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Date : 20070319

Dossier : T-2170-05

Référence : 2007 CF 293

Ottawa (Ontario), le 19 mars 2007

En présence de Monsieur le juge Blais

 

ENTRE:

ROGER GROULX

demandeur

et

 

MONSIEUR MARCEL CORMIER

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

MINISTÈRE DES ANCIENS COMBATTANTS DU CANADA

et

AGENCE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 18.1 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, à l’encontre d’une décision datée du 3 novembre 2005, rendue par M. Marcel Cormier, Directeur général des ressources humaines, Anciens Combattants Canada, en sa qualité de Délégué de l’Administrateur général pour les griefs de classification. Dans cette décision, M. Cormier informait le demandeur qu’il avait accepté la recommandation du Comité de grief de classification de maintenir la classification du poste du demandeur au niveau HS HDO-04, et rejetait ainsi le grief de classification du demandeur (DVA-2005-00003).

 

 

FAITS PERTINENTS

 

[2]               Pour la période pertinente, M. Roger Groulx (le demandeur) occupait un poste de magasinier d’entrepôt d’informatique et de maintenance à l’Hôpital Sainte-Anne, au sein du Ministère des Anciens Combattants.

 

[3]               Le 21 février 2005, le demandeur recevait la mise-à-jour de sa description de tâches ainsi que le résultat d’une réévaluation de sa classification pour cette position, laquelle fut maintenue au niveau HS-HDO-04.

 

[4]               Tel qu’énoncé dans la Politique sur le système de classification et la délégation de pouvoir du Secrétariat du Conseil du Trésor, le niveau d'un poste dans la fonction publique fédérale doit être établi à partir de l'évaluation de la description de travail connexe, en se servant de la norme de classification pertinente, déterminée par la définition du groupe professionnel applicable pour cette norme. En pratique, chaque poste doit tout d’abord être assigné à un groupe professionnel particulier. Par la suite, le poste est évalué suivant une liste de critères, et un degré est attribué pour chaque critère par l’entremise d’une comparaison avec certains postes-repères. Chaque degré correspond à un nombre de points prédéterminés, et le niveau de classification est établi en additionnant les points obtenus sous chaque critère.

 

[5]               Le 18 mars 2005, le demandeur déposait un grief demandant une reclassification de son poste selon la norme de classification GS et dans le respect de la décision du Tribunal des Droits de la personne de 1991.

 

[6]               La norme de classification GS (Services généraux) s’applique à l’évaluation des postes du groupe HS (Services hospitaliers), selon la directive du Conseil du Trésor datée du 5 novembre 1991, mettant en œuvre la décision du Tribunal des droits de la personne, dans Alliance de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, [1991] D.C.D.P. No 4.

 

[7]               À la suite du dépôt du grief du demandeur, un Comité de grief de classification (le Comité) a été créé en vertu de l’article V(c) de la Procédure du règlement des griefs de classification du Conseil du Trésor. Le Comité était constitué d’un président, Yvon Forest, un consultant en classification possédant au moins 20 années d’expérience dans le domaine de la classification dans la fonction publique fédérale; de Bernard Groulx, un conseiller de griefs de classification à l’Agence de gestion des ressources humaines dans la fonction publique; et de Julie Gadoury, laquelle occupait un poste de chef d’un service à l’Hôpital-Sainte-Anne, sans rôle de supervision sur le demandeur.

 

[8]               Le 8 septembre 2005, le demandeur présentait au Comité ses arguments pour une reclassification au niveau HS-HDO-08. Le demandeur contestait la notation donnée, lors de la réévaluation du niveau de classification, pour  les facteurs « Compréhension et jugement », « Formation professionnelle spécialisée », « Ressources et services », « Sécurité d’autrui » et « Surveillance ».

