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Date : 20070208

Dossier : IMM-3263-06

Référence : 2007 CF 122

Ottawa (Ontario), le 8 février 2007

EN PRÉSENCE DE  MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

demandeur

et

 

IAN ANTHONY CRICHLOW

défendeur

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT

 

APERÇU

[1]               Une simple erreur qui porte sur une disposition législative qui limite les pouvoirs du tribunal fait perdre compétence et donne ouverture à la révision judiciaire. (Union des employés de service, local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048.)

 

[2]               La norme de contrôle appropriée en ce qui a trait à l’excès de compétence est la norme de la décision correcte. (Pezim c. Colombie-Britannique (Superintendent of Brokers), [1994] 2 R.C.S. 557.)

[3]               L’article 197 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la LIPR) est une disposition transitoire qui classe l’appel de certaines catégories de personnes dont les appels étaient en instance au moment de l’entrée en vigueur de la LIPR et qui n’ont pas respecté les conditions de leur sursis.

 

INTRODUCTION

[4]               Le demandeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, a déposé le 15 juin 2006 une demande d’autorisation à l’encontre de la décision de la Section d’appel de l’immigration (SAI) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) rendue le 25 mai 2006 (le demandeur a pris connaissance de ladite décision le 1er juin 2006).

 

[5]               Se prononçant sur la question préliminaire de la compétence, la Commission a décidé que les articles 197 et 64 de la LIPR ne s’appliquaient pas au défendeur, étant donné qu’une nouvelle décision, assujettie aux dispositions de la LIPR, a été rendue au sujet de ce dernier le 25 septembre 2003.

 

[6]               Par conséquent, la Commission a rejeté la demande du ministre en vue de faire rejeter l’appel du défendeur pour défaut de compétence et elle est demeurée saisie de l’appel du défendeur afin d’en poursuivre l’audition.

 

LES FAITS

[7]               En comparution devant la Section d’arbitrage de la Commission, le défendeur, M. Ian Anthony Crichlow, a reconnu qu’il était citoyen de la Barbade et qu’il était un résident permanent du Canada, et non un citoyen du Canada. (Dossier du tribunal, 30 avril 1998, pages 23‑37, en particulier la page 30.)

 

[8]               Le 9 juin 1997, M. Crichlow a été reconnu coupable de cinq chefs de trafic de stupéfiants et condamné à vingt-six (26) mois d’emprisonnement.

 

[9]               La Section de l’arbitrage a décidé que les allégations concernant M. Crichlow étaient fondées et a ordonné l’expulsion du défendeur en vertu du paragraphe 32(2) de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2.

 

[10]           Le 30 avril 1998, une mesure d’expulsion a été prononcée contre M. Crichlow en vertu du paragraphe 32(2) de la Loi sur l’immigration.

 

[11]           Le 1er mai 1998, M. Crichlow a interjeté appel de ladite mesure d’expulsion auprès de la SAI, en vertu de l’article 70 de la Loi sur l’immigration.

 

[12]           Le 5 février 1999, M. Crichlow a comparu devant la SAI. La SAI a ordonné que soit suspendue l’exécution de la mesure de renvoi pendant une période de sept (7) ans.

 

[13]           La Commission a imposé des conditions en vertu desquelles M. Crichlow a été autorisé à demeurer au Canada.

 

[14]           Le 13 juillet 1999 et le 18 juillet 2000, des réexamens oraux du sursis accordé à M. Crichlow en février 1999 ont été tenus, et le sursis a été maintenu à des conditions qui ont toutefois été modifiées le 18 juillet 2000.

 

[15]           Le 28 juin 2002, la LIPR est entrée en vigueur. L’une de ses dispositions transitoires, l’article 197, prévoit qu’un appelant qui s’est vu accorder un sursis en vertu de la Loi sur l’immigration et qui enfreint une condition du sursis est assujetti à l’application des dispositions de l’article 64 et du paragraphe 68(4) de la LIPR.

 

[16]           Le 25 septembre 2002, la SAI a réexaminé le sursis et en a ordonné le maintien sous réserve du respect de conditions modifiées.

 

[17]           Sous le titre Réexamen intérimaire, la SAI a également décidé qu’elle procéderait à un réexamen intérimaire de vive voix de la cause au plus tard le 25 septembre 2003.

 

[18]           Elle a également statué qu’un autre réexamen de la cause aurait lieu vers le 5 février 2006, soit exactement sept (7) ans après la première comparution de M. Crichlow devant la SAI, le 5 février 1999, au cours de laquelle il a obtenu un sursis de sept (7) ans.

