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Date : 20070208

Dossier : IMM-3573-06

Référence : 2007 CF 132

Ottawa (Ontario), le 8 février 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

Sajjade Hussain SHAH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Une analyse d’une situation semblable, qui se déroule cependant dans un contexte différent, est examinée à la lumière d’un extrait de la décision rendue par le juge Pierre Blais dans Majerbi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 878, [2002] A.C.F. no 1145 (QL) :

1.         Est-ce que l’agent d’immigration avait l’obligation de divulguer l’analyse de risques de retour qu’il a effectué personnellement et de donner au demandeur l’occasion de faire des commentaires avant de rendre une décision finale sur la demande de dispense de visa d’immigrant?

[…]

[7]        Non, l’agent d’immigration n’avait pas l’obligation de divulguer l’analyse de risques de retour et de donner au demandeur l’occasion de faire des commentaires avant de rendre une décision finale sur la demande de dispense de visa d’immigrant.

[8]        Le demandeur soumet que l’agent d’immigration a manqué à son obligation d’équité et a rendu une décision déraisonnable. Le demandeur se base entièrement sur l’arrêt Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 407 (C.F.A).

[9]        Dans Haghighi, supra la Cour a conclu que l’agent d’immigration a, avant de rendre sa décision, contrevenu à l’obligation d’équité en n’informant pas le demandeur du contenu de l’évaluation des risques de l’agent de révision, et en ne lui donnant pas une possibilité raisonnable de tenter de relever des erreurs ou des omissions dans cette évaluation.

[10]      L’affaire Haghighi, supra peut être distinguée de la présente espèce pour trois (3) motifs. Premièrement, la Cour d’appel fédérale a jugé que l’agent d’immigration avait l’obligation de divulguer au demandeur un rapport qui a été préparé par une tierce partie, soit un agent de révision des revendications refusées (ARRR), auquel elle souscrivait et qu’elle devait lui donnait l’occasion d’apporter des corrections à ce rapport. Or, en l’espèce, il n’y a aucun rapport produit par un tiers. L’analyse des risques de retour a été effectuée par l’agent d’immigration seul et elle fait partie de sa décision finale.

[…]

[12]      De plus dans l’affaire Siavashi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1132 (C.F. 1re inst.), le juge McKeown a énoncé qu’il n’est pas normal de fournir des motifs aux parties afin d’en obtenir des commentaires avant que la décision elle-même ne soit rendue :

[para 10] I cannot agree with this analysis since the Baker case, [1999] 2 S.C.R. 817, specifically provides that the summary document constitutes the reasons. It is not normal to provide reasons to the parties for comments before the issuance of the decision. The failure to disclose the summary report would only cause a problem if new facts were included in the summary which were not known to the Applicant. This is not the situation in this case.

[13]      Je souscrit [sic]entièrement à ce raisonnement. Accepter l’argument du demandeur en l’espèce équivaudrait à exiger des décideurs administratifs qu’ils fournissent une ébauche de leurs décisions aux demandeurs avant de rendre une décision finale, ce qui serait absurde.

 

(Il est également fait référence à : Shelliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 872, [2004] A.C.F. no 1134 (QL).

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR), visant la décision d’un agent d’immigration (l’agent chargé d’examiner les circonstances d’ordre humanitaire) datée du 1er juin 2006, refusant la demande produite par le demandeur en vue d’obtenir une dispense pour des motifs d’ordre humanitaire afin de lui permettre de demander la résidence permanente au Canada.

 

CONTEXTE

[3]               Le demandeur, M. Sajjade Hussain Shah, est né dans la province du Punjab, au Pakistan. C’est un musulman shiite âgé de 48 ans. Il est venu au Canada le 20 juin 2002, date à laquelle il a demandé le statut de réfugié.

 

[4]               Le 31 mars 2004, M. Shah a présenté une demande d’autorisation relative à la décision défavorable de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié datée du 5 mars 2004. Le 18 juin 2004, la Cour fédérale a rejeté la demande de M. Shah.

