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Date : 20070503

Dossier : IMM-5561-06

Référence : 2007 CF 485

Ottawa (Ontario), le 3 mai 2007

En présence de Monsieur le juge Blais

 

ENTRE :

LAKHMIR SINGH RANDHAWA

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu de l'article 72 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’encontre d’une décision rendue le 20 septembre 2006 par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) – Section de la protection des réfugiés (la SPR) (le tribunal), rejetant la demande d’asile du demandeur.

 

FAITS PERTINENTS

 

[2]               M. Lakhmir Singh Randhawa (le demandeur) est un citoyen de l’Inde qui est arrivé au Canada le 26 septembre 2003 et a demandé la protection du Canada le 5 janvier 2004.

 

[3]               Le demandeur affirme avoir la qualité de réfugié au sens de la Convention, ayant une crainte bien fondée de persécution en raison de sa race, de sa religion et de ses opinions politiques imputées, et être une personne à protéger du fait qu’il serait exposé à des risques de torture, à une menace à sa vie ou à des risques de traitements ou peines cruels et inusités s’il devait retourner dans son pays d’origine. Les événements relatés au soutien de la demande d’asile du demandeur reposent essentiellement sur des incidents d’extorsion et d’agression aux mains du Shiv Sena, un groupe d’extrémistes Hindous, et d’arrestations injustifiées et d’agressions aux mains de la police.

 

[4]               Dans son formulaire de renseignements personnels (FRP), le demandeur relate l’enlèvement de son fils aîné Ranjit Singh Randhawa en 2002, qui aurait été libéré à la suite du paiement d’une rançon. Le demandeur affirme d’ailleurs dans son FRP avoir perdu la trace de Ranjit depuis son arrivée au Canada en 2003. Cependant, le 23 février 2006, soit deux semaines avant la date prévue pour l’audience devant la Commission, l’agente de protection des réfugiés assignée au dossier a été informée par la représentante du Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile de l’existence d’un dossier de la Commission au nom du fils aîné du demandeur, Ranjit Singh Randhawa, ce dernier ayant été présent au Canada de façon continue depuis 1998. Le 22 mars 2006, le représentant du demandeur a été informé que le FRP de Ranjit Singh Randhawa et les autres documents reliés à sa demande d’asile seraient déposés dans le dossier du demandeur. Le 9 mai 2006, le représentant du demandeur a soumis des modifications au FRP du demandeur et à son récit écrit, supprimant les références au fait qu’il ait perdu la trace de son fils aîné. Ce n’est qu’au début de l’audience du 26 mai 2006, que le représentant du demandeur a demandé que le nom du fils aîné du demandeur soit remplacé par celui de son fils cadet, dans le paragraphe relatant l’enlèvement et la demande de rançon.

 

DÉCISION CONTESTÉE

[5]               Dans une décision rendue le 20 septembre 2006, le tribunal a conclu que le demandeur n’était pas crédible, et donc qu’il n’était ni un réfugié au sens de la Convention ni une personne à protéger en vertu des articles 96 et 97 de la Loi. Le tribunal a aussi conclu que l’histoire du demandeur était une fabrication et une tentative d’induire le tribunal en erreur.

 

 

QUESTIONS EN LITIGE

 

[6]               Les questions en litige dans la présente demande sont les suivantes :

1)      Le tribunal a-t-il commis une erreur dans l’appréciation de la preuve relative à la crédibilité du demandeur?

2)      Le tribunal a-t-il erré dans son interprétation de la Loi et des Règles?

 

NORME DE CONTRÔLE

[7]               Il est de jurisprudence constante que la norme applicable au contrôle judiciaire d’une décision de la Commission varie selon la nature de la décision. Pour une question de droit, la norme est celle de la décision correcte; pour une question de fait, celle de la décision manifestement déraisonnable; et pour une question mixte de fait et de droit, celle de la décision raisonnable. Cette approche a été confirmée par la Cour suprême du Canada dans la décision Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100.

 

[8]               La première question en litige porte sur l’appréciation de la preuve et de la crédibilité du demandeur. Puisqu’il s’agit d’une question de fait, cette Cour doit faire preuve de déférence à l’égard des conclusions du tribunal, et ne doit intervenir que si la décision est manifestement déraisonnable, c’est-à-dire si le tribunal a rendu une décision fondée sur une conclusion de fait erronée, tirée de façon abusive ou arbitraire ou sans tenir compte des éléments dont il disposait.

 

[9]               La deuxième question en litige porte sur l’interprétation de la Loi et des Règles par le tribunal, et relève donc de la norme de la décision correcte, permettant à la Cour d’intervenir pour corriger toute erreur du tribunal.

 

ANALYSE

1) Le tribunal a-t’il commis une erreur dans l’appréciation de la preuve relative à la crédibilité du demandeur?