 

[19]           Un réexamen intérimaire de la cause de M. Crichlow a eu lieu le 25 septembre 2003 comme prévu. L’extrait pertinent de l’ordonnance rendue par la SAI ce jour‑là se lit comme suit :

Il est sursis à la mesure de renvoi dans le cadre du présent appel, et l’appel sera réexaminé à tout autre moment que pourra déterminer la Section d’appel de l’immigration. Ce sursis est accordé sous réserve des conditions suivantes – l’appelant doit :

 

CONDITIONS DU SURSIS DE LA MESURE DE RENVOI

 

1.      Signaler d’avance et par écrit tout changement d’adresse au ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration (le « ministère ») et à la Section d’appel de l’immigration.

 

2.      Fournir une copie de son passeport ou titre de voyage au ministère ou, à défaut, remplir une demande de passeport ou de titre de voyage et la fournir au ministère.

 

3.      Demander la prolongation de la validité de tout passeport ou titre de voyage avant qu’il ne vienne à expiration, et en fournir subséquemment copie au ministère.

 

[…]

 

5.      Si vous êtes accusé d’une infraction criminelle, la signaler sans délai et par écrit au ministère.

 

[…]

 

13. Ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite.

 

[Non souligné dans l’original.]

 

 

[20]           Le 25 septembre 2003, la SAI a également prévu la tenue d’un autre réexamen de la cause vers le 5 février 2006.

 

[21]           Le 22 novembre 2005, la représentante du ministre a présenté à la SAI une demande pour faire rejeter l’appel de M. Crichlow pour défaut de compétence en vertu des articles 197 et 64 de la LIPR.

 

[22]           La représentante du ministre a fait valoir que M. Crichlow a été condamné à une peine de plus de deux ans d’emprisonnement et jugé interdit de territoire pour grande criminalité.

 

[23]           De plus, M. Crichlow n’a pas respecté plusieurs conditions qui lui ont été imposées le 25 septembre 2003. Par exemple, il n’a pas signalé d’avance au ministère son changement d’adresse et il n’a pas fourni une copie de son passeport ou titre de voyage au ministère ni, à défaut, n’a rempli une demande de passeport ou de titre de voyage ni ne l’a fournie au ministère.

 

[24]           La représentante du ministère a également précisé que M. Crichlow n’a pas respecté la condition no 13, « ne pas troubler l’ordre public et avoir une bonne conduite » et la condition no 5, « si vous êtes accusé d’une infraction criminelle, la signaler sans délai et par écrit au ministère ». À cet égard, il n’a pas informé le ministère qu’en date du 2 juillet 2005 il a été accusé d’omission de se conformer à une condition d’une promesse ou d’un engagement au sens de l’alinéa 145(3)b) du Code criminel.

 

[25]           En outre, bien qu’il ait été accusé de voies de fait en vertu de l’article 266 du Code criminel le 24 avril 2005 et d’omission de se conformer à une condition d’une promesse ou d’un engagement au sens de l’alinéa 145(3)b) du Code criminel le 2 juillet 2005, M. Crichlow a coché « non » en réponse à la dernière question de son rapport de sursis à la mesure de renvoi établi en date du 1er septembre 2005, dont voici la teneur : [traduction] Depuis l’examen le plus récent des conditions établies par la Section d’appel, avez-vous été condamné pour une infraction criminelle ou avez-vous été accusé d’une infraction criminelle? (Rapport de sursis à la mesure de renvoi, dossier du tribunal, page 304.)

 

[26]           Le 20 janvier 2006, l’avocat du défendeur a présenté des observations en réponse à la demande faite par la représentante du ministre de faire rejeter l’appel. Il a notamment fait valoir que la conjointe de fait de M. Crichlow avait informé le Ministère, dans une télécopie envoyée le 4 juillet 2005, de l’arrestation de M. Crichlow pour inobservation d’une condition le 2 juillet 2005. (Observations en réponse à la demande de rejet de l’appel et pièces jointes, dossier du tribunal, pages 149-158.)

 

[27]           Le 1er février 2006, en réplique aux observations déposées par l’avocat de M. Crichlow, la représentante du ministre a déposé une déclaration solennelle de Mme Michèle Théroux, conseillère principale d’audiences à l’Agence des services frontaliers du Canada, en date du 25 janvier 2006.

 

[28]           Mme Théroux a déclaré qu’elle a vérifié le dossier de M. Crichlow et qu’elle n’y a trouvé aucune télécopie ni aucune autre communication qui mentionnerait que M. Crichlow a été accusé d’omission de se conformer à une condition d’une promesse ou d’un engagement au sens de l’alinéa 145(3)b) du Code criminel. (Réplique de la représentante du ministre en date du 1er février 2006 et pièces, dossier du tribunal, pages 167-189; déclaration solennelle de Michèle Théroux en date du 25 janvier 2006, dossier du tribunal, pages 187-189.)

