle est la formulation correcte de la norme de contrôle applicable.

 

Lorsqu'elle applique la norme de la décision raisonnable simpliciter, la cour saisie de la demande de contrôle doit vérifier si la décision en cause est étayée par des motifs qui eux-mêmes reposent sur des preuves solides. Est déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un "examen assez poussé"; la cour saisie de la demande de contrôle doit conclure que les conclusions tirées découlent logiquement des preuves (voir l'arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, au paragraphe 56). La décision n'est déraisonnable que si "aucun mode d'analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener le tribunal, au vu de la preuve, à conclure comme il l'a fait" (voir l'arrêt Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au paragraphe 55). Une décision peut satisfaire à la norme du raisonnable si elle est fondée sur une explication défendable, même si elle n'est pas convaincante aux yeux de la cour saisie de la demande de contrôle.

 

 

Est-ce que le tribunal a erré dans son évaluation de la preuve et des risques en concluant que les documents soumis par le demandeur ne constituaient pas de la nouvelle preuve selon le paragraphe 113a) de la Loi? 

 

[16]           L’agent ERAR était appelé à vérifier si les documents soumis rencontraient les exigences du paragraphe 113a) de la Loi. Il s’agit donc d’une question mixte de fait et de droit. La norme de contrôle est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[17]           Les parties acceptent que seules les pièces 16 à 19 soient en cause, soit quatre lettres d’organisations non-gouvernementales (ONG) qui traitent de l’engagement personnel du demandeur dans des activités politiques dans son pays. Le demandeur prétend que le tribunal a erré en concluant que ces lettres ne constituaient pas de la nouvelle preuve parce qu’elles sont postérieures à la décision.

 

[18]           Le défendeur pour sa part est d’avis qu’il était raisonnable pour le tribunal de rejeter ces documents car ils étaient accessibles avant l'audition devant la CISR.

 

 

[19]           Je suis satisfait que le tribunal n’a pas erré dans son interprétation des exigences du paragraphe 113a). Les pièces 16 à 19 soumises par le demandeur ne démontrent pas d’éléments de risques nouveaux et il n'était pas déraisonnable de conclure que ces documents étaient aussi accessibles avant l’audition.

 

Est-ce que le tribunal a erré en concluant que la nature du risque identifié par le demandeur n’était pas un risque personnel?

 

[20]           Le demandeur allègue que le tribunal a erré en droit en exigeant que le demandeur démontre un risque personnalisé de persécution en Mauritanie. Le demandeur prétend que la documentation sur l’état de la situation dans son pays tel que décrit dans les articles de presse devrait suffire à établir le climat néfaste et les risques réels pour le demandeur. Pour sa part, le défendeur répond que la preuve documentaire générale sur les activités politiques ou anti-esclavagistes ne peut à elle seule établir le bien-fondé de la demande de protection tant en vertu de l’article 96 que de l’article 97 de la Loi.

 

[21]           Dans Jarada c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 FC 409, [2005] A.C.F. no 506 (C.F.) (QL), le juge Yves de Montigny mentionne ceci au paragraphe 28 :

Ceci étant dit, l'appréciation du risque que pourrait courir le demandeur d'être persécuté s'il devait être retourné dans son pays doit être personnalisé [sic]. Ce n'est pas parce que la preuve documentaire démontre que la situation dans un pays est problématique du point de vue du respect des droits de la personne que l'on doit nécessairement en déduire un risque pour un individu donné (Ahmad c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 995 (C.F.); Gonulcan c. M.C.I., [2004] A.C.F. no. 486 (C.F.); Rahim c. M.C.I., [2005] A.C.F. no 56, 2005 CF 18 (C.F.).

 

[22]           Dans Sinora c. Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 725 (C.F. 1ère inst.) (QL), le juge Marc Noël écrit au paragraphe 5 :

À mon avis la demande du requérant est tout à fait sans fondement. Il est bien établi qu'un requérant doit démontrer une crainte objective et subjective de persécution. En l'occurrence, il n'était pas suffisant de simplement déposer de la preuve documentaire. Il fallait tout au moins démontrer que le requérante lui-même avait une crainte réelle de persécution. En l'absence de cette preuve, les membres de la Section étaient en droit de conclure comme ils l'ont fait.