 

[10]           Le tribunal a conclu ce qui suit dans sa décision :

The tribunal believes that the claimant’s story is not only a fabrication but an elaborate attempt to mislead the tribunal. Given the general lack of credibility of the claimant, the tribunal does not believe that the other incidents occurred.

 

 

[11]           Le demandeur prétend que le tribunal a erré, premièrement, en concluant que le demandeur n’était pas crédible en raison de la confusion quant à l’identité de son fils qui aurait été enlevé en Inde en 2002 et dont il aurait maintenant perdu la trace, et deuxièmement, en ne considérant pas l’ensemble de la preuve. Le demandeur explique d’ailleurs que la confusion quant à l’identité du fils en question relève simplement d’une erreur cléricale, l’interprète ayant confondu le nom des deux fils du demandeur. Le demandeur mentionne finalement que le FRP de Ranjit Singh Randhawa a été versé dans les dossiers de la belle-fille et de la petite-fille du demandeur, et que le statut de réfugiées leur a tout de même été accordé.

 

[12]           De prime abord, il est important de noter que l’explication fondée sur une erreur cléricale n’est pas celle qui a été donnée au tribunal. Le demandeur a plutôt affirmé lors de l’audience qu’il avait reçu des conseils de la personne avec qui il vivait à son arrivée au Canada et que cette dernière l’aurait induit à faire de fausses déclarations.

 

[13]           Par ailleurs, l’explication de l’erreur cléricale n’est pas consistante avec la preuve au dossier. Non seulement le FRP du demandeur mentionne l’enlèvement et la disparition présumée de « Ranjit Singh Randhawa », mais ces paragraphes font aussi référence au « fils aîné » du demandeur, ce qui implique plus qu’une simple confusion relative au nom. Cette même « erreur cléricale » se retrouve d’ailleurs dans la traduction d’une lettre adressée au « Police-Commissioner » de Mumbai. Selon cette lettre, ce serait le même fils du demandeur qui aurait été arrêté par la police à Bombay en décembre 1990 (soit Ranjit) et qui aurait été enlevé par le Shiv Sena en 2002. L’explication du demandeur sur cette inconsistance – soit qu’il aurait montré à l’interprète des articles parlant de l’arrestation de Ranjit, ce qui aurait amené l’interprète à penser qu’il s’agissait du même fils qui aurait été enlevé – n’est pas particulièrement convaincante.

 

[14]           Pour ce qui est du dépôt du FRP de Ranjit Singh Randhawa dans les dossiers de la belle-fille et de la petite-fille du demandeur, cet élément n’a aucune pertinence dans le présent dossier. Le FRP de Ranjit a été versé au dossier du demandeur pour démontrer qu’il ne pouvait pas logiquement avoir été kidnappé en 2002 et être disparu en 2003, tel qu’allégué dans le FRP du demandeur, puisqu’il était au Canada depuis 1998. Le tribunal n’a passé aucun jugement sur la teneur du FRP de Ranjit, mais bien sur celui du demandeur, ce qui n’a rien à voir avec le dossier de sa belle-fille et de sa petite-fille.

 

[15]           Considérant l’invraisemblance des explications fournies par le demandeur, la conclusion du tribunal quant à l’absence de crédibilité du demandeur n’était pas déraisonnable.

 

[16]           Le dernier élément soulevé par le demandeur est le défaut du tribunal d’avoir considéré l’ensemble de la preuve, en particulier le défaut d’avoir considéré le dossier de sa belle-fille et de sa petite-fille, qui ont obtenu le statut de réfugiées.

 

[17]           Une lecture attentive de la transcription de l’audience démontre que le représentant du demandeur a tenté d’introduire un amendement au FRP du demandeur faisant référence à sa belle-fille et au décès de son petit-fils en 2004. Bien que l’information à propos de ce décès aurait dû être soumise bien avant, le représentant du demandeur a affirmé n’avoir été mis au courant que la journée précédente, et le tribunal a donc accepté le dépôt. Par contre, le tribunal a noté, et le représentant du défendeur a acquiescé, que la décision dans le dossier de la belle-fille du demandeur n’aurait pas d’impact sur sa décision dans ce dossier. En effet, un tribunal n’est pas lié par la décision d’un autre tribunal dans un autre dossier, chaque situation étant différente et chaque décideur étant indépendant (Bromberg c. Canada (MCI), 2002 CFPI 939, [2002] A.C.F. no 1217 (QL)).

 

[18]           Le demandeur précise finalement que certains éléments de preuve n’ont pas été considérés par le tribunal parce qu’ils n’avaient pas été déposés dans les vingt jours précédant l’audience. Par contre, le demandeur ne présente aucun argument pour convaincre la Cour que le tribunal, en agissant de la sorte, aurait commis une erreur quelconque. De plus, la seule mention des éléments de preuve dont le tribunal aurait refusé le dépôt se trouve à la page 2 de la transcription où le refus du tribunal est motivé comme suit :

I’m not prepared to accept the other documents as submitted. I can’t definitely confirm the sources, we don’t have the originals.

