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Date : 20070125

Dossier : IMM-2771-06

Référence : 2007 CF 64

Ottawa (Ontario), le 25 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

JACQUES ÉTIENNE

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

 

Introduction

[1]               En l’espèce, il n’y a certainement aucune preuve que la commissaire ressentait la pression exercée par « la haute direction » de se conformer aux Directives no 7. Il s’agit en fait de déterminer si la présomption selon laquelle les Directives doivent être appliquées à moins qu’il existe « des circonstances exceptionnelles ou impérieuses », pour reprendre les termes des Directives, entrave le pouvoir discrétionnaire du commissaire de décider de la meilleure procédure à suivre, ce qui rendrait alors l’audience inéquitable.

 

(Hossain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 892, [2006] A.C.F. no 1131 (QL))

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), d'une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) rendue le 10 mai 2006, par laquelle la Commission a conclu que le demandeur n'était pas un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger, au sens de l'article 96 et du paragraphe 97(1) de la LIPR.

 

LE CONTEXTE

[3]               Le demandeur, M. Jacques Étienne, est un citoyen d'Haïti de 51 ans. Son épouse et son enfant habitent aux États-Unis depuis 1999.

 

[4]               Le 15 août 2004, M. Étienne a gagné un million de gourdes dans le cadre d'une loterie organisée par une banque. Sa photo et son nom, ainsi que les photos et les noms des autres gagnants, ont été publiés dans les journaux.

 

[5]               M. Étienne soutient qu'en septembre 2004, il a commencé à recevoir des appels téléphoniques au cours desquels on lui a demandé de l'argent. On aurait menacé de l'enlever ou de le tuer s'il ne se pliait pas aux exigences.

 

[6]               Après cet incident, M. Étienne a obtenu un visa de visiteur pour le Canada. Il est arrivé au Canada le 29 janvier 2005. Au point d'entrée, il a déclaré à l'agent des visas qu'il venait au Canada pour se faire traiter pour une déficience auditive.

 

[7]               Le 29 juin 2005, avant l'expiration de son visa de visiteur, M. Étienne a présenté une demande d'asile en vertu des articles 96 et 97 de la LIPR.

 

LA DÉCISION FAISANT L'OBJET DU PRÉSENT CONTRÔLE

[8]               La Commission a conclu que la demande de M. Étienne n'avait aucun lien avec un des motifs de la Convention, ce qui est nécessaire pour qu'il soit reconnu comme réfugié au sens de la LIPR. D'après la Commission, le fait d'acquérir une fortune ou de gagner à la loterie ne constitue pas une appartenance à un groupe social. De plus, la Commission a conclu que le renvoi de M. Étienne en Haïti ne l'exposerait pas personnellement à une menace à sa vie ou à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités.

 

LES QUESTIONS EN LITIGE

[9]               Les questions en litige en l'espèce sont les suivantes :

1)      La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demande du demandeur ne pouvait pas être fondée sur l'article 96 de la LIPR?

2)      La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la preuve documentaire et, par conséquent, sa conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas exposé à un risque au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR est-elle manifestement déraisonnable?

3)      La Commission a-t-elle entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en menant l'interrogatoire du demandeur?

 

La norme de contrôle

[10]           Il est reconnu en droit que la Commission a une expertise bien établie en matière d'examen des questions de fait, en particulier en ce qui a trait à l'évaluation de la crédibilité du demandeur. (Aguebor c. (Canada) Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 732 (QL), au paragraphe 4.)

 

[11]           Dans le cadre d'un contrôle judiciaire, la Cour n'intervient au sujet des conclusions de fait de la Commission que s'il est prouvé que ces conclusions sont déraisonnables ou arbitraires, qu'elles ont été tirées de mauvaise foi ou qu'elles ne sont pas étayées par la preuve. (Wen c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 907 (QL), au paragraphe 2.)

 

[12]           Comme la Cour d'appel fédérale l'a déclaré dans l'arrêt He c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1107 (QL) :

[2]        À notre avis, les motifs de la Commission démontrent qu'il existe le genre de « contradictions internes, [d']incohérences et [de] subterfuges, qui constituent l'essentiel du pouvoir discrétionnaire du juge des faits. »

 

(Giron c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1992] A.C.F. no 481 (QL); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 839, [2006] A.C.F. no 1064 (QL), au paragraphe 27.)

 

ANALYSE

            Les dispositions légales

[13]           L'article 96 de la LIPR prévoit :

96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :

 

96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,

 

a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;

 

(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or

 

b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.

(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country.

 

[14]           Le paragraphe 97(1) prévoit :

97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :

 

97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally

 

a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;

 

(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or

 

b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :

 

(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if

 

(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,

 

(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,

 

(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,

 

(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,

 

(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,

 

(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and

 

(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats.

