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Date : 20070219

Dossier : T-1888-06

Référence : 2007 CF 184

 

 

 

Vancouver (Colombie-Britannique), le 19 février 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

 

ENTRE 

MURRAY OWEN REID

demandeur

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par

LE MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS

 

défenderesse

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée par la défenderesse pour obtenir une ordonnance radiant la demande de contrôle judiciaire déposée le 27 octobre 2006 par le demandeur et visant l’obtention de la réparation suivante :

[traduction]

1.                  Une ordonnance de mandamus exigeant que le ministère des Pêches et Océans se prononce immédiatement sur la demande présentée par le demandeur exigeant le retour du permis connu sous la dénomination de permis ZN/04…au demandeur.

 

2.                  Une déclaration indiquant que le transfert de désignation dudit permis était inapproprié et invalide au motif que le transfert n’était pas autorisé par le demandeur ni approuvé par la cour, selon que l’exige l’ordonnance judiciaire.

 

 

[2]               Lorsqu’il a déposé sa demande de contrôle judiciaire, le demandeur se représentait lui-même.

 

Contexte

 

[3]               Jusqu’au 29 juillet 2003, Murray Reid (le demandeur) était titulaire d’un permis de pêche au sébaste ZN/04 (le permis). Ce jour-là, le ministère des Pêches et Océans (MPO) a transféré le permis à West Point Fisheries Ltd. (West Point), accompagné d’un avis écrit de transfert (désignation) fourni au demandeur.

 

[4]               Au moment du transfert, le demandeur était partie à une instance en divorce avec Heather Bonita Reid (Mme Reid). Conformément à une demande ex parte, Mme Reid a obtenu, le 18 mars 2003, de la Cour suprême de la Colombie-Britannique une ordonnance (l’ordonnance du 18 mars 2003) ordonnant, entre autres, que le permis « actuellement mis en vente … soit vendu ».

 

[5]               L’ordonnance du 18 mars 2003 prévoyait de plus que Mme Reid aurait [traduction] « la responsabilité exclusive de la vente des éléments d’actif ». Le paragraphe 3 de l’ordonnance stipulait que [traduction] « la vente de tout élément d’actif est assujettie à l’approbation de la cour, à moins que l’intimé (Murray Reid) n’accepte les conditions de vente ».

 

[6]               Le MPO a transféré le permis à West Point à la demande écrite (désignation) de Heather Reid datée du 18 juillet 2003.

 

[7]               Par souci d’exhaustivité, j’ajoute que, le 8 juillet 2003, l’ordonnance du 18 mars 2003 a été modifiée par le juge Vickers pour stipuler que le permis faisait partie des biens familiaux et comprenait une condition selon laquelle le produit du permis devait être divisé également entre Murray Reid et Heather Reid. Le juge Vickers n’a apporté aucune autre modification à l’ordonnance du 18 mars 2003.

 

[8]               Après l’exécution de la vente du permis et du paiement présumé du produit, le juge Romilly a, le 27 août 2003, en présence de l’avocat de Murray Reid, modifié et annulé plusieurs conditions de l’ordonnance du 18 mars 2003, sauf celles se rapportant au permis. L’ordonnance du juge Vickers a aussi été annulée [traduction] « sauf en ce qui a trait à la disposition prévoyant la division en parts égales du produit de la vente du permis ».

 

[9]               Le dossier indique que ce n’est que le 19 juillet 2005 que Murray Reid a écrit à la gestionnaire des ressources du service de délivrance des permis du MPO – Région du Pacifique (la gestionnaire des ressources) déclarant que son permis avait été [traduction] « transféré à une autre partie par le MPO … contrairement à une ordonnance judiciaire ». Il demandait une enquête [traduction] « sur cette erreur commise par le personnel du MPO ».

 

[10]           Comme l’a mentionné M. Reid dans cette lettre, lorsqu’il a reçu du MPO la [traduction] « confirmation de l’acceptation de la personne désignée » pour le permis, son associée, Diva Vinciguerra, a téléphoné à l’agent du MPO visé. Après cette conversation, ce dernier s’est rendu compte qu’[traduction] « il avait commis une erreur » parce qu’il avait agi sur les conseils d’un représentant de ventes de bateaux qui lui avait indiqué que Heather Reid avait le pouvoir de signer la désignation et qu’il [traduction] « n’avait pas lu l’ordonnance judiciaire, dont il avait reçu copie ». Voir également la déclaration de l’agent du MPO (William Leung), datée du 15 juillet 2005, dans laquelle ce dernier affirme qu’il a rempli la demande de désignation du permis suivant les instructions et les conseils du représentant des ventes de bateaux qui lui a indiqué que Heather Reid avait le pouvoir de signer.

