Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

 

Date : 20070130

Dossier : IMM-229-07

Référence : 2007 CF 97

Montréal (Québec), le 30 janvier 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

Faraz Ulhaq QURESHI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et

le ministre de la Sécurité publique

et de la Protection civile Canada

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Il convient de souligner que la procédure relative à l’examen d’une demande de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi est de nature judiciaire et non extrajudiciaire. 

[10]        Je dois dire que les demandeurs sont renvoyés aux États-Unis, et non en Angola. La Cour a statué que le renvoi aux États-Unis ne constitue pas un préjudice irréparable, même si la personne visée peut être détenue. Les États-Unis sont présumés traiter leurs détenus et leurs demandeurs d'asile équitablement. Il incombera aux autorités des États-Unis de décider s'il y a lieu de renvoyer éventuellement les demandeurs en Angola (Mikhailov c. Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 642; Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 1182).

 

(Joao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 C.F. 880, [2005] A.C.F. n1103 (QL).)

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Le 17 janvier 2007, M. Faraz Ulhaq Qureshi a déposé une requête dans laquelle il réclame le sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi fixée au 31 janvier 2007.

 

[3]               M. Qureshi sollicite un sursis d’exécution jusqu’à ce que la Cour se prononce sur sa demande de contrôle judiciaire, déposée le 17 janvier 2006, dans laquelle il conteste la décision de Mme Catherine Barthelemy par laquelle elle a rejeté sa requête en sursis d’exécution jusqu’à l’issue de l’examen de sa demande de parrainage.

 

CONTEXTE

[4]               Les faits sont bien décrits dans le dossier du demandeur. Cependant, une correction est nécessaire : le demandeur s’est marié en juin 2006 et non en 2005 tel que l’indique le paragraphe 8. De plus, la demande de parrainage a été déposée en septembre 2006 et non en 2005, tel que l’indique le paragraphe 9.

 


QUESTION EN LITIGE

[5]               M. Qureshi a-t-il prouvé qu’il répondait au critère à trois volets que la Cour a convenu d’appliquer lorsqu’elle doit juger de l’opportunité de sursoir ou non à l’exécution d’une mesure de renvoi?

 

ANALYSE

[6]               Selon la jurisprudence de la Cour, pour que sa requête soit accordée, M. Qureshi doit démontrer qu’il répond aux trois éléments du critère à trois volets établi par la Cour fédérale d’appel dans la décision Thot c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1988] A.C.F. no 587 (QL). En conséquence, M. Qureshi a le fardeau de prouver :

a)      qu’une question sérieuse sera tranchée dans la demande de contrôle judiciaire qu’il a déposée avec sa requête;

b)      qu’un préjudice irréparable lui sera causé si l’on exécute la mesure de renvoi;

c)      que la prépondérance des inconvénients lui est favorable à lui plutôt qu’au Ministre.

(RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311 (QL); Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 148, [2001] A.C.F. no 295 (QL); Mikhailo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration ), [2000] A.C.F. no 642 (QL).)

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

 

[7]               Dans ses observations, le demandeur prétend qu’il subira un préjudice irréparable s’il est expulsé du Canada. Il allègue :

i)                    que son expulsion vers les États-Unis n’est que la première étape avant d’être renvoyé au Pakistan où il subira un préjudice irréparable;

ii)                   qu’un préjudice irréparable lui sera causé s’il retourne au Pakistan du fait qu’il est marié à une chrétienne;

iii)                 que des éléments de preuves indiquent qu’il sera détenu aux États-Unis;

iv)                 qu’un préjudice irréparable lui sera causé s’il est séparé de sa femme et de son enfant.

La présente Cour considère comme hypothétique les allégations concernant l’expulsion par les États-Unis du demandeur vers son pays d’origine.

 

[8]               La Cour a établi que la question du préjudice irréparable doit être étudiée en fonction du pays où le ministre propose de renvoyer une personne. (Kerrutt c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1992) 53 F.T.R. 93, [1992] A.C.F. no 237 (QL).)

 

[9]               Les allégations concernant l’expulsion du demandeur par les États-Unis vers son pays d’origine sont considérées comme « hypothétiques » par la Cour. De telles affirmations ne répondent pas à la condition selon laquelle un demandeur doit subir un préjudice irréparable pour que le sursis à la mesure de renvoi soit accordé. (Rahim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 130, [2001] A.C.F. no 271 (QL), au par. 9; Aquila c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 36 (QL), au par. 15; Karthigesu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] A.C.F. no 1038 (QL), au par. 15; Gomez-Carillo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 425 (QL), aux par. 5 et 6; Qawdan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1992] A.C.F. n334 (QL), au par. 18; Kaberuk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 369 (QL), au par. 4)

 

Le demandeur n’a pas établi qu’il serait exposé à un risque s’il retournait au Pakistan

 

 

[10]           La demande d’ERAR de M. Qureshi a été refusée après un examen approfondi de la preuve qu’il a présentée et une étude de la preuve documentaire obtenue par le concours de sources indépendantes. L’agent d’ERAR a conclu qu’il n’y avait qu’une faible possibilité que M. Qureshi soit victime de persécution ou de torture s’il retournait au Pakistan.

 

[11]           Le risque associé au retour de M. Qureshi au Pakistan a été évalué à plusieurs reprises. La SPR a conclu que M. Qureshi n’était pas un réfugié au sens de la Convention (pièce A de l’affidavit de Ketsia Dorceus).

 

Être détenu aux États-Unis ne constitue pas un préjudice irréparable

[12]           La juge Sandra Simpson dans la décision Calderon c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 393 (QL), a tenu les propos suivants en ce qui concerne le sens qu’on doit donner à l’expression « préjudice irréparable » :

[22]      Dans l'affaire Kerrutt c. MEI (1992), 53 F.T.R. 93 (C.F. 1re inst.), le juge MacKay avait conclu que, dans le cadre d'une demande de sursis à exécution, la notion de préjudice irréparable sous-entend un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d'un requérant. Le critère est très exigeant et j'admets son principe de base selon lequel on entend par préjudice irréparable quelque chose de très grave, c'est-à-dire quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles vont donner lieu une séparation familiale ou un départ.

 

[13]           La Cour a indiqué que les arguments selon lesquels un demandeur risque d’être emprisonné aux États-Unis sont trop hypothétiques pour conclure à un préjudice irréparable. Dans la décision Mikhailov, précitée, le juge Marc Nadon s’est ainsi exprimé :

[12]      Même si les demandeurs étaient détenus, je ne suis pas convaincu que cela constitue un préjudice irréparable. Le préjudice irréparable n’est pas un simple inconvénient, ou un problème financier ou émotionnel.

(Voir aussi : Karthigesu, précitée, au par. 10; Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration c. Satiacum, [1999] A.C.F. no 505 (C.A.F.) (QL); Nabut c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1392, [2001] A.C.F. no 1878 (QL); Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 C.F. 931, [2003] A.C.F. no 1182 (QL), au par. 10; Joao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 880, [2005] A.C.F. no 1103 (QL), au par. 10)

 

Le fait que le demandeur sera séparé de sa femme ne constitue pas un « préjudice irréparable »

 

[14]           M. Qureshi soutient que le fait qu’il sera séparé de sa femme constitue un préjudice irréparable.

 

[15]           Il faut souligner que M. Qureshi et sa femme se sont rencontrés en décembre 2004 et que leur fille est née en octobre 2005. De plus, ils se sont mariés en juin 2006. Ce n’est qu’en septembre 2006 que la demande de parrainage a été présentée. M. Qureshi est seul responsable de ne pas s’être doté d’un statut au Canada.