 

[19]           D’ailleurs, tel que le soumet le défendeur, lorsque le tribunal a des motifs raisonnables de douter d’un fait central de la revendication, il peut sur ce seul fondement rejeter l’ensemble du témoignage du revendicateur. Tel que l’a affirmé la Cour d’appel fédérale dans Sheikh c. Canada (MEI), [1990] 3 C.F. 238, [1990] A.C.F. no 604 (QL), aux paragraphes 7 et 8 :

Le concept de la crédibilité des éléments de preuve et celui de la crédibilité du demandeur sont évidemment deux choses différentes, mais il est évident que lorsque la seule preuve soumise au tribunal qui relie le demandeur à sa demande est celle que ce dernier fournit lui-même (outre, peut-être, les dossiers sur différents pays dont on ne peut rien déduire directement à l'égard de la revendication du demandeur), la perception du tribunal que le demandeur n'est pas un témoin crédible équivaut en fait à la conclusion qu'il n'existe aucun élément crédible sur lequel pourrait se fonder le second palier d'audience pour faire droit à la demande.

 

[…] En d'autres termes, la conclusion générale du manque de crédibilité du demandeur de statut peut fort bien s'étendre à tous les éléments de preuve pertinents de son témoignage.

 

[20]           Dans Yang c. Canada (MEI), [1995] A.C.F. no 121 (QL), la Cour d’appel fédérale notait d’ailleurs :

 L'appelant n'a pas réussi à nous persuader que la Commission avait agi de façon abusive en mettant en doute la plausibilité du compte rendu, par le revendicateur, du principal incident qu'il invoque à l'appui de sa demande. Si la Commission ne croit pas que cet incident principal est survenu, comme c'est clairement le cas, les autres erreurs reprochées à la Commission n'ont aucune pertinence.

 

 

[21]           Dans ce cas-ci, il est clair que le tribunal a conclu que le demandeur n’était pas crédible en raison de ses fausses déclarations quant à l’enlèvement et à la disparition subséquente de son fils, et qu’il a donc rejeté l’ensemble du témoignage du demandeur, pour conclure que la demande d’asile n’était pas fondée.

 

[22]           Pour les raisons mentionnées ci-haut, j’estime que la décision du tribunal quant à la crédibilité du demandeur était bien fondée et qu’elle ne justifie pas l’intervention de cette Cour.

 

2) Le tribunal a-t’il erré dans son interprétation de la Loi et des Règles?

[23]           Le demandeur soulève aussi trois « erreurs » du tribunal relatives à son interprétation de la Loi ou des Règles, soit :

a)      l’absence de jonction automatique;

b)      le défaut d’obtenir le consentement de Ranjit Singh Randhawa avant de déposer son FRP au dossier du demandeur; et

c)      l’intervention du Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

 

Absence de jonction automatique

[24]           La règle 49 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-228 (les Règles), prévoit ce qui suit :

49. (1) La Section joint la demande d'asile du demandeur d'asile à celle de son époux ou conjoint de fait, son enfant, son père, sa mère, son frère, sa soeur, son petit-fils, sa petite-fille, son grand-père et sa grand-mère.

 

49. (1) The Division must join the claim of a claimant to a claim made by the claimant's spouse or common-law partner, child, parent, brother, sister, grandchild or grandparent.

 

 

 

[25]           Le demandeur soutient que sa demande d’asile aurait dû être jointe à celles de sa belle-fille et de sa petite fille, et que cette erreur justifie l’intervention de la Cour.

 

[26]           Pour sa part, le défendeur prétend qu’en vertu de la règle 49,  la jonction s’appliquait uniquement à la petite-fille, et non pas à la belle-fille du demandeur. Pour ce qui est de la petite-fille, pour que la demande soit jointe à celle de son grand-père, encore fallait-il que le tribunal soit au courant des liens qui les unissaient. Dans la section 5 du FRP, où le requérant doit inscrire le nom de tout membre de la famille ayant déposé une demande d’asile, le demandeur a inscrit « N/A » (sans objet). Le demandeur n’a jamais cherché à amender son FRP par la suite et n’a présenté aucune preuve à l’effet que sa petite-fille aurait mentionné le lien de parenté dans son propre FRP. En fait, le FRP du demandeur ne contient aucune mention de l’existence d’une petite-fille.

 

[27]           La règle de jonction automatique implique que les autorités soient au courant du lien de parenté. Si ni le demandeur ni sa belle-fille, qui sont arrivés au Canada séparément et ont déposé leurs demandes avec au moins un an d’écart, n’ont mentionné le lien qui les unissait, comment les autorités pouvaient-elles procéder à la jonction des instances?

