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Date : 20070416

Dossier : IMM-1439-07

Référence : 2007 CF 392

Toronto (Ontario), le 16 avril 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

PHEONA ALICIA DANIEL

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande de contrôle judiciaire de la demanderesse précise que la demande sous-jacente à la présente requête porte sur [traduction] « une décision d’une agente d’exécution, par laquelle celle-ci a rejeté la demande de report du renvoi de la demanderesse. La décision a été rendue le mercredi 14 mars 2007 et a été signifiée à la demanderesse le même jour ». Aucun document n’indique que la demanderesse a présenté une demande de report du renvoi (affidavit de Lulu Wong, dossier de requête du défendeur; demande de contrôle judiciaire, dossier de requête de la demanderesse, onglet 1).

[2]               Dans l’avis de requête de la demanderesse, il est écrit : [traduction] « La demanderesse demande à la Cour d’annuler la mesure de renvoi rendue le 14 mars 2007 par l’agente de la Section de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié ». L’affidavit de la demanderesse précise aussi que la décision concernant la mesure de renvoi est le fondement de la présente demande de contrôle judiciaire (avis de requête, dossier de requête de la demanderesse, onglet 2, paragraphe 3; affidavit de Pheona Alicia Daniel, dossier de requête de la demanderesse, onglet 3, paragraphe 2).

 

[3]               Enfin, dans les observations écrites de la demanderesse, il est écrit : [traduction] « Il s’agit d’un mémoire déposé au nom de la demanderesse, Pheona Alicia Daniel, dans le cadre d’une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de l’examen des risques avant renvoi effectué par l’agente, Minley Lloyd, conformément à l’article 82.1 de la Loi sur l’immigration » (observations écrites de la demanderesse, dossier de requête de la demanderesse, onglet 14, paragraphe 1).

 

[4]               Bien qu’il ne soit pas clair quelle décision est contestée par la demanderesse, le défendeur propose d’examiner les trois possibilités.

 

QUESTION EN LITIGE

[5]               La question est de savoir si la demanderesse satisfait au critère à trois volets applicable en matière de sursis à l’exécution d’une mesure de renvoi du Canada.

 

 

ANALYSE

[6]               Le critère applicable pour décider s’il convient d’accorder une injonction interlocutoire en attendant qu’une affaire soit tranchée sur le fond est de déterminer a) s’il existe une question sérieuse à juger; b) si le requérant subirait un préjudice irréparable si sa demande était rejetée; et c) selon la prépondérance des inconvénients, laquelle des deux parties subirait le plus grand préjudice si l’injonction interlocutoire était accordée ou refusée en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), [1988] A.C.F. no 587 (QL); R.J.R.-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311).

 

[7]               Les exigences du critère à trois volets sont conjonctives. Ainsi, la demanderesse doit satisfaire aux trois volets du critère avant que la Cour puisse accorder un sursis (Toth, précité).

 

[8]               Le sursis est une réparation extraordinaire. Le demandeur doit faire la preuve de circonstances spéciales et impérieuses qui donneraient ouverture à « une intervention judiciaire exceptionnelle » (Tavaga c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1991), 15 Imm. L.R. (2d) 82 (C.F. 1re inst.), [1991] A.C.F. no 614 (QL); Shchelkanov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1994] A.C.F. no 496 (C.F. 1re inst.)).

 

 

 

 

QUESTION SÉRIEUSE

[9]               Pour établir l’existence d’une question sérieuse, la demanderesse doit convaincre la Cour que la demande sous-jacente n’est pas futile ou vexatoire (Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110; Toth, précité; R.J.R.-MacDonald, précité, au paragraphe 44).

 

[10]           La demanderesse allègue que la demande sous-jacente porte sur le rejet du report du renvoi, mais elle n’a fourni aucune preuve dans son affidavit ou ailleurs pour indiquer qu’elle avait déjà demandé un tel report. En l’absence de preuve d’une demande expresse en vue d’obtenir un sursis au renvoi, la décision d’une agente de ne pas différer le renvoi ne peut pas être contestée. Par conséquent, aucune question sérieuse ne peut découler d’une demande de report qui n’a pas eu lieu (affidavit de Lulu Wong, dossier de requête du défendeur; Awolor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (17 avril 2003), dossier no IMM-870-03 (C.F. 1re inst.); Park c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (31 mars 2003), dossier no IMM‑2022-03 (C.F. 1re inst.); Batuev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (31 mars 2003), dossier no IMM-1888-03 (C.F. 1re inst.); Singh c. Canada (Solliciteur général), 2004 C.F. 405 (C.F. 1re inst.), [2004] A.C.F. no 481 (QL)).

 

[11]           Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle la demande sous-jacente porte sur la mesure de renvoi rendue par l’agente, le 14 mars 2007, la demanderesse conteste en fait la convocation aux fins de renvoi, puisqu’il s’agit du seul document faisant partie du dossier de requête de cette dernière qui est daté du 14 mars 2007 et qui porte le nom de l’agente (convocation aux fins de renvoi, dossier de requête de la demanderesse, onglet 4).

 

[12]           La présente Cour a confirmé qu’une convocation n’est rien de plus qu’une communication informationnelle dont le seul but est d’expliquer où et quand la mesure de renvoi prise contre la demanderesse sera exécutée. Le fait de remettre une convocation ne constitue pas en soi une « décision ». La jurisprudence affirme qu’une convocation n’est pas une décision ou une ordonnance entrant dans le champ d’application du paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, L.R. 1985, ch. F-7 et qu’elle ne peut pas faire l’objet d’une demande de contrôle judiciaire. Il a été établi par la Cour que lorsqu’une demande sous-jacente de contrôle judiciaire conteste un avis de convocation, le sursis peut être annulé sur ce motif préliminaire. Puisqu’une convocation aux fins de renvoi ne constitue pas une décision susceptible de contrôle judiciaire, il n’existe aucune demande sous-jacente valide à l’appui de la requête en sursis (Tran c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 C.F. 394, [2005] A.C.F. no 492, au paragraphe 2; Jarada c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2006 C.F. 14, [2006] A.C.F. no 7 (QL).

 

[13]           Pour ce qui est de l’allégation selon laquelle la demande sous-jacente porte sur la décision d’ERAR, la demanderesse n’a soulevé aucune question sérieuse à l’égard de cette décision. 

 

[14]           La norme de contrôle applicable au bien-fondé de la décision d’un agent d’ERAR est celle de la décision manifestement déraisonnable. Si la décision d’ERAR n’a rien d’abusif ou de manifestement déraisonnable, il n’existe alors aucune question sérieuse justifiant le sursis à la mesure de renvoi (Sokhan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 958, au paragraphe 14 (C.F. 1re inst.); Maximenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 C.F.P.I. 686, [2002] A.C.F. no 183, au paragraphe 14 (C.F. 1re inst.) (QL); Ahmed c. Canada (Solliciteur général), 2004 C.F. 686, [2004] A.C.F. no 845, au paragraphe 5 (C.F. 1re inst.)).

 

[15]           Comme l’a mentionné l’agente d’ERAR, l’ERAR ne constitue pas un appel d’une décision défavorable rendue au sujet d’une demande d’asile ou un réexamen d’une décision antérieure de la SPR, mais plutôt un examen fondé sur de nouveaux faits ou éléments de preuve qui établissent que la demanderesse est désormais exposée à un risque. Le risque mentionné par la demanderesse dans sa demande d’ERAR était le même que celui allégué à l’audience sur sa demande d’asile. La demanderesse n’a présenté aucune preuve pour indiquer qu’il y avait eu un changement à sa situation, depuis l’audience sur la demande d’asile au Guyana ou à Saint-Vincent-et-les Grenadines, qui l’exposerait à un risque (décision d’ERAR, dossier de requête de la demanderesse, onglet 6).

