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Date : 20070130

Dossier : IMM-1663-06

Référence : 2007 CF 101

Ottawa (Ontario), le 30 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

FERAD FERADOV

HALIME FERADOVA

demandeurs

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Dans la présente demande de contrôle judiciaire, Ferad Feradov et Halime Feradova contestent une décision de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) par laquelle leur demande d'asile conjointe reposant sur les articles 96 et 97 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (la LIPR), L.C. 2001, ch. 27, a été rejetée.

 


I.          Le contexte

[2]               M. Feradov et Mme Feradova sont des ressortissants de la Bulgarie. Ils sont venus au Canada en 2000 pour rendre visite à leur fils et à sa famille. Leur fils, Sedat Kerim, est venu au Canada en 1997 après avoir quitté la Bulgarie et sa demande d'asile, fondée sur la persécution qu'il avait personnellement subie de la part de la police de la Bulgarie, a été accueillie. Son épouse l'a suivi en 1999 et la famille habite maintenant en Ontario.

 

[3]               M. Feradov et Mme Feradova sont des Turcs de souche. Ils sont aussi musulmans sunnites. Leur demande d'asile était fondée sur la principale allégation que M. Feradov avait été battu par des policiers bulgares après qu'il eut participé au sacrifice rituel d'un bélier conformément aux pratiques musulmanes. Selon M. Feradov, les policiers sont intervenus après avoir reçu une plainte. Ils lui ont ordonné de se présenter à un poste de police qui se trouvait à proximité et l'ont accusé d'avoir troublé la paix. Il soutient qu’on l’a battu sur les jambes et les pieds avec un bâton, à un point tel qu’il a eu de la difficulté à retourner chez lui. Il semble qu’aucune accusation n’ait été portée contre lui et il a décidé de ne pas demander de mesure réparatoire pour l’agression.

 

[4]               M. Feradov soutient qu'après cet incident, d'autres villageois musulmans et lui-même ont recueilli mille signatures pour une pétition présentée au maire du village, dans laquelle ils demandaient qu'un site public soit dédié à la pratique de leurs traditions religieuses, y compris le sacrifice rituel. Lorsque le maire bulgare a rejeté la demande, M. Feradov et Mme Feradova ont accepté une invitation à leur fils de venir au Canada. Leur demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire et présentée en vertu de la LIPR a été rejetée et c'est alors qu'ils ont demandé l'asile.


II. L'audience et la décision de la Commission

[5]               La Commission a recueilli le témoignage de M. Feradov, mais Mme Feradova n'a pas été appelée à témoigner. La Commission a mené la majeure partie de l'interrogation de M. Feradov, mais à la fin de son témoignage, son avocat lui a aussi posé quelques questions pour clarifier certaines choses. La majeure partie de l'interrogation était superficielle et, à certains moment, elle a atteint un degré d’éducation que M. Feradov ne possédait certainement pas. Par exemple, le fait de demander à M. Feradov de répondre à des passages complexes de documents officiels sur la situation du pays qui lui étaient lus était tout à fait inutile et n'a servi qu'à le présenter injustement comme un piètre témoin.

 

[6]               Malgré qu'elle ait fait état du manque d’éducation de M. Feradov, la Commission a rejeté son témoignage et a conclu qu'il n'était pas crédible ni fiable. La Commission a fondé sa conclusion défavorable quant à la crédibilité sur, entre autres, des pertes de mémoire, des incohérences dans le témoignage et des omissions dans la preuve documentaire.

 

[7]               La Commission était particulièrement préoccupée par l'apparente incapacité de M. Feradov de se rappeler même le mois au cours duquel il aurait été battu par les policiers, alors qu'il s'agissait de sa principale allégation de persécution. De plus, la Commission était préoccupée par l'incapacité de M. Feradov de citer le passage du Coran qui porte sur le sacrifice rituel. La Commission a aussi relevé une incohérence entre le Formulaire de renseignements personnels (FRP) de M. Feradov et son témoignage au sujet des gens qui avaient assisté au sacrifice – à savoir s'il s'agissait d'amis et/ou de membres de la famille.