 

 

[28]           D’ailleurs, le demandeur aurait pu prendre l’initiative à la suite de l’arrivée de sa petite-fille au Canada, et demander la jonction de leurs demandes, ce qu’il n’a pas fait. En effet, en l’absence de jonction automatique, la règle 50 prévoit ce qui suit :

50. (1) Toute partie peut demander à la Section de joindre plusieurs demandes d'asile, d'annulation ou de constat de perte d'asile.

50. (1) A party may make an application to the Division to join claims, Applications to Vacate Refugee Protection or Applications to Cease Refugee Protection.

 

[29]           Le lien de parenté ayant été mentionné pour la première fois lors de l’audience du demandeur devant le tribunal, soit après l’audience de sa belle-fille et de sa petite-fille, il était trop tard pour joindre les demandes.

 

Dépôt du FRP du fils du demandeur

[30]           Le demandeur soumet par la suite que le tribunal n’a pas respecté la règle 17, en déposant le FRP de Ranjit Singh Randhawa au dossier du demandeur. La règle 17 se lit comme suit :

17. (1) Sous réserve du paragraphe (4), la Section peut communiquer au demandeur d'asile des renseignements -- personnels ou autres -- qu'elle veut utiliser et qui proviennent de toute autre demande d'asile si la demande d'asile soulève des questions de fait semblables à celles de l'autre demande ou si ces renseignements sont par ailleurs utiles à la solution de la demande.

 

 (2) Dans le cas où des renseignements -- personnels ou autres -- concernant un intéressé n'ont pas déjà été rendus publics, la Section fait des efforts raisonnables pour aviser par écrit celui-ci des faits suivants :

a) elle a l'intention de les communiquer à un autre demandeur d'asile;

b) l'intéressé peut s'opposer à la communication.

 

 (3) Pour décider s'il s'opposera à la communication, l'intéressé peut demander à la Section, par écrit, qu'elle lui communique des renseignements -- personnels ou autres -- sur le demandeur d'asile. Sous réserve du paragraphe (4), la Section ne communique à l'intéressé que les renseignements nécessaires pour qu'il puisse prendre sa décision en connaissance de cause.

 

 (4) La Section ne peut communiquer de renseignements -- personnels ou autres -- si cela entraînerait des risques sérieux pour la vie, la liberté ou la sécurité d'une personne ou causerait vraisemblablement une injustice.

17. (1) Subject to subsection (4), the Division may disclose to a claimant personal and other information that it wants to use from any other claim if the claims involve similar questions of fact or if the information is otherwise relevant to the determination of the claimant's claim.

 

 

 

 

 

 (2) If the personal or other information of another claimant has not been made public, the Division must make reasonable efforts to notify this person in writing that

(a) it intends to disclose the information to a claimant; and

(b) the person may object to this disclosure.

 

 

 

 (3) In order to decide whether to object to the disclosure, the person notified may make a written request to the Division for personal and other information relating to the claimant. Subject to subsection (4), the Division may disclose only information that is necessary to permit the person to make an informed decision.

 

 

 

 

 (4) The Division must not disclose personal or other information if there is a serious possibility that it will endanger the life, liberty or security of any person or is likely to cause an injustice.

 

 

 

[31]           Tel que soulevé par le défendeur, les Règles ne requièrent pas que la personne concernée donne son consentement pour que l’information soit divulguée. Plutôt, des « efforts raisonnables » pour aviser celle-ci doivent être entrepris, et si la personne s’objecte, ses objections seront prises en considération par la SPR et l’information ne sera pas communiquée « si cela entraînerait des risques sérieux pour la vie, la liberté ou la sécurité d'une personne ou causerait vraisemblablement une injustice ».

 

[32]           Le 23 février 2006, une lettre a été envoyée à Ranjit Singh Randhawa, l’avisant de l’intention de la SPR de déposer son dossier à titre de preuve dans le contexte de l’audition d’une autre demande d’asile, et indiquant qu’il devait communiquer toute objection avant le 10 mars 2006, faute de quoi son consentement serait présumé. La lettre a été retournée à l’expéditeur, Ranjit Singh Randhawa ne résidant plus à cette adresse. Le 7 avril 2006, une lettre a été envoyée au tribunal par le représentant du demandeur, affirmant que le fils du demandeur l’avait informé qu’il s’objectait à ce que son dossier soit communiqué. Aucun document signé par Ranjit Singh Randhawa indiquant son refus n’a toutefois été communiqué au tribunal.

 

[33]           Le demandeur insiste sur le fait que le tribunal aurait dû chercher à obtenir le consentement de Ranjit Singh Randhawa au début de l’audience, puisque celui-ci se trouvait sur place. Le demandeur affirme d’ailