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Date : 20070227

Dossier : T-2181-05

Référence : 2007 CF 224

Ottawa (Ontario), le 27 février 2007

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Barry Strayer

 

ENTRE :

MARK DONAGHY

demandeur

et

 

SCOTIA CAPITAL INC./SCOTIA CAPITAUX INC.

et LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

défenderesses

 

et

 

Le Commissariat à la protection de la vie privée du Canada

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 

Introduction

 

[1]               Il s’agit d’une demande présentée en vertu du paragraphe 14(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (la Loi) visant la tenue d’une audience sur des questions touchant une plainte déposée auprès du Bureau de la Commissaire à la vie privée en vertu du paragraphe 11(1) de la Loi. Le paragraphe 5(1) de la Loi prévoit que toute organisation de compétence fédérale (qui n’est pas une institution fédérale) doit se conformer au code de principes exposé à l’annexe 1 de la Loi.

 

Faits

 

[2]               Dans son avis de demande, le demandeur s’adresse à la Cour pour qu’elle rende les ordonnances sur le fond suivantes :

a.       Une ordonnance enjoignant à la défenderesse de cesser immédiatement de présenter tout document contenant les renseignements personnels du demandeur à d’autres fins que celles qui ont été documentées et identifiées pour le demandeur avant la collecte ou au moment de celle-ci et, plus spécifiquement, de cesser de présenter et d’utiliser de quelque façon que ce soit les relevés de travail des services bancaires d’investissement et des services bancaires aux sociétés contenant les renseignements personnels du demandeur, tels que les registres des heures de travail.

 

b.      Une ordonnance enjoignant aux défenderesses de présenter au demandeur des excuses écrites au sujet des infractions commises à la LPRDE, en précisant les actes particuliers qui ont constitué ces infractions ainsi que l’issue et le règlement de la demande auprès de la Cour fédérale du Canada.

 

c.       Une ordonnance enjoignant à la défenderesse, dans un délai de 30 jours, de corriger ses pratiques afin de se conformer aux articles 5 à 10 de la LPRPDE, et en particulier 

 

 

1.                  de cesser d’utiliser et de présenter les renseignements personnels et les documents recueillis pour les relevés de travail des services bancaires d’investissement et des services bancaires aux sociétés à d’autres fins que celles qui ont été identifiées avant la collecte ou au moment de celle-ci;

 

2.                  de commencer immédiatement à identifier par écrit l’objet des renseignements recueillis au sujet des heures de travail du personnel avant la collecte ou au moment de celle-ci, comme le prévoit la LPRPDE.

 

 

d.      Une ordonnance enjoignant à la défenderesse de publier un avis de toute mesure prise ou envisagée afin de corriger ses pratiques.

 

[3]               Le demandeur a travaillé à titre d’associé aux services bancaires aux sociétés pour Scotia Capitaux Inc., division de la Banque de Nouvelle-Écosse (la Banque), du 23 juillet 2001 au 23 octobre 2002. Il a été congédié sans cause expresse. Mécontent des mesures de départ prises à son endroit, il a retenu les services d’un avocat. Une entente a été conclue en mai 2003. Toutefois, en juillet 2003, le demandeur a intenté une action contre la Banque dans laquelle il demandait diverses formes de réparations et une somme qui lui était due, allègue-t-il, pour des heures supplémentaires pour lesquelles il n’avait jamais été rémunéré. L’action a été rejetée, de même qu’un appel du demandeur, au motif qu’il avait conclu une entente de règlement qui l’empêchait d’intenter une action par la suite.

 

