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Date : 20070413

Dossier : IMM-2183-06

Référence : 2007 CF 384

ENTRE :

LAKHVINDER SINGH ROUNTA

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à l’audition relative à une demande de contrôle judiciaire de la décision d’une agente des visas (« l’agente ») au Consulat du Canada à Hong Kong, rendue le 13 février 2006, par laquelle celle-ci a conclu que le demandeur était interdit de territoire au Canada en qualité de résident permanent, en raison de sa fille, Guramanat Kaur Rounta, membre de sa famille qui, selon sa demande, devait l’accompagner, et est une personne visée par l’alinéa 38(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés[1] (la « Loi »).

 

[2]               Les parties pertinentes du paragraphe 38(1) de la Loi sont rédigées ainsi :

 

38.(1) Emporte, sauf pour le résident permanent, interdiction de territoire pour motifs sanitaires l’état de santé de l’étranger constituant vraisemblablement un danger pour la santé ou la sécurité publiques ou risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé.

38.(1) A foreign national is inadmissible on health grounds if their health condition

 

[…]

 

(c) might reasonably be expected to cause excessive demand on health or social services.

 

[3]               L’introduction de l’article 42 de la Loi et l’alinéa a) de cet article se lisent comme suit :

 

42. Emportent, sauf pour le résident permanent ou une personne protégée, interdiction de territoire pour inadmissibilité familiale les faits suivants :

42. A foreign national, other than a protected person, is inadmissible on grounds of an inadmissible family member if

 

a) l’interdiction de territoire frappant tout membre de sa famille qui l’accompagne ou qui, dans les cas réglementaires, ne l’accompagne pas;

 

(a) their accompanying family member or, in prescribed circumstances, their non‑accompanying family member is inadmissible;

[…]

[…]

 

 

CONTEXTE

[4]               Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il est instruit, parle l’anglais assez couramment et exploite sa propre entreprise. Il est marié et a deux enfants, dont Guramanat Kaur Rounta. Plusieurs membres de la famille du demandeur sont des résidents du Canada et appuient sa demande pour qu’il vienne vivre au Canada en tant que résident permanent. L’épouse du demandeur a une sœur qui est médecin au Canada.

 

[5]               L’agente qui a rendu la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire a fait passer une entrevue au demandeur et à son épouse. Les notes de l’agente prises lors de l’entrevue se terminent ainsi :

[traduction]

 

Satisfaite que le demandeur réponde aux critères de sélection. Déc Sél Pos [décision de sélection positive] rendue. Demandeur doit déposer des documents qui établissent un lien avec la sœur de son épouse.

 

Meds [formulaires de rapport médical] remis à l’entrevue.

 

[6]               Dans un affidavit déposé dans le cadre de la présente demande de contrôle judiciaire, l’agente affirme :

 

 

[traduction]

 

5.  Le 7 avril 2005, selon les résultats médicaux de Guramanat Kaur Rounta, il fallait procéder à d’autres tests médicaux, tel que décrit et exigé par le médecin agréé qui a examiné ces résultats. Le 28 avril 2005, le service médical du Haut-Commissariat du Canada à Beijing a envoyé une lettre au Consulat général du Canada à Hong Kong qui a ensuite transmis cette lettre au demandeur lui indiquant ce qui devait être fait. Le 5 juillet 2005, une deuxième lettre a été envoyée au demandeur. Enfin, une lettre de rappel a été envoyée le 8 septembre 2005 et une copie de celle-ci a été versée au dossier.

 

6.  La section de l’immigration du Consulat général du Canada à Hong Kong a reçu par télécopieur du service médical à Beijing la lettre contenant la Déclaration médicale […] étampée en date du 13 septembre 2005. Une copie de cette lettre a été envoyée au demandeur, le 6 octobre 2005, en plus d’une lettre l’avisant que sa fille, Guramanat Kaur Rounta, souffrait d’un problème médical qui pourrait faire en sorte qu’elle, et par conséquent le demandeur et toute autre personne à charge devant l’accompagner, soit non‑admissible pour des raisons médicales. Le demandeur a donc reçu un formulaire […] et a bénéficié d’un délai de 60 jours pour présenter toute observation supplémentaire au sujet du problème médical de sa fille.     

