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Date : 20070124

Dossier : T-2082-05

Référence : 2007 CF 29

ENTRE :

WALTER B. SMILEY

demandeur

et

 

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

défenderesse

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

 

Le juge Pinard.

 

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire d'une décision d'un arbitre de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) rendue en application des Consignes du commissaire (règlement des différends en matière de promotions et d'exigences de postes) (les Consignes du commissaire), dans laquelle l'arbitre a rejeté le grief du demandeur selon lequel il y avait eu favoritisme au cours de la procédure d’avancement à laquelle il avait pris part.

 

[2]               Walter Smiley, le demandeur, était policier au sein du corps de police municipal de Hantsport depuis 1979. En 1994, il a été promu au rang de sergent.

 

[3]               En septembre 2001, le corps de police municipal de Hantsport a été intégré à la GRC. Dans le document intitulé Protocole de fusion d'autres services de police avec la GRC (le protocole de fusion), il est prévu qu'un agent qui détenait auparavant un grade de sous-officier pourra, après un an de service satisfaisant, participer à la procédure d’avancement pour un grade de sous-officier, jusqu'au grade de sergent. Le protocole de fusion prévoit aussi que si l'agent n'obtient pas de promotion, il devra participer lors d’autres concours de promotion, pour le grade de caporal.

 

[4]               D'après le demandeur, l'après-midi avant qu'il se présente à l'examen écrit de promotion à sergent, une des secrétaires de la section de la dotation a téléphoné chez lui pour l'aviser de ne pas se présenter à l'examen parce que la direction avait décidé qu’elle n'honorerait pas l'offre qui permettait au demandeur de garder le grade de sergent s'il réussissait à l'examen. Le demandeur soutient qu'il a découvert que quelques agents avaient déposé des plaintes au sujet du fait qu'un agent intégré pouvait se présenter à l'examen de promotion à sergent. Après cette découverte, le demandeur a téléphoné à la direction générale régionale de la GRC à Halifax. La direction générale l'a avisé qu'aucun agent intégré n'aurait l'autorisation de se présenter à un examen de classement de la GRC.

 

[5]               Le demandeur a déposé un grief à ce sujet et on lui a donné l'autorisation de se présenter à l'examen de promotion à sergent, à la condition qu'il retire son grief. Le demandeur a décidé de retirer son grief et il s’est présenté et a réussi à l'examen écrit de promotion à sergent en février 2003. Le fait de réussir à l'examen ne signifie pas que l'agent est automatiquement promu au grade de sergent; l'agent doit participer à un concours pour un poste de sergent et être retenu afin d'obtenir le grade de sergent.

 

[6]               Le demandeur était d'avis que, malgré le fait qu'il ait réussi à l'examen de promotion à sergent, sa candidature n'avait pas été examinée pour tous les postes de sergent ouverts pour lesquels il était qualifié. Il a déposé un grief à ce sujet.

 

[7]               À la fin juin 2004, le demandeur a été avisé qu'on examinait sa candidature de façon rétroactive pour la promotion 2001 HRM 068, sous-officier responsable du détachement de Springdale, Division B - Sergent (le poste à Springdale). Pour la procédure d’avancement par voie de sélection à la GRC, les candidats sont comparés et classés les uns par rapport aux autres afin qu’il soit possible de déterminer quel candidat est le mieux qualifié. Il n'y avait que deux candidats au concours pour le poste à Springdale, le demandeur et le titulaire du poste, le sergent MacKay. Le 27 septembre 2004, un comité de sélection composé de trois personnes (le comité de sélection) a conclu que le titulaire du poste, le sergent P.J. MacKay, obtiendrait la promotion.

 

[8]               Le demandeur a présenté une demande d'intervention en date du 19 octobre 2004. Une demande d'intervention est une procédure administrative interne par laquelle un membre de la GRC dépose un grief au sujet d'une décision rendue au cours d'un processus de sélection et concernant une possibilité d’avancement.

 

[9]               Le 17 mai 2005, la demande d'intervention du demandeur a été présentée à l'inspecteur D.G. Wojcik (l'arbitre). Il a conclu que le demandeur n'avait pas prouvé qu'il avait été défavorisé par suite [traduction] « d'une décision, d’un acte ou d’une omission entachés de partialité lors du processus de sélection ». Cette décision fait l'objet du présent contrôle judiciaire.

