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Date :  20070119

Dossier :  IMM-2102-06

Référence :  2007 CF 49

Ottawa (Ontario), le 19 janvier 2007

En présence de monsieur le juge Shore 

 

ENTRE :

ANNE ROSE-MARIE CONSEILLANT

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

INTRODUCTION

[1]               Dans certains cas, l’absence d’un conseiller juridique ou le refus d’accorder un ajournement ou de permettre à une personne d’obtenir les services d’un avocat peut être considéré comme un déni de justice naturelle. Par exemple, dans l’affaire Austria c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 423, [2006] A.C.F. no 597 (QL), le juge Danièle Tremblay-Lamer invoque ce qui suit :

[6]        Comme l'indique clairement cet arrêt, qui précise qu'une aide juridique rémunérée par l'État ne s'impose en vertu de la Constitution que dans certains cas, le droit aux services d'un avocat n'est pas absolu. En matière d'immigration plus précisément, la Cour fédérale a statué à maintes reprises que ce droit n'est pas absolu : Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1206, [2004] A.C.F. no 1460 (C.F.) (QL), aux paragraphes 17 à 25, où le juge Sean Harrington examine les règles de droit applicables au droit à un avocat. Ce qui est absolu, toutefois, c'est le droit à une audience équitable. Pour qu'une audience se déroule équitablement, le demandeur doit être capable de "participer utilement" à l'instance : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Fast, 2001 CFPI 1269, [2002] 3 C.F. 373 (C.F.), aux paragraphes 46 et 47.

 

NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, en vertu de l’article 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (Loi), à l’encontre d’une décision rendue le 13 mars 2006 de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission) concluant que la demanderesse n’a pas la qualité de réfugié au sens de la Convention ni de personne à protéger (articles 96 et 97 de la Loi).

 

FAITS

[3]               La demanderesse, madame Anne Rose-Marie Conseillant, est citoyenne d’Haïti. Elle soutient que le 15 septembre 2002, des voleurs sont entrés chez elle pour s’accaparer de ses biens. Ces derniers ont également violé sa fille et torturé madame Conseillant ainsi que son fils.

 

[4]               Cet événement a incité madame Conseillant à quitter son pays. Elle est arrivée au Canada le 18 septembre 2002 et a revendiqué le statut de réfugié le 27 septembre 2005.

 

[5]               Le Ministre allègue que madame Conseillant a envoyé un « avis de représentation par un conseil » daté du 30 octobre 2005, dans lequel elle indiquait que son conseil était monsieur Barthélémy Séjour. Cette mention fut réitérée dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP), signé le 2 novembre 2005. Dans un avis de convocation fait le 10 janvier 2005, la demanderesse a été informée que son audience aurait lieu le 27 février 2006. Madame Conseillant disposait de quatre mois, depuis la signature de son FRP, pour se trouver un avocat.

 

[6]               La demande d’asile a été entendue par la Commission, le 27 février 2006. En début d’audience, madame Conseillant, accompagnée de monsieur Barthélémy Séjour, a présenté une demande d’ajournement afin d’être représentée par un avocat plutôt que par son conseil. Cette dernière a témoigné à l’effet qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait retenir les services d’un avocat, qu’elle est analphabète et ne comprends pas les règles procédurales applicables pour se présenter devant la Commission.

 

[7]               L’agent de protection des réfugiés (APR) a alors recommandé au Commissaire d’accorder l’ajournement vu que madame Conseillant n’était pas représentée par un avocat et qu’elle n’avait pas remplit convenablement le FRP. La Commission a tout de même refusé l’ajournement.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[8]               La Commission a conclu que le préjudice appréhendé par madame Conseillant est un risque auquel s’exposent d’autres personnes dans son pays et, par conséquent, elle a rejeté la demande d’asile de la demanderesse, de vive voix, ce même jour.

 

QUESTION EN LITIGE

[9]               La Commission a-t-elle manqué aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale en refusant la demande d’ajournement de madame Conseillant ?

NORME DE CONTRÔLE

[10]           En ce qui a trait aux questions se rapportant aux principes de justice naturelle, l’analyse pragmatique et fonctionnelle ne s’applique pas. Cependant, la Cour interviendra si la conclusion de la Commission est déraisonnable, s’il y a violation de l'obligation d'agir équitablement ou s’il y a une erreur de droit. (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539 ; Sketchley c. Canada (Procureur Général), 2005 CAF 404, [2005] A.C.F. no 2056 (QL), aux paragraphes 52-55)

 

ANALYSE

[11]           Madame Conseillant fait valoir que la Commission a contrevenu aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale sur le fait que son droit à l’avocat a été nié en raison du refus de la Commission d’ajourner l’audience pour qu’elle puisse être représentée par un avocat.

