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Date : 20070226

Dossier : T-904-06

Référence : 2007 CF 219

Ottawa (Ontario), le 26 février 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE Mactavish

 

 

ENTRE :

BRIAN DEARNLEY pour son propre compte et

pour le compte de tous les détenus autochtones incarcérés à l’établissement Warkworth

demandeurs

et

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Les détenus de l'établissement Warkworth organisent plusieurs fois par an « des journées de réinsertion familiale ». Celles-ci leur offrent une occasion d'inviter à l’établissement les membres de leur famille et leurs amis à l'établissement pour une journée de festivités. Outre l'occasion de recevoir les amis et les membres de la famille, ceux qui participent aux journées de réinsertion familiale se voient également offrir un repas, des activités et des jeux.

 

[2]               Les journées de réinsertion familiale ont été décrites comme ressemblant à un pique‑nique d'entreprise ou à un barbecue communautaire, sans alcool.

[3]               Pendant plusieurs années, les détenus de Warkworth ont été capables de défrayer le cout de leur propre participation aux journées de réinsertion familiale, de même que le coût de celle de leurs invités, et ce, à même leur compte d'épargne détenu dans l’établissement. Toutefois, en 2006, cette situation a changé lorsque les détenus ont été avisés que, désormais, le paiement devrait provenir de leur compte courant.

 

[4]               Brian Dearnley est le président du comité des détenus de l'établissement Warkworth. En l’espèce, il souhaite obtenir le contrôle judiciaire de cette décision, alléguant que le commissaire du Service correctionnel du Canada n'avait pas la compétence d'empêcher les détenus d'utiliser l'argent de leur compte d'épargne pour défrayer le coût la participation aux journées de réinsertion familiale.

 

[5]               M. Dearnley allègue également que, en empêchant les détenus de défrayer le coût de la participation aux journées de réinsertion familiale à même leur compte d'épargne, le commissaire a omis d'utiliser les mesures les moins restrictives possibles, contrairement aux dispositions de l’alinéa 4d) de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (la Loi).

 

Régime législatif

[6]               Afin de comprendre les questions soulevées par la présente affaire, il est tout d'abord nécessaire d'examiner les lois et les politiques régissant l'administration des comptes bancaires des détenus dans le système correctionnel fédéral.

 

[7]               Le point de départ de cet examen est l'alinéa 96q) de la Loi, qui autorise le Gouverneur en conseil à prendre des règlements prévoyant le dépôt, dans des comptes en fiducie, de l'argent des détenus. L’alinéa 97c) de la Loi permet au commissaire d'établir des règles concernant toute autre mesure d'application de la Loi.

 

[8]               L'article 111 du Règlement sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (le règlement) prévoit ce qui suit :

111. (1) The Service shall ensure that all moneys that accompany an inmate when the inmate is admitted into a penitentiary and all moneys that are received on the inmate's behalf while the inmate is in custody are deposited to

the inmate's credit in a trust fund, which fund shall be known as the Inmate Trust Fund.

 

(2) The Inmate Trust Fund shall comprise a current account and a savings account in respect of each inmate.

 

 (3) No moneys standing to the credit of an inmate's savings account in the Inmate Trust Fund shall be paid out of that account if the balance of the account is lower than the amount provided for in Commissioner's Directives.

 

(4) No moneys in the Inmate Trust Fund standing to the credit of an inmate shall, except where a family relationship exists, be transferred to the credit of another inmate.

 

 

111. (1) Le Service doit veiller à ce que l'argent que possède le détenu à son admission au pénitencier et les sommes reçues par lui pendant son incarcération soient déposés à son crédit dans un fonds de fiducie, connu sous le nom de

Fonds de fiducie des détenus.

 

 

 

 

(2) Le Fonds de fiducie des détenus doit comprendre un compte courant et un compte d'épargne pour chaque détenu.

 

(3) Aucune somme inscrite au crédit du détenu dans un compte d'épargne du Fonds de fiducie des détenus ne peut être prélevée du compte si le solde de celui-ci est inférieur au montant fixé dans les Directives du commissaire.

 

(4) Aucune somme inscrite au crédit du détenu dans un compte du Fonds de fiducie des détenus ne peut être virée au compte d'un autre détenu, sauf s'il existe un lien de parenté entre ces deux détenus.

 

[9]               La Directive du commissaire no 860, intitulée « Argent des détenus », adoptée en 1998, est également pertinente à la présente affaire. Les paragraphes introductifs de la directive du commissaire énoncent l’objectif visé par la directive. Cet objectif vise notamment :

            1.         À encourager les détenus à établir un budget de manière à disposer de fonds pour leurs dépenses autorisées et pour leur mise en liberté.

            2.         À contrôler la circulation de l'argent au sein des établissements dans le but d'assurer la sécurité des personnes et des établissements.

 

[10]           Les paragraphes 13 et 14 de la directive prévoient que 90 p. 100 du revenu qu'un détenu tire de son emploi dans l'établissement doit être déposé dans son compte courant, jusqu'à concurrence de 69 $, toutes les deux semaines. Le solde de 10 p. 100 doit être déposé dans son compte d’épargne.

 

[11]           Conformément au paragraphe 16 de la directive du commissaire, toute autre somme  que le détenu a en sa possession au moment de son admission, de même que toute somme  provenant de sources extérieures pendant son incarcération, doivent être déposées dans son compte d'épargne.

 

[12]           Les paragraphes 19 à 26 de la directive du commissaire régissent le retrait des comptes des détenus. Il convient de souligner que le paragraphe 19 permet aux détenus d’utiliser leur compte courant pour « les besoins de leur famille » et « les fêtes collectives », entre autres choses.

 

[13]           Les virements du compte d'épargne d'un détenu à son compte courant sont autorisés, pourvu qu'ils soient faits dans le but d’appuyer le plan correctionnel ou des activités constructives et légitimes des détenus. Toutefois, ces virements ne peuvent excéder un maximum de 500 $, et ce, en quatre montants distincts tout au plus au cours d'un même exercice financier.

 

[14]           Toutefois, les paragraphes 22 et 23 permettent, dans certaines circonstances exceptionnelles, le retrait de fonds au-delà de la limite de 500 $. Ces dispositions énoncent ce qui suit : 

22. Les retraits qui excèdent le plafond de 500 $ pour raisons familiales seront autorisés cas par cas et devront cadrer avec le document portant sur la Mission du SCC. Le directeur de l’établissement, ou son délégué, est habilité à fixer le montant de ces retraits. Les demandes de cette nature peuvent faire l’objet d’une vérification raisonnable pour confirmer que les fonds sont effectivement affectés aux fins indiquées.

 

23. Le directeur de l'établissement, ou son délégué, peut autoriser cas par cas les demandes de retraits qui excèdent le plafond de 500 $ pour payer les honoraires d'avocat et autres frais juridiques, les frais des visites familiales privées, les frais de cours par correspondance et de cours de niveau post-secondaire, y compris tout le matériel scolaire connexe, et les produits pour cesser de fumer s'ils sont approuvés par les Services de santé. Les demandes de cette nature peuvent faire l'objet d'une vérification raisonnable pour confirmer que les fonds sont effectivement affectés aux fins indiquées.

 

[15]           Selon les affidavits déposés par le défendeur, ces dispositions ont été incluses dans la directive pour permettre aux détenus d'aider leur famille à payer les frais urgents ou nécessaires qui surviennent pendant leur incarcération.

 

[16]           Maintenant que nous nous sommes familiarisés avec les lois et les politiques régissant l'administration des comptes bancaires des détenus, je m'attarderai maintenant sur les faits qui ont donné lieu à la présente demande de contrôle judiciaire.

 

L’historique

[17]           Les journées de réinsertion familiale organisées et financées par les détenus ont régulièrement lieu dans les établissements correctionnels partout au Canada. À l'établissement Warkworth, le comité des détenus organise habituellement trois événements du genre chaque année.

 

[18]           Les détenus et les invités doivent débourser un petit montant d’argent pour participer aux journées de réinsertion familiale à Warkworth. Le dossier contient un exemple de la structure de coûts pour un tel événement et indique que tarifs sont de 10 $ pour les adultes, 7,50 $ pour les enfants plus âgés et 5 $ pour les jeunes enfants.

 

[19]           Pendant plusieurs années, les détenus de l'établissement Warkworth ont été autorisés à défrayer le coût des billets de participation avec l'argent provenant de leur compte d'épargne. Toutefois, en mai 2005, Warkworth a fait l’objet d’une vérification de la part du bureau central régional de l'Ontario du Service correctionnel du Canada, qui a jugé que l'administration de Warkworth avait mal interprété le paragraphe 22 de la Directive du commissaire no 860. 

 

[20]           Selon le bureau central régional de l'Ontario, l'administration de Warkworth a mal interprété l'expression « raisons familiales », telle qu'elle est utilisée au paragraphe 22 de la Directive du commissaire no 860, en incluant des événements organisés par les détenus comme les journées de réinsertion familiale, permettant ainsi le paiement du coût de ces événements à même le compte d'épargne des détenus.

 

[21]           L'établissement Warkworth était manifestement le seul à interpréter ainsi la directive du commissaire, car les détenus de tous les autres établissements fédéraux du Canada étaient tenus d'acheter les billets des journées de réinsertion familiale avec l'argent provenant de leur compte courant.

 

[22]           Après un échange de courriels entre les vérificateurs et l'administration centrale du Service correctionnel du Canada, l'administration de Warkworth a reçu la directive de mettre fin à la pratique qui consiste à autoriser les détenus à défrayer le coût de la participation aux journées de réinsertion familiale à même les comptes d'épargne. C'est cette directive et sa mise en application ultérieure à l'établissement Warkworth qui constituent la décision faisant l'objet du présent contrôle.

 

[23]           Il semble qu'il y ait eu une certaine confusion dans l’application de la modification de la politique qui prévalait à Warkworth. Bien que l'établissement ait été informé des résultats de la vérification du Service correctionnel du Canada en mai 2005, la modification de la politique n'a été effectuée qu'après la journée de réinsertion familiale du 24 juin 2006. En raison de la confusion qui régnait chez certains détenus ainsi qu’au sein du personnel de l'établissement à l'égard du changement apparent de politique, la mise en application de la modification a été retardée afin de donner aux détenus un délai raisonnable pour qu’il puisse dresser un budget en rapport avec les événements à venir.

 

[24]           Il est également utile de souligner que la décision d'autoriser les détenus à défrayer le coût de la journée de réinsertion familiale du 24 juin 2006 à même leur compte d'épargne a été prise après que M. Dearnley eut déposé une requête en injonction interlocutoire ordonnant au commissaire du Service correctionnel de ne pas interdire l'utilisation des fonds conservés dans les comptes d'épargne des détenus pour l’achat des billets des journées de réinsertion familiale.

 

[25]           Dans une ordonnance datée du 18 juillet 2006, le juge Russell a rejeté la requête de M. Dearnley. Bien que le juge Russell ait été convaincu que M. Dearnley avait soulevé une question sérieuse à l'égard de la modification de la politique, il n'était pas persuadé que le fait que certains détenus ne puissent pas participer aux journées de réinsertion familiale entre le moment de l'audition de la requête et le moment de l'audition de la demande de contrôle judiciaire causerait un préjudice irréparable.

 

[26]           Dans l'intervalle, le 31 mai 2006, M. Dearnley a déposé la présente demande de contrôle judiciaire de la décision exigeant que les détenus défraient le coût de leur participation aux futures journées de réinsertion familiale à même leur compte courant.

 

[27]           Le défendeur n'a soulevé aucune critique quant au moment du dépôt de la demande de M. Dearnley,  ni quant au fait qu’il ne se soit pas prévalu du processus interne de règlement des griefs.

 

Les questions en litige

[28]           Selon M. Dearnley, la question soulevée par la présente demande de contrôle judiciaire est celle de savoir si la Directive du commissaire no 860 accorde au commissaire du Service correctionnel la compétence de limiter l’utilisation par les détenus de leurs économies à des fins légitimes.

 

[29]           Même si dans son avis de demande de M. Dearnley allègue également que par ses actions le commissaire a violé plusieurs articles de la Charte canadienne des droits et libertés, M. Dearnley n'a pas repris cet argument dans son exposé des faits et du droit et celui-ci a été expressément abandonné au début de l'audience.

 

La norme de contrôle

[30]           S'appuyant sur la décision rendue par la Cour dans Bissonnette c. Commissaire du service correctionnel (1996), 122 F.T.R. 166, M. Dearnley prétend que la question en litige dans la présente demande soulève une question de droit, et, à ce titre, elle devrait être examinée en fonction de la norme de la décision correcte.

 

[31]           Par contre, le procureur général affirme que les directives du commissaire sont des documents de politique dont l'interprétation et l'application comportent des questions de fait et, ainsi, c’est la norme de la décision manifestement déraisonnable qui s’applique.

 

[32]           Même si M. Dearnley décrit la question soulevée par sa demande comme étant une question d'ordre juridictionnel, il appert clairement que les dispositions applicables de la Loi et du Règlement autorisent le commissaire du Service correctionnel à établir des règles concernant l'accès des détenus aux sommes d’argent en dépôt dans leurs comptes bancaires, à leur établissement. Ce qui est vraiment au cœur de la demande de contrôle judiciaire de M. Dearnley, c’est l'interprétation que fait le Service correctionnel du Canada de la Directive du commissaire no 860 en ce qu'elle se rapporte aux faits en l'espèce.

 

[33]           Les directives du commissaire ne sont pas des « lois » comme telles, mais plutôt des énoncés de politique administrative : voir Martineau et al. c. Le comité de discipline des détenus de l’Institution de Matsqui, [1978] 1 R.C.S. 118 et Hunter c. Canada (Commissaire du Service correctionnel), [1997] A.C.F. no 959. 

 

[34]           Il est évident qu'il convient de faire preuve d'une certaine retenue à l'égard des décisions concernant l'interprétation des directives du commissaire : voir, à titre d’exemple, Schaefler c. Canada (Procureur général), 2004 CF 517. Toutefois, en l’espèce, il n'est pas nécessaire de décider si c’est la norme de la décision raisonnable ou celle de la décision manifestement déraisonnable qui s’applique à la décision, car je suis d'avis que l'interprétation faite par le commissaire de la Directive du commissaire no 860 en cause en l'espèce est une interprétation raisonnable.

 


L’analyse

[35]           M. Dearnley admet que les objectifs visés par la Directive du commissaire no 860, c'est-à-dire encourager les détenus à mettre des fonds de côté afin qu'ils ne soient pas demunis lors de leur sortie de prison et contrôler l'entrée d'argent au pénitencier, sont des objectifs de politique légitime. Toutefois, il affirme qu'une majorité de détenus ne pourront pas participer aux journées de réinsertion familiale s’il ne défraient pas le coût des billets de participation à même leur compte d'épargne. Selon M. Dearnley, en tant que telles, les restrictions sont excessives.

           

[36]           À cet égard, M. Dearnley souligne que le montant d'argent qu'un détenu a le droit de déposer dans son compte courant à l'établissement est limité à 69 $ toutes les deux semaines. Compte tenu que la grande majorité des détenus fument, M. Dearnley affirme que les détenus n'ont tout simplement pas les ressources nécessaires pour défrayer le coût de leur participation à des journées de réinsertion familiale car ils n’ont pas les fonds suffisants dans leur compte courant.

           

[37]           Selon M. Dearnley, il en est ainsi même si l'on tient compte du fait que les détenus peuvent virer chaque année jusqu'à 500 $ de leur compte d'épargne à leur compte courant chaque année.

 

[38]           M. Dearnley reconnaît que le paragraphe 19 de la Directive du commissaire no 860 mentionne expressément que les détenus peuvent effectuer des retraits de leur compte courant pour les besoins de leur famille et les fêtes collectives, entre autres choses.

 

[39]           Cela dit, M. Dearnley mentionne également le paragraphe 22 de la Directive du commissaire no 860, qui vise expressément les retraits des comptes d'épargne des détenus au-delà du plafond de 500 $ pour des « raisons familiales ». Ces retraits sont assujettis à une autorisation cas par cas de la part du directeur de l'établissement ou de son délégué. Selon M. Dearnley, le désir d'acheter des billets pour participer à une journée de réinsertion familiale est une « raison familiale » et, par conséquent, les retraits des comptes d'épargne devraient être autorisés à cette fin.

 

[40]           M. Dearnley renvoie également au paragraphe 23 de la Directive du commissaire no 860, lequel autorise des retraits des comptes d'épargne des détenus qui excèdent le plafond de 500 $ pour « des visites familiales privées ». Selon M. Dearnley, une journée de réinsertion familiale s'apparente à une visite familiale privée et les détenus devraient être en mesure de défrayer le coût de chaque type de visite de ce genre.

 

[41]           Je ne peux pas accepter les prétentions de M. Dearnley. En ce qui a trait au paragraphe 23 de la Directive du commissaire no 860, il existe une différence fondamentale entre des « visites familiales privées », selon l'expression utilisée au paragraphe 23, et des journées de réinsertion familiale. Les visites familiales privées font partie du programme du Service correctionnel du Canada. Par contre, les journées de réinsertion familiale sont des événements sociaux, organisés par les détenus pour les détenus et leur famille.

 

[42]           Je ne souhaite pas minimiser l'importance que revêtent journées de réinsertion familiale pour les détenus. Les journées de réinsertion familiale sont manifestement très importantes pour les détenus et leur famille et leur tenue devrait être encouragée. De toute évidence, elles jouent un rôle important car elles contribuent au maintien de la cohésion et de l'intégrité des familles qui sont confrontées à des situations très difficiles. 

 

[43]           Cela dit, le paragraphe 19 de la Directive du commissaire no 860 prévoit expressément que les détenus peuvent effectuer des paiements pour « les besoins de leur famille » et « les fêtes collectives » à même leur compte courant. Une journée de réinsertion familiale organisée par des détenus est clairement une fête collective.

 

[44]           La Directive du commissaire no 860 vise à limiter l'accès des détenus à des fonds, notamment pour freiner les activités criminelles à l'intérieur des établissements pénitentiaires, tels que le commerce de la drogue et l'extorsion de détenus par d'autres détenus. Toutefois, compte tenu que les paiements des billets de participation aux journées de réinsertion familiale sont étroitement surveillés par l'établissement, le défendeur admet qu’autoriser les détenus à défrayer le coût de leur participation à des journées de réinsertion familiale à même leurs économies ne soulèverait aucun problème de sécurité.

 

[45]           Toutefois, la directive vise un deuxième objectif, lequel consiste à enseigner aux détenus à dresser un budget et à voir à ce que les détenus aient accès à des fonds à leur sortie de prison. 

 

[46]           Je ne suis saisi d’aucune preuve selon laquelle des personnes n'ont pas pu participer à une journée de réinsertion familiale en raison d'un manque de fonds découlant de la décision de rendre la politique de l'établissement Warkworth conforme à celle des autres établissements correctionnels du Service correctionnel du Canada. Je reconnais néanmoins que de nombreux détenus ont peu d'argent. Cette réalité existe également pour de nombreuses personnes qui vivent dans le monde extérieur. Apprendre à dresser un budget et à établir un ordre de priorité de ses dépenses est une aptitude de vie importante et enseigner aux détenus à dresser un budget fait partie de l’objectif visé par la politique qui sous-tend la Directive du commissaire no 860

 

[47]           De plus, la Directive du commissaire no 860 établit un équilibre juste entre la capacité des détenus à avoir accès à leurs fonds dans le contexte d'un établissement et la création d’un « filet de sécurité » monétaire qui pourra leur servir au moment de leur libération. Ce faisant, la politique permet aux détenus de subvenir aux besoins urgents de leur famille pendant leur incarcération, tout en leur permettant d’accumuler les fonds dont ils auront besoin pour réintégrer la société après leur mise en liberté. 

 

[48]           Compte tenu que l’une des obligations imposées par la Loi au Service correctionnel du Canada consiste à préparer les détenus à leur libération dans la société, il est, à mon avis, tout à fait raisonnable de restreindre ou de limiter l'accès de ces derniers à leur compte d'épargne de la manière en cause en l'espèce. De plus, je suis convaincu que la séparation des comptes des détenus en compte d'épargne et en compte courant, ainsi que les restrictions auxquels ils sont assujettis, sont les mesures les moins restrictives qui pouvaient être utilisées pour atteindre les objectifs susmentionnés.

 


Conclusion

[49]           Ayant conclu que l'interprétation faite par le Service correctionnel du Canada des dispositions pertinentes de la Directive du commissaire no 860 par le Service correctionnel du Canada était raisonnable et compatible avec les considérations de politique qui sous-tendent la directive elle-même, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[50]           Toutefois, en raison de la confusion qui entoure la directive et son application non uniforme au sein de l'établissement Warkworth, je refuse, en vertu de mon pouvoir discrétionnaire, de prononcer une ordonnance d'adjudication des dépens.

 


JUGEMENT

           

            LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée, sans dépens.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Claude Leclerc, LL.B., trad. a.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-904-06

 

INTITULÉ :                                       BRIAN DEARNLEY

                                                            c. LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 1ER FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT               LA JUGE MACTAVISH

ET JUGEMENT :                             

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                       LE 26 FÉVRIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Diane Condo

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Susan Keenan

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Condo Law Office

Ottawa (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DÉFENDEUR

 


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