 

[5]               Le 29 juin 2006, M. Shah a produit une demande d’autorisation relative à une décision négative sur l’examen des risques avant renvoi (ERAR) rendue le 1er juin 2006. Le demandeur a également présenté une demande d’autorisation d’interjeter appel de la décision rendue le 1er juin 2006, qui lui refusait sa demande de dispense qui lui aurait permis de demander la résidence permanente au Canada.

 

[6]               Le 26 juillet 2006, M. Shah a déposé une requête pour suspension de la mesure de renvoi vers les États‑Unis, en attendant la décision finale sur sa demande d’autorisation touchant la décision sur l’ERAR. Cette demande de suspension a été rejetée le 16 août 2006.

 

DÉCISION À L’ÉTUDE

 

[7]               Dans une lettre en date du 1er juin 2006, l’agent chargé d’examiner les circonstances d’ordre humanitaire a conclu que, compte tenu de toutes les questions et circonstances soulevées par M. Shah, il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant une mesure spéciale en vertu du paragraphe 25(1) de la LIPR.

 

[8]               Dans ses motifs, l’agent chargé d’examiner les circonstances d’ordre humanitaire a soupesé les facteurs positifs et négatifs ayant trait à la profession de M. Shah, à ses actifs (dont sa résidence) au Canada, et à sa famille nucléaire au Pakistan.

 

[9]               En outre, l’agent chargé d’examiner les circonstances d’ordre humanitaire a conclu que le demandeur ne serait pas confronté à un risque subjectif pour sa vie s’il retournait au Pakistan et qu’il ne subirait donc pas de difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives en obtenant un visa de résident permanent de l’extérieur du Canada.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[10]           En l’espèce, les questions en litige sont les suivantes :

 

1) L’agent chargé d’examiner les circonstances d’ordre humanitaire a‑t‑il commis une erreur quant à son évaluation des facteurs pertinents touchant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire?

2) L’agent chargé d’examiner les circonstances d’ordre humanitaire a‑t‑il enfreint l’équité procédurale en ne donnant pas à M. Shah une possibilité de fournir de meilleures copies du mandat d’arrestation, du Premier rapport d’information (PRI) et de l’avis de convocation (pièces A-1, A-2 et A-3)?

 

RÉGIME LÉGISLATIF

 

[11]           En vertu du paragraphe 11(1) de la LIPR, un étranger qui désire vivre au Canada sur une base permanente doit demander et obtenir un visa de résident permanent avant d’entrer au Canada.

11.     (1) L'étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à l'agent les visa et autres documents requis par règlement, lesquels sont délivrés sur preuve, à la suite d'un contrôle, qu'il n'est pas interdit de territoire et se conforme à la présente loi.

11.      (1) A foreign national must, before entering Canada, apply to an officer for a visa or for any other document required by the regulations. The visa or document shall be issued if, following an examination, the officer is satisfied that the foreign national is not inadmissible and meets the requirements of this Act.

 

[12]           Toutefois, en vertu de l’article 25 de la LIPR, le ministre possède le pouvoir discrétionnaire de faciliter l’admission d’une personne au Canada ou de dispenser cette personne de l’application des critères pertinents ou de l’obligation prévue par la LIPR si le ministre est convaincu qu’une telle dispense devrait être autorisée pour des motifs d’ordre humanitaire.

 

 

25.      (1) Le ministre doit, sur demande d'un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s'il estime que des circonstances d'ordre humanitaire relatives à l'étranger — compte tenu de l'intérêt supérieur de l'enfant directement touché — ou l'intérêt public le justifient.

25.      (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister's own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly affected, or by public policy considerations.