 

            1) Rejet de la demande d’ajournement

[12]           Il est bien établi en droit que la décision d’accorder ou non un ajournement est une décision discrétionnaire, qui doit être prise équitablement. Il n’existe aucune présomption selon laquelle une demanderesse a un droit automatique à un ajournement. La Cour n’interviendra pas dans le refus d’accorder un ajournement sauf circonstances exceptionnelles telles que décrites dans l’arrêt Siloch c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (C.A.F.), [1993] A.C.F. no 10 (QL). (Voir aussi : Wagg c. Canada, 2003 CAF 303, [2003] A.C.F. no 1115 (QL), au paragraphe 19)

 

[13]           À ce titre, bien qu’il s’agissait d’une audience de justification, les principes soulevées par la juge Carolyn Layden-Stevenson dans Ramadani c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 211, [2005] A.C.F. no 251 (QL), sont  applicables dans le présent cas :

[10]      Toutefois, la SPR n'a pas tenu compte des autres facteurs dégagés par la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt Siloch c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (1993), 151 N.R. 76 (C.A.F.) -- la question de savoir si les demandeurs ont fait leur possible pour être représentés par un avocat lors de l'audience, le nombre d'ajournements déjà accordés (aucun en l'espèce), la faute ou le blâme à imputer aux demandeurs du fait qu'ils n'étaient pas prêts et la question de savoir si des ajournements ont déjà été accordés péremptoirement. La décision de ne pas ajourner a nui à la capacité des demandeurs d'être représentés par un avocat lors de l'audience de justification. Les conséquences d'une décision de désistement sont importantes. Elle termine une demande sans examen de son bien-fondé, une mesure de renvoi conditionnel entre en vigueur et cela empêche un demandeur de solliciter l'asile à l'avenir.

 

[11]      À mon avis, la SPR doit, à tout le moins, mentionner qu'elle a pris en considération les facteurs pertinents énumérés dans l'arrêt Siloch, précité, avant d'en arriver à une décision défavorable. Son défaut de le faire constitue une erreur susceptible de révision. Je fais remarquer que mes collègues, la juge Heneghan et le juge O'Keefe, sont arrivés à une conclusion semblable dans les décisions Dias c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 84, et Sandy c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1468.

 

[12]      Concernant l'allégation selon laquelle le refus équivaut à un déni du droit à un avocat, je suis convaincue que les circonstances de l'espèce sont visées par le raisonnement de la Cour d'appel fédérale dans l'arrêt De Sousa c. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1988), 93 N.R. 31 (C.A.F.) et du juge Rothstein, alors à la Section de première instance telle qu'elle était constituée, dans la décision Afrane c. Canada (Minister of Employment and Immigration) (1993), 64 F.T.R. 1 (1re inst.). En gros, dans ces affaires, les demandeurs avaient été avisés par les avocats (dans des lettres qui leur ont été remises peu avant l'audience ou le jour de l'audience) que ceux-ci ne seraient pas disponibles pour l'audience. Lors de leurs audiences respectives, les demandeurs ont présenté ces lettres à la Commission à l'appui de leurs demandes d'ajournement. Dans chacun des cas, les demandes ont été refusées et les audiences se sont tenues sans avocat. Les décisions ont par la suite été annulées par les cours de révision au motif que les demandeurs avaient été privés de leur droit à un avocat et que cela constituait un manquement à l'équité procédurale et aux principes de justice naturelle.

 

[13]      Je n'irais pas jusqu'à dire que dans tous les cas, la simple production d'une lettre d'un avocat demandant un ajournement fait naître un droit à cet ajournement. La SPR est maîtresse chez elle et a le droit de contrôler sa procédure. Toutefois, elle doit, dans ses délibérations, soupeser les facteurs qui militent en faveur et contre l'ajournement demandé. Cela ne s'est pas fait en l'espèce. Il ressort clairement de la transcription que les demandeurs ont besoin d'être représentés, qu'ils souhaitaient être représentés et qu'ils désiraient obtenir cette représentation au moyen de l'aide juridique ou autrement. Bien que l'avocat du défendeur ait vaillamment essayé de défendre la décision en fournissant différentes raisons pour lesquelles la SPR aurait pu décider comme elle l'a fait, comme je l'ai déjà mentionné dans d'autres affaires, il faut conclure, d'une façon ou d'une autre, à l'existence des explications de la décision dans les motifs du décideur. La manière dont la SPR a traité la présente affaire équivalait à un déni du droit à un avocat.