 

[11]           Dans sa lettre du 19 juillet 2005 à la gestionnaire des ressources, M. Reid a expliqué le retard à soulever la question : une instance en divorce compliquée et coûteuse, le stress, des difficultés de communication, l’espoir qu’il pourrait s’occuper de cette affaire une fois les questions du divorce réglées, mais les questions du divorce [traduction] « ont traîné en longueur ». M. Reid a terminé en écrivant qu’il souhaitait que [traduction] « l’enquête mène au retour du permis ZN à son propriétaire légitime. »

 

[12]           Le 7 septembre 2005, la gestionnaire des ressources du MPO a répondu à la lettre de Murray Reid datée du 19 juillet 2005. Elle a essentiellement passé en revue les conditions des trois ordonnances judiciaires susmentionnées qui exigeaient la vente du permis et a conclu que Heather Reid avait le pouvoir de désigner West Coast puisqu’elle avait [traduction] « la responsabilité exclusive de la vente ».

 

[13]           La gestionnaire des ressources a aussi mentionné l’ordonnance du 27 août 2003 du juge Romilly dans laquelle il confirmait que le permis pouvait être vendu et que le produit devait être divisé en parts égales, ajoutant ce qui suit : [traduction] « Je comprends que les conditions de cette ordonnance judiciaire ont été respectées et que les questions entre vous-même et Heather Reid concernant l’admissibilité du permis à la vente au sébaste ont été résolues de manière satisfaisante. »

 

[14]           Le fait suivant a eu lieu le 17 juillet 2006. L’associée de M. Reid a écrit à la gestionnaire des ressources pour l’informer que le demandeur avait l’intention de loger un appel devant l’Office des appels du MPO concernant [traduction] « le transfert inconsidéré de désignation ».

 

[15]           L’associée de M. Reid a écrit ce qui suit : [traduction] « [s]elon vos directives, M. Reid comprend qu’il est tenu de décrire le fondement de son appel comme suit … ». Mlle Vinciguerra a alors décrit le fondement de l’appel de M. Reid : (1) la violation de la politique du MPO qui exige un délai de dix jours pour le traitement du transfert des demandes de désignation (selon l’allégation, M. Leung a transféré le permis dans la journée qui en a suivi la réception); (2) il est extrêmement [traduction] « irresponsable et négligent de la part d’un agent du MPO responsable de la délivrance des permis d’agir suivant les conseils d’un courtier et de ne faire aucun effort pour vérifier la validité de ces conseils ».

 

[16]           Mlle Vinciguerra a conclu que le transfert était illégal en raison du non-respect de la procédure du MPO et de l’absence de l’approbation du transfert de la désignation par la cour et par Murray Reid. Elle a terminé sa lettre en écrivant ce qui suit :

 

[traduction] M. Reid vous serait reconnaissant de faire une copie de cette lettre et de la transmettre à l’Office des appels, ce que j’ai compris que vous feriez de notre conversation téléphonique de ce jour.

[Non souligné dans l’original.]

 

[17]           La gestionnaire des ressources a répondu le 24 août 2006. Elle a déclaré qu’elle n’était pas en mesure d’acheminer [traduction] « votre question à l’Office des appels relatifs aux permis pour examen ». Le motif invoqué était le suivant : [traduction] « Votre situation n’est pas compatible avec le mandat de l’Office des appels relatifs aux permis de pêche du Pacifique », lequel mandat le limite à [traduction] « présenter des recommandations à l’égard de décisions en matière de permis qui ont été rejetés par le MPO. » À son avis, il s’agissait d’une affaire dans laquelle l’admissibilité du permis était acceptée par le MPO. 

 

[18]           Le 25 septembre 2006, l’associée de M. Reid a écrit de nouveau à la gestionnaire des ressources. Elle a passé en revue la correspondance antérieure et mentionné certaines conversations téléphoniques. Elle a déclaré que la gestionnaire des ressources avait indiqué dans une conversation téléphonique en juillet 2006 que sa lettre de septembre 2005 n’était pas une décision, mais que le permis de M. Reid ne lui serait pas retourné, et que selon sa lettre du 24 août 2006 la question ne serait pas soumise à l’Office des appels parce que rien n’avait été refusé.

 

[19]           Elle a terminé en disant que, s’il n’y avait pas de décision et que si rien n’avait été refusé, elle présentait donc à nouveau la demande originale à la gestionnaire des ressources. Elle a alors formellement demandé [traduction] « le retour du permis de M. Reid qui a été transféré à tort, ou vos motifs pour le rejet de cette demande ».

 

[20]           Le 26 octobre 2006, la gestionnaire des ressources a informé M. Reid que le MPO ne lui retournerait pas le permis pour les raisons énoncées dans sa lettre du 7 septembre 2005 et a réitéré les raisons pour lesquelles l’Office des appels relatifs aux permis ne serait pas saisi de l’affaire.