 

[16]           Notre Cour a toujours statué qu’à moins que l’agent d’ERAR ait omis de prendre en considération des facteurs pertinents ou ait tenu compte de facteurs non pertinents, l'appréciation de la preuve relève de l'agent chargé de l'examen et n'est normalement pas susceptible de contrôle judiciaire (Augusto c. Canada (Solliciteur général), 2005 C.F. 673, [2005] A.C.F. no 850, au paragraphe 9 (C.F. 1re inst.); Khaliq c. Canada (Solliciteur général), 2004 C.F. 1561, [2004] A.C.F. no 1889, au paragraphe 7 (C.F. 1re inst.); M.L. c. Canada (Solliciteur général), 2004 C.F. 1646, [2004] A.C.F. no 2003 au paragraphe 20 (C.F. 1re inst.); Manvalpillai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 C.F. 584, [2005] A.C.F. no 780 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[17]           Il ne revient pas à la Cour d’apprécier à nouveau la preuve dont disposait l’agente d’ERAR. L’agente pouvait raisonnablement rendre une décision d’après le dossier et n’a pas refusé de tenir compte de la preuve ou de l’évaluer (Mekolli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (9 septembre 2003), dossier no IMM-4974-03 (C.F. 1re inst.); Padda c. (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 C.F. 1081; [2003] A.C.F. no 1353, au paragraphe 12).

 

[18]           La demanderesse n’a pas été en mesure d’étayer dans ses documents ses prétentions selon lesquelles l’agente a refusé d’examiner des éléments de preuve, qu’elle les a mal interprétés ou qu’elle n’en a pas tenu compte. La demanderesse a fait une déclaration générale selon laquelle l’agente d’ERAR n’a pas examiné toute la preuve documentaire, mais elle a omis d’indiquer les documents n’ayant pas été pris en compte. La position de la demanderesse équivaut à un désaccord avec la façon dont l’agente a apprécié la preuve. À ce titre, sa position ne saurait constituer un fondement juridique pour que la présente Cour intervienne (observations écrites de la demanderesse, dossier de requête de la demanderesse, onglet 14, paragraphe 11; Karaguduk c. Canada (Solliciteur général), 2004 C.F. 958, [2004] A.C.F. no 1176 (C.F. 1re inst.) (QL); Sidhu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.F. 39, [2004] A.C.F. no 30 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[19]           En ce qui a trait à l’argument de la demanderesse selon lequel l’agente d’ERAR a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en appliquant l’alinéa 113a) de la LIPR, le défendeur soutient respectueusement qu’un tel argument n’est pas fondé (observations écrites de la demanderesse, dossier de requête de la demanderesse, onglet 14, paragraphe 18).

 

[20]           La demanderesse ne précise pas expressément comment l’agente d’ERAR aurait entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire par l’application de l’alinéa 113a) de la LIPR. Le demandeur d’asile débouté par suite d’un ERAR ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet. Il n’existe aucune exception à cette règle dans la LIPR. La demanderesse n’a présenté aucune jurisprudence à l’appui de la proposition selon laquelle l’agente d’ERAR a entravé l’exercice de son pouvoir discrétionnaire en ne respectant pas cette règle.

 

[21]           Enfin, pour ce qui est de l’argument de la demanderesse selon lequel il y aurait violation de ses droits garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (R.‑U.), constituant l’annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada (R.‑U.), 1982, ch. 11 (la Charte), si elle devait être renvoyée du Canada, une allégation selon laquelle l’expulsion entraînerait l’abrogation des droits de la demanderesse protégés par l’article 7 de la Charte ne soulève pas de question sérieuse justifiant un sursis à la mesure de renvoi. La Charte ne garantit pas un droit absolu au demandeur de demeurer au Canada (Canada c. Chiarelli (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] 1 R.C.S. 711, aux paragraphes 24 et 25; Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 C.F.P.I. 141, [2002] A.C.F. no 191).

 

 

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[22]           L’injonction interlocutoire vise à maintenir le statu quo entre les parties et non entre les tiers. Dans l’arrêt R.J.R.-MacDonald, précité, au paragraphe 58, la Cour suprême du Canada a affirmé qu’à la présente étape, la seule question est de savoir si le refus du redressement pourrait être si défavorable à l'intérêt du requérant.