 

[8]               La Commission a tiré un certain nombre de conclusions additionnelles à l'appui de son évaluation défavorable quant à la crédibilité de M. Feradov, entre autres :

●          Elle a conclu que quelqu'un d'autre que M. Feradov et Mme Feradova avait préparé le FRP et que cette personne avait décrit un événement qui n'avait pas eu lieu.

 

●          Elle a rejeté le témoignage de M. Feradov au sujet de l'agression, en partie en raison du fait qu'il n'avait pas mentionné dans son FRP la preuve qu'il a présentée à la Commission, soit que ses blessures l'avaient empêché de conduire pour retourner chez lui.

 

●          Elle a conclu qu'il était peu plausible que M. Feradov ait été le seul à être ciblé par l'agression des policiers, à l'exclusion des autres personnes présentes au sacrifice.

 

●          Elle a exprimé des doutes au sujet des réponses incohérentes de M. Feradov sur la façon dont il avait obtenu les mille signatures de la pétition adressée au maire, et sur l'endroit où il les avait recueillies.

 

●          Elle a attribué à M. Feradov la déclaration selon laquelle il n'avait pas demandé la participation de la mosquée ou de l'imam locaux pour le sacrifice rituel parce que « la mosquée était un lieu clandestin et ancien », et qu’il était un musulman non pratiquant.

 

 

[9]               De plus, la Commission a conclu qu'en ne s’étant pas adressé à la justice, M. Feradov n'avait pas réfuté la présomption de l’existence de la protection de l'État. Elle a examiné certaines preuves portant sur la situation du pays et a conclu que, dans l'ensemble, les adeptes de l'islam ne faisaient pas couramment l'objet de persécution ou de discrimination et que, de façon générale, les droits de la personne s'amélioraient en Bulgarie.

 

III. Les questions en litige

[10]           a) Quelle est la norme de contrôle applicable aux questions soulevées par les demandeurs?

b) La Commission a-t-elle commis des erreurs susceptibles de révision dans sa décision?

 

IV. Analyse

[11]           Il est admis que la Cour doit faire preuve de grande retenue dans son examen des conclusions de la Commission au sujet de la crédibilité. Dans la décision Perera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 1337, 2005 CF 1069, le juge Michel Beaudry a fait remarquer que la Cour a toujours appliqué la norme de la décision manifestement déraisonnable aux questions de crédibilité :

[14]      L’évaluation du témoignage et de la crédibilité d’un demandeur d’asile est généralement considérée comme partie intégrante de la fonction première de la Commission. Sur ce point, la Cour d’appel fédérale a jugé que, lorsqu’il s’agit de crédibilité, la norme de contrôle est la décision manifestement déraisonnable.

 

[15]      Il ne fait plus aucun doute que la Section de la protection des réfugiés, qui est un tribunal spécialisé, est pleinement compétente pour évaluer la plausibilité d’un témoignage : qui est mieux placé qu’elle pour juger de la vraisemblance d’un récit et pour tirer les déductions qui s’imposent? Dans la mesure où les déductions que tire le tribunal ne sont pas déraisonnables au point de justifier notre intervention, ses conclusions sont à l’abri du contrôle judiciaire (Aguebor c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 160 N.R. 315, aux pages 316 et 317 (C.A.F.)).

 

[16]      Ce principe a été récemment rappelé par la Cour fédérale dans la décision Umba c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 17, au paragraphe 31, où le juge Martineau a confirmé, après application de la méthode pragmatique et fonctionnelle, que la norme de contrôle à appliquer lorsqu’il s’agit d’évaluer la preuve documentaire et la vraisemblance du témoignage d’un demandeur d’asile est la décision manifestement déraisonnable :

 

¶ 31 À la lumière de ce qui précède, dans le cas particulier qui nous occupe, je conclurais que la pondération des quatre facteurs susmentionnés milite en faveur de l’application de deux normes de contrôle judiciaires : 1) la norme de la décision manifestement déraisonnable dans le cas de l’analyse de la preuve documentaire et de l’évaluation de la crédibilité de la demanderesse; [...]