 

[29]           La représentante du ministre a également rapporté des faits nouveaux qui lui ont été signalés. Elle a prétendu que M. Crichlow n’a pas informé le Ministère d’une accusation de voies de fait dans le dossier 500-01-011765-051 ainsi que de quatre accusations portées en vertu de l’alinéa 145(5.1)b) du Code criminel dans le dossier 500-01-020419-054.

 

[30]           La représentante du ministre a allégué que M. Crichlow a omis de rapporter ces nouvelles accusations, enfreignant ainsi la condition no 5, « si vous êtes accusé d’une infraction criminelle, la signaler sans délai et par écrit au ministère », et également de mentionner qu’il faisait l’objet d’un mandat depuis le 2 décembre 2005 pour défaut de comparaître au tribunal ce jour‑là.

 

LA DÉCISION ATTAQUÉE

[31]           Le 25 mai 2006, en réponse à la question préliminaire portant sur la compétence, la Commission a statué que les articles 197 et 64 de la LIPR ne s’appliquaient pas à M. Crichlow et qu’en conséquence la SAI avait compétence pour demeurer saisie de l’appel de M. Crichlow.

 

[32]           La Commission a fondé sa décision à cet égard sur la conclusion selon laquelle la décision rendue par la SAI le 25 septembre 2003 était une nouvelle décision, sujette aux dispositions de la nouvelle Loi, car il n’était pas fait mention dans la décision du 25 septembre 2003 de l’existence ou de l’inexistence d’un lien avec le réexamen du sursis accordé à M. Crichlow le 5 février 1999. Il n’était pas non plus fait mention de la décision initiale ou de réexamens subséquents.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[33]           Deux questions en litige doivent être tranchées en l’espèce :

 

1) La Commission a-t-elle commis une erreur et excédé sa compétence en omettant de décider si l’appel de M. Crichlow avait été classé en vertu de l’article 197 de la LIPR, sur la foi des allégations de non-respect des conditions?

2) La Commission a-t-elle commis une erreur en statuant que la décision rendue le 25 septembre 2003 constituait une nouvelle décision et non un réexamen du sursis accordé à M. Crichlow le 5 février 1999?

 

NORME DE CONTRÔLE

[34]           Une question d’interprétation législative est au cœur des questions en litige soulevées en l’espèce. Dans l’arrêt Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 85, [2004] A.C.F. no 366 (QL), le juge John Maxwell Evans, de la Cour d’appel fédérale, a statué que la norme de contrôle appropriée qui s’applique aux questions relatives à l’interprétation des lois est celle de la décision correcte :

[18]      Comme l’interprétation d’une loi est une question de droit, il est convenu que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision correcte. Il est aussi convenu que l’interprétation de l’article 196 doit respecter le cadre analytique suivant, établi dans l’arrêt Rizzo & Rizzo Shoes [au paragraphe 21] et appliqué par la juge qui a entendu la demande (au paragraphe 22 de ses motifs):

Bien que l’interprétation législative ait fait couler beaucoup d’encre [...] Elmer Driedger dans son ouvrage intitulé Construction of Statutes (2e éd. 1983) résume le mieux la méthode que je privilégie. Il reconnaît que l’interprétation législative ne peut pas être fondée sur le seul libellé du texte de loi. À la p. 87, il dit :

[traduction] Aujourd’hui il n’y a qu’un seul principe ou solution : il faut lire les termes d’une loi dans leur contexte global et en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur.

 

(Voir également : Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (C.A.F.), 2005 CAF 417, [2005] A.C.F. no 2046 (QL); Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Hyde, 2005 CF 950, [2005] A.C.F. no 1178 (QL), aux paragraphes 22-24; Carbonaro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 102, [2006] A.C.F. no 134 (QL), aux paragraphes 19-20.)

 

ANALYSE

            Demande qui soulève la question litigieuse de la compétence

[35]           Si aucune question de compétence ne se pose et s’il n’y a aucune circonstance particulière, il ne peut y avoir de contrôle judiciaire des décisions interlocutoires rendues par des tribunaux administratifs. En règle générale, les décisions qui sont rendues dans le cours d’une instance devant un tribunal ne devraient pas être contestées tant que l’instance engagée devant le tribunal n’a pas été menée à terme. (Zündel c. Citron, [2000] A.C.F. no 678 (QL) (C.A.F.), au paragraphe 10; Canada (procureur général) c. Leonarduzzi, 2001 CFPI 529, [2001] A.C.F. no 802 (QL) (C.F. 1re inst.), paragraphes. 15-19.)

 

[36]           Néanmoins, ce principe n’est pas absolu. Il peut y avoir contrôle judiciaire d’une décision interlocutoire s’il existe des circonstances particulières. (Szczecka c. Canada (ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 934 (QL) (C.A.F.).)

 

[37]           Il a été statué qu’il existait des circonstances spéciales justifiant le contrôle judiciaire immédiat d’une décision interlocutoire d’un tribunal lorsque la compétence du tribunal est mise en cause. (Zündel, précitée, paragraphe 15; Pfeiffer c. Canada (Surintendant des faillites), [1996] A.C.F. no 585 (QL) (C.F. 1re inst.).)