 

[23]           Le préjudice irréparable est plus qu’un simple préjudice, ce qui n’est pas contesté. La jurisprudence de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale établit que le préjudice irréparable doit correspondre à un préjudice au-delà de ce qui est inhérent aux conséquences d’une expulsion (Melo c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 403, aux paragraphes 20 et 21 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[24]           De plus, la preuve portant sur toute allégation de préjudice irréparable doit non seulement être crédible et convaincante, mais doit également ne pas être hypothétique. Il doit y avoir un haut degré de probabilité que le dommage sera effectivement causé (Operation Dismantle Inc. c. Canada, [1985] 1 R.C.S. 441, à la page 458; Xu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. no 1634 (C.F. 1re inst.); Syntex Inc. c. Novopharm Ltd. (1991), 36 C.P.R. (3d) 129 à la page 135 (C.A.F.); Grant, précité, au paragraphe 9).

 

[25]           La Cour a statué à maintes reprises que la séparation d’un époux ne permet pas de conclure que la demanderesse subira un préjudice irréparable en cas de renvoi (Sahota c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 C.F.P.I. 331, [2002] A.C.F. no 417 (C.F. 1re inst.) (QL); Saibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 C.F.P.I. 103, [2002] A.C.F. no 151 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[26]           Il est bien établi qu’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire n’empêche pas en soi le renvoi d’une personne visée par une mesure d’interdiction de séjour valide. Dans la décision Cuff c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1865 (C.F. 1re inst.) (QL), le juge François Lemieux a affirmé :

[11]      Les juges de cette cour ont toujours statué qu'en soi, et sans plus, une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire en instance visant à l'obtention d'une dispense de l'exigence voulant qu'une demande de résidence permanente soit traitée en dehors du Canada ne constitue pas un motif justifiant l'octroi d'un sursis. Le défendeur n'est pas tenu d'examiner une demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire avant de procéder au renvoi. C'est notamment ce qui a été statué dans les décisions suivantes : Younge c. MCI, IMM-2566-96, 3 janvier 1997, juge Richard (tel était alors son titre); Balasumbramaniam c. MCI, IMM-3858-98, 4 août 1998, J.C.A. Richard, (tel était alors son titre); Ram c. MCI, IMM-1939-96, 21 juin 1996, juge MacKay. Je dois ajouter que les juges de cette cour ont insisté sur le fait que malgré le renvoi, le traitement de la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire se poursuit.

 

(On cite aussi : Smith c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 C.F.P.I. 388, [2001] A.C.F. no 632 (C.F. 1re inst.) (QL); Ali c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 C.F. 62, [2005] A.C.F. no 84 (C.F. 1re inst.) (QL).)

 

[27]           En ce qui a trait au préjudice irréparable qui pourrait découler des questions soulevées dans la demande d’ERAR, les risques allégués par la demanderesse ont été évalués par l’agente d’ERAR. L’agente a examiné de façon approfondie la situation au Guyana et à Saint-Vincent-et-les Grenadines et pouvait raisonnablement en venir à la conclusion qu’elle a tirée. Tel que l’a statué récemment le juge Edmond Blanchard : [traduction] « Le risque allégué qui a déjà été suffisamment évalué ne peut pas servir de fondement à un argument de préjudice irréparable dans le cadre d’une demande de sursis » (Sesay c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), (19 mars 2007), dossier no IMM-912-07, IMM-914-07 (C.F. 1re inst.)).

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[28]           Si la personne qui demande un sursis d’exécution n’établit pas qu’elle subira un préjudice irréparable en cas de refus du sursis qu’elle demande, la prépondérance des inconvénients militera en faveur de la décision de ne pas surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi, parce qu’un tel sursis sera présumé causer un préjudice irréparable à l’intérêt public (Hill c. Ministre des pêches et des océans (17 mars 2000) dossier no T-284-00 (C.F. 1re inst.); Dugonitsch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1992] A.C.F. no 320 (C.F. 1re inst.) (QL)).

 

[29]           De plus, la prépondérance des inconvénients ne découle pas automatiquement d’une conclusion qu’il existe une question sérieuse à juger et un préjudice irréparable. La Cour suprême du Canada a statué que chaque partie du critère à trois volets doit être prouvée individuellement. Dans une décision récente de la présente Cour, le juge Conrad von Finckenstein a affirmé : « Sans commenter le bien-fondé de la cause du demandeur, la Cour est d'avis de rejeter la présente demande parce que le demandeur n'a pas satisfait au volet […] relatif à la prépondérance des inconvénients » (Dasilao c. Canada (Solliciteur général), 2004 C.F. 1168, [2004] A.C.F. 1410 (QL), au paragraphe 4).

 

[30]           Dans la décision Dugonitsch, précitée, le juge MacKay a énoncé les facteurs dont il faut tenir compte dans l’évaluation de la prépondérance des inconvénients :

[…] Cet intérêt public appuie le maintien des programmes prévus par la loi et des efforts de ceux qui sont chargés de les appliquer. C'est seulement dans des cas exceptionnels que l'intérêt du particulier, qui, selon la preuve, pourrait subir un préjudice irréparable, l'emportera sur l'intérêt public.

 

(Non souligné dans l’original.)

 

(On cite aussi : Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 à la page 146.)

 

[31]           Les inconvénients que la demanderesse pourraient subir par suite de son renvoi du Canada ne l'emportent pas sur l'intérêt public qu'il y a à exécuter les mesures de renvoi dès que les circonstances le permettent conformément au paragraphe 48(2) de la LIPR. L’obligation du ministre en vertu du paragraphe 48(2) de la LIPR n’est pas simplement une question de commodité administrative, il s'agit plutôt de l'intégrité du système canadien de contrôle de l'immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

[32]           Comme l’a statué la Cour d’appel fédérale dans la décision Selliah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.A.F. 261, [2004] A.C.F. no 1200 (QL) :

[21]      L’avocate des appelants dit que, puisque les appelants n’ont aucun casier judiciaire, qu’ils ne sont pas une menace pour la sécurité et qu’ils sont financièrement établis et socialement intégrés au Canada, l’équilibre des inconvénients milite en faveur du maintien du statu quo jusqu’à l’issue de leur appel.

 

[22]      Je ne partage pas ce point de vue. Ils ont reçu trois décisions administratives défavorables, qui ont toutes été confirmées par la Cour fédérale. Il y a bientôt quatre ans qu’ils sont arrivés ici. À mon avis, l’équilibre des inconvénients ne milite pas en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de leur obligation, en tant que personnes visées par une mesure de renvoi exécutoire, de quitter le Canada immédiatement, ni en faveur d’un nouveau report de l’accomplissement de l’obligation du ministre de les renvoyer dès que les circonstances le permettront : voir le paragraphe 48(2) de la LIPR. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit plutôt de l’intégrité et de l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration, ainsi que de la confiance du public dans ce système.

 

[33]           La demande d’autorisation en vue de présenter une demande de contrôle judiciaire ne fait pas l’objet d’un examen par la Cour dans le cadre de la présente requête en sursis et ne peut donc pas être accueillie aujourd’hui. De plus, la demanderesse a demandé une réparation en vertu d’une loi abrogée. Cependant, même si la demanderesse avait demandé une réparation en vertu de la LIPR, par opposition à la Loi sur l’immigration, il ne serait toujours pas approprié que la Cour statue sur sa demande d’autorisation de contrôle judiciaire aujourd’hui (mémoire de la demanderesse, dossier de requête de la demanderesse, onglet 14, paragraphe 1).

 

CONCLUSION

[34]           La requête en sursis à la mesure de renvoi de la demanderesse devrait être rejetée.

 

 

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

 

                                                                                                            « Michel M. J. Shore »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                      IMM-1439-07

 

INTITULÉ :                                                                     PHEONA ALICIA DANIEL

                                                                                          c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                               TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                             LE 16 AVRIL 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                            LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                                                    LE 16 AVRIL 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Elsi E. Peters

 

POUR LA DEMANDERESSE

David Knapp

 

                 POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Elsi E. Peters

North York (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

                  POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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