 

Analyse

 

[21]           Une demande de contrôle judiciaire ne devrait pas être radiée à moins que la Cour ne conclue que la demande « est si manifestement irrégulière qu’elle est dénuée de toute chance de succès ».

 

[22]           Je tiens compte du fait que le demandeur se représentait lui-même lors du dépôt de la demande de contrôle judiciaire. Il est maintenant représenté par un avocat.

 

[23]           L’avocat du demandeur a déployé de vaillants efforts pour réorienter la partie de la réparation qui sollicite un mandamus [traduction] « exigeant que le MPO prenne une décision concernant la demande du demandeur de lui retourner le permis …ZN/04 ».

 

[24]           Dans une lettre adressée à l’avocat de la défenderesse, l’avocat du demandeur a déclaré que M. Reid [traduction] « ne contestait pas à cette étape-ci la décision du MPO de transférer le permis en cause sans ses directives et contrairement à une ordonnance judiciaire. Cela appartient à l’Office des appels relatifs aux permis s’il décide d’entendre l’appel. À ce moment-ci, M. Reid conteste la décision du MPO qui refuse d’acheminer son appel à l’Office des appels relatifs aux permis. »

 

[25]           À mon avis, le libellé de la demande de mandamus dans la demande de contrôle judiciaire du demandeur, malgré toute l’interprétation libérale qui peut lui être attribuée et reconnaissant qu’il a été rédigé par des plaideurs profanes, ne peut pas raisonnablement être interprété comme une demande d’examen par l’Office des appels relatifs aux permis.

 

[26]           Le libellé de la demande de mandamus est directement tiré de la lettre de l’associée du demandeur datée du 25 septembre 2006 qui demandait expressément le retour du permis.

 

[27]           Le 24 octobre 2006, la gestionnaire des ressources a informé M. Reid que le ministère ne lui retournerait pas son permis pour les raisons énoncées dans sa lettre de septembre 2005, à savoir que le permis avait été transféré de manière appropriée.

 

[28]           Les réponses de septembre 2005 et d’octobre 2006 de la gestionnaire des ressources rendent théorique la demande de mandamus sollicitée dans la demande de contrôle judiciaire du demandeur.

 

[29]           J’ai deux préoccupations au sujet de la mesure de réparation déclaratoire sollicitée. Premièrement, elle est très en retard puisque le permis a été transféré en juillet 2003 et qu’aucune demande de prolongation n’a été présentée, malgré le fait que le demandeur ait été au courant. Deuxièmement, dans son affidavit, le demandeur n’indique pas à la Cour ce qui est arrivé du produit de la vente, le moment où il a reçu ce produit et les observations faites par son avocat devant le juge Romilly le 27 août 2003. Il se peut en effet que la Cour suprême de la Colombie-Britannique soit celle de qui il est pertinent de solliciter la déclaration. Je n’ai pas à trancher ce point parce qu’il me suffit, aux fins de la présente décision, de statuer que l’instance ne peut se poursuivre parce qu’une condition préalable à l’exercice de la compétence n’a pas été établie.

 

[30]           Je suis d’avis de radier la demande de contrôle judiciaire parce qu’elle a été incorrectement engagée et que, dans les conditions actuelles, elle ne peut réussir.

 

[31]           J’autorise cependant le demandeur à présenter de nouveau une nouvelle demande qui reflète avec exactitude la réparation sollicitée par le demandeur. Il se peut très bien que le demandeur se soit légitimement attendu à ce que le MPO saisisse l’Office des appels relatifs aux permis puisque la preuve étaye une promesse en ce sens (voir le paragraphe 16 des présents motifs).

 

[32]           Si le demandeur présente une nouvelle demande, il devrait se demander si la mesure de réparation déclaratoire devrait demeurer, compte tenu du questionnement de la Cour à ce sujet et de la réponse de son avocat. Dans tous les cas, une prorogation de délai serait nécessaire, et une explication complète devrait être fournie concernant les circonstances de la vente de son permis ZN/04, la réception des fonds et les observations présentées au juge Romilly.

 


 

JUGEMENT

 

            La demande de contrôle judiciaire est radiée avec dépens, mais avec autorisation de présenter une nouvelle demande dans les trente (30) jours du jugement.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                   T-1888-06

 

INTITULÉ :                                                  Murray owen reid

                                                                       c.

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA

représentée par

LE MINISTRE DES PÊCHES ET OCÉANS

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                            Vancouver (cOLOMBIE-BRITANNIQUE)

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LE JUGE Lemieux

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 19 FÉVRIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Christopher Watson                                          POUR LE DEMANDEUR

 

Mélanie Chartier                                               POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

MacKenzie Fujisawa s.r.l.

Avocats

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Vancouver (Colombie-Britannique)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

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