 

[38]           Dans Roosma c. Ford Motor Co. of Canada Ltd., 53 D.L.R. (4th) 90 (C. Div. Ont..), (1988) 66 O.R. (2d) 18, la Cour divisionnaire de l’Ontario a statué qu’une procédure de contestation devant un tribunal pouvait faire l’objet d’un contrôle judiciaire si la procédure comportait un vice fatal et était entachée d’un défaut de compétence fatal dès le début, même lorsqu’un appel était prévu.

 

[39]           Dans l’arrêt Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Sohal, 2004 CF 660, [2004] A.C.F. no 813 (QL) (C.F.), au paragraphe 16, le juge en chef Allan Lutfy a conclu qu’une question de compétence avait été soulevée dans une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision interlocutoire de la SAI rejetant la demande du ministre pour qu’il soit mis fin à l’appel en vertu de l’article 196 de la LIPR. Le juge en chef Lutfy a statué que ladite demande de contrôle judiciaire devrait être tranchée avant l’audience sur les questions de fond.

 

[40]           De plus, il a été statué que les décisions interlocutoires sont sujettes à révision si elles définissent la portée de la décision finale et revêtent suffisamment d’importance. Dans ces circonstances, un demandeur n’est pas tenu d’attendre la fin de l’instance. (Citizens’ Mining Council of Newfoundland and Labrador Inc. c. Canada (Ministre de l’Environnement), [1999] A.C.F. n273 (QL) (C.F. 1re inst.); Assoc. canadienne des employés de téléphone c. Bell Canada, 2002 CFPI 776, [2002] A.C.F. no 1044 (QL) (C.F. 1re inst.).)

 

[41]           En outre, il a également été statué qu’une décision interlocutoire qui touche les droits des parties est sujette à un contrôle judiciaire immédiat. (Groupe G. Tremblay Syndics Inc. c. Canada (Surintendant des faillites), [1997] A.C.F. n294 (QL) (C.F. 1re inst.); Canadian Telephone Employees Assn., précitée.)

 

[42]           Il est approprié de demander le contrôle judiciaire immédiat de la décision interlocutoire attaquée. Premièrement, la Commission a rendu une décision qui comportait un vice fatal et était entachée d’un défaut de compétence fatal en décidant à tort de demeurer saisie de l’appel de M. Crichlow, malgré les articles 64 et 197 de la LIPR, sans établir si M. Crichlow a enfreint les conditions de son sursis.

 

[43]           De plus, la décision attaquée définit la portée de la décision finale devant être rendue en l’élargissant et en permettant à la SAI de décider de questions qui, pourrait-on soutenir, excèdent sa compétence, comme la question de savoir si, à la lumière de facteurs d’ordre humanitaire, les manquements, par M. Crichlow, à ses conditions sont suffisamment graves pour justifier le rejet de son appel. À cet égard, il est maintenant établi dans la jurisprudence que :

[25]      La gravité du crime commis, comme en témoigne la durée de la peine d’emprisonnement imposée, qui constitue le fondement d’une mesure d’expulsion, justifie le classement de la peine si l’on enfreint n’importe quelle condition dont le sursis est assorti.

 

 

(Canada (Citoyenneté et Immigration) c. Hyde, 2006 FCA 379, [2006] F.C.J. No. 1747 (QL) (C.A.F.).)

 

[44]           La décision attaquée revêt suffisamment d’importance pour justifier une intervention immédiate de la Cour.

 

Ce n’est pas une nouvelle décision

[45]           L’appel interjeté par M. Crichlow le 1er mai 1998 à l’encontre de la mesure d’expulsion prononcée contre lui le 30 avril 1998 n’a jamais été accueilli ou rejeté. L’exécution de ladite mesure d’expulsion a fait l’objet d’un sursis d’une durée de sept ans qui a permis à M. Crichlow de demeurer au Canada sous réserve du respect de certaines conditions.

 

[46]           En accordant un sursis et en réexaminant périodiquement la cause de M. Crichlow, la SAI n’a pas tranché de façon définitive l’appel de M. Crichlow interjeté le 1er mai 1998, ce que confirme la citation suivante tirée de l’arrêt Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CAF 85 (C.A.F.), [2004] A.C.F. n366 (QL) :

[35]      […] Même si la SAI statuait sur un appel lorsqu’elle ordonnait de surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi, sa décision n’était pas définitive.

 

 

[47]           M. Crichlow était en probation, et la SAI est demeurée saisie de sa cause. (Grillas c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1972] 2 R.C.S. 577.)