[4]               Les parties conviennent que le demandeur, dans le cours de son emploi à la Banque, a fait de nombreuses heures de travail au-delà de la semaine de travail normale. Il est manifeste également que la Banque a fait valoir qu’il occupait un poste de direction et que la Banque avait pour politique de considérer les personnes du niveau 006 comme lui (ou d’un niveau supérieur) comme des membres de la direction, qui n’avaient pas droit en vertu de leur contrat d’emploi à la rémunération des heures supplémentaires. (Pour simplifier, je désignerai ce groupe comme le « personnel exclu ».) La perspective d’être astreint à une durée de travail longue était mise en relief dans les documents de recrutement et dans d’autres sources de renseignements de l’entreprise. De toute évidence, à mon avis, le demandeur était pleinement conscient que la Banque n’avait pas mis en place de moyens pour suivre et enregistrer le nombre d’heures effectives de travail qu’il accomplissait. Il existait une forme de registre désigné [traduction] « relevé de travail ». Ces relevés suivaient sur une base mensuelle le travail de nombreux employés. Ils indiquaient les jours travaillés et les jours non travaillés. Ils indiquaient aussi [traduction] « les jours non productifs rémunérés », catégorie subdivisée selon la cause en [traduction] « vacances », « jour férié », « maladie », « obligations personnelles », etc. Il y avait également une colonne double intitulée [traduction] « total des heures » et au-dessous « heures supplémentaires ». Sous l’intitulé « heures supplémentaires » se trouvaient deux colonnes portant comme titres [traduction] « rémunérées » et « non rémunérées ». Chaque journée ou demi-journée de travail de l’employé, travaillée ou non travaillée, était enregistrée sur ces relevés. Les employés paraphaient leur propre section pour signifier leur accord avec le registre établi par l’administration. Il est évident, au vu de ces relevés, que leur principal intérêt était d’enregistrer la présence ou l’absence au travail par journée ou demi-journée. La seule mention des « heures » figure dans la colonne double intitulée « total des heures », qui vise les heures supplémentaires qui étaient, peut-on penser, enregistrées par heure, rémunérée ou non rémunérée. Dans le cas du demandeur, rien n’a jamais été inscrit sous l’intitulé « heures supplémentaires ». Le demandeur déclare dans son affidavit à ce sujet :

 

[traduction] Au cours de mon emploi, j’ai interrogé le personnel administratif sur les colonnes réservées aux heures supplémentaires sur les relevés de travail. Le personnel administratif de la division services bancaires aux sociétés m’a dit que la banque ne recueille pas de renseignements sur les heures travaillées du personnel administratif des services bancaires aux sociétés.

 

 

(Le personnel des services bancaires aux sociétés était, semble-t-il, dans sa totalité du personnel exclu, ce qui signifie qu’on s’attendait à ce qu’il travaille de longues heures sans que cela constitue des heures supplémentaires.)

 

 

[5]               Le litige fondamental qui sous-tend la présente procédure de même que les plaintes du demandeur à la Commissaire à la protection de la vie privée et au ministère du Travail est de savoir si, dans le cadre de son emploi à la Banque, le demandeur avait droit à la rémunération de ses heures supplémentaires. Le demandeur est arrivé à la conclusion, vraisemblablement depuis qu’il a cessé de travailler à la Banque à rémunération déterminée, qu’il avait toujours eu effectivement droit à la rémunération des heures supplémentaires et que la Banque avait l’obligation correspondante de tenir un registre de ses heures de travail, y compris de ses heures supplémentaires. De son côté, la Banque prend la position que le demandeur appartenait à la catégorie du personnel de direction ou professionnel qui, en vertu du paragraphe 167(2) du Code canadien du travail, L.R. 1985, ch. L‑2, n’a pas droit à la rémunération des heures supplémentaires et à l’égard duquel l’employeur n’a pas l’obligation de tenir un registre des heures travaillées. Selon ce que je comprends, le demandeur prend la position que le règlement qu’il a signé en mai 2003 avec la Banque au sujet des sommes qui lui étaient dues ne pouvait avoir pour effet de le priver de son droit à la rémunération des heures supplémentaire prévue au Code canadien du travail, ce qui équivaudrait à [traduction] « l’exclure par contrat » de la protection que lui accorde la loi.