 

            Principes généraux

[13]           La LIPR exige qu’un étranger qui désire vivre au Canada en permanence doit demander et obtenir un visa de résident permanent avant d’entrer au Canada. Toutefois, la LIPR permet également à un agent d’immigration de dispenser un étranger de l’application de cette exigence si l’agent (ou le ministre) est d’avis qu’une dispense est justifiée par des motifs d’ordre humanitaire se rapportant à lui (paragraphe 11(1) et article 25 de la LIPR).

 

[14]           L’étranger qui demande une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire a le fardeau de convaincre l’agent que, dans sa situation personnelle et particulière, l’obligation d’obtenir un visa de résident permanent à l’extérieur du Canada de la manière habituelle lui causerait des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives. (Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 94, [2003] A.C.J. no 139(QL))

 

[15]           La Cour ne devrait pas s’ingérer dans la décision d’un agent de ne pas accorder à un étranger de dispense pour des motifs d’ordre humanitaire sauf si la décision est déraisonnable, ce qui signifie qu’aucun mode d’analyse, dans les motifs avancés, ne pouvait raisonnablement amener l’agent, au vu de la preuve, à conclure comme il l’a fait. (Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (1999), 174 D.L.R. (4e) 193 (C.S.C.); Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] R.C.S. 247.)

 

[16]           La Cour suprême du Canada, dans l’arrêt Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, a déclaré que les décisions discrétionnaires prises par les agents d’immigration devraient faire l’objet d’un respect considérable. La Cour a statué que la norme d’examen qui s’applique aux décisions des agents d’immigration motivées par des raisons d’ordre humanitaire était la norme de la décision raisonnable simpliciter. Voici ce qu’a dit la juge Claire L’Heureux-Dubé sur la question :

[51]      Comme je l’ai dit précédemment, la loi et le règlement délèguent un très large pouvoir discrétionnaire au ministre dans la décision d’accorder une dispense pour des raisons d’ordre humanitaire. Le règlement dit que « [l]e ministre est autorisé à accorder, pour des raisons d’ordre humanitaire, une dispense [...] ou à faciliter l’admission au Canada de toute autre manière ». Ce langage témoigne de l’intention de laisser au ministre une grande latitude dans sa décision d’accorder ou non une demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire.

 

[…]

 

[59]      […] En l’espèce, le décideur est le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ou son représentant. Le fait que, officiellement, le décideur soit le ministre est un facteur militant en faveur de la retenue. Le ministre a une certaine expertise par rapport aux tribunaux en matière d’immigration, surtout en ce qui concerne les dispenses d’application des exigences habituelles.

 

[…]

 

[62]      [...] Je conclus qu’on devrait faire preuve d’une retenue considérable envers les décisions d’agents d’immigration exerçant les pouvoirs conférés par la loi, compte tenu de la nature factuelle de l’analyse, de son rôle d’exception au sein du régime législatif, du fait que le décideur est le ministre, et de la large discrétion accordée par le libellé de la loi. [...] Je conclus, après avoir évalué tous ces facteurs, que la norme de contrôle appropriée est celle de la décision raisonnable simpliciter.

 

[Non mis en évidence dans l’original]

 

 

[17]           La norme de la décision raisonnable simpliciter a été décrite comme une norme qui exige davantage de retenue que la norme de la décision correcte, mais moins que celle de la décision manifestement déraisonnable. Dans l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et de la recherche, Loi sur la concurrence) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, le juge Frank Iacobucci a indiqué, aux pages 778 et 779, que la norme de la décision raisonnable simpliciter est semblable à celle de la décision « manifestement erronée » et que les tribunaux devraient utiliser le critère de la « décision manifestement erronée » comme guide lorsqu’ils appliquent la norme de la décision raisonnable simpliciter :

[56]      Je conclus que cette troisième norme devrait être fondée sur la question de savoir si la décision du Tribunal est déraisonnable. Ce critère doit être distingué de la norme de contrôle qui appelle le plus haut degré de retenue, et en vertu de laquelle les tribunaux doivent dire si la décision du tribunal administratif est manifestement déraisonnable. Est déraisonnable la décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé. En conséquence, la cour qui contrôle une conclusion en regard de la norme de la décision raisonnable doit se demander s’il existe quelque motif étayant cette conclusion. […]