 

[48]           La décision de la SAI n’était pas finale tant que l’appel n’était pas vraiment tranché, soit qu’il était accueilli ou rejeté. (Medovarski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration); Esteban c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 539 (C.S.C.), paragraphe 37.)

 

[49]           Quand la LIPR est entrée en vigueur, comme M. Crichlow s’était vu octroyer un sursis en vertu de l’ancienne Loi, la compétence de la SAI a été préservée par l’article 196 de la LIPR. Cet article permettait à M. Crichlow de conserver le bénéfice de la décision de la SAI rendue le 5 février 1999 et maintenait la compétence de la SAI sur l’affaire. (Medovarski, Cour d’appel fédérale, précitée, au paragraphe 41.)

 

[50]           Compte tenu de ce qui précède, la décision rendue le 25 septembre 2003 ne pouvait raisonnablement être considérée comme une nouvelle décision, sans lien avec la décision initiale de la SAI rendue le 5 février 1999.

 

[51]           Le 25 septembre 2003, comme l’application de l’article 196 de la LIPR avait assuré le maintien de la compétence de la SAI sur l’appel interjeté par M. Crichlow le 1er mai 1998, cet appel était toujours en cours, et les principes de litispendance et de la chose jugée empêchaient la SAI de réexaminer la question de la mesure d’expulsion prononcée le 30 avril 1998 contre M. Crichlow et de prendre une nouvelle décision.

 

[52]           Aucun nouvel appel à l’encontre de la mesure d’expulsion prononcée le 30 avril 1998 n’a été interjeté.

 

[53]           Le réexamen du sursis de M. Crichlow survenu le 25 septembre 2003 constituait une étape logique après l’octroi d’un sursis le 9 février 1999.

 

[54]           En outre, la décision de la Commission, en date du 25 septembre 2002, qui prévoyait un réexamen intérimaire du sursis de M. Crichlow vers le 25 septembre 2003, confirme que la décision du 25 septembre 2003 représentait simplement un réexamen du sursis de M. Crichlow, et non une nouvelle décision n’ayant pas de lien avec la décision initiale de la SAI rendue le 5 février 1999.

 

[55]           Il est également confirmé par le compte rendu de l’audience du 25 septembre 2003 elle‑même que le président de l’audience a expressément mentionné que la date du 25 septembre 2003 avait été fixée pour un réexamen intérimaire du sursis du défendeur, octroyé en vertu du paragraphe 74(2) de la Loi sur l’immigration maintenant abrogée.

 

[56]           Il était déraisonnable de conclure que la décision du 25 septembre 2003 était une nouvelle décision, sans lien avec la décision du 5 février 1999, qui avait pour effet d’exclure M. Crichlow de l’application de la disposition transitoire énoncée à l’article 197 de la LIPR.

 

[57]           La seule conclusion appropriée possible était que l’appel de M. Crichlow n’avait pas encore fait l’objet d’une décision définitive, qu’il était toujours en instance et que par conséquent la décision du 25 septembre 2003 n’était pas une nouvelle décision. Il s’agissait d’un réexamen intérimaire du sursis ayant été ordonné par la SAI le 5 février 1999.

 

Erreur découlant de la compétence

[58]           En se fondant sur la décision erronée selon laquelle la décision du 25 septembre 2003 était une nouvelle décision, sans lien avec la décision initiale du 9 février 1999, la Commission a statué que les articles 64 et 197 de la LIPR ne s’appliquaient pas. Par conséquent, elle est demeurée saisie de l’appel interjeté par M. Crichlow, sans tenir compte de l’effet de la disposition transitoire et du témoignage du ministre au sujet des nombreuses infractions aux conditions commises par M. Crichlow.

 

[59]           L’erreur commise par la Commission dans son évaluation de la décision du 25 septembre 2003 a amené la Commission à conclure qu’elle devrait demeurer saisie de l’appel de M. Crichlow malgré les articles 64 et 197 de la LIPR, ce qui constituait une autre erreur. Ces conclusions sont manifestement déraisonnables. Les dispositions transitoires de la LIPR prévoient que les appels devant la SAI sont classés dans certaines circonstances.

 

[60]           La décision de la Commission de demeurer saisie de l’appel de M. Crichlow, pour le motif que l’article 197 de la LIPR ne s’appliquait pas, sans prendre en considération le témoignage du ministre au sujet des nombreuses infractions de M. Crichlow aux conditions lui ayant été imposées, constitue un excès de compétence clair. Un tel excès de compétence, même s’il est commis en toute bonne foi, entraînera néanmoins l’annulation de la décision. (Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission des relations de travail), [1984] 2 R.C.S. 412.)

 

[61]           Une simple erreur qui porte sur une disposition législative qui limite les pouvoirs du tribunal fait perdre compétence et donne ouverture à la révision judiciaire. (Union des employés de service, local 298 c. Bibeault, [1988] 2 R.C.S. 1048.)