(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care.

 

 

1)         La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la demande du demandeur ne pouvait pas être fondée sur l'article 96 de la LIPR?

 

[15]           L'allégation de M. Étienne selon laquelle la Commission a commis une erreur lorsqu'elle a conclu que la demande n'avait aucun lien avec un des motifs de la Convention, lien exigé à l'article 96 de la LIPR, n'est pas fondée. La Commission a correctement conclu que le fait de devenir riche ou de gagner à la loterie ne constitue pas une appartenance à un groupe social.

 

[16]           Dans la décision Moali de Sanchez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 183, [2001] A.C.F. no 375 (QL), le juge Yvon Pinard a rejeté l'interprétation extensive de la notion de groupe social :

[6]        Je considère en outre que la deuxième conclusion de la SSR est exempte d'erreur. La Cour suprême du Canada a rejeté l'interprétation extensive de la notion de groupe social dans l'arrêt Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689. Le statut de propriétaire terrien ne s'inscrit aucunement dans le cadre des thèmes « sous-jacents généraux de la défense des droits de la personne et de la lutte contre la discrimination » (Ward, supra, page 739) et ne constitue pas une « caractéristique personnelle qu'on ne peut modifier par un acte volontaire et qu'on ne peut, dans certains cas, modifier qu'à un prix inacceptable » (Ward, supra, page 738). Le tribunal a d'ailleurs fait référence à l'affaire Wilcox c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 1157, (2 novembre 1993), A‑1282‑92, dans laquelle Madame le juge Reed a statué ce qui suit au paragraphe [3] :

 

Selon l'interprétation que je donne à la décision du tribunal, ce dernier a conclu que rien ne montrait que les Péruviens de la classe moyenne supérieure étaient assujettis à un degré plus élevé de [TRADUCTION] « déprédation » (pour reprendre l'expression employée par le tribunal) que les autres membres de la société péruvienne en général. Selon l'interprétation que je donne à la décision du tribunal, ce dernier a conclu que le Sentier lumineux faisait régner la terreur dans l'ensemble du Pérou. Le genre de danger que les requérants craignent (l'extorsion) s'applique peut-être uniquement aux gens riches, mais cela ne veut pas dire que les requérants ont été ou seront persécutés au sens de la Convention.

 

[7]        Pour toutes ces raisons, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[17]           À la lumière de ces principes, les motifs de la Commission pour le rejet de la demande de M. Étienne étaient valides, puisque le demandeur n'a pas démontré qu'il craignait avec raison d'être persécuté du fait de son « appartenance à un groupe social » au sens de l'article 96 de la LIPR.

 

2)         La Commission a-t-elle omis de tenir compte de la preuve documentaire et, par conséquent, sa conclusion selon laquelle le demandeur n'était pas exposé à un risque au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR est-elle manifestement déraisonnable?

 

[18]           M. Étienne soutient que la Commission a commis une erreur en rejetant l'idée que les gens riches en Haïti font face à un risque plus élevé de persécution. La Cour n'est pas du même avis; elle estime plutôt que la conclusion de la Commission était justifiée.

 

[19]           Premièrement, après un examen approfondi de la preuve documentaire, la Commission a déclaré dans ses motifs que :

En vertu du paragraphe 97(1) de la Loi, pour avoir qualité de « personne à protéger » le demandeur doit démontrer que son renvoi au pays de référence l’exposerait personnellement aux préjudices. Il ne suffit pas que le demandeur établisse que le préjudice en question est infligé dans son pays. Le demandeur doit démontrer qu’il serait personnellement exposé au risque ou au danger eu égard aux circonstances qui lui sont propres ou à celles de personnes dans une situation semblable.

 

En résumé, en vertu de l’article 97(1)b)ii) de la Loi, la protection est limitée aux personnes qui sont exposées au risque particulier alors que d’autres personnes originaires du même pays ne le sont généralement pas. Il ne peut donc s’agir d’un risque aléatoire auquel le demandeur et d’autres personnes seraient exposés indistinctement.

 

Je conclus que le risque ou que le préjudice craint par le demandeur est un risque auquel s’exposent d’autres personnes dans son pays. Je m’explique :

 

En Haïti, les problèmes d’enlèvements sont épidémiques et ça, peu importe le statut social de l’individu dans ce pays. Pour ce tribunal le fait que le demandeur puisse être ciblé pour avoir gagné à la loterie ne particularise pas le risque. En Haïti, il y a autant d’enlèvements à Cité Soleil que partout ailleurs, sinon plus.

 

Conséquemment, il est possible que le demandeur puisse être plus ciblé pour le fait qu’il ait plus d’argent mais le fait demeure que peu importe qu’on ait de l’argent ou pas en Haïti, on risque d’être enlevé autrement si on acceptait, on allouerait une plus grande protection aux citoyens de Haïti qui ont plus d’argent au détriment de ceux qui en auraient moins ou pas.