 

[16]           La jurisprudence de la Cour établit qu’un « préjudice irréparable » sous-entend « un risque grave de quelque chose qui met en cause la vie ou la sécurité d'un requérant ». Le préjudice doit être « très grave, c'est-à-dire quelque chose de plus grave que les regrettables difficultés auxquelles vont donner lieu une séparation familiale ou un départ »  (Kerrutt, précitée; Simpson c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 380 (QL); Calderon, précitée; Mobley c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1995] A.C.F. no 65 (QL); Mallia c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 369 (QL); Mikhailov, précitée; Aquila, précitée; Perry c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile  Canada), 2006 C.F. 378, [2006] A.C.F. no 473 (QL), au par. 31.)

 

[17]           Même lorsque la séparation causée par un renvoi risque de causer des problèmes économiques ou psychologique graves, le critère est toujours de savoir si M. Qureshi lui‑même subira un préjudice irréparable. (Mariona c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1521 (QL); Carter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1011 (QL).)

 

[18]           Il n’y a aucun motif qui permet à la Cour de conclure que M. Qureshi subira un « préjudice irréparable » s’il est renvoyé aux États-Unis.


LA prépondérance DES INCONVÉNIENTS EST FAVORABLE AU MINISTRE

[19]           Selon l’article 48 de la loi, le défendeur a l’obligation d’appliquer une mesure de renvoi exécutoire « dès que les circonstances le permettent » :

48.      (1) La mesure de renvoi est exécutoire depuis sa prise d’effet dès lors qu’elle ne fait pas l’objet d’un sursis.

 

(2)  L’étranger visé par la mesure de renvoi exécutoire doit quitter immédiatement le territoire du Canada, la mesure devant être appliquée dès que les circonstances le permettent.

48.      (1) A removal order is enforceable if it has come into force and is not stayed.

 

 

(2)  If a removal order is enforceable, the foreign national against whom it was made must leave Canada immediately and it must be enforced as soon as is reasonably practicable.

 

[20]           Pour réussir à établir que la prépondérance des inconvénients lui est favorable,  M. Qureshi aurait dû faire la preuve qu’il est dans l’intérêt public qu’il ne soit pas renvoyé comme on le prévoit de le faire : RJR‑MacDonald, précitée; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1994), 90 F.T.R. 54, [1994] A.C.F. 1990 (QL).

 

[21]           Comme l’a indiqué le juge Sopinka dans l’arrêt Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) c. Chiarelli (1992) 135 N.R. 161, [1992] 1 R.C.S. 711 (bien qu’il s’agisse d’une affaire d’extradition) :

 […] Le principe le plus fondamental du droit de l'immigration veut que les non‑citoyens n'aient pas un droit absolu d'entrer au pays ou d'y demeurer […]

 

[22]           M. Qureshi n’a pas établi que la prépondérance des inconvénients favorise la non‑application de la loi :

 (iii) Équilibre des inconvénients

 

[21]      L’avocate des appelants dit que, puisque les appelants n’ont aucun casier judiciaire, qu’ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu’ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l’équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu’à l’issue de leur appel.

 

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu’ils sont arrivés ici. À mon avis, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

(Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.A.F. 261 (C.A.F.), [2004] A.C.F. no 1200 (QL); Dasilao c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.F. 1168 (C.F.), [2004] A.C.F. 1410 (QL); Membreno-Garcia c. Canada (Ministre de l’emploi et de l’Immigration), [1992] 3 C.F. 306, [1992] A.C.F. no 535 (QL); Kerrutt, précitée)

 

CONCLUSION

[23]           La requête du demandeur visant à surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la requête en vue d’obtenir par ordonnance le sursis de l’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

« Michel M. J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                             IMM-229-07

 

INTITULÉ :                                            Faraz Ulhaq Qureshi

c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile Canada

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                     MONTRÉAL (QUÉBEC)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                    LE 29 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET

JUGEMENT :                                        LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                          LE 30 JANVIER 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Pia Zambelli

 

POUR LE DEMANDEUR

Claudia Gagnon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Diane Nancy Doray

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.