 

 

[12]            Dans un certain nombre de décisions qu'elle a récemment rendues, la Cour a appliqué comme norme la décision raisonnable simpliciter aux conclusions de la Commission en matière de protection de l'État. Dans la décision Chaves c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 232, 2005 CF 193, la juge Danièle Tremblay-Lamer a procédé à une analyse pragmatique et fonctionnelle et a conclu que la décision raisonnable est la norme de contrôle qui devrait être appliquée à cette question :

[10]      En ce qui a trait au premier de ces facteurs, les décisions de la Commission ne sont pas protégées par une clause privative forte (voir Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982). Cependant, les deuxième et troisième facteurs militent en faveur d’une retenue judiciaire. La question de savoir si la protection de l’État est disponible ou si le demandeur a sollicité cette protection concerne la compétence relative de la SPR. Bien que la disposition légale en question nécessite en réalité une détermination des droits des personnes qui demandent l’asile, elle accorde un pouvoir discrétionnaire important à la SPR.

 

[Note de bas de page omise.]

 

[11]      Toutefois, la nature de la question à trancher a une importance vitale en l’espèce et fait également appel à la compétence relative de l’instance décisionnelle. Décider si un demandeur a réfuté la présomption de protection de l’État suppose « l’application d’une norme juridique [c’est-à-dire « confirmer d’une façon claire et convaincante l’incapacité de l’État d’assurer la protection » : Ward, précité, au paragraphe 50] à un ensemble de faits », ce qui, selon la Cour suprême du Canada, constitue une question mixte de fait et de droit : Housen c. Nikolaisen, [2002] 2 R.C.S. 235, au paragraphe 26. La SPR possède une compétence relative au sujet des conclusions de fait et de l’évaluation de la situation dans le pays en cause. Cependant, la Cour possède une expertise relative pour décider si la norme juridique a été respectée. En conséquence, à mon avis, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. Cette conclusion est compatible avec les décisions dans lesquelles la question de la protection de l’État a été considérée comme une question mixte de fait et de droit : décisions Smith et Racz.

 

 

[13]           L'analyse susmentionnée de la norme de contrôle applicable aux conclusions de la Commission en matière de protection de l'État a été utilisée dans de nombreuses décisions qui ont suivi Chaves : voir Nkole c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 1802, 2006 CF 1433, au paragraphe 4, Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 337, 2006 CF 269, au paragraphe 17, et Robinson c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 588, 2006 CF 402, au paragraphe 8. Je fais mienne l'analyse susmentionnée dans la mesure où elle est applicable aux circonstances en l'espèce.

 

[14]           Il s'agit d'une des rares fois où la conclusion défavorable de la Commission au sujet de la crédibilité ne résiste pas à un examen poussé et où elle peut à juste titre être qualifiée de manifestement déraisonnable. La Commission a tiré plusieurs conclusions qui n'étaient pas justifiées. Elle a aussi mal interprété d'importants aspects du témoignage de M. Feradov. L'effet cumulatif de ces erreurs est suffisant pour que je renvoie l'affaire pour nouvel examen parce que je ne suis pas convaincu que le résultat aurait nécessairement été le même si la Commission n'avait pas commis ces erreurs.

 

[15]           L'une des conclusions essentielles de la Commission au sujet de la crédibilité portait sur le fait que M. Feradov était incapable de se rappeler même le mois au cours duquel il aurait été battu par les policiers. Il s'agit clairement d'une erreur de qualification du témoignage. En réponse aux questions de la Commission, M. Feradov a précisé que l'agression avait eu lieu un vendredi vers le milieu de l'été 2000. Par la suite, en réponse à une question de la Commission dans laquelle elle lui suggérait la réponse, il a reconnu que l'incident avait eu lieu un vendredi à la mi-juillet 2000. Évidemment, la Commission est libre de poser des questions de ce type, mais lorsqu'elle le fait, elle ne peut pas en toute équité qualifier de perte de mémoire la réponse affirmative du témoin.

 

[16]           La critique de la Commission portant sur le témoignage de M. Feradov au sujet de ses pratiques et de ses connaissances religieuses était aussi injustifiée. Il s'agit du même problème auquel la Cour dû faire face dans Ullah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1918, au paragraphe 11 (1re inst.). Le fait que M. Feradov était incapable de renvoyer au passage du Coran qui porte sur le sacrifice rituel ne peut pas servir de fondement pour des doutes au sujet de la crédibilité. Très peu de chrétiens cultivés s'en tireraient mieux si on leur posait des questions au sujet de leurs connaissances bibliques. Comme M. Feradov est un musulman plus ou moins pieux dont l'éducation se limite à la septième année, on ne peut pas lui reprocher ce prétendu trou de mémoire.

 

[17]           L'attribution par la Commission à M. Feradov du témoignage selon lequel « il ne pratiquait pas la religion musulmane » et qu'il n'avait pas demandé la participation de la mosquée locale au sacrifice parce qu'il s'agissait d'un « lieu clandestin et ancien » est aussi injustifiée. Lorsqu'on lui a demandé s'il pratiquait sa religion de façon régulière, M. Feradov a répondu [traduction] « Nous la pratiquons. Ma femme la pratique en entier, mais par moi-même, non. » Il ne s'agit guère d'une admission qu'il est un musulman non pratiquant. Dans le même ordre d'idées, à aucun moment dans la transcription n’a-t-il décrit la mosquée locale comme un lieu clandestin et ancien.

 

[18]           La préoccupation de la Commission au sujet de la prétendue omission dans le FRP de M. Feradov est aussi injustifiée. Bien que le défaut de mentionner des faits importants ou des faits clés relatifs à la persécution dans un FRP soit un motif raisonnable de préoccupation, l'omission d'un détail accessoire ne l'est pas. La Cour a souvent statué que la Commission ne devrait pas accorder trop d'importance aux omissions mineures dans le FRP d'un demandeur : voir par exemple les décisions Perera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), précitée; Singh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 69 F.T.R. 142, [1993] A.C.F. n1034, et Akhigbe c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 332, 2002 CFPI 249. Il est bien établi que ces documents sont souvent préparés par des représentants ou sur les conseils de représentants qui ont des points de vue différents au sujet de ce qui est important et de ce qui ne l’est pas. En l'espèce, M. Feradov a déclaré : [traduction] « nous n'avons pas écrit [le FRP] ». Curieusement, la Commission a conclu que cette réponse était préoccupante alors qu'il s'agissait tout au plus d'une réponse ambiguë à la question portant sur le défaut de préciser les dates dans le FRP. L'autre préoccupation de la Commission, portant sur le défaut de M. Feradov de mentionner dans son FRP qu'il avait été incapable de retourner chez lui en automobile après l'agression des policiers, est un exemple de la façon dont elle a analysé un détail qui n’avait guère plus d’importance que le fait que, par ailleurs, M. Feradov n'avait pas mentionné dans son FRP de quelle façon il s'était d’abord rendu au poste de police.

 

[19]           Le FRP de M. Feradov n'était évidemment pas censé servir de récitation encyclopédique de la preuve. Au contraire, il est évident qu'il a été écrit comme résumé très général des principaux aspects de sa demande et la Commission n'aurait pas dû s’inquiéter de l'absence de détails sans importance.

 

[20]           La Commission a de la même façon exagéré l'importance de l'identification par M. Feradov des personnes qui avaient assisté au sacrifice rituel. La Commission a déclaré qu'elle avait fait attention de ne pas tenir compte de différences microscopiques; pourtant, le fait que M. Feradov ait seulement mentionné la présence des membres de sa famille dans son FRP, mais qu'il ait témoigné que tant des membres de sa famille que des amis étaient présents, fait partie de ces différences microscopiques.

 

[21]           La conclusion de la Commission quant au fait qu'il était invraisemblable que M. Feradov ait été ciblé par les policiers bulgares n'est pas non plus valable. M. Feradov a déclaré qu'il avait organisé et accompli le sacrifice en réaction à la maladie de son petit-fils. Le fait que la police cible le demandeur plutôt que les autres personnes qui n'avaient qu'assisté au sacrifice n'est absolument pas invraisemblable. Si les policiers voulaient que M. Feradov serve d'exemple, il était une cible évidente et vulnérable. Sur ce point, la conclusion de la Commission quant à l'invraisemblance n'est pas défendable parce que les faits que M. Feradov a présentés ne débordaient pas « le cadre de ce à quoi on peut logiquement s'attendre » : voir la décision Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2001] A.C.F. no 1131, 2001 CFPI 776.

 

[22]           Bien qu'il y eût indubitablement des problèmes au sujet d'autres aspects du témoignage de M. Feradov, l'importance cumulative des erreurs de fait susmentionnées est suffisante pour que je décide que la conclusion que de la Commission a tirée au sujet de la crédibilité est manifestement déraisonnable.

 

[23]           Dans certains cas, la conclusion de la Commission selon laquelle le demandeur n'a pas réfuté la présomption de l'existence de la protection de l'État peut en soi suffire pour que la Cour confirme une décision de ne pas accorder l'asile. Je ne peux pas conclure que c'est le cas en l'espèce parce que la conclusion de la Commission au sujet de la protection de l'État était fondée, au moins en partie, sur sa conclusion générale défavorable quant à la crédibilité de M. Feradov. Il me semble qu'il existe un lien suffisant entre les questions pour que les erreurs de la Commission dans l'analyse de l'une des questions minent nécessairement l'analyse de l'autre question.

 

[24]           Finalement, l'approche plutôt sélective de la Commission pour l'examen des documents sur la situation du pays, surtout au sujet du traitement des musulmans turcs en Bulgarie, me préoccupe.

 

[25]           Il y a, dans le dossier, des références au harcèlement des musulmans en Bulgarie. Un rapport du Département d'État des États-Unis de 2004 fait état aussi de la brutalité policière qui, bien qu'elle fût inconstitutionnelle, était un phénomène assez répandu apparemment renforcé par une impunité habituelle. Ce rapport note aussi que les victimes de brutalité policière étaient souvent trop intimidées pour déposer une plainte auprès des autorités. C'est précisément la crainte que M. Feradov a exprimée : il croyait qu'il serait agressé de nouveau s'il présentait une plainte officielle. Une telle appréhension peut être tout à fait naturelle pour une personne qui a vécu sous un régime totalitaire pendant de nombreuses années et dont les doutes au sujet des autorités subsistent après la transition à un régime démocratique.

 

[26]           Par conséquent, j'accueillerai la demande et je renverrai l'affaire à une formation différemment constituée de la Commission pour nouvel examen sur le fond.

 

[27]           Ni l'une ni l'autre partie n'a demandé la certification d'une question grave de portée générale et je conviens que la présente affaire n'en soulève aucune.

 

JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE que la demande soit accueillie et que l'affaire soit renvoyée à une formation différemment constituée de la Commission pour nouvel examen sur le fond.

 

« R. L. Barnes »

Juge

Traduction certifiée conforme

Evelyne Swenne, traductrice


Cour fédérale

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

Dossier :                                        IMM-1663-06

 

INTITULÉ :                                       FERAD FERADOV, HALIME FERADOVA c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

 

LIEU DE L'AUDIENCE :                 TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L'AUDIENCE :               Le 16 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 30 JANVIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Krassina Kostadinov                                                 POUR LES DEMANDEURS

 

John Loncar                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Waldman and Associates                         

Avocats

Toronto (Ontario)                                                      POUR LES DEMANDEURS

 

John H. Sims, c.r.                                                      POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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