 

[10]           Le demandeur soutient essentiellement que :

1)      le comité de sélection était partial, comme le prouvent le fait que le concours d'avancement n'a duré que 12 minutes et les faits entourant l'intégration du demandeur à la GRC, y compris les difficultés auxquelles il a fait face pour obtenir l'autorisation de se présenter à l'examen de promotion à sergent;

 

2)      le département de développement de carrière et ressourcement (DCR) n'a pas examiné sa candidature pour toutes les possibilités d'avancement pour lesquelles il était qualifié.

 

 

 

[11]           Le demandeur laisse entendre que la partialité provenait, dans les deux cas, du fait que certains membres de la GRC avaient du ressentiment envers les officiers intégrés à qui il fallait donner l'occasion d'être promus au grade de sergent peu de temps après leur arrivée à la GRC. Bien qu'elles n'eussent pas été formulées ainsi, les allégations du demandeur laissent entendre qu'il y aurait eu manquement à l'équité procédurale.

 

[12]           Dans ses observations, le demandeur a contesté seulement les conclusions de l'arbitre au sujet de la partialité. Par exemple, il n'a pas contesté la conclusion de l'arbitre selon laquelle certaines des questions qu'il avait soulevées étaient prescrites.

 

La partialité du comité de sélection en faveur du titulaire du poste

[13]           À ce sujet, la partie pertinente de la décision de l'arbitre est la suivante :

[traduction]

Processus partial en faveur du titulaire du poste - J'ai examiné le processus que le département DCR et le comité de sélection ont suivi pour examiner, comparer et classer les dossiers des deux candidats. Je n'ai rien relevé qui m'ait persuadé qu'il y a eu partialité en faveur du titulaire du poste. La présente procédure d’avancement de la GRC est fondée sur le fait que les candidats sont comparés, évalués et classés les uns par rapport aux autres. Ce processus de comparaison ne se déroule pas dans l’abstrait, comme le laisse entendre le plaignant. J’estime que cet argument n’est pas fondé.

 

 

[14]           Dans l’arrêt Committee for Justice and Liberty et al. c. L'Office national de l'énergie et al , [1978] 1 R.C.S. 369, la Cour suprême a conclu que le critère applicable à une telle question consiste à se demander si une personne bien renseignée, qui étudierait la question en profondeur, de façon réaliste et pratique, croirait que le décideur n’a pas pris sa décision en toute équité. Par conséquent, il faut déterminer si une telle personne bien renseignée conclurait que le comité de sélection a rendu une décision inéquitable envers le demandeur.

 

[15]           Je ne suis pas convaincu que la décision devrait être renvoyée pour nouvel examen, parce que la preuve qui a été présentée à la Cour ne permet pas d’affirmer qu’il y a eu partialité.

 

[16]           Le demandeur soutient qu’une personne raisonnable qui examinerait les circonstances qui ont conduit à la décision du comité de sélection et les circonstances entourant la prise de cette décision conclurait que le comité de sélection était partial. Ces circonstances sont les suivantes :

1)      le fait que l’entente d’intégration n’a pas été honorée (c.-à-d. le demandeur a été avisé que s’il se présentait à l’examen de promotion au grade de sergent, il n’aurait pas l’autorisation de présenter sa candidature pour un poste au grade de sergent);

 

2)      le fait que le représentant des Relations avec les employés a avisé le demandeur qu’aucun agent municipal intégré n’aurait l’autorisation de se présenter à un examen de classement;

 

3)      le fait que le comité de sélection n’a pris que 12 minutes pour examiner et comparer les candidatures du demandeur et du sergent MacKay et prendre une décision.

 

 

 

[17]           La défenderesse soutient que le premier des trois faits n'a pas été soumis régulièrement à la Cour parce que l'entente n'avait pas été présentée à l'arbitre. Je suis d'accord. En ce qui a trait au deuxième fait, soit le supposé commentaire du représentant des Relations avec les employés, il s'agit d'une preuve par ouï-dire qui a peu de poids. Quant au troisième fait, la défenderesse fait remarquer que le demandeur a été avisé que son nom avait été ajouté à une liste d'admissibilité et qu’il a affirmé qu'il ferait parvenir au comité de sélection son Rapport sur le rendement en vue d'une promotion (RRP) et son Curriculum vitae structuré (CVS) au plus tard le 28 juillet 2004. Le comité de sélection s'est réuni le 27 septembre 2004. La défenderesse fait valoir que deux mois se sont écoulés entre la date à laquelle le demandeur a présenté son RRP et son CVS et la date à laquelle le comité de sélection s'est réuni, et qu'il est possible que les membres du comité aient examiné les documents pendant ce temps.