 

[14]           Il appert, à la lecture de la transcription à l’audience et de la décision de la Commission, que celle-ci n’a pas examiné tous les facteurs énumérés dans Siloch, ci-dessus. Bien que la Commission ait demandé à madame Conseillant et monsieur Barthelemy si des démarches ont été entreprises par celle-ci pour trouver un avocat, les autres facteurs ont été ignorés. De plus, la Commission a présumé que monsieur Barthelemy a su expliquer à madame Conseillant les démarches à suivre sur la base de renseignements reçus par Immigration Canada, bien que ce dernier n’agisse pas à titre d’avocat au nom de la demanderesse. (Transcription à l’audience, à la page 5).

 

[15]           En outre, malgré que madame Conseillant disposait de quatre mois depuis la signature de son FRP pour se procurer l’aide d’un avocat, la Commission se devait de soupeser les facteurs tels que décrits ci-dessus. À ce sujet, dans l’affaire Modeste c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1027, [2006] A.C.F. no 1290 (QL), le juge Michael A. Kelen affirme ce qui suit :

[20]      All of these factors may weigh in favour of granting an adjournment. The Board does not appear to have taken these factors into account.

 

[21]      In my decision Antypov v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration) (2004), [2004] F.C.J. No. 1931, 135 A.C.W.S. (3d) 300 (F.C.), I considered whether the denial of an adjournment by the Board so that the Applicant could obtain counsel constituted a breach of the rules of natural justice. In that case, and in much of the jurisprudence where the denial of an adjournment for this purpose was not considered a breach of the rules of natural justice, the Applicant had demonstrated a pattern of delaying the proceedings and had already been granted adjournments on previous occasions. In the case at bar, this is the first time the Applicant has sought an adjournment. While the Applicant had ample time to make arrangements for counsel and was negligent in doing so the Board is still obliged to consider and weigh these other factors.  [La Cour souligne.]

 

 

2) Droit à un avocat

 

[16]           Madame Conseillant invoque, avec raison, qu’en refusant une demande d’ajournement, cette dernière a été effectivement privée du droit à l’assistance d’un avocat.

 

[17]           Il existe une abondante jurisprudence sur la question du droit qu’a tout individu aux services d’un avocat. De plus, le droit d’être représenté par un avocat lors d’une instance administrative est largement reconnu. Le droit à un avocat est inclus parmi les principes de justice fondamentale garantis par l’article 7 de la Charte canadienne des droits et libertés, Partie I, Annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.-U) (Charte). En effet, ce droit s’impose lorsque la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne est en jeu. Le droit à un avocat est reconnu lorsque le processus décisionnel est engagé. L’alinéa 10c) de la Charte donne aussi à chacun, en cas d’arrestation ou de détention, le droit « d’avoir recours sans délai à l’assistance d’un avocat et d’être informé de ce droit ».

 

[18]           En outre, le paragraphe 30(1) de la Loi confère aussi à toute personne faisant l’objet d’une enquête « le droit de se faire représenter par un avocat ou autre conseiller et de se voir accorder la possibilité de choisir, à ses frais ». De même, le paragraphe 30(2) de la Loi prévoit une formule par laquelle une personne peut être représentée, aux frais du Ministre, par un conseiller qui est prêt à agir et en mesure de le faire dans un délai raisonnable.

[19]           Finalement, certaines dispositions visent le droit à l’assistance d’un avocat au nom d’un enfant mineur ou d’un individu sous tutelle. (Paragraphe 69(1) et 69(4) de la Loi; Stumf c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration), 2002 CAF 148, [2002] A.C.F. no 590 (QL), au paragraphe 6; Espinoza c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 385 (QL), au paragraphe 25)

 

[20]           Dans l’arrêt Wagg, ci-dessus, au paragraphe 19, monsieur le juge J.D. Denis Pelletier réaffirme le principe que le droit à l’assistance d’un avocat n’est pas absolu; bien qu’il soit dans l’intérêt de la Cour et dans celui du plaideur que les parties soient représentées par des avocats. De fait, comme l’affirme le juge Marcel Joyal dans l’affaire Asomadu- Acheampong c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 984 (QL), aux paragraphes 7 et 8, la demanderesse doit également faire la preuve qu’un préjudice est survenu en l’absence de l’avocat. Dans certains cas, l’absence d’un conseiller juridique ou le refus d’accorder un ajournement ou de permettre à une personne d’obtenir les services d’un avocat peut être considéré comme un déni de justice naturelle. Par exemple, dans l’affaire Austria, ci-dessus, le juge Tremblay-Lamer invoque ce qui suit :

