Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070222

Dossier : IMM-2192-06

Référence : 2007 CF 204

Toronto (Ontario), le 22 février 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

YOGESHWARY SUPPAN

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

 ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Yogeshwary Suppan est une jeune Tamoule, originaire de la péninsule de Jaffna dans le Nord du Sri Lanka, qui prétend craindre d’être persécutée par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (TLET) et par l’armée sri lankaise. Sa demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, qui a jugé que son récit n’était pas crédible et que, de toute façon, il existait pour elle une possibilité de refuge intérieur (PRI) à Colombo.

 

[2]               La demanderesse sollicite maintenant le contrôle judiciaire de la décision de la Commission en faisant valoir que les conclusions qu’elle a tirées quant à la crédibilité étaient manifestement déraisonnables. Elle soutient également que la Commission n’a pas tenu compte du risque auquel elle s’expose au Sri Lanka en tant que jeune Tamoule originaire du Nord du pays. Enfin, la demanderesse soutient que la Commission a commis une erreur en n’examinant pas des éléments de preuve importants relatifs à la viabilité d’une PRI à Colombo.

 

[3]               Pour les motifs exposés ci-après, je conclus que la demande doit être rejetée.

 

La question de la crédibilité

[4]               La conclusion de la Commission selon laquelle le récit de la demanderesse n’est pas crédible reposait, en partie, sur le fait que la demanderesse n’a mentionné que sa crainte des TLET au point d’entrée et qu’elle n’a nullement fait état de sa prétendue crainte de l’armée sri lankaise.

 

[5]               De plus, la Commission a constaté des omissions importantes dans le premier formulaire de renseignements personnels (FRP) de la demanderesse, notamment que la demanderesse n’a pas mentionné que les TLET s’étaient rendus à quelques reprises à son domicile en décembre 2004, qu’ils avaient proféré des menaces contre elle en février 2005 ou qu’ils avaient enlevé puis libéré sa soeur au début de 2005.

 

[6]               Bien que ces événements eurent été signalés plus tard dans un FRP modifié déposé peu de temps avant l’audience, la demanderesse a quand même omis de parler d’une menace que les TLET auraient proférée contre elle en février 2005.

 

[7]               Même si je devais reconnaître que la demanderesse a eu des difficultés avec l’interprète au point d’entrée, ce qui expliquerait pourquoi elle n’a pas mentionné sa crainte de l’armée sri lankaise, la Commission n’a manifestement pas accepté qu’à cause d’un seul incident survenu environ cinq ans avant le départ de la demanderesse du Sri Lanka, l’armée représente une menace pour celle‑ci.

 

[8]               En outre, les autres omissions étaient suffisamment graves pour remettre en question la crédibilité de la demanderesse. Dans les circonstances, il n’était pas manifestement déraisonnable de la part de la Commission de conclure que le récit de la demanderesse, selon lequel elle aurait été persécutée par les TLET et l’armée sri lankaise, n’était pas crédible.

 

Le défaut de la Commission de tenir compte du risque lié au profil de la demanderesse

[9]               La demanderesse affirme que la Commission a commis une erreur en ne tenant pas compte du risque auquel elle s’expose au Sri Lanka en tant que jeune Tamoule originaire du Nord du pays.

 

[10]           À l’appui de sa prétention, la demanderesse invoque la jurisprudence de la Cour selon laquelle la Commission a l’obligation d’évaluer le risque auquel seraient exposés les jeunes hommes tamouls du Nord du Sri Lanka s’ils étaient renvoyés dans leur pays, qu’ils soient crédibles ou non : voir, par exemple, Sivalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 773, Balasubramaniam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CF 1137, au paragraphe 10, Satkunarajah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 37, au paragraphe 5, et Mylvaganam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), no IMM‑3457‑99, [2000] A.C.F. no 1195 (QL), au paragraphe 10.

 

[11]           La demanderesse invoque également la décision Seevaratnam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), no IMM‑3728‑98, [1999] A.C.F. no 694 (QL), comme précédent à l’appui de la thèse selon laquelle cette obligation existe également à l’égard des jeunes Tamoules originaires du Nord du Sri Lanka.

 

[12]           Je conviens qu’une telle obligation incombe à la Commission lorsque la preuve établit que des personnes ayant le même profil que le demandeur d’asile s’exposent à des risques. Dans le cas des jeunes hommes tamouls du Nord du Sri Lanka, la Commission est habituellement saisie d’une foule d’éléments de preuve qui démontrent que ces personnes risquent d’être enrôlées de force par les TLET.

 

[13]           Dans la même veine, dans la décision Seevaratnam invoquée par la demanderesse, la Cour a expressément conclu qu’il existait une preuve provenant d’autres sources que le témoignage de la demanderesse et permettant de lier sa demande à la persécution infligée aux jeunes Tamoules au Sri Lanka.

 

[14]           En l’espèce, la preuve qui est contenue dans les renseignements sur la situation dans le pays et est invoquée par la demanderesse montre que, lors de la récente intensification du conflit ethnique au Sri Lanka, les hommes et les femmes tamouls soupçonnés d’entretenir des liens avec les TLET étaient arrêtés par les forces de sécurité sri lankaises.

 

[15]           Aucun des éléments de preuve soumis à la Commission ne permettait de croire que la demanderesse serait perçue comme étant membre ou sympathisante des TLET par les autorités du Sri Lanka. Étant donné que la demanderesse n’a pas démontré qu’elle avait un profil pouvant l’exposer à des risques, la Commission n’avait pas l’obligation d’examiner sa demande d’asile à la lumière de cet élément.

 

La question de la PRI

[16]           Étant donné que la Commission n’a manifestement pas cru le récit de la demanderesse, ses conclusions concernant la PRI ont été formulées à titre subsidiaire. Comme je n’ai relevé aucune erreur dans les conclusions tirées par la Commission au sujet de la crédibilité, il n’est pas nécessaire d’examiner les prétentions de la demanderesse concernant l’analyse de la PRI par la Commission.

 

Conclusion

[17]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Certification

[18]           L’avocat de la demanderesse a laissé entendre qu’il pourrait y avoir lieu de certifier une question si je déterminais que la Commission n’avait pas l’obligation de tenir compte du risque auquel s’expose la demanderesse en tant que jeune Tamoule originaire de Jaffna.

 

[19]           À mon avis, la jurisprudence est très claire : l’obligation de tenir compte du risque auquel s’expose un demandeur à cause de son profil n’existe que lorsque la Commission est saisie d’une preuve qui démontre que des personnes ayant le même profil que le demandeur s’exposent à un risque. Ce n’est pas le cas en l’espèce et, par conséquent, je refuse de certifier une question à cet égard.

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

 

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

            2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Yves Bellefeuille, réviseur


 

 

 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-2192-06

 

INTITULÉ :                                                               YOGESHWARY SUPPAN c. MCI

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       Le 20 février 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                                                       LA JUGE MACTAVISH

 

DATE DES MOTIFS :                                              Le 22 février 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Michael Crane                                                              POUR LA DEMANDERESSE

 

David Tyndale                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Michael Crane

Toronto (Ontario)                                                         POUR LA DEMANDERESSE

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                               POUR LE DÉFENDEUR 

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.