 

[23]           Cette jurisprudence est tout à fait pertinente dans la cause sous étude. Le demandeur devait établir un lien entre les conditions dans son pays et sa situation personnelle, ce qui n'a pas été fait. Il convient de signaler le passage de la décision contestée à ce sujet, à la page 5 :

Les documents #1 à #10 ne traitent pas du cas spécifique du demandeur et ne démontrent pas qu’il est exposé aux risques qu’il invoque. En l’espèce, il ne s’est pas déchargé du fardeau de démontrer qu’il est personnellement exposé aux risques qu’il invoque ou de corroborer les faits qui sous-tendent ces risques. Spécifiquement, il n’a pas démontré qu’il était membre de l’organisation El-Hor ou du Parti AC, qu’il était un militant anti-esclavagiste au sein d’El Hor ou des partis AC et UFD, qu’il a été arrêté par la police avant son départ de la Mauritanie ou qu’il y est présentement recherché à cause de cet activisme. Conséquemment, je conclu qu’il n’y a pas plus qu’une simple possibilité qu’il soit exposé aux risques qu’il invoque. […]

Est-ce que le tribunal a eu tort de prendre en considération dans son analyse le changement de régime en Mauritanie?

 

[24]           Le demandeur reproche au tribunal le fait d’avoir considéré le changement de régime qui a eu lieu en Mauritanie le 3 août 2005 suite à un coup d’état. Selon le demandeur rien n'a changé malgré l'amnistie prononcée par le nouveau président le 5 septembre de la même année.

 

[25]           Le défendeur plaide que le tribunal a eu raison de considérer ce changement comme important bien que les conditions sociales et économiques soient toujours pénibles.

 

[26]           La Cour est d'accord avec le tribunal lorsqu'il se réfère aux changements survenus en 2005 d'autant plus que toutes les pièces soumises dataient de la période qui précédait ce changement et mentionnait des atrocités commises sous la dictature Taya. Il n'y a pas matière à intervention ici.

 

Est-ce que le tribunal a erré en droit en privant le demandeur du droit d’être entendu en vertu du paragraphe 113b) de la Loi?

 

[27]           Pour répondre à cette question, le tribunal devait vérifier si les conditions de l'article 167 du Règlement étaient rencontrées. Le tribunal n'a tiré aucune conclusion sur la crédibilité du demandeur mais a plutôt constaté que la nouvelle preuve et les documents soumis ne lui permettaient pas de donner une réponse favorable à ce dernier. Suite à la lecture des documents et de la décision, la Cour constate qu'effectivement il n’y a pas eu de conclusions négatives retenues concernant la crédibilité du demandeur. Au sujet d'une entrevue, il convient de citer le juge Edmond Blanchard dans Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 16, [2006] A.C.F. no 8 (C.F.) (QL) au paragraphe 77 :

 

 

Les demandeurs d'asile déboutés ont aussi la possibilité de demander qu'un examen des risques avant renvoi soit effectué : articles 112 à 115 de la LIPR. La procédure applicable aux demandes d'ERAR et celle régissant les demandes d'asile sont cependant différentes. Ainsi, un demandeur débouté qui demande un ERAR ne peut présenter que des "éléments de preuve survenus depuis le rejet" de sa demande d'asile -- en d'autres termes, des éléments de preuve qui n'avaient pas pu être présentés à la Section -- et une audience n'est tenue que dans des circonstances très limitées. De plus, les décisions relatives à un ERAR ne sont pas rendues par un tribunal administratif indépendant, mais par des agents de Citoyenneté et Immigration Canada.

 

[28]           Les parties n’ont pas soulevé de question à certifier et ce dossier n’en contient aucune.


 

                                                                  JUGEMENT

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée sans frais. Aucune question n’est certifiée.

 

« Michel Beaudry »

Juge

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2639-06

 

INTITULÉ :                                       MOHAMED MAOULOUD AHMED SALEM OULD

ET MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                           L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 10 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              Le juge Beaudry

 

DATE DES MOTIFS :                      le 25 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

L’avocat au dossier n’a pas comparu                            POUR LE DEMANDEUR

 

 

Patricia Deslauriers                                                       POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Doyon & Associés                                                       POUR LE DEMANDEUR

Montréal (Québec)

 

John Sims, c.r.                                                              POUR LA DÉFENDERESSE 

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

 

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