 

[9]               À la suite de son analyse de tous les facteurs, le Comité a conclu que le poste du demandeur devait être classifié au niveau HS-HDO-04. Le Comité a considéré les principaux arguments du demandeur, mais a conclu qu’ils ne justifiaient pas un niveau de classification plus élevé. Le Comité n’a pas consulté les membres de la gestion pour obtenir de l’information supplémentaire, mais affirme s’être basé uniquement sur l’information fournie par le demandeur, sur la description des tâches officielle du demandeur, et sur la norme GS applicable.

 

[10]           Dans sa lettre datée du 3 novembre 2005, le Délégué de l’Administrateur général pour les griefs de classification a conclu qu’une évaluation approfondie du poste en question avait été faite et que les recommandations du Comité reflétaient une application juste et équilibrée de la norme de classification concernée.

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[11]           La présente demande de contrôle judiciaire soulève les questions suivantes :

1)                  Le Comité a-t-il violé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale?

2)                  Le Comité a-t-il, dans ses motifs, commis une erreur susceptible de donner lieu à la révision de la décision?

3)                  Le Comité a-t-il erré dans son application des questions relatives au droit à la parité salariale?

 

NORME DE CONTRÔLE

[12]           Sur la question de la norme de contrôle applicable à une décision d’un Comité de grief de classification chargé de statuer sur le fond d’un grief de classification, je souscris à l’analyse du juge Michael L. Phelan dans l’arrêt Adamidis c. Canada (Conseil du Trésor), 2006 CF 243, [2006] A.C.F. no 305 (QL), dont je reproduis les paragraphes 18 à 24 :

 18      Dans une large mesure, je fais mienne l'analyse de la norme de contrôle applicable aux décisions d'un comité de classification qu'a faite le juge Blanchard dans Trépanier c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. no 1601; 2004 CF 1326. Dans cette affaire, le juge Blanchard a conclu que la norme de contrôle applicable à l'égard du calcul d'un délai à respecter était celle de la décision manifestement déraisonnable.

 

 19      En ce qui concerne l'existence et la nature d'une clause privative, le paragraphe 96(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (la Loi) prévoit ce qui suit :

 

96. (3) Sauf dans le cas d'un grief qui peut être renvoyé à l'arbitrage au titre de l'article 92, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est finale et obligatoire, et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l'égard du grief ainsi tranché.

***

96. (3) Where a grievance has been presented up to and including the final level in the grievance process and it is not one that under section 92 may be referred to adjudication, the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken thereon.

 

 20      Même si cette clause privative n'est pas la plus stricte, elle indique cependant une intention de limiter dans une certaine mesure les demandes de réexamen et de faire en sorte que la décision à l'égard du grief soit finale et obligatoire.

 

 21      Les trois autres facteurs de l'analyse pragmatique et fonctionnelle, à savoir l'expertise, l'objet de la loi et de ses dispositions pertinentes et la nature de la question, revêtent une plus grande importance en l'espèce.

 

 22      Si le calcul d'un délai est une question purement factuelle qui exige une expertise, comme dans l'affaire Trépanier, l'application du système de classification est alors encore plus une question d'expertise. Il faut une grande expertise en matière de classification ainsi qu'une connaissance approfondie des politiques, des procédures et de l'organisation des employés du gouvernement et leurs fonctions.

 

 23      L'objet de la Loi est polycentrique "vu qu'elle vise à résoudre des questions touchant des objectifs de politique contradictoires ou les intérêts de groupes différents et qu'elle n'a pas seulement pour objet d'opposer l'État à l'individu".

 

 24      En ce qui a trait au quatrième facteur, la nature de la question est un peu moins factuelle que celle du calcul d'un délai mais, dans la présente affaire, les deuxième et quatrième facteurs jouent ensemble un rôle important. La pondération des fonctions du poste comprend la connaissance des faits de chaque fonction. Plus important encore, la sélection des groupes de référence est un domaine d'expertise (comme ce serait le cas dans une affaire d'évaluation commerciale), lequel est fondé sur la preuve d'expert établissant les questions de fait. Les demandeurs s'interrogent à savoir si le Comité a procédé de manière convenable pour la sélection, la pondération et l'analyse. Cette question commande un degré élevé de retenue judiciaire suivant la norme de contrôle de la décision manifestement déraisonnable (Voir Laplante c. Agence canadienne d'inspection des aliments, [2004] A.C.F. no 1640; [2004] CF 1345.)