 

[62]           La norme de contrôle appropriée en ce qui a trait à l’excès de compétence est la norme de la décision correcte. (Pezim, précitée.)

 

[63]           L’article 197 de la LIPR est une disposition transitoire qui classe l’appel de certaines catégories de personnes dont les appels étaient en instance au moment de l’entrée en vigueur de la LIPR et qui n’ont pas respecté les conditions de leur sursis.

 

[64]           L’article 197 de la LIPR est ainsi rédigé :

Sursis

 

Stays

 

197.      Malgré l’article 192, l’intéressé qui fait l’objet d’un sursis au titre de l’ancienne loi et qui n’a pas respecté les conditions du sursis, est assujetti à la restriction du droit d’appel prévue par l’article 64 de la présente loi, le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable.

197.      Despite section 192, if an appellant who has been granted a stay under the former Act breaches a condition of the stay, the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) of this Act.

 

 

[65]           Voici la teneur de l’extrait pertinent de l’article 64 de la LIPR :

Restriction du droit d’appel

 

No appeal for inadmissibility

 

64.      (1) L’appel ne peut être interjeté par le résident permanent ou l’étranger qui est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux, grande criminalité ou criminalité organisée, ni par dans le cas de l’étranger, son répondant.

 

64      (1) No appeal may be made to the Immigration Appeal Division by a foreign national or their sponsor or by a permanent resident if the foreign national or permanent resident has been found to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights, serious criminality or organized criminality

 

Grande criminalité

 

Serious criminality

 

(2) L’interdiction de territoire pour grande criminalité vise l’infraction punie au Canada par un emprisonnement d’au moins deux ans.

 

(2) For the purpose of subsection (1), serious criminality must be with respect to a crime that was punished in Canada by a term of imprisonment of at least two years.

 

[66]           Voici la teneur du paragraphe 68(4) de la LIPR :

68.      (4) Le sursis de la mesure de renvoi pour interdiction de territoire pour grande criminalité ou criminalité est révoqué de plein droit si le résident permanent ou l’étranger est reconnu coupable d’une autre infraction mentionnée au paragraphe 36(1), l’appel étant dès lors classé.

68.     (4) If the Immigration Appeal Division has stayed a removal order against a permanent resident or a foreign national who was found inadmissible on grounds of serious criminality or criminality, and they are convicted of another offence referred to in subsection 36(1), the stay is cancelled by operation of law and the appeal is terminated.

 

[67]           Le 30 avril 1998, M. Crichlow a été jugé interdit de territoire par la Section de l’arbitrage en vertu de l’alinéa 27(1)d) de la Loi sur l’immigration, maintenant abrogée, pour s’être vu infliger une peine d’emprisonnement de plus de six (6) mois; en fait, M. Crichlow s’était fait infliger une peine d’emprisonnement de vingt-six (26) mois (compte rendu de l’audience de la Section de l’arbitrage de la CISR tenue à Montréal dans le cas d’Anthony Ian Crichlow le 30 avril 1998, dossier du tribunal, à la page 35).

 

[68]           M. Crichlow est interdit de territoire pour grande criminalité en vertu du paragraphe 64(2) de la LIPR.

 

[69]           Le 9 février 1999, la SAI a ordonné en vertu de la Loi sur l’immigration qu’il soit sursis à l’exécution de la mesure de renvoi contre M. Crichlow pour une période de sept (7) ans.

 

[70]           Le 22 novembre 2005 et le 1er février 2006, le ministre a formulé de graves allégations selon lesquelles M. Crichlow n’a pas respecté certaines de ses conditions en 2005.

 

[71]           L’article 197 prévoit une exception à la règle générale énoncée à l’article 192 de la LIPR, exception qui permet le maintien, en vertu de l’ancienne Loi sur l’immigration, d’appels interjetés auprès de la SAI juste avant l’entrée en vigueur de la LIPR.

 

[72]           L’article 197 vise des personnes qui, comme M. Crichlow, sont interdites de territoire pour des motifs de grande criminalité tel que le décrit le paragraphe 64(2) de la LIPR, dont la mesure d’expulsion a fait l’objet d’un sursis en vertu de la Loi sur l’immigration et qui n’ont pas respecté les conditions de leur sursis. Il englobe la grande criminalité dans le cas de personnes visées par l’article 192 qui enfreignent l’une ou l’autre des conditions de leur sursis. Elles sont sujettes à l’article 64 et au paragraphe 68(4) de la LIPR.

 

[73]           La Commission a commis une erreur de droit et a excédé sa compétence ou a omis d’exercer sa compétence en concluant que l’article 197 ne s’appliquait pas à M. Crichlow et en ne tenant pas compte du témoignage du ministre concernant les nombreux bris de condition commis par M. Crichlow.