 

[…]

 

[60]      Même d’un point de vue sémantique, le rapport étroit entre le critère de la décision « manifestement erronée » et la norme de la décision raisonnable simpliciter est évident. Il est vrai que bien des choses erronées ne sont pas pour autant déraisonnables; mais quand le mot « manifestement » est accolé au mot « erroné», ce dernier mot prend un sens beaucoup plus proche de celui du mot « déraisonnable ». Par conséquent, le critère de la décision manifestement erronée marque un déplacement, du critère de la décision correcte vers un critère exigeant l’application de retenue. Cependant, le critère de la décision manifestement erronée ne va pas aussi loin que la norme du caractère manifestement déraisonnable. Car s’il existe bien des choses qui sont erronées sans être déraisonnables, il y a également bien des choses qui sont manifestement erronées sans pour autant être manifestement déraisonnables. Il s’ensuit donc que le critère de la décision manifestement erronée, tout comme la norme de la décision raisonnable simpliciter, s’inscrit sur le continuum, entre la norme de la décision correcte et celle du caractère manifestement déraisonnable. Parce que le critère de la décision manifestement erronée est bien connu des juges au Canada, il peut leur servir de guide dans l’application de la norme de la décision raisonnable simpliciter.

 

[Non mis en évidence dans l’original]

 

 

ANALYSE

 

            1)         La décision qui repose sur des motifs d’ordre humanitaire est bien fondée.

 

 

[18]           Le demandeur s’inscrit en faux contre les conclusions de l’agent, en faisant valoir que celui‑ci a mal appliqué les principes qui touchent la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et les risques posés par cette demande. De plus, le demandeur soutient que l’agent n’a pas pris en considération tous les éléments de preuve.

 

[19]           C’est une règle de droit bien connue qu’un tribunal est présumé avoir examiné tous les éléments de preuve qui lui sont soumis et que l’appréciation de la valeur probante à leur donner relève de son pouvoir discrétionnaire et de sa compétence. (Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317 (C.A.F.), [1992] A.C.F. no 946 (QL); Huang c. (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1993) 66 F.T.R. 178, [1994] A.C.F. no 901 (QL); Randhawa c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 606 (QL))

 

[20]           L’agent a énuméré tous les facteurs mentionnés par le demandeur à l’appui de sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, dont la persécution, le danger de torture et les risques allégués dans cette demande.

 

[21]           L’agent a traité des facteurs de risque dans la demande actuelle fondée sur des motifs d’ordre humanitaire. L’agent ne s’est pas fermé aux facteurs de risque pendant son analyse de la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[22]           L’agent avait manifestement à l’esprit l’ensemble de la situation du demandeur lorsqu’il a tiré ses conclusions quant à la demande fondée sur des motifs humanitaires qui a été présentée par le demandeur.

 

[23]           Les risques mentionnés par le demandeur dans son argumentation ont été dûment examinés dans le contexte d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, compte tenu des principes appropriés : il s’agissait d’établir si le demandeur subirait des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives s’il était obligé d’obtenir un visa de résident permanent de l’extérieur du Canada.

 

[24]           En outre, le défendeur fait valoir que l’agent a fait remarquer que, dans sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, le demandeur n’a pas fourni de détails ou d’explications au sujet des facteurs de risque. L’agent a agi en toute équité en examinant la preuve présentée à l’appui de la demande d’ERAR afin d’apporter un éclairage supplémentaire sur ces risques.

 

[25]           Le fait que l’agent soit la même personne qui a examiné la demande d’ERAR n’a pas empêché ce dernier de tirer une conclusion concernant la prétendue persécution et les prétendus risques auxquels le demandeur s’exposerait s’il retournait au Pakistan pour demander la résidence permanente.

 

[26]           Dans le contexte de l’examen de la preuve, l’agent avait le droit de s’appuyer sur la décision défavorable de la CISR, laquelle a été confirmée par la Cour fédérale.