 

[13]           La norme de contrôle applicable à la révision du bien-fondé de la décision du Comité est donc celle de la décision manifestement déraisonnable. Par conséquent, la Cour devra considérer la décision du Comité dans son ensemble et n’intervenir que si le demandeur démontre que la décision est fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte de la preuve.

 

[14]           Par contre, si la Cour conclut qu’il y a eu un manquement à l’équité procédurale, la demande de contrôle judiciaire sera accordée, puisqu’il est bien établi que la norme de contrôle applicable pour les questions de justice naturelle et d’équité procédurale est celle de la décision correcte (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), [2003] 1 R.C.S. 539, au paragraphe 100).

 

ANALYSE

1) Le Comité a-t-il violé un principe de justice naturelle ou d’équité procédurale?

[15]           Le demandeur allègue que les règles d’équité procédurale et de justice naturelle n’ont pas été respectées par le Comité. Dans cette optique, il prétend que le Comité a certainement tenu compte d’éléments de preuve, quant à ses responsabilités de surveillance, obtenus à son insu et qu’il n’a pas eu la chance de contredire.

 

[16]           Le défendeur, pour sa part, maintient qu’il n’y a pas eu de violation des principes de justice naturelle et de l’équité procédurale et soumet, à titre de preuve, l’affidavit de Bernard Groulx, un membre du Comité, qui affirme que le Comité ne s’est servi que des renseignements fournis par le demandeur et que la question du degré de surveillance a été traitée lors de l’audition. Bernard Groulx n’ayant pas été contre-interrogé sur son affidavit, et en l’absence de toute autre preuve au dossier sur cette question, le défendeur maintient que la Cour n’a aucune raison de douter de la véracité de sa déclaration, et l’argument du demandeur doit donc être rejeté.

 

[17]           Il importe, en premier lieu, de déterminer l’étendue du devoir d’équité procédurale, dans le cadre d’une décision d’un comité de grief de classification. La Cour fédérale s’est penchée sur cette question dans l’arrêt Chong c. Canada (Procureur général), (1995), 104 F.T.R. 253, [1995] A.C.F. no 1600 (QL). Le juge William P. McKeown, au paragraphe 39 de cette décision, a conclu :

 39      À mon avis, ce qui est en cause, c'est une décision administrative et non pas judiciaire ou quasi judiciaire; de ce fait, les requérants n'ont droit qu'au minimum d'équité.  Ils soutiennent qu'ils avaient le droit de connaître les faits qu'on opposait à leurs prétentions, le droit d'y répondre et le droit d'être informés de la décision. Et qu'ils ont été privés des deux premiers droits.  Je ne vois aucun fait articulé contre les requérants et qu'ils devraient réfuter en l'espèce.  La direction a le droit d'exposer en détail les attributions du poste.  Le législateur a expressément reconnu ce droit en excluant les griefs de classification des procédures d'arbitrage.  C'est aux requérants qu'il incombe de prouver que la classification était erronée.  À mon avis, la procédure établie par le Conseil du Trésor est conforme aux conditions d'équité définies par le juge Sopinka dans Prassad, op. cit.  Les plaignants ont la possibilité de se faire entendre.  Leur participation n'est soumise à aucune restriction.  Le comité de classification du ministère leur communique toute la documentation nécessaire.  La direction n'a pas le droit de plaider pour ou contre la classification établie.  Elle n'a le droit de répondre qu'aux questions que lui pose le comité.  Il ne s'agit pas d'une procédure contradictoire, c'est pourquoi il convient que les plaignants et la direction répondent respectivement aux questions hors la présence de l'autre partie. […] 

 

 

[18]           La Cour d’appel fédérale, dans Chong c. Canada (Procureur général) (1999), 236 N.R. 371, [1999] A.C.F. no 176 (QL), a d’ailleurs confirmé que la teneur de l’obligation d’un tel comité d’agir équitablement « se situe du côté d’une moindre exigence ».