 

[Identificateurs de formule omis.]

 

[7]               Le délai de soixante jours pour présenter des observations supplémentaires concernant le problème médical de la fille du demandeur a été prorogé. Lors de cette prorogation, le demandeur a fourni en réponse cinq certificats médicaux de divers médecins en Inde, un rapport des résultats obtenus lors de l’examen médical, une lettre décrivant les études et les résultats scolaires de Guramanat Kaur Rounta et une demande de réexamen de la conclusion relative à la non‑admissibilité pour des raisons médicales. Tous les documents qui précèdent ont été examinés par le médecin agréé qui a effectué l’évaluation initiale de Guramanat Kaur Rounta. Ce dernier a confirmé cette évaluation initiale, ce qui a donc donné lieu à la décision visée par le présent contrôle judiciaire.

 

 

 

DÉCLARATION MÉDICALE

[8]               Il a été conclu que Guramanat Kaur Rounta souffrait du problème médical suivant : « maladie pulmonaire obstructive sévère ».

 

[9]               Le récit à l’appui de cette conclusion se présente ainsi :

[traduction]

 

Cette fille, née le 20 septembre 1995, souffre d’une maladie pulmonaire obstructive sévère. Les analyses de ses fonctions pulmonaires sont anormales et indiquent une FEV1 diminuée à 37 % de la valeur prédite et une FVC diminuée à 36 % de la valeur prédite, ainsi qu’une atteinte sévère de la fonction respiratoire, ce qui confirme la sévérité de sa maladie pulmonaire obstructive. À l’heure actuelle, l’état de ses fonctions pulmonaires ne révèle pas d’insuffisance respiratoire, cependant, tel qu’indiqué par le pneumologue, son pronostic a été porté avec prudence et son problème médical risque de s’aggraver et se détériorer encore plus jusqu’à ce qu’il y ait insuffisance respiratoire. 

 

La maladie pulmonaire obstructive sévère est un problème médical pour lequel on peut s’attendre à une persistance et une détérioration, particulièrement s’il est associé à une infection secondaire des voies respiratoires. Elle aura besoin d’un suivi médical régulier par une équipe multidisciplinaire (pneumologue, médecin de famille, inhalothérapeute, infirmière) qui se spécialise dans le traitement de patients souffrant de maladie pulmonaire obstructive sévère. Elle aura aussi besoin de soins spécialisés, tels que l’inhalothérapie, des traitements d’oxygénothérapie à la maison et des hospitalisations fréquentes aux urgences et aux établissements de soins de santé tertiaires, aux unités de soins intensifs, pour traiter ses complications respiratoires.

 

Sur le fondement de mon évaluation des résultats de ces tests médicaux et de tous les rapports que j’ai reçus sur l’état de santé de la demanderesse, je conclus qu’elle souffre d’un problème médical pour lequel on pourrait raisonnablement s’attendre à ce qu’il risque d’entraîner un fardeau excessif pour les services de santé. Particulièrement, ce problème médical pourrait raisonnablement exiger des services dont les coûts au Canada dépasseraient très probablement les coûts moyens par personne sur une période de cinq ans.

 

La demanderesse est donc non-admissible en vertu de l’alinéa 38(1)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

Elle a aussi une scoliose congénitale sévère sans difformité de la cage thoracique et fusion des vertèbres chirurgicale – des antécédents de myéloméningocèle.

 

[10]           Tel qu’il a été mentionné, tout ce qui précède a été confirmé à la suite de la réception de la réponse du demandeur à la Déclaration médicale.