 

[27]           Dans son mémoire, le demandeur soutient que l’agent a commis une erreur en n’examinant pas certaines pièces en particulier.

 

[28]           Cette allégation n’est pas fondée.

 

[29]           Il appartient à l’agent d’apprécier la preuve qui lui est soumise et de lui accorder une valeur probante.

[15]      Malgré les efforts valables de l'avocat du demandeur afin d'établir que la conclusion de l'agente est déraisonnable, la preuve documentaire n'est pas sans équivoque. Les questions de poids et de crédibilité de la preuve dans un examen des risques relèvent totalement du pouvoir discrétionnaire de l'agent ERAR et, habituellement, la Cour ne doit pas substituer son analyse à celle de l'agent (Maple Lodge Farms Ltd. c. Canada, [1982] 2 R.S.C. 2; Ferroequus Railway Co. c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, [2003] A.C.F. no 1773, au paragraphe 14, (C.A.F.) (QL); Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] A.C.F. no 974, au paragraphe 4 (1re inst.) (QL)).

 

[…]

 

[17]      [...] Il suffit de dire qu'il existe une preuve documentaire qui étaye la conclusion de l'agente. Il existe peut-être une preuve documentaire qui présente une position quelque peu différente, mais je ne suis pas disposé à dire, en l'espèce, que le fait de ne pas mentionner précisément cette preuve a pour effet de modifier la conclusion générale de l'agente selon laquelle le demandeur ne serait pas personnellement menacé de persécution.

 

[Non mis en évidence dans l’original]

 

(Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 30 (QL))

 

 

[30]           L’agent comprenait les facteurs d’ordre humanitaire invoqués par le demandeur et en était conscient. Il a soupesé ces facteurs dans le dossier du demandeur et a conclu que le demandeur ne subirait aucune difficulté ni préjudice excessifs en présentant sa demande de résidence permanente de la manière habituelle, c’est-à-dire de l’extérieur du Canada. Ses conclusions s’appuient sur la preuve et sont raisonnables, malgré le fait que le demandeur soit en désaccord avec l’agent.

 

2)         L’agent a agi conformément aux principes de justice naturelle.

[31]           De plus, contrairement à ce qu’allègue le demandeur, l’agent s’est effectivement penché sur les pièces du demandeur jugées pertinentes pour la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et a apprécié la valeur probante devant être donnée à ces pièces.

 

[32]           L’agent a admis les pièces précises du demandeur sur la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, puis a apprécié leur valeur probante.

 

[33]           L’agent a bien exercé sa compétence et a expliqué ses craintes au sujet de ces pièces.

 

[34]           L’agent n’était pas tenu de communiquer avec le demandeur et de lui faire part de ses préoccupations concernant l’authenticité des pièces.

 

[35]           Il incombait au demandeur de fournir la preuve nécessaire à l’appui de sa demande et de veiller à la qualité des pièces produites. Comme il est indiqué dans l’arrêt Baker, précité, le demandeur a eu l’occasion de produire des documents écrits complets en ce qui touche sa demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire et a eu l’assistance d’un avocat.

 

[36]           En l’espèce, la preuve n’a pas été faite qu’il y a eu violation des exigences relatives à l’équité procédurale.

 

[37]           Dans l’arrêt Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 38, [2004] A.C.F. no 158 (QL), la Cour d’appel fédérale a déclaré :

[8]        Le demandeur qui invoque des raisons d'ordre humanitaire n'a pas un droit d'être interviewé ni même une attente légitime à cet égard. Et, puisque le demandeur a le fardeau de présenter les faits sur lesquels sa demande repose, c'est à ses risques et périls qu'il omet des renseignements pertinents dans ses observations écrites. Selon nous, dans sa demande pour des raisons humanitaires, M. Owusu n'a pas suffisamment insisté sur les répercussions de son expulsion potentielle sur l'intérêt supérieur de ses enfants de manière à ce que l'agente n'ait d'autre choix que d'en tenir compte.

 

 

[38]           En conclusion, en réponse à l’argument du demandeur sur l’équité procédurale, une analyse d’une situation semblable, qui se déroule cependant dans un contexte différent, est examinée à la lumière d’un extrait de la décision rendue par le juge Pierre Blais dans Majerbi, précitée :

1.         Est-ce que l’agent d’immigration avait l’obligation de divulguer l’analyse de risques de retour qu’il a effectué personnellement et de donner au demandeur l’occasion de faire des commentaires avant de rendre une décision finale sur la demande de dispense de visa d’immigrant?

[…]

[7]        Non, l’agent d’immigration n’avait pas l’obligation de divulguer l’analyse de risques de retour et de donner au demandeur l’occasion de faire des commentaires avant de rendre une décision finale sur la demande de dispense de visa d’immigrant.

[8]        Le demandeur soumet que l’agent d’immigration a manqué à son obligation d’équité et a rendu une décision déraisonnable. Le demandeur se base entièrement sur l’arrêt Haghighi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] 4 C.F. 407 (C.F.A).

[9]        Dans Haghighi, supra la Cour a conclu que l’agent d’immigration a, avant de rendre sa décision, contrevenu à l’obligation d’équité en n’informant pas le demandeur du contenu de l’évaluation des risques de l’agent de révision, et en ne lui donnant pas une possibilité raisonnable de tenter de relever des erreurs ou des omissions dans cette évaluation.

[10]      L’affaire Haghighi, supra, peut être distinguée de la présente espèce pour trois (3) motifs. Premièrement, la Cour d’appel fédérale a jugé que l’agent d’immigration avait l’obligation de divulguer au demandeur un rapport qui a été préparé par une tierce partie, soit un agent de révision des revendications refusées (ARRR), auquel elle souscrivait et qu’elle devait lui donnait l’occasion d’apporter des corrections à ce rapport. Or, en l’espèce, il n’y a aucun rapport produit par un tiers. L’analyse des risques de retour a été effectuée par l’agent d’immigration seul et elle fait partie de sa décision finale.

[…]

[12]      De plus dans l’affaire Siavashi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1132 (C.F. 1re inst.), le juge McKeown a énoncé qu’il n’est pas normal de fournir des motifs aux parties afin d’en obtenir des commentaires avant que la décision elle-même ne soit rendue :

[para 10] I cannot agree with this analysis since the Baker case, [1999] 2 S.C.R. 817, specifically provides that the summary document constitutes the reasons. It is not normal to provide reasons to the parties for comments before the issuance of the decision. The failure to disclose the summary report would only cause a problem if new facts were included in the summary which were not known to the Applicant. This is not the situation in this case.

[13]      Je souscrit [sic]entièrement à ce raisonnement. Accepter l’argument du demandeur en l’espèce équivaudrait à exiger des décideurs administratifs qu’ils fournissent une ébauche de leurs décisions aux demandeurs avant de rendre une décision finale, ce qui serait absurde.

 

(Il est également fait référence à la décision Shelliah, précitée.)

 

[39]           Pour tous les motifs susmentionnés, le demandeur n’a pas établi que les conclusions tirées par l’agent justifient l’intervention de la Cour.

 

CONCLUSION

 

[40]           Les documents déposés par le demandeur à l’appui de sa demande d’autorisation et d’examen judiciaire ne comportent aucun motif sérieux justifiant l’intervention de la Cour pour annuler la décision de l’agent.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire du demandeur est rejetée.

2.                  Aucune question d’importance générale n’est certifiée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                               IMM-3573-06

 

INTITULÉ :                                             Sajjade Hussain SHAH

                                                                  c.

                                                                  LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 31 JANVIER 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 8 FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTION :

 

Harry Blank

 

POUR LE DEMANDEUR

Sylviane Roy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Harry Blank, c.r.

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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