 

[6]               Par conséquent, le 3 juin 2004, le demandeur a écrit une lettre à l’avocat de la Banque. Il y disait : [traduction] « Je vous écris afin de recouvrer mes dossiers personnels de la Banque […] Je demande par la présente que tous les documents relatifs à mon emploi au sein de la Banque me soient accessibles pour examen. » Il a poursuivi en disant qu’il s’intéressait à toute la documentation que la Banque était tenue de recueillir en vertu du Code canadien du travail et du Règlement du Canada sur les normes du travail. Il invoquait la Loi qui, disait-il, prescrivait à la Banque de reconnaître l’existence de ces renseignements et de lui donner accès à ces renseignements. Le 5 juillet 2004, la Banque lui a adressé une lettre et y a joint [traduction] « une copie des renseignements personnels détenus par Scotia Capitaux ». Elle ajoutait que si elle retrouvait d’autres renseignements personnels, ils lui seraient fournis également. Le demandeur a répondu le 6 juillet 2004, se plaignant qu’il manquait des dossiers dans la documentation fournie. Il a dit en particulier que la documentation ne comprenait aucun des documents que la Banque était tenue de maintenir en vertu du Code canadien du travail et de la Loi sur les normes du travail, au nombre desquels [traduction] « se trouvent mes registres d’heures supplémentaires ». Il a exigé que ces documents lui soient fournis dans les 24 heures. Le jour même, la Banque lui a répondu en joignant les relevés de travail correspondant à sa période d’emploi à la Banque. La lettre contenait les phrases suivantes :

 

[traduction] Veuillez trouver ci-joint une copie des relevés de travail de la période du 31 juillet 2001 au 31 octobre 2002 indiquant le détail de vos heures de travail. Les relevés de travail portent votre paraphe et ne font pas état d’heures supplémentaires. La Banque ne possède aucun autre registre de vos heures de travail que les relevés de travail.

 

 

Le 7 juillet 2004, le demandeur a longuement répondu à la Banque en se plaignant du caractère inadéquat des renseignements fournis et il a fait les affirmations usuelles au sujet des registres qui doivent être tenus aux termes du Code canadien du travail, etc. S’agissant en particulier de la lettre de la Banque du 6 juillet, il s’est plaint du fait que les relevés de travail avaient été présentés aux employés au moment où ils ont été paraphés comme des registres de vacances et d’autres congés rémunérés et n’avaient pas été présentés comme des registres d’heures de travail alors que la lettre du 6 juillet [traduction] « cherchait à utiliser les relevés de travail comme éléments de preuve » [de l’absence d’heures supplémentaires de travail]. Le 9 juillet  2004, le demandeur a adressé une plainte à la Commissaire à la protection de la vie privée en exposant la demande de renseignements qu’il avait présentée à la Banque et ce qu’il considérait comme la réponse inadéquate de la Banque. Il s’est plaint de l’inobservation par la Banque des délais prescrits par la Loi, de l’inexactitude des renseignements que tenait la Banque et du fait qu’elle présentait les relevés de travail comme des registres d’heures de travail alors qu’ils n’avaient pas été présentés comme visant cette fin au moment où ils avaient été remplis et paraphés par les employés. Bref, la Banque contrevenait à la Loi en utilisant des renseignements personnels à une autre fin que celle pour laquelle ils avaient été collectés. Le demandeur s’est plaint également du fait que la Banque avait refusé de fournir certains documents en vertu du secret professionnel de l’avocat au sujet du procès en cours entre la Banque et le demandeur et au motif que certains des documents contenaient des renseignements personnels relatifs à des tiers, que la Banque ne pouvait communiquer.

 

[7]               La Commissaire à la protection de la vie privée n’a fait rapport de ses conclusions que le 31 octobre 2005. Elle a avisé le demandeur qu’elle était d’accord avec les affirmations de la Banque concernant le secret professionnel de l’avocat et les documents relatifs à des tiers. Elle a également indiqué qu’elle ne pouvait conclure que la Banque refusait de fournir d’autres renseignements personnels concernant le demandeur au-delà de ce qui avait été fourni au demandeur dans la lettre de juillet 2004 ou des feuillets T4 et registres de paie fournis postérieurement. Dans son rapport, elle formulait les observations suivantes au sujet des relevés de travail :

 

[traduction] Les relevés de travail détaillent votre présence au travail, soit les jours travaillés au cours d’une période spécifique, les journées de vacances, les journées de maladie, les congés pour obligations personnelles, les jours fériés rémunérés, les congés pour invalidité de courte durée et les congés spéciaux. Les relevés de travail portaient aussi sur le total des heures travaillées, notamment les heures supplémentaires « rémunérées » et « non rémunérées ». Les relevés n’indiquaient pas d’heures supplémentaires de votre part au cours de la période visée. Vous avez paraphé les relevés de travail.

