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Date : 20070124

Dossier : T-2053-05

Référence : 2007 CF 72

Halifax (Nouvelle‑Écosse), le 24 janvier 2007

en présence de monsieur le juge Barnes

 

 

ENTRE :

ANDREW D. AMOS

demandeur

et

 

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET

DES SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU CANADA

et le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

intimés

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire par laquelle Andrew Amos conteste la décision du sous-ministre adjoint des Travaux publics et des Services gouvernementaux portant sur un grief. J’ai prononcé oralement à Halifax le 23 janvier 2007 les motifs que j’expose ci-dessous. Je rejette la présente demande.

 

[2]               M. Amos est un employé de Travaux publics et le fond du litige avec son employeur provient d’un grief déposé au 4e palier le 8 septembre 2005. Dans une lettre en date du 17 octobre 2005, le sous‑ministre adjoint a rejeté ce grief. Une partie de cette lettre est libellée de la façon suivante :

 

[traduction]

Je conclus que le ministère a bien géré la présente situation.

Vous avez reçu un prix pécuniaire en tant que membre d’un groupe. La politique de reconnaissance du Conseil du Trésor énonce que le prix, pour les groupes, ne devrait pas dépasser 10 000 $. Il n’est mentionné nulle part que le groupe devra recevoir 10 000 $. La politique énonce également que les partenaires d’autres gouvernements ou secteurs, dans la mesure où ces derniers sont membres d’une équipe admissible, peuvent recevoir un prix ministériel qui n’est pas pécuniaire.

 

J’ai donc conclu que je ne peux pas vous accorder la mesure rectificative que vous avez demandée et par conséquent, je dois rejeter votre grief.

 

 

 

[3]               Le grief de M. Amos porte sur le montant qui lui était dû en raison d’un prix d’excellence en milieu de travail qui lui avait été décerné ainsi qu’à six autres employés, en reconnaissance de leur contribution à la construction de l’immeuble du détachement de la GRC dans le comté de Cumberland.

 

[4]               C’est à l’instigation de M. Amos que la candidature de l’équipe de sept membres chargée du projet a été proposée. À l’origine, lorsque le prix a été confirmé, il était de 10 000 $, qui devait être réparti de façon égale entre les sept candidats proposés. Toutefois, on s’est rendu compte plus tard que trois des membres de l’équipe n’étaient pas admissibles à ce prix. Par conséquent, chacun des quatre récipiendaires restants a reçu un prix de 1 428,57 $. Cette somme représente la partie correspondant au montant qui devait être versé initialement à chacun des sept candidats.

 

[5]               M. Amos a formulé un grief; il allègue que le montant prévu de 10 000 $ en argent aurait dû être divisé de façon égale en quatre et il prétend qu’on lui doit 1 071,43 $. Il a été débouté de son grief au motif que l’employeur possède un pouvoir discrétionnaire en application de sa politique de reconnaissance d’attribuer jusqu’à 10 000 $ à un groupe admissible. Selon Travaux publics, lorsque la composition du groupe est passée de sept à quatre, il n’y avait aucune raison impérieuse, ni aucune obligation d’augmenter le montant prévu pour attribution à chaque individu ou de s’assurer que les 10 000 $ étaient totalement déboursés.

 

[6]               M. Amos déclare maintenant que cette décision est juridiquement contestable parce que le sous‑ministre adjoint a omis à la fois de tenir compte de l’ensemble de la preuve et d’expliquer les motifs du rejet du grief.

 

[7]               M. Amos exprime également des doutes quant à l’équité du processus décisionnel et déclare qu’il avait droit à une explication plus convaincante en raison du défaut de son employeur de respecter sa promesse de payer 10 000 $ au groupe.

 

[8]               En ce qui concerne les plaintes de M. Amos sur le fond, il est évident que le décideur a droit à une certaine déférence. Je n’ai pas à décider de ce qu’est la norme de contrôle dans la présente affaire parce que quelle que soit cette norme, la décision résiste à un examen approfondi.

 

[9]               L’employeur n’avait aucune obligation juridique envers M. Amos. Le prix relevait du pouvoir discrétionnaire de l’employeur et il était attribué à titre gratuit. Le courriel sur lequel M. Amos s’est fondé, dans la mesure où il peut représenter une promesse, ne crée aucun droit substantiel en sa faveur. C’est la conclusion sur ce point tirée dans l’arrêt Baker (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S 817), dans son analyse de la doctrine de l’attente légitime. Il ne s’agit donc pas d’une promesse dont M. Amos peut juridiquement demander la mise en application et l’employeur n’a commis aucune erreur de droit dans son traitement de la question.

 

[10]           M. Amos n’a donné aucune contrepartie pour le paiement prévu ou pour la promesse de payer 10 000 $ et il n’a mentionné aucun moyen d’action au soutien d’un droit quelconque au montant supplémentaire qu’il demande. Aucune théorie contractuelle ou théorie accessoire comme celle de l’enrichissement sans cause ou de la préclusion ne ressort de la preuve déposée. La politique de reconnaissance de l’employeur ne crée aucune obligation juridique de payer un montant quelconque lorsque l’employeur attribue un prix de ce genre. Dans le présent cas, l’employeur a décidé d’attribuer 10 000 $ à ce qu’il pensait être un groupe de sept récipiendaires. Lorsque le groupe des récipiendaires admissibles a été réduit à quatre, il n’y avait rien de déraisonnable à maintenir le montant original des parts individuelles à 1 428,57 $. Cet argument a été avancé dans la note de service préparée pour le sous‑ministre adjoint qui énonçait ce qui suit :

 

[traduction] Un prix en argent de 10 000 $ a été estimé approprié pour le groupe de sept (7) personnes. Toutefois, le groupe était en fin de compte constitué de quatre (4) personnes. Cela ne signifie pas que chacune des personnes a maintenant droit au quart de 10 000 $.

 

Je pense que l’énoncé ci-dessus représente effectivement une bonne interprétation de la politique de reconnaissance de l’employeur.

 

 

[11]           Il ne ressort pas de la présente décision qu’on ait omis d’examiner la preuve. Dans la présente affaire, je fais droit à la position de l’intimé selon qui il y a présomption que le décideur a pris en compte l’intégralité de la preuve qu’on lui a soumise, peu importe qu’il fasse ou non référence à l’ensemble de cette preuve dans sa décision. Sur ce point, je me fonde sur la décision Townsend c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. n°516, 2003 CFPI 371, au paragraphe 26. Cela est particulièrement vrai en ce qui concerne les décisions administratives de ce type qui mettent en jeu peu de droits en matière de procédure. Il s’agissait également d’un grief très simple qui était brièvement et complètement présenté par M. Amos dans les observations écrites qu’il a soumises à l’employeur. Je ne pense pas que l’omission de mentionner la prétendue promesse de 10 000 $, dans la lettre de prise de décision, indique que cet argument n’a pas été pris en compte. En outre, je ne suis pas convaincu que le courriel de M. Claveau constitue une promesse ou un engagement sans équivoque pris pour le compte de l’employeur. Il n’y a aucune preuve sur le nombre ou la composition d’autres groupes qui auraient reçu un prix semblable et à partir desquels je pourrais conclure que l’omission de payer au groupe de M. Amos les 10 000 $ en question était arbitraire, irrégulière ou inéquitable. En l’absence d’une preuve claire et convaincante qui aurait pu émerger lors du contre‑interrogatoire sur ce sujet, je pense que l’employeur avait le droit de changer d’opinion quand les circonstances touchant au groupe de M. Amos ont changé.

 

[12]           Cette décision ne viole pas la politique de reconnaissance de l’employeur; elle n’est pas non plus contraire au point de vue de M. Amos, selon qui le prix avait pour but de reconnaître son travail ardu. Son travail et celui de ses collègues a été reconnu. Il a reçu un prix en argent. Son équipe et lui ont été correctement félicités pour leurs efforts. La décision sur le grief traduit une mise en œuvre appropriée de la politique de l’employeur aux faits mis en preuve et c’est à tort qu’elle était contestée.

 

[13]           Après avoir entendu les prétentions des avocats relativement aux dépens, j’adjuge 500 $ payables à l’intimé, y compris les débours.


 

JUGEMENT

 

[14]           La demande est rejetée et les dépens sont payables à l’intimé pour un montant de 500 $, y compris les débours.

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Laurence Endale, LL.M.

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               T-2053-05

 

INTITULÉ :                                              ANDREW D. AMOS

        c.

LE MINISTÈRE DES TRAVAUX PUBLICS ET DES                    SERVICES GOUVERNEMENTAUX DU CANADA ET LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                      Halifax (NOUVELLE‑ÉCOSSE)

 

DATE DE L'AUDIENCE :                    LE 23 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :                 LE JUGE Barnes

 

DATE DES MOTIFS :                           LE 24 JANVIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

James D. MacNeil

 

POUR LE DEMANDEUR

Susan Inglis

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Boyne Clarke

Halifax (N.‑É.)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Ministère de la Justice

Halifax (Nouvelle‑Écosse)

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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