 

Les enlèvements ne sont pas effectués selon la classe sociale des individus. Accepter ce raisonnement ferait en sorte que les Haïtiens qui ont plus d’argent auraient droit à une plus grande protection selon l’article 97(1)b) que ceux qui n’en ont pas. Ce n’est certes pas le but recherché par la Loi. [Non souligné dans l'original.]

 

(Décision de la Commission aux pages 3 et 4)

 

[20]            En l'espèce, la Commission avait raison de rejeter l'argument de M. Étienne selon lequel le fait d'être riche constitue un risque personnel au sens du paragraphe 97(1) de la LIPR parce qu'il n'a pas démontré de crainte subjective de persécution s’il était renvoyé dans son pays d'origine.

 

[21]           Deuxièmement, il ressort de la transcription que la Commission a relevé d'importantes contradictions dans le témoignage de M. Étienne. Par exemple, à son arrivée au Canada, M. Étienne a d'abord dit à l'agent des visas qu’il avait obtenu un visa de visiteur pour se faire traiter au Canada pour une déficience auditive. Par la suite, M. Étienne a soutenu que ses problèmes ont commencé après qu'il eut gagné à la loterie en août 2004.

 

[22]           La Commission a aussi relevé une autre contradiction dans le témoignage du demandeur au sujet de la demande d'asile de sa femme aux États-Unis. Dans sa déposition orale, M. Étienne soutient que sa femme habite aux États-Unis depuis 1999 et qu'elle n'y a jamais demandé l'asile; cette déposition contredit les renseignements qu'il a donnés dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), dans lequel il a déclaré que sa femme avait bien demandé l'asile aux États-Unis. Le récit du demandeur à ce sujet a donc été sérieusement affaibli. Après qu’elle lui eut fait remarquer la contradiction, le demandeur a aussi déclaré à la Commission que ses problèmes avaient débuté avant 1999, alors que sa femme habitait toujours en Haïti.

 

[23]           La Cour se range à l'avis du ministre selon qui la Commission avait tout à fait raison de mentionner la décision Basseghi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1867 (QL), dans laquelle le juge Max M. Teitelbaum a précisé que les renseignements inscrits dans un FRP doivent être complets :

[33]      Il n'est pas inexact de dire que les réponses fournies dans un FRP devraient être concises, mais il est inexact de dire que ces réponses ne devraient pas contenir tous les faits pertinents. Il ne suffit pas à un requérant d'affirmer que ce qu'il a dit dans son témoignage oral était un développement. Tous les faits pertinents et importants devraient figurer dans un FRP. Le témoignage oral devrait être l'occasion d'expliquer les informations contenues dans le FRP.           

 

[24]           Troisièmement, la Commission a signalé dans sa décision que M. Étienne avait attendu plus de sept (7) mois avant de demander l'asile au Canada.

 

[25]           Dans la décision Niyonkuru c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 174, [2005] A.C.F. no 210 (QL), le juge Yves de Montigny a confirmé dans ses motifs les conséquences pour un demandeur qui tarde à demander l'asile :

[22]      La Commission a accordé beaucoup d’importance au fait que le demandeur avait mis un mois avant de revendiquer le statut de réfugié. Manifestement, il s’agissait là d’un élément pertinent dont le tribunal pouvait tenir compte pour apprécier la crédibilité du demandeur, même s’il ne pouvait s’agir d’un facteur déterminant en soi (Huerta c. M.C.I., (1993) 157 N.R. 225, [1993] A.C.F. no 271 (C.A.F.) (QL); Rahim c. M.C.I., [2005] A.C.F. no 56 (QL)).

 

[23]      Il est vrai que le demandeur avait un visa qui lui permettait de séjourner au Canada jusqu’au mois de janvier 2003. Il n’en demeure pas moins que son comportement n’est pas celui de quelqu’un qui craint vraiment pour sa vie s’il devait retourner chez lui. Non seulement les raisons qu’il invoque pour attendre la fin de son stage avant de se présenter au bureau d’Immigration Canada sont-elles peu convaincantes, mais il ressort au surplus des transcriptions qu’il avait le temps de voyager durant les fins de semaine.

 

 

[26]           Par conséquent, compte tenu de tous les éléments de preuve, la Commission a correctement conclu que M. Étienne n'avait pas démontré qu'il y avait une possibilité sérieuse qu'il soit exposé à une menace à sa vie ou à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités s'il était renvoyé en Haïti.

 

3)         La Commission a-t-elle entravé l'exercice de son pouvoir discrétionnaire en menant l'interrogatoire du demandeur?