 

[8]               Le 6 avril 2005, la Cour d’appel de l’Ontario a rejeté l’appel du demandeur interjeté à l’encontre du rejet de son action par la Cour supérieure. Le 14 avril 2005, le demandeur a adressé une plainte au ministère fédéral du Travail au sujet du défaut allégué de la Banque de lui payer ses heures supplémentaires et de tenir des registres de ses heures de travail. Au nombre des pièces présentées figurait la lettre de la Banque du 6 juillet 2004, citée ci-dessus, que le demandeur décrivait comme une confirmation du fait [traduction] « que la Banque n’avait aucun registre des mes heures de travail ou de mes heures supplémentaires quotidiennes […] ». Je crois comprendre que l’examen de cette plainte n’est pas terminé et que le véritable objet de la présente procédure, comme on peut le voir dans les ordonnances demandées mentionnées ci-dessus, est d’empêcher la Banque de présenter les relevés de travail comme des registres des heures travaillées du demandeur et d’établir que le demandeur n’a pas effectué d’heures supplémentaires du fait que les relevés, qui portent son paraphe, ont toujours laissé vierge la colonne des « heures supplémentaires ».

 

[9]               Il va de soi que les procédures et les mécanismes prévus au Code canadien du travail permettront de décider si la Banque était tenue de rémunérer les heures supplémentaires du demandeur et si elle a manqué à ses obligations de tenir les registres prescrits des heures de travail du personnel ayant droit à la rémunération des heures supplémentaires.

 

 

 

Analyse

 

[10]           Selon l’axe principal de la demande que présente le demandeur à la Cour, je devrais empêcher la Banque de présenter ses relevés de travail comme des registres d’heures travaillées et d’heures supplémentaires du demandeur. Mais le seul élément de preuve portant que la Banque l’a fait ou entend le faire est la lettre de la Banque, datée du 6 juillet 2004, dont un extrait est cité plus haut. Il est vrai que cette lettre est un peu malencontreuse. Elle décrit les relevés de travail comme [traduction] « indiquant le détail de vos heures de travail » alors que la seule colonne où sont enregistrés le « total des heures » et les « heures supplémentaires » ne s’appliquait pas logiquement au personnel exclu qui, de l’avis de la Banque, n’avait pas droit aux heures supplémentaires rémunérées. S’agissant de ce personnel, les relevés de travail ne portaient pas sur les heures de travail mais concernaient les journées de travail. La lettre de la Banque souligne que les relevés du demandeur ont été paraphés par lui [traduction] « et ne font pas état d’heures supplémentaires », ce qui laisse entendre que si le demandeur avait effectué des heures supplémentaires, ces heures auraient été enregistrées, ce qui n’était pas le cas. La troisième phrase dit que la Banque [traduction] « ne possède aucun autre registre de vos heures de travail » que les relevés de travail. Cela suggère que les relevés de travail sont une forme de registre des heures de travail. Si le libellé de cette lettre était appelé à faire partie d’une entente formelle écrite ou même de l’annonce expresse d’une politique, il serait jugé gravement déficient. Toutefois, je note que ce libellé faisait partie d’une lettre privée adressée au demandeur pour répondre rapidement à sa dernière lettre du même jour, dans laquelle il menaçait de déposer une plainte en vertu de la Loi dans les 24 heures si la Banque ne lui fournissait pas d’autres renseignements sur ses heures de travail. Il s’agissait d’un échange de correspondance entre un ex-employeur et un ex-employé au sujet du travail et des pratiques d’enregistrement du travail à la Banque, points tout à fait familiers aux deux parties. Le demandeur savait très bien (comme il l’a déclaré dans son affidavit précité) à quelle fin servaient les relevés de travail ainsi que les renseignements qu’ils contenaient et ne contenaient pas. Rien n’établit que la Banque ait présenté la nature des relevés de travail à une autre personne. C’est le demandeur qui a envoyé des copies de cette lettre personnelle à la Commissaire à la protection de la vie privée et au ministère du Travail. Dans la lettre au ministère du Travail, il a dit expressément, comme le rapporte la citation ci-dessus, que les relevés de travail ne contenaient pas de renseignements sur les heures de travail car la Banque ne tenait pas ce type de registres. S’il n’avait pas joint la lettre, personne n’aurait pu être induit en erreur par ce document.