 

[18]           Le demandeur a correctement déclaré dans ses observations que la transcription de la réunion du comité de sélection atteste que la réunion n'a duré que 12 minutes et que ce temps comprend la discussion au sujet des dossiers qui n'a pas été enregistrée. Comme il n'y a aucun élément de fond dans la transcription de la réunion du comité de sélection, je ne peux que supposer que la discussion sur le fond a eu lieu pendant la partie de la réunion qui n'a pas été enregistrée. Il n'est pas clair pourquoi les formalités de la réunion, comme le nom des membres du comité et leur décision, ont été enregistrées, mais qu’il n’y a pas eu enregistrement du fond de la décision. Une fois de plus, la preuve qui a été présentée à la Cour est insatisfaisante. Certainement, une délibération de 12 minutes semble courte, mais comme la défenderesse l'a fait remarquer, il n'est pas déraisonnable de supposer que les membres du comité de sélection s'étaient bien préparés avant la réunion et avaient lu à l'avance tous les documents.

 

[19]           Le demandeur n'a présenté pratiquement aucune preuve à l'appui de son allégation de partialité. Il n'a présenté aucune preuve au sujet de comportements ou de commentaires inappropriés des membres du comité de sélection, ni de preuve selon laquelle les membres du comité de sélection avaient un lien quelconque avec le titulaire du poste.

 

La partialité ou l’iniquité empêchant l'examen de la candidature du demandeur pour toutes les possibilités d'avancement pour lesquelles il était qualifié

 

[20]           Le demandeur n'a présenté aucune preuve permettant de conclure qu'il y a eu partialité. Même si la Cour acceptait la preuve selon laquelle le représentant des Relations avec les employés avait dit au demandeur que les agents intégrés n'auraient jamais le droit de se présenter à un examen de classement de la GRC, rien ne permet d'affirmer que ce représentant avait un lien quelconque avec les employés du département DCR ou que ces employés partageaient le même point de vue au sujet des agents intégrés.

 

[21]           Dans le même ordre d'idée, le demandeur n'a présenté aucune preuve qui donne à penser que les employés du département DCR avaient eu recours à un processus inéquitable en matière de détermination des possibilités d'avancement pour lesquelles le demandeur était qualifié.

 

[22]           Il semble que le département DCR a respecté la procédure établie au chapitre 4 du Manuel de gestion des carrières de la GRC.

 

[23]           La seule preuve porte sur le fait que, lorsque le demandeur a déposé un grief au motif qu’aucune possibilité d'avancement ne lui avait été offerte, il y a eu examen de son dossier afin de déterminer s'il était qualifié pour certaines possibilités d'avancement au grade de sergent. Le 28 juin 2004, le département DCR a écrit une note dans laquelle quatre possibilités d'avancement pour le demandeur étaient décrites, mais la note précisait aussi que le demandeur ne satisfaisait pas à certaines exigences pour trois des quatre postes, le poste à Springdale pour lequel il a présenté sa candidature étant le quatrième. Compte tenu de la preuve qui a été présentée à la Cour, il est impossible de déterminer si le demandeur aurait dû se voir offrir d'autres possibilités d'avancement au cours de l'année de référence pour les promotions.

 

[24]           Comme rien ne donne à penser que le département DCR a injustement limité la liste des postes, ni que les employés du département ont fait des commentaires négatifs au sujet du demandeur ou des agents intégrés en général, je ne peux pas conclure qu'il y a eu partialité ou qu'il y avait une crainte raisonnable de partialité ou d’iniquité.

 

[25]           Bien que je compatisse avec le demandeur au sujet des difficultés qu'il a eues en tentant de rétablir sa carrière après l'intégration à la GRC du corps municipal de police auquel il appartenait, la preuve qu'il a présentée ne permet pas d'affirmer qu'il y a eu partialité quant à la procédure du comité de sélection ou quant à celle du département DCR en vue de déterminer les possibilités d'avancement pour lesquelles le demandeur était qualifié. La décision de l'arbitre devra donc être maintenue.

 

[26]           Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Comme il n'y a pas eu de demande quant aux dépens, je n'en adjugerai aucuns.

 

 

« Yvon Pinard »

Juge

 

Ottawa (Ontario)

Le 24 janvier 2007

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        T-2082-05

 

INTITULÉ :                                       WALTER B. SMILEY c. LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 Halifax (Nouvellecosse)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 7 décembre 2006

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                        Le juge Pinard

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Walter B. Smiley                                  LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

 

Susan Inglis                                          POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Walter B. Smiley                                  LE DEMANDEUR, POUR SON PROPRE COMPTE

Halifax (Nouvellecosse)

 

John H. Sims, c.r.                                 POUR LA DÉFENDERESSE

Sous-procureur général du Canada

 

 

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