 

[19]           Le défendeur a donc raison d’affirmer que la jurisprudence, à l’effet que la nature du processus devant le Comité pointe vers un degré moindre dans l’échelle des garanties procédurales, est bien établie. Ces garanties sont limitées au droit du demandeur de voir ses principaux arguments considérés par le Comité, et d’être mis au courant des informations cruciales au litige dont il ne pouvait raisonnablement avoir connaissance.

 

[20]           Lors de la téléconférence du 8 septembre 2005, le demandeur était accompagné de son conseiller juridique. Il a eu l’opportunité de déposer des arguments écrits, soit un document de 21 pages, intitulé « Argumentation du grief de classification », accompagné de 28 annexes, et de présenter ses arguments oralement. Dans le cadre de ses délibérations, le Comité a considéré la description de tâches officielle ainsi que les soumissions du demandeur. Dans sa décision, le Comité a résumé la présentation du demandeur, pour ensuite considérer chacun des facteurs d’évaluation individuellement en relation avec la description des postes-repères, afin de déterminer le degré approprié et le nombre de points correspondants. À la suite de cette analyse, le Comité a conclu que la classification du poste devrait être maintenue au niveau HS-HDO-04. En effet, le Comité a affirmé que « les cotes allouées représentent une juste application de la norme de classification des Services de l’exploitation et s’intègrent harmonieusement aux relativités ministérielles établies pour des postes du même groupe ».

 

[21]           La Procédure du règlement des griefs de classification, émise par l’Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, précise que le plaignant et/ou son représentant doivent avoir l’occasion de faire une présentation en personne ou par écrit. Or, rien dans la Procédure ne prévoit la possibilité pour la direction de faire une telle présentation. Un représentant de la direction doit simplement être disponible pour répondre aux questions du Comité.

 

[22]           M. Bernard Groulx affirme dans son affidavit que « les membres du comité n’ont pas eu besoin d’obtenir et n’ont pas obtenu de l’information de la part des membres de la gestion dans le cadre de l’étude du grief de Roger Groulx ». Bien que la Cour ne soit pas tenue d’accepter la preuve soumise par affidavit simplement parce que l’affiant n’a pas été contre-interrogé, il n’en demeure pas moins qu’une présomption de crédibilité existe (Bath c. Canada, [1999] A.C.F. no 1207 (QL), au paragraphe 12). De plus, il est important de souligner que, si le Comité n’était pas convaincu par les arguments soumis par le demandeur, logiquement, il n’était pas nécessaire pour le Comité de questionner l’employeur, puisque, comme l’affirmait le juge McKeown dans Chong, ci-haut, le fardeau de prouver que la classification était erronée reposait sur le demandeur.

 

[23]           En somme, le demandeur a eu droit à une audience devant un décideur impartial et expert, qui a rendu une décision détaillée, fondée sur son argumentation et sur la description de tâches officielle, qu’il connaissait et acceptait. Le Comité a donc rejeté les prétentions du demandeur, quant à ses responsabilités de surveillance, en se basant sur des informations dont il avait connaissance.

 

[24]           Je dois donc conclure que le droit du demandeur à l’équité procédurale a été respecté par le Comité de grief de classification.

 

2) Le Comité a-t-il, dans ses motifs, commis une erreur susceptible de donner lieu à la révision de la décision?

 

[25]           Dans son mémoire, le demandeur soumet une analyse détaillée des cinq facteurs contestés, afin de démontrer que le Comité a erré dans son évaluation. Il réitère la preuve soumise au Comité et affirme essentiellement que, si le Comité n’a pas été convaincu par cette preuve, c’est parce que les membres du Comité ont reçu une preuve supplémentaire, non connue du demandeur. Subsidiairement, le demandeur soumet que la décision erronée du Comité démontre que les membres n’ont pas la compétence et la connaissance du système de classification nécessaire à leur tâche.