 

[11]           En réalité, la position de la Banque est formellement exprimée de la manière suivante dans son mémoire des faits et du droit :

[traduction]

49.       En fournissant les relevés de travail au demandeur en réponse aux demandes spécifiques de celui-ci, la Banque défenderesse a fourni le seul document en sa possession qui touchait de quelque façon ou employait indirectement les termes de la demande du demandeur. Elle a fourni les documents en les accompagnant d’une description exacte de leur contenu; les documents donnaient le détail de ses heures de travail (sous forme d’enregistrement des journées travaillées et des journées ou parties de journées non travaillées ou faisant l’objet de congés pour cause), ils étaient paraphés par le demandeur et ils n’indiquent pas d’heures supplémentaires.

 

50.       Le demandeur a considéré cette description neutre, destinée à son seul usage, comme une affirmation positive de la Banque défenderesse portant que le relevé de travail aurait enregistré ses heures supplémentaires, le cas échéant. La Banque défenderesse n’a pas présenté cette prétention dans sa lettre et ne l’a jamais avancée. Étant donné que le personnel du niveau 06, comme le demandeur, n’était pas traité comme ayant droit aux heures supplémentaires en vertu de la politique de la Banque, il n’y avait pas lieu d’enregistrer les heures supplémentaires, le cas échéant, ou les heures de travail.

 

51.       Le demandeur, en créant de toute pièce une affirmation que la Banque n’a jamais faite, soit que le relevé de travail enregistrerait les heures supplémentaires effectuées, a créé une position fictive sur laquelle appuyer sa plainte concernant un changement d’usage et l’absence du consentement prévu à la LPRDE.

 

52.       Contrairement à ce qu’allègue le demandeur, la Banque défenderesse n’a pas affirmé et n’affirme pas que le relevé de travail établit quoi que ce soit sur le fait que le demandeur a effectivement fait des heures supplémentaires ou n’en a pas fait. Ces relevés recueillaient les renseignements au sujet du temps travaillé et non travaillé en conformité avec les dispositions sur le consentement de l’annexe 1 de la LPRDE, à la fois explicitement comme le demandeur le rapporte dans ses documents et comme en témoigne sa signature chaque mois, et implicitement en vertu de l’article 4.3.6 étant donné le caractère non sensible des renseignements.

 

Je ne vois aucune raison pour laquelle le demandeur, s’il le faut, ne pourrait pas mentionner cet aveu de la Banque à l’encontre de son propre intérêt, quitte à ce que la Banque affirme ultérieurement que les relevés de travail établissent que le demandeur n’a pas fait d’heures supplémentaires.

 

[12]           Dans son argumentation orale et écrite, le demandeur a soulevé de nombreuses plaintes contre la Banque au sujet de ce qu’il allègue être une contravention à la Loi. J’estime que je devrais restreindre mes décisions formelles aux ordonnances spécifiques demandées par le demandeur, présentées ci-dessus. Au point a), il demande une ordonnance contre la Banque enjoignant à celle-ci de cesser de présenter les relevés de travail ou les documents analogues comme des registres d’heures de travail. Comme je l’ai indiqué, je ne vois aucun élément de preuve établissant que la Banque l’ait fait, sauf dans une lettre maladroite adressée au demandeur même, manifestement rédigée à la hâte. Comme la Banque a affirmé dans la présente procédure qu’elle ne se fonde pas sur les relevés de travail pour établir les heures de travail, aucune ordonnance n’est nécessaire.

 

[13]           Au point b), le demandeur souhaite obtenir des excuses de la Banque. Dans les circonstances, je ne vois aucun comportement justifiant des excuses. Il va de soi que je ne traite pas de la question de savoir si le demandeur avait droit ou n’avait pas droit aux heures supplémentaires et si la Banque avait l’obligation de tenir un registre de ses heures de travail. Il s’agit là d’une question qui doit être tranchée à la lumière des dispositions du Code canadien du travail.

 

[14]           Le demandeur cherche à obtenir des ordonnances de nature générale enjoignant à la Banque de cesser d’utiliser et de présenter des renseignements personnels à d’autres fins que celles qui ont été définies au moment de la collecte. Je ne suis saisi d’aucun élément de preuve à l’égard de l’utilisation faite par la Banque d’autres renseignements personnels et j’ai traité de l’utilisation du relevé de travail, sous réserve d’une instruction que je donnerai plus loin. Le demandeur s’adresse aussi à la Cour pour que la Banque soit tenue d’identifier par écrit l’objet de la collecte de renseignements touchant les heures de travail avant la collecte ou au moment de celle-ci. Je ne suis pas disposé à ordonner que cette identification soit faite par écrit. D’après le principe 4.2.3, selon les circonstances, les fins de la collecte de renseignements peuvent être spécifiées de vive voix ou par écrit. Dans le cas d’un élément aussi simple qu’un relevé de travail, dont la finalité était manifeste à première vue, selon l’affidavit du demandeur, et dont le demandeur a été informé par le personnel administratif, je ne vois aucune raison d’exiger la publication écrite de la fin de la collecte. À l’évidence, la Banque est tenue de se conformer à la Loi et il pourrait fort bien y avoir des circonstances dans lesquelles elle pourrait devoir fournir un énoncé écrit à l’égard de certains renseignements recueillis. Mais je ne suis pas persuadé que cette exigence est nécessaire en l’espèce à l’égard des relevés de travail et je ne suis saisi d’aucun autre formulaire de renseignements.

 

[15]           Je suis convaincu qu’en vertu des pouvoirs qui me sont conférés par l’alinéa 16a) d’ordonner à une organisation de corriger ses pratiques en vue de se conformer à l’article 5, qui demande pour sa part la conformité à l’annexe 1, j’ai le pouvoir d’ordonner à la Banque de clarifier son relevé de travail pour le personnel exclu de la rémunération des heures supplémentaires. Si le relevé de travail dans sa forme actuelle fait problème, c’est en raison de son usage non différencié pour le personnel qui a droit aux heures supplémentaires et pour le personnel qui n’y a pas droit. Bien que le sens du relevé de travail doive, à mon avis, être clair pour le personnel interne de la Banque, la colonne intitulée « total des heures » et « heures supplémentaires » et sa subdivision en « rémunérées » et « non rémunérées » peut susciter la confusion dans le cas où ces relevés, dans le cadre d’une plainte en vertu du Code canadien du travail, sont portés à l’attention d’autres personnes. Ce risque de confusion ressort manifestement du rapport de la Commissaire à la protection de la vie privée qui, dans la citation que j’ai rapportée ci-dessus, a décrit les relevés de travail comme traitant du « total des heures travaillées ». Par conséquent, elle a fait observer que les relevés n’indiquent pas d’heures supplémentaires travaillées pour le demandeur. Nous savons maintenant que la Banque ne considère pas les relevés de travail comme établissant la présence ou l’absence d’heures supplémentaires travaillées chez un employé du groupe exclu, mais cela n’est manifestement pas apparent aux yeux d’une personne de l’extérieur qui lit le document. Si la Banque est appelée à continuer à utiliser ses relevés de travail pour le personnel exclu, pour lequel le nombre total des heures travaillées, rémunérées ou non rémunérées, n’est pas pertinent, cette colonne devrait donc être supprimée des relevés de travail parce qu’elle induit en erreur. Je vais ordonner cette mesure dans l’intérêt de la précision des renseignements, pour prévenir pareille confusion dans l’interprétation de ce formulaire de renseignements personnels.

 

[16]           Le demandeur s’est plaint d’autres contraventions à la Loi de la part de la Banque. Il se plaint de ce que la Banque n’a pas répondu à la demande de renseignements personnels qu’il lui a adressée le 3 juin 2004. La Banque n’a ni répondu dans le délai des 30 jours ni ne lui a donné avis de prorogation comme le prescrit l’article 8 de la Loi. La première réponse de la Banque a plutôt été donnée le 5 juillet 2004 et la seconde, le 6 juillet. Il n’y a pas de demande de réparation à l’égard de ce retard de l’avis de demande et, pour cette seule raison, je n’estimerais pas indiqué de rendre une ordonnance. En outre, je ne suis pas persuadé qu’il y a eu contravention au paragraphe 8(3) qui exige de donner une réponse dans les 30 jours ou de donner dans ce délai l’avis de prorogation exigé. La demande de renseignements a été présentée dans une lettre datée du 3 juin. Si cette lettre a été expédiée par Postes Canada, on ne peut être certain de la date de sa réception par la Banque et rien n’établit son envoi par un procédé d’expédition plus rapide. Comme la lettre a été envoyée en juin, mois qui ne compte que 30 jours, la réponse du 5 juillet pouvait tomber à l’intérieur du délai prescrit des 30 jours. Quoi qu’il en soit, le retard, s’il existe, a été minime et le demandeur a néanmoins reçu tous les documents que pouvait trouver la Banque au sujet de sa demande.

 

[17]           Le demandeur s’est plaint de ce que la Banque avait envoyé ses relevés de travail à l’agent des affaires du travail qui traitait la plainte du demandeur en vertu du Code canadien du travail. Comme l’avocat de la Commissaire à la protection de la vie privée l’a souligné à la Cour, je n’ai pas compétence pour traiter cette affaire qui s’est produite le 23 novembre 2005, quelque 17 mois après la plainte du demandeur à la Commissaire à la protection de la vie privée. En vertu du paragraphe 14(1) de la Loi, après avoir reçu le rapport du Commissaire, le plaignant peut demander seulement que la Cour entende « toute question qui a fait l’objet de la plainte ». La communication de novembre 2005 ne pouvait évidemment pas avoir fait l’objet d’une plainte à la Commissaire à la protection de la vie privée en juillet 2004 et je ne puis donc pas en traiter.

 

[18]           Je rejetterai donc la demande, sous réserve d’une ordonnance enjoignant à la Banque de corriger le formulaire du relevé de travail qu’elle utilise pour l’ensemble du personnel qui n’a pas droit à la rémunération des heures supplémentaires.

 

[19]           À la demande des avocats de la Banque défenderesse, je réserve ma décision sur les dépens jusqu’à la présentation des observations des avocats. Je traiterai des observations relatives aux dépens par voie de requête écrite en vertu de l’article 369 des Règles. Le défendeur sera la partie requérante et il doit déposer et signifier une requête accompagnée de la documentation à l’appui pour le 20 mars 2007 au plus tard. Les parties devront déposer un mémoire des faits et du droit n’excédant pas 10 pages.

 

[20]           Il ne sera pas adjugé de dépens en faveur ou à l’encontre de la Commissaire à la protection de la vie privée.

 

« Barry L. Strayer »

Juge adjoint

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :                                                    T-2181-05

 

INTITULÉ :                                                   MARK DONAGHY

                                                                                                                        demandeur

                                                                        et

 

                                                                        SCOTIA CAPITAL INC. / SCOTIA CAPITAUX INC. et LA BANQUE DE NOUVELLE-ÉCOSSE

défenderesses

 

                                                                        et

                                                                       

                                                                        LE COMMISSARIAT À LA PROTECTION DE LA VIE PRIVÉE DU CANADA

défendeur

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           Le 5 février 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE STRAYER

 

DATE DES MOTIFS :                                  Le 27 février 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Mark Donaghy                                                         Pour le demandeur

 

Paul S. Jarvis                                                            POur les défenderesses

                                                                                Banque de Nouvelle-Écosse et Scotia Capitaux Inc.

 

 

Steven Welchner                                                       Pour le défendeur

Nathalie Daigle                                                         Le Commissariat à la

                                                                                Protection de la vie privée

                                                                                du Canada

                                                                               

 


 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Mark Donaghy                                                         Pour le demandeur

Mississauga (Ontario)                                              

 

 

Hicks Morley Hamilton                                             Pour les défenderesses

Stewart Storie LLP                                                   BANQUE de Nouvelle-Écosse et Avocats                                                                                Scotia Capitaux Inc.

Toronto (Ontario)                                                    

 

Welchner Law Office                                                Pour la défenderesse

Ottawa (Ontario)                                                      La Commissaire à la protection

                                                                                de la vie privée du Canada      

 

Commissariat à la protection                                     Pour la défenderesse

de la vie privée du Canada                                        La Commissaire à la protection

Ottawa (Ontario)                                                      de la vie privée du Canada

 

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