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Date : 20070307

Dossier : IMM-2045-06

Référence : 2007 CF 258

Ottawa (Ontario), le 7 mars 2007

EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Phelan

 

 

ENTRE :

ALI SHIRAZ NAQVI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit du deuxième cycle qu’effectue le demandeur devant la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR). Sa première demande du statut de réfugié a été rejetée après qu’il a eu gain de cause dans une audience relative au désistement. Le demandeur a également eu gain de cause dans une demande de contrôle judiciaire de la première décision de la CISR et l’affaire a été renvoyée pour qu’une nouvelle audience soit tenue. La nouvelle audience relative à la demande du statut de réfugié a abouti à une décision négative de la CISR. Il s’agit donc en l’espèce du contrôle judiciaire de la seconde décision de la CISR.

 

[2]               Le demandeur a soulevé neuf questions dans sa contestation de la CISR. L’affaire peut être tranchée en se fondant sur l’allégation du demandeur qu’il n’a pas eu droit à une audience équitable du fait que la CISR n’a pas fait droit à son attente légitime à l’égard du dossier de la preuve et n’a pas pris en considération les éléments de preuve pertinents.

 

[3]               Dans la seconde décision de la CISR, la Commission s’est montrée préoccupée de l’absence de précisions dans le FRP du demandeur sur les questions de crainte de persécution. Le demandeur a expliqué que cette lacune était imputable au fait qu’il n’avait eu que 15 minutes pour remplir le FRP à la conclusion de l’audience relative au désistement.

 

[4]               À la seconde audience devant la CISR, quand il a été informé qu’il s’agirait d’une audience de novo, l’avocat du demandeur s’y est opposé parce qu’il souhaitait pouvoir se fonder sur le dossier antérieur dont était saisie la Commission. L’avocat présumait que les documents présentés à l’audience relative au désistement figureraient dans le dossier antérieur.

 

[5]               Les transcriptions font état d’un échange entre l’avocat et le commissaire, qui a incité l’avocat à croire que, bien qu’il s’agisse d’une audience de novo, le dossier comprendrait tous les éléments de preuve documentaire antérieurs. L’audience ferait appel au dossier documentaire antérieur, enrichi de tout nouveau document et de tout nouvel élément de preuve relatifs à la seconde audience, mais aucun des témoignages antérieurs ne serait dans le dossier de la seconde audience.

 

[6]               La Commission a une politique au sujet des documents qui doivent servir dans les nouvelles audiences. La politique intitulée La tenue de nouvelles audiences sur ordonnance de la Cour, qui s’applique à toute nouvelle audience non fondée sur un déni de justice naturelle, indique les documents à verser au dossier de la nouvelle audience :

·        les documents introductifs d’instance (avis d’appel, avis de cas déféré à la SPR, demande d’enquête ou d’examen des motifs de détention);

·        l’ordonnance de la Cour et les motifs;

·        la décision initiale de la CISR et les motifs;

·        des documents administratifs (par ex. avis de convocation);

·        les pièces déposées à la première audience;

·        les transcriptions de la première audience;

·        d’autres éléments de preuve contenus dans le dossier de la première audience.

 

[7]               À l’examen du dossier du tribunal certifié, il est manifeste que les documents de la procédure relative au désistement ne faisaient pas partie du dossier du contrôle judiciaire visé.

 

[8]               Selon la position du demandeur, il pouvait légitimement s’attendre, compte tenu à la fois de son échange avec le commissaire et de la politique actuelle de la Commission, à ce que sur le dossier dont serait saisie la Commission soit exhaustif, c’est-à-dire qu’il inclue la procédure d’audience relative au désistement.

 

[9]               Comme le souligne le défendeur, l’excuse du demandeur pour n’avoir pas fait mention d’éléments clés de son FRP à la première audience tenue devant la CISR était qu’il n’avait pas d’avocat et qu’il avait des difficultés de rédaction. Le défendeur fait valoir que les questions de l’audience relative au désistement et des 15 minutes allouées au demandeur, selon ce qu’il allègue, pour remplir le FRP n’ayant pas été soulevées à la première audience, il n’y avait aucune raison de verser les documents relatifs au désistement à l’ancien ou au nouveau dossier.

 

[10]           La difficulté est double. Premièrement, le demandeur était raisonnablement justifié de croire que le nouveau dossier comprendrait ce qu’on pourrait appeler l’« historique du dossier ». Deuxièmement, la Commission n’a jamais fait référence à la procédure relative au désistement malgré la nouvelle explication qu’apportait le demandeur sur le caractère incomplet de son FRP.

 

[11]           Compte tenu des circonstances de l’espèce, il était raisonnable de s’attendre à ce que le commissaire soit saisi du dossier exhaustif de la preuve documentaire. L’excuse du demandeur pour les lacunes de son FRP reposait sur l’audience relative au désistement et le demandeur a exposé carrément la question à la Commission.

 

[12]           En outre, les documents relatifs au désistement qui figuraient au dossier corroboraient en partie l’explication du demandeur dans la mesure où le FRP portait la même date que celle de l’audience relative au désistement et que des éléments de preuve semblent établir que le formulaire n’avait pas été rempli avant cette date.

 

[13]           Ayant soulevé la question du délai alloué pour remplir le FRP dans le contexte de l’audience relative au désistement, la Commission aurait dû prendre en compte son propre dossier sur cette audience. Elle a fait défaut de prendre en considération des éléments de preuve pertinents qui figuraient dans ses propres dossiers et dont elle connaissait la pertinence.

[14]           Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire sera accueillie et la décision de la CISR sera annulée. L’affaire sera renvoyée à la Commission en vue d’une nouvelle décision fondée sur un dossier qui comprend, au minimum, les documents susceptibles d’être pertinents à l’égard de la demande du demandeur et de l’historique de la demande. Cela ne comprend pas les transcriptions des décisions antérieures de la Commission. La Cour s’attend à ce que la Commission puisse collaborer et s’entendre avec les deux avocats pour faire en sorte qu’un dossier correct soit disponible pour la tenue de la nouvelle audience.

 

[15]           Il n’y a pas de question à certifier.

 


JUGEMENT

            LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que la décision de la CISR soit annulée. L’affaire sera renvoyée à la Commission en vue d’une nouvelle décision fondée sur un dossier qui comprendra ce qui est indiqué dans les présents motifs.

 

 

 

« Michael L. Phelan »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                              IMM-2045-06

 

INTITULÉ :                                             ALI SHIRAZ NAQVI

 

                                                                  et

 

                                                                  LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                       TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                     LE 27 FÉVRIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                    LE JUGE PHELAN

 

DATE DES MOTIFS

ET DU JUGEMENT :                             LE 7 MARS 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Ali Amini

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Janet Chisholm

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS AU DOSSIER :

 

AMINI CARLSON LLP

Avocats

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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