 

 

[27]           En l'espèce, M. Étienne n'a pas démontré que la Commission avait manqué aux principes de l'équité procédurale en appliquant les Directives no 7 - Directives concernant la préparation et la tenue des audiences à la Section de la protection des réfugiés (les Directives no 7).

 

[28]           La Cour fédérale a de nombreuses fois examiné la question de savoir si l'application des Directives no 7 est incompatible avec l'équité procédurale. Dans la décision Thamotharem c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 16, [2006] A.C.F. no 8 (QL), aux paragraphes 45 à 53, 91 et 92, le juge Edmond P. Blanchard a correctement conclu que, en ce qui a trait aux demandes d'asile, le devoir d'équité n'impose pas que le demandeur soit d'abord interrogé par son avocat avant d'être interrogé par tout autre participant.

 

[29]           En outre, dans Thamotharem, précitée, au paragraphe 135, la Cour a conclu, en fonction de la preuve dont elle était saisie, que les Directives no 7 entravent le pouvoir discrétionnaire des commissaires. Compte tenu de cette conclusion, le juge Blanchard a établi que le droit du demandeur à l'équité procédurale avait été violé parce que l'indépendance du décideur avait été compromise par l'application des Directives no 7 et que, par conséquent, la décision de la Commission était illégale. Une telle conclusion rendait inutile l'examen du bien-fondé de la décision de la Commission.

 

[30]           Il convient de souligner que la conclusion dans Thamotharem, précitée, selon laquelle l'application des Directives no 7 entravait le pouvoir discrétionnaire de la Commission, reposait sur le libellé des Directives et sur la preuve extrinsèque au sujet de la façon dont les commissaires pouvaient les interpréter et les appliquer. Elle n'était pas du tout fondée sur les faits particuliers de l'affaire. Il convient aussi de noter que la Cour d'appel fédérale est présentement saisie de l'affaire Thamotharem, précitée.

 

[31]           Dans la décision Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 461, [2006] A.C.F. no 631 (QL), le juge Richard Mosley a établi une distinction d’avec Thamotharem, précitée, et a déclaré qu'en fonction de la preuve qui lui avait été présentée, il ne pouvait pas conclure que l'application des Directives no 7 avait entravé le pouvoir discrétionnaire des commissaires en ce qui a trait au choix de la procédure à suivre dans le cadre d'une demande d'asile :

[171]    Je suis saisi d’une preuve beaucoup plus abondante sur la manière dont les Directives no 7 sont réellement appliquées par les commissaires de la SPR que celle dont était saisi mon collègue dans l’affaire Thamotharem. D’après la preuve en l’espèce, je ne suis pas convaincu que les demandeurs ont démontré que l’exercice du pouvoir discrétionnaire des commissaires de la SPR en vue d’établir la procédure à suivre dans les instances relatives aux demandes d’asile dont ils sont saisis a été entravé par l’application des Directives no 7.

 

[32]           En l'espèce, la preuve ne permet pas d'affirmer que la Commission a entravé son pouvoir discrétionnaire. La Commission a examiné la demande de M. Étienne et a exercé son pouvoir discrétionnaire lorsqu'elle a conclu qu'aucune circonstance exceptionnelle ne justifiait que l’avocat de M. Étienne mène l'interrogatoire de son client. De plus, rien ne donne à penser que l’avocat de M. Étienne n’a pas pu présenter des observations orales pour compléter l'interrogatoire. En fait, à la lecture des motifs de la Commission, il est clair qu'elle avait tout à fait compris le témoignage de M. Étienne.

 

CONCLUSION

[33]           M. Étienne n'a pas démontré que les conclusions de fait de la Commission sont manifestement déraisonnables. Les contradictions relevées entre les diverses parties du témoignage du demandeur et entre son témoignage et la preuve documentaire (c.-à.-d. le FRP) ont conduit la Commission à conclure que le demandeur n'était pas crédible et, par conséquent, la Commission n'était pas convaincue que M. Étienne était un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger.

 

[34]           De plus, compte tenu des faits particuliers en l'espèce, M. Étienne n'a pas établi qu'il y avait eu manquement à l'équité procédurale.

 

[35]           Pour tous les motifs susmentionnés, il n'y a aucune erreur susceptible de révision et l'intervention de la Cour n'est donc pas justifiée. Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

JUGEMENT

LA COUR ORDONNE :

1.         La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.         Aucune question n'est certifiée.

 

 

« Michel M. J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

Dossier :                                        IMM-2771-06

 

INTITULÉ :                                       JACQUES ÉTIENNE

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L'IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 16 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 25 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Dan Bohbot

 

POUR LE DEMANDEUR

Gretchen Timmins

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

DAN BOHBOT, avocat

MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.                                 

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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