[6]        Comme l'indique clairement cet arrêt, qui précise qu'une aide juridique rémunérée par l'État ne s'impose en vertu de la Constitution que dans certains cas, le droit aux services d'un avocat n'est pas absolu. En matière d'immigration plus précisément, la Cour fédérale a statué à maintes reprises que ce droit n'est pas absolu : Mervilus c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 1206, [2004] A.C.F. no 1460 (C.F.) (QL), aux paragraphes 17 à 25, où le juge Sean Harrington examine les règles de droit applicables au droit à un avocat. Ce qui est absolu, toutefois, c'est le droit à une audience équitable. Pour qu'une audience se déroule équitablement, le demandeur doit être capable de "participer utilement" à l'instance : Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) c. Fast, 2001 CFPI 1269, [2002] 3 C.F. 373 (C.F.), aux paragraphes 46 et 47.

 

[7]        C'est donc dire que, dans certaines circonstances, l'absence d'avocat peut donner lieu à une telle inéquité au cours de l'audience qu'il est justifié que la Cour intervienne. Je ne suis toutefois pas convaincue que ce soit le cas en l'espèce. Je crois que le demandeur a eu effectivement une audience équitable.

 

 

[21]           En l’espèce, il appert de la preuve au dossier que madame Conseillant a subi un véritable préjudice dû principalement à son incompréhension de la procédure à suivre devant la Commission puisqu’elle est analphabète. Par conséquent, un manquement à la justice naturelle, eu égard à la demanderesse, en résulte.

 

[22]           Madame Conseillant a témoigné, en début d’instance, qu’elle n’était pas représentée par un avocat, qu’elle ne savait pas qu’elle pouvait retenir les services d’un avocat et qu’elle ne comprenait pas les procédures à suivre puisqu’elle ne sait ni lire ni écrire :

PAR LE COMMISSAIRE

 

Le demandeur est présente et n’est pas représentée par un avocat ni un conseiller en immigration.

 

PAR LE COMMISSAIRE (s’adressant à la revendicatrice)

 

Q.        C’est exact, Madame ?

 

R.         Oui.

 

-           Et je remarque aussi que vous avez pas… vous n’avez jamais été représentée par un avocat dans ce dossier là.

 

R.         Non, non, je n’ai pas d’argent.

 

Q.        Est-ce qu’on vous a déjà proposé d’aller à l’aide juridique, ces choses-là, Madame ?

 

R.         Pas (inaudible), mais mon ami qui est là il m’a aidée, il était avec moi.

 

Q.        Bon. Alors, on vous avait expliqué que vous pouviez aller à l’aide juridique et vous avez décidé de ne pas aller à l’aide juridique. C’est exact ?

 

R.         Non, j’ai pas décidé, je ne sais pas, je ne connais rien.

 

Q.        Mais Madame, vous avez dit qu’on vous a proposé d’aller à l’aide juridique ?

R.         Oui, mais je ne comprends rien à l’aide juridique, je ne sais pas, je ne sais ni lire ni écrire. Je connais cet ami qui est là, il m’a aidée et c’est tout, je ne comprends rien.

 

-           Bon. Alors, vous avez décidé de … de ne pas être représentée par avocat.

 

R.         Oui, je pourrais choisir un avocat si on m’offrait la possibilité d’en choisir un, je le prendrai.

 

-           Bon, Madame, ça fait depuis longtemps, là, votre dossier a été cédulé pour être entendu aujourd’hui là.

 

R.         Oui.

 

Q.        Vous avez plutôt opté pour venir avec ce monsieur Barthelemy qui est ici aujourd’hui ?

 

R.         Bon, je ne sais pas, lui il m’aide, mais moi je ne sais ni lire et ni écrire et je ne sais pas comment ça fonctionne ces affaires d’avocat.

 

[…]

 

...Dans ce dossier, l’APR a déposé des pièces portant le numéro A-1 à A-2, j’aimerais rajouter la pièce A-3...

 

[…]

 

Madame, je vois que vous avez aucune pièce de déposée ?

 

R.         Bien, je sais pas, je ne sais pas.

 

-           Bien, Madame, vous venez devant un tribunal aujourd’hui, là…

 

R.         Oui.

 

-           … c’est un tribunal dûment mandaté, vous…

 

R.         Oui.

 

-           … vous semblez pas du tout être consciente de ce que vous venez faire aujourd’hui, là.

 

R.         Oui.

 

-           Bien là…

 

R.         Je sais que je viens devant le juge.

 

-           Bien, Madame, oui, venir devant le juge, il faut que vous soyez équipée, là, il faut que vous sachiez qu’est-ce qu’ont vient faire ici, là.

[…]

 

PAR LE COMMISSAIRE       (s’adressant à l’acr)

 

Q.        Qu’est-ce que vous en pensez, monsieur Toupin ?

 

R.         Bon, Monsieur le Président, moi je… on sait que le droit à l’avocat est pas un droit absolu, ça c’est une affaire. Cependant la justice naturelle veut que les gens qui sont entendus devant vous aient au moins une chance de faire valoir leur… leur cas. J’admets que la revendicatrice est au Canada depuis longtemps, cependant, la revendication a été cédulée une première fois, si je me trompe pas et vous pourrez me corriger, le 27 février 2006.

 

-           Bien, on est au 27 février 2006.

 

R.         Ah oui, c’est vrai, c’est parce que j’avais rajouté le 13 mars. Alors, on est à la première audience dans le cas, excusez-moi.

 

-           Je pensais que vous aviez un problème.

 

R.         La… la revendicatrice a déclaré qu’elle est analphabète, elle n’a pas déposé de preuve documentaire. Quoi que nous avons un passeport qui a été saisi par Immigration qui est au dossier qui atteste son point de… sa citoyenneté et jusqu’à un certain point des dates de son arrivée au Canada, je parle du passeport. Cependant, dans mon dossier à la page 8 où on demande…

 

-           Oui.

 

R.         … toutes les informations quant aux voyages au Canada puis les demandes d’asile puis tout ça, dans le mien il n’y a rien de complété. À mon avis, ce sont des informations qui sont cruciales la plupart du temps. Alors, honnêtement, Monsieur le Président, je suggérerais de donner une chance à la revendicatrice de lui accorder une… le temps de… de vérifier, peut-être grâce à Monsieur ou avec d’autres si elle ne peut avoir l’aide de l’aide juridique dans ce cas-là.

 

            Je crois que l’aide juridique fait plus de refuge, je pense.

 

[La Cour souligne.]

[23]           La transcription à l’audience révèle que madame Conseillant n’avait aucune connaissance quelle que soit de la procédure à suivre lors de l’audience, ou des critères qui devaient être respectés. En effet, elle n’a déposé aucune preuve documentaire pour appuyer sa cause. De plus, les informations données par la demanderesse dans sa demande d’asile, incluant son FRP, sont incomplets.

 

[24]           Dans ces circonstances, tous ces éléments établissent de façon accablante que la demanderesse a subi un préjudice réel en raison de son incompréhension des règles de fond et de forme pour présenter sa demande. Comment une personne analphabète qui informe la Commission de ces lacunes, qui demande à être représenter par un avocat, et qui se voit refuser sa demande d’ajournement malgré le fait qu’un APR ait recommandé l’octroi de cette mesure, puisse, à la suite, bénéficier d’une audience juste et équitable ?   

 

[25]           Bien qu’il existe un danger à accorder un ajournement dans les cas où cette procédure est utilisée à des fins abusives pour retarder le processus administratif menant ainsi à une « anarchie juridique », ce n’est pas le cas en espèce. La demanderesse est à sa première demande d’ajournement et compte tenu de tout ce qui précède, méritait une représentation adéquate. (Edumadze c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 49 (QL); Rajkowski c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1291, [2006] A.C.F. n o 1624 (QL))

 

 

 

CONCLUSION

[26]           En somme, compte tenu de ce qui précède, la Commission a contrevenu aux principes de justice naturelle et d’équité procédurale en n’ajournant pas l’audience, à la demande de madame Conseillant, afin de lui permettre de se trouver un avocat. Par conséquent, l’intervention de cette Cour est justifiée. Pour toutes ces raisons, l’affaire est renvoyée à la Commission pour redétermination par un panel autrement constituée.


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire soit retournée pour redétermination par un panel autrement constitué.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2102-06

 

INTITULÉ :                                       Anne Rose-Marie CONSEILLANT

                                                            c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 17 janvier 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT:                               LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      le 19 janvier 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Wilerne Bernard

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Claudia Gagnon

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

WILERNE BERNARD AVOCATE

Montréal (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMIS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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