 

[74]           Si la Commission avait exercé correctement sa compétence et avait conclu que les allégations de non-respect des conditions par M. Crichlow étaient fondées, elle n’aurait eu d’autre choix que de classer l’appel de M. Crichlow.

 

[75]           Il est maintenant établi dans la jurisprudence que, lorsqu’une personne décrite à l’article 64 de la LIPR, qui fait l’objet d’un sursis – en instance – à l’exécution d’une mesure de renvoi octroyé par la SAI en vertu de la Loi sur l’immigration, maintenant abrogée, ne respecte pas l’une ou l’autre des conditions de son sursis, il est mis fin à l’appel interjeté par cette personne en vertu de l’article 197 de la LIPR. (Hyde, Cour d’appel fédérale, précitée.)

 

[76]           Dans deux décisions antérieures, la Cour a adopté le point de vue de la Cour d’appel fédérale sur cette question. (Carbonaro c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 102, [2006] A.C.F. no 134 (QL); Bautista c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 30, [2006] A.C.F. no 49 (QL).)

 

[77]           Voici ce que dit la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Hyde, précité :

[22]      L’article 197 dit simplement, en anglais, que si un appelant n’a pas respecté les conditions du sursis, « the appellant shall be subject to the provisions of section 64 and subsection 68(4) » de la LIPR. Le fait qu’un appelant soit assujetti (subject to) aux deux dispositions ne signifie pas nécessairement que les deux doivent s’appliquer aux faits d’une espèce donnée avant que l’article 197 entre en jeu pour classer un appel. Après tout, le mot « and » peut être conjonctif ou disjonctif, suivant le contexte.

 

[23]      Néanmoins, toute ambiguïté présente dans la version anglaise de l’article 197 est absente du texte français, qui ne comporte pas l’équivalent du mot « and », entre les dispositions en question. Sans se reporter à la version française, le juge a accordé une grande importance à la présence du mot « and », qu’il a considéré comme conjonctif. Après avoir déclaré qu’un appelant est assujetti à la restriction imposée au droit d’appel que prévoit l’article 64, la version française de l’article 197 conclut comme suit : « le paragraphe 68(4) lui étant par ailleurs applicable ». L’idée qui en ressort est la suivante : si l’article 64 ne s’applique pas à un appelant particulier, le paragraphe 68(4) lui s’applique.

[…]

[24]      L’interprétation de l’article 197 adoptée dans les décisions Bautista et Carbonaro est plus cohérente, ou harmonieuse, avec la conception du régime législatif, en ce sens qu’elle reflète la façon dont l’article 64 et le paragraphe 68(4) s’appliquent dans les affaires postérieures à l’entrée en vigueur de la LIPR. C’est-à-dire que l’article 64 refuse tout droit d’appel devant la SAI à une personne frappée d’une mesure d’expulsion parce qu’elle a été déclarée coupable d’une infraction pour laquelle une peine d’emprisonnement d’au moins deux ans a été infligée. Cependant, une telle personne, comme M. Hyde, qui a interjeté appel et qui s’est vu accorder un sursis avant l’entrée en vigueur de la LIPR, ne sera pas renvoyée si elle se conforme aux conditions dont le sursis est assorti.

 

[25]      La gravité du crime commis, comme en témoigne la durée de la peine d’emprisonnement imposée, qui constitue le fondement d’une mesure d’expulsion, justifie le classement de la peine si l’on enfreint n’importe quelle condition dont le sursis est assorti.

 

[26]      Par contraste, une personne frappée d’une mesure d’expulsion parce qu’elle a été reconnue coupable d’une infraction pour laquelle une peine d’emprisonnement de moins deux ans a été imposée peut quand même interjeter appel devant la SAI après l’entrée en vigueur de la LIPR. Si la SAI surseoit à l’exécution de la mesure de renvoi, l’appel n’est automatiquement classé que si l’appelant est reconnu coupable d’une infraction punissable d’un emprisonnement maximal de dix ans, ou s’il est condamné à une peine d’emprisonnement de plus de six mois. Par conséquent, lorsqu’une mesure d’expulsion est fondée sur une peine d’emprisonnement de moins de deux ans, et si l’appelant convainc la SAI que « vu les autres circonstances de l’affaire », il faudrait surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi, l’appel ne peut être classé, aux termes du paragraphe 68(4), qu’en cas de reconnaissance de culpabilité subséquente à l’égard d’une ou plusieurs des infractions graves décrites au paragraphe 36(1).

 

[27]      Le fait de considérer que l’article 197 permet de continuer l’appel de M. Hyde parce que les infractions pour lesquelles il a été reconnu coupable, après s’est vu accorder un sursis, n’étaient pas graves au point de tomber sous le coup du paragraphe 36(1), fait abstraction du fait qu’il a été frappé d’une mesure d’expulsion à cause d’une peine qui était à ce point grave qu’il lui aurait été tout à fait exclu d’interjeter appel auprès de la SAI s’il avait voulu le faire après l’entrée en vigueur de la LIPR.

 

[28]      L’article 64 traite des personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’expulsion pour avoir été condamnées à une peine d’emprisonnement de plus de deux ans, et qui, de ce fait, n’ont aucun droit d’appel. Le paragraphe 68(4) traite nécessairement des personnes ayant fait l’objet d’une mesure d’expulsion à cause d’une peine moins sévère, et ces personnes disposent donc d’un droit d’appel, qu’elles peuvent perdre si, après avoir obtenu un sursis, elles commettent une infraction visée au paragraphe 36(1).

 

[29]      Par définition, il s’agit de deux groupes de personnes différents, puisqu’une personne qui a commis une infraction visée à l’article 64, et qui interjette appel auprès de la SAI après l’entrée en vigueur de la LIPR, n’a aucun droit d’appel et ne peut donc jamais obtenir un sursis à son renvoi sous réserve d’un certain nombre de conditions. Dans un appel interjeté après l’entrée en vigueur de la LIPR, le paragraphe 68(4) ne peut donc s’appliquer qu’aux personnes qui n’ont pas commis une infraction visée à l’article 64. Cela étant, il serait anormal que l’article 197 traite de la même façon ceux qui, après l’entrée en vigueur de la LIPR, n’avaient absolument aucun droit d’appel en vertu de l’article 64, et ceux qui bénéficiaient d’un droit d’appel.

 

[30]      L’avocat de M. Hyde a fait valoir que l’inclusion, à l’article 197, du renvoi à l’article 64 a eu pour but de fixer une limite à l’application de l’article 197. Cet article ne s’appliquerait donc jamais à un appelant qui a été l’objet d’une mesure d’expulsion parce qu’il a commis une infraction pour laquelle il a été condamné à une peine d’emprisonnement de moins de deux ans. Cet argument comporte toutefois trois difficultés au moins.

 

[31]      Premièrement, la version française de l’article 197 indique que le renvoi à l’article 64 a pour but de restreindre le droit d’appel : « l’intéressé… est assujetti à la restriction du droit d’appel prévue par l’article 64 de la présente loi ».

 

[32]      Deuxièmement, l’argument revient à dire que l’arrêt Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2006] 3 R.C.F. 70, 2005 CAF 417, a été tranché erronément. M. Singh avait été frappé d’une mesure d’expulsion pour avoir commis une infraction pour laquelle il avait été condamné à une peine d’emprisonnement de 20 mois (paragraphe 6) (c’est-à-dire, une peine à laquelle ne s’appliquait pas l’article 64). La Cour a néanmoins conclu que son appel auprès de la SAI avait été classé par l’article 197 car, même s’il y avait eu sursis à l’exécution de la mesure de renvoi le concernant, il avait commis une infraction à laquelle s’appliquait le paragraphe 68(4). Selon la théorie de M. Hyde, il n’aurait pas fallu conclure que l’article 197 s’appliquait à M. Singh car ce dernier ne tombait pas à la fois sous le coup de l’article 64 et du paragraphe 68(4).

 

[33]      Troisièmement, il est difficile de justifier la conclusion selon laquelle le législateur a envisagé qu’une personne frappée d’une mesure d’expulsion pour avoir été condamnée à une peine d’emprisonnement de dix-huit mois devrait voir son sursis annulé et son appel classé parce qu’elle a commis par la suite une infraction à laquelle s’applique le paragraphe 68(4), si elle a porté sa cause en appel après l’entrée en vigueur de la LIPR, mais pas si elle l’a fait avant. En fait, un tel résultat serait incompatible avec l’objet législatif de ces dispositions, que j’aborde ci‑après.

[Non mis en évidence dans l’original.]

 

 

[78]           La demande de contrôle judiciaire devrait être accueillie, car la Commission a commis une erreur de droit en excédant sa compétence ou en omettant d’exercer sa compétence en ne décidant pas, compte tenu des faits de l’espèce, si M. Crichlow est visé par l’article 64 de la LIPR et s’il a enfreint l’une ou l’autre des conditions de son sursis, ce qui donne effet à l’article 197.

 

CONCLUSION

[79]           Compte tenu de ce qui précède, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un tribunal nouvellement constitué afin qu’il statue de nouveau sur la demande du ministre de rejeter l’appel de M. Crichlow pour défaut de compétence.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un tribunal nouvellement constitué afin qu’il statue de nouveau.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                        IMM-3263-06

 

INTITULÉ :                                                       LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

                                                                            c.

                                                                            IAN ANTHONY CRICHLOW

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                               LE 30 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                             LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                     LE 8 FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

William Sloan

 

POUR LE DEMANDEUR

Marie Nicole Moreau

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DEMANDEUR

William Sloan

Montréal (Québec)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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