 

[26]           Le défendeur, pour sa part, maintient que la décision du Comité n’est pas manifestement déraisonnable. Le défendeur note que ce n’est pas le rôle de la Cour de refaire l’analyse du Comité, puisque l’appréciation de la preuve appartient au Comité, qui devait se fier au contenu de la description de tâches après avoir confirmé son exactitude, plutôt qu’à de la preuve externe contredisant ce document. Selon le défendeur, rien dans l’analyse du Comité ne démontre qu’il a ignoré ou refusé de reconnaître des tâches incombant au demandeur au sens de sa description de tâches. L’analyse du Comité, telle qu’elle se doit, porte sur la pondération accordée à ces tâches au regard de celles décrites aux différents postes-repères fournis pour fins de comparaison dans la norme de classification. Ainsi, le demandeur ne s’est pas déchargé de son fardeau de démontrer le caractère déraisonnable, et encore moins manifestement déraisonnable, de la décision du Comité.

 

[27]           Après avoir examiné minutieusement la décision du Comité, ainsi que les soumissions des parties, je partage essentiellement la position du défendeur, à savoir que le demandeur n’a pas réussi à démontrer que la décision du Comité est manifestement déraisonnable. Ceci étant dit, je n’ai pas l’intention de procéder à une analyse détaillée de cette décision afin de répondre à chaque allégation du demandeur. Je suis d’avis que le seul aspect qui soit véritablement digne d’attention, en raison de sa centralité dans la décision du Comité, est la controverse quant aux nombres d’employés supervisés par le demandeur et à son impact sur la décision du Comité.

 

[28]           Dans ses soumissions écrites au Comité, le demandeur a affirmé qu’il pouvait superviser jusqu’à huit employés, et que l’ampleur de ses responsabilités de surveillance correspondait mieux à l’ensemble des caractéristiques de surveillance que l’on retrouve au degré C, plutôt qu’au degré B. Le Comité, pour sa part, a conclu que le poste du demandeur ne supervisait qu’un seul employé du niveau HS HDO-03, et qu’il était appelé à superviser les autres employés seulement en l’absence de son propre superviseur. Le Comité a donc ignoré les prétentions du demandeur, puisqu’il n’y a pas lieu de coter la surveillance occasionnelle, et a procédé à une comparaison avec les postes-repères. Il a ainsi conclu que l’ensemble des responsabilités de surveillance du poste du demandeur ne sont pas équivalentes à celles des postes-repères au degré C.

 

[29]           Tel qu’indiqué dans la décision du Comité et dans l’affidavit de M. Bernard Groulx, le Comité a confirmé avec le demandeur l’exactitude de sa description de tâches, c’est-à-dire que cette description de tâches reflétait bien l’ensemble des activités réalisées dans le cadre de son travail. Le demandeur confirme lui-même, dans son affidavit, qu’il ne conteste pas le contenu de sa description de tâches. Sur la question de supervision, sous la rubrique des « Activités principales », il est indiqué que les tâches du demandeur incluent :

Superviser le travail du personnel, déterminer la priorité des tâches, répartir et assigner le travail d’un préposé aux magasins (HS-HDO-03); motiver le personnel, définir les attendes, évaluer le rendement et offrir de la rétroaction constructive; former son personnel (employés et/ou étudiants).

 

Sous la rubrique de « Leadership des ressources humaines », les tâches du demandeur sont décrites comme suit :

Superviser le travail du personnel; attribuer le travail et établir les priorités et les échéanciers, assigner des tâches d’un préposé aux magasins (HS-HDO-03); évaluer le rendement et participer à l’identification des besoins de formation; assurer un suivi pour vérifier si le personnel s’acquitte de ses tâches de façon appropriée. Participer au maintien d’un climat de travail propice et sain, préserver le moral du personnel dans leurs fonctions et les motiver. Participer à la sélection et à l’embauche des nouveaux employés. Cette responsabilité est partagée.

 

Orienter et former le nouveau personnel; faire une démonstration des procédures de travail et enseigner au personnel les pratiques et la manutention sécuritaires de matériel et d’équipement tels que des chariots élévateurs, diables; expliquer aux employés les pratiques et procédures de travail relatives aux normes du secteur. Promouvoir et assurer la santé, la sécurité des personnes au travail tels que fournir de l’information sur la santé et la sécurité au travail incluant le SIMDUT. Cette responsabilité est partagée.

 

[30]           La Cour prend aussi note du fait que le demandeur a soumis, en annexe de ses soumissions écrites au Comité, l’organigramme officiel de la Direction des ressources financières et matérielles de l’Hôpital Sainte-Anne. Ce document démontre qu’il y a, en fait, trois positions de niveau HS-HDO-03 se rapportant à l’employé de niveau HS-HDO-04 B2, soit le demandeur. Donc, contrairement aux prétentions du demandeur, cet organigramme n’établit pas non plus qu’il puisse superviser huit employés. Ceci étant dit, le demandeur a soumis un organigramme différent en annexe de son affidavit, lequel démontre cette fois l’existence de huit positions de niveau HS-HDO-03 se rapportant à deux employés de niveau HS HDO-04 B2, soit le demandeur et un autre employé. Il est important de rappeler, par contre, que ce deuxième organigramme n’a jamais été soumis comme preuve au Comité.

 

[31]           Si le Comité avait ignoré une preuve claire établissant que le demandeur supervise huit employés, pour maintenir que le demandeur n’en supervise en fait qu’un seul, il y aurait peut être lieu de conclure que la décision du Comité est manifestement déraisonnable. Par contre, dans la situation présente, la description de tâches officielle du demandeur ne fait référence qu’à un seul employé de niveau HS-HDO-03 et parle de « responsabilité partagée », alors que l’organigramme soumis semble indiquer la possibilité de trois employés de niveau HS-HDO-03 se rapportant à la position du demandeur. De plus, le demandeur a admis, dans son contre-interrogatoire, qu’il y avait deux positions de niveau HS-HDO-04, auxquelles se rapportent les employés de niveau HS-HDO-03 de son groupe, ce qui indique un rôle de supervision partagé. M. Bernard Groulx, pour sa part, affirme dans son affidavit que le demandeur a indiqué au Comité « qu’il avait la supervision occasionnelle d’autres employés, selon la charge de travail ».

 

[32]           Au pire, le Comité a erré en ignorant l’information contenue à l’organigramme soumis par le demandeur, lequel semble indiquer qu’il supervise trois employés. Par contre, étant donné les affirmations exagérées du demandeur à l’effet qu’il supervisait « manifestement » huit employés, et son admission que cette supervision était partagée et occasionnelle, il n’était pas déraisonnable pour le Comité de s’en tenir à la description de tâches officielle du demandeur. De même, il n’était pas déraisonnable pour le Comité de conclure que les devoirs de supervision ou surveillance du demandeur étaient plutôt restreints et que sa position ne pouvait donc être comparée, sur ce point, à celle d’un contremaître auprès d’équipes composées de nombreux employés et pour lequel la fonction de surveillance est principale.

 

[33]           Le demandeur affirme aussi qu’il aurait pu faire la preuve devant le Comité que son superviseur est en absence de maladie prolongée depuis l’année 2000 et qu’il assume donc beaucoup plus de responsabilité de supervision que ne le laisse entendre sa description de tâches. Sur ce point, il est important de noter, une fois encore, que le demandeur a confirmé l’exactitude de sa description de tâches, et qu’il est donc trop tard pour remettre celle-ci en question. De plus, le fait que le Comité ait ignoré un élément de preuve ne lui ayant pas été soumis ne peut rendre la décision manifestement déraisonnable.

 

[34]           Dans Adamidis c. Canada (Conseil du Trésor), [2006] A.C.F. no 305 (para 29), le juge Michael L.  Phelan s’est penché sur la question à savoir si une décision d’un Comité d’examen des griefs de classification était manifestement déraisonnable, pour finalement conclure :

Essentiellement, les demandeurs sont simplement en désaccord avec l’analyse et les conclusions du Comité. Il n’y a pas lieu de conclure que le Comité a mal interprété les positions ou la preuve pertinente. Ce désaccord ne constitue pas un motif suffisant pour justifier le contrôle de la décision par la Cour. […]

 

 

[35]           Une telle conclusion m’apparaît tout aussi appropriée dans le présent dossier. Il est clair que le demandeur n’est pas d’accord avec l’analyse et l’appréciation de la preuve par le Comité. Le défendeur a raison d’affirmer que ce n’est pas le rôle de la Cour de réévaluer la preuve soumise. Le fardeau repose plutôt sur le demandeur de démontrer à la Cour que le Comité a erré de façon à rendre sa décision manifestement déraisonnable, fardeau dont le demandeur ne s’est pas acquitté.

 

3) Le Comité a-t-il erré dans son application des questions relatives au droit à la parité salariale?

[36]           Le demandeur affirme aussi que le Comité n’a pas respecté la décision du Tribunal des droits de la personne, Alliance de la fonction publique du Canada c. Conseil du Trésor, ci-haut, portant sur le droit à la parité salariale, et qu’il perpétue ainsi la discrimination.

 

[37]           Un tel argument va à l’encontre de l’affirmation du Comité qui, dans son rapport, déclare avoir respecté la directive du Conseil du Trésor, datée du 5 novembre 1991. De plus, M. Bernard Groulx confirme, dans son affidavit, que le Comité s’est servi de la norme GS, tel que requis par cette directive, afin d’identifier les postes-repères pour les fins de son analyse.

 

[38]           Sur ce point, je suis d’accord avec la soumission du défendeur à l’effet que, le Comité ayant appliqué la norme de classification GS au poste du demandeur, il n’a pu perpétuer la discrimination alléguée par le demandeur, et que cet argument est donc sans fondement. Tel que le précise le défendeur, le Comité n’avait aucune juridiction en matière de parité salariale autre que celle d’appliquer la norme de classification GS,  puisque les questions relatives à la parité salariale ne peuvent faire l’objet d’un grief présenté en vertu de l’article 208 de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.C. 2003, c. 22, art 2, lequel précise :

208. […]

 

(2) Le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel si un recours administratif de réparation lui est ouvert sous le régime d’une autre loi fédérale, à l’exception de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

 

(3) Par dérogation au paragraphe (2), le fonctionnaire ne peut présenter de grief individuel relativement au droit à la parité salariale pour l’exécution de fonctions équivalentes.

208. […]

 

(2) An employee may not present an individual grievance in respect of which an administrative procedure for redress is provided under any Act of Parliament, other than the Canadian Human Rights Act.

 

(3) Despite subsection (2), an employee may not present an individual grievance in respect of the right to equal pay for work of equal value.

 

 

[39]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire doit donc être rejetée.

 

 


JUGEMENT

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée;

2.                  Avec dépens en faveur du défendeur.

 

 

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

DOSSIER :                                       T-2170-05

 

INTITULÉ :

            ROGER GROULX

demandeur

et

MONSIEUR MARCEL CORMIER

et

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

et

MINISTÈRE DES ANCIENS COMBATTANTS DU CANADA

et

AGENCE DE GESTION DES RESSOURCES HUMAINES

DE LA FONCTION PUBLIQUE DU CANADA

défendeurs

 

LIEU DE L'AUDIENCE :               Montréal (Québec)

 

DATE DE L'AUDIENCE :              5 mars 2007

 

MOTIFS DE JUGEMENT ET JUGEMENT:                    M. le juge Blais

 

DATE DES MOTIFS :                    19 mars 2007

 

COMPARUTIONS :

 

 

Me Gaétan Couturier

 

POUR LE DEMANDEUR

 

Me Stéphane Hould

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

 

Me Gaétan Couturier

Montréal (Québec)

 

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

 

 

POUR LES DÉFENDEURS

 

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