 

QUESTIONS EN LITIGE

[11]           Dans le mémoire des faits et du droit déposé au nom du demandeur, une seule question en litige est soulevée. Cette question est la suivante :

La décision de l’agente des visas est-elle déraisonnable ou manifestement déraisonnable du fait qu’elle a commis de nombreuses erreurs de fait et qu’elle a fondé sa décision sur une conclusion de fait erronée, de façon abusive et arbitraire, en violation d’un principe d’équité ou de justice naturelle?

 

À l’audience, l’avocat du demandeur n’a essentiellement pas tenu compte de la question précédente et a entièrement mis l’accent sur l’examen des certificats médicaux, qui auraient été délivrés par des médecins spécialistes qualifiés en Inde, en réponse à la Déclaration médicale de Guramanat Kaur Rounta fournie au demandeur. Aucune observation n’a été faite au nom du demandeur en ce qui a trait à la norme de contrôle applicable. Malheureusement, aucune synthèse des cinq certificats médicaux et des résultats des tests médicaux n’a été présentée à la Cour au nom du demandeur. De plus, ces certificats médicaux et ces résultats de tests, pris individuellement, ne fournissaient au mieux que des commentaires indirects au sujet de la Déclaration médicale. L’avocat du demandeur a mis l’accent à l’audience sur le fait qu’aucun des certificats médicaux de la demanderesse ne parlait de « maladie pulmonaire » ou, plus précisément, de « maladie pulmonaire obstructive sévère », mais il a laissé le soin à la Cour de conclure que, compte tenu de cette différence dans l’usage de la terminologie, les auteurs des certificats médicaux de la demanderesse étaient en grand désaccord avec le contenu de la Déclaration médicale et qu’il fallait préconiser leurs rapports fragmentaires.

 

ANALYSE ET CONCLUSION

[12]           La seule synthèse dont dispose la Cour relativement aux certificats médicaux et aux résultats de tests fournis par le demandeur en réponse à la Déclaration médicale fait partie de l’affidavit de Michel Lapointe, spécialiste en médecine familiale, membre de la Corporation Professionnelle des Médecins du Québec et employé de longue date du gouvernement du Canada aux services médicaux de l’immigration de la région outre-mer. Au paragraphe 2 de son affidavit, le Dr Lapointe affirme ce qui suit :

2.  Je suis à l’emploi du gouvernement fédéral depuis 1991, d’abord aux services médicaux de l’immigration de la région Outre-Mer de Santé Canada, puis aux Services médicaux de l’immigration suite au transfert de notre section au Ministère de la Citoyenneté et de l’immigration Canada en 1993, et ensuite comme Directeur et Directeur régional du Programme Outre-mer de la Santé. Une partie de mon travail consiste à faire une évaluation médicale des candidats à l’immigration lorsqu’un candidat est inadmissible médicalement en vertu du paragraphe 38(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la « LIPR »).

 

[13]           Le Dr Lapointe fait une synthèse des certificats médicaux et des résultats des tests de la demanderesse comme suit :

10.  J’au lu et considéré tous les documents fournis par le demandeur. Cependant, mon opinion que la fille était médicalement inadmissible n’a pas changé parce que les divers certificats médicaux mentionnés ci-dessus confirment la scoliose congénitale avec les difformités secondaires de la cage thoracique. De plus, les analyses de fonction respiratoire effectuées le 9 décembre 2005 démontrent une FVC diminuée à 37.8 % de la valeur prédite et une FEV1 aussi diminuée à 41.1 % de la valeur prédite. Ces résultats répétés de la fonction respiratoire sont consistants avec ceux pris en considération lors de l’inadmissibilité médicale et démontrent une atteinte sévère de la fonction respiratoire.

 

11.  Donc, même si les médecins mentionnés ci-dessus indiquent que la fille n’aura pas besoin d’une chirurgie dans le proche avenir, une personne avec une maladie pulmonaire obstructive sévère, aura besoin d’un suivi médical par une équipe multidisciplinaire composée entre autres, de pneumologue, de médecin de famille, d’infirmier, d’inhalothérapeute. Elle aura besoin aussi de soins en inhalothérapie, d’hospitalisations aux urgences et aux unités de soins intensifs lors des épisodes de complications et d’exacerbation ainsi que des traitements d’oxygénothérapie.

 

12.  Par rapport aux opinions que la fille n’a pas de maladie pulmonaire et qu’elle est neurologiquement stable, je répondrais que les tests de fonction respiratoire répétés le 9 décembre 2005 confirment de nouveau la maladie pulmonaire obstructive sévère dont souffre la fille qui est secondaire à sa scoliose congénitale sévère avec la déformation thoracique qui en résulte. Avec la croissance, on peut s’attendre à une détérioration des problèmes médicaux dont souffre la fille.

 

[14]           Le Dr Lapointe a conclu, après avoir effectué une brève analyse des coûts des services dont devra à son avis se prévaloir la fille du demandeur, qu’il y avait lieu de confirmer la conclusion présentée dans sa Déclaration médicale selon laquelle Guramanat Kaur Rounta est non-admissible en vertu de l’alinéa 38(1)a) de la Loi. Avec tout le respect que je dois à l’avocat du demandeur, d’après les documents dont dispose la Cour et sur le fondement des observations présentées par celui-ci à l’audience, la Cour n’a aucune autre option que d’adopter la synthèse du Dr Lapointe à l’égard des certificats médicaux et des résultats de tests de la demanderesse.

 

[15]           Si l’on applique la norme de contrôle relative à la décision correcte[2] au critère très subjectif de l’alinéa 38(1)c) de la Loi  « […] risquant d’entraîner un fardeau excessif pour les services sociaux ou de santé », il était tout à fait loisible à l’agente des visas d’en arriver à la décision qui fait l’objet du présent contrôle judiciaire en se fondant sur l’analyse médicale contenue dans la Déclaration médicale sous-jacente et sur la confirmation de cette analyse par le Dr Lapointe à la suite de son examen des réponses fragmentaires fournies au nom du demandeur au sujet de cette déclaration.

 

[16]           La présente demande de contrôle judiciaire sera donc rejetée.

 

CERTIFICATION D’UNE QUESTION

[17]           À la fin de l’audience relative à la présente demande de contrôle judiciaire, les avocats ont été avisés que la demande serait rejetée et de brèves explications orales concernant les conclusions leur ont été données. L’avocat du demandeur a indiqué, lorsque consulté, qu’il voulait soumettre une question à certifier mais qu’il n’était pas en mesure de la formuler à ce moment précis. La Cour a accepté de lui accorder du temps pour formuler sa question. L’avocat du demandeur aura jusqu’à la fermeture des bureaux de la Cour, le jour suivant celui où les présents motifs sont prononcés pour déposer à la Cour et signifier à l’avocat du défendeur toute question dont il veut proposer la certification. L’avocat du défendeur aura ensuite deux jours ouvrables pour déposer à la Cour et signifier à l’avocat du demandeur toute observation en réponse. Par la suite, l’avocat du demandeur aura un jour ouvrable pour déposer à la Cour et signifier l’avocat du défendeur toute observation en contre-réponse. C’est seulement après que toutes les observations concernant la certification d’une question auront été présentées et que la Cour aura eu le temps d’en tenir compte que cette dernière rendra son ordonnance.

 

 

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 13 avril 2007

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                              IMM-2183-06

 

INTITULÉ :                                                                            LAKHVINDER SINGH

                                                                                                 ROUNTA

                                                                                                 c.

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                      TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                    LE 4 AVRIL 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                                       LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                           LE 13 AVRIL 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Harinder S. Gahir

 

POUR LE DEMANDEUR

Michael Butterfield et

Angela Marinos

 

                               POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Harinder S. Gahir

Brampton (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

 

                                POUR LE DÉFENDEUR

 



[1] L.C. 2001, ch. 27.

[2] Voir : Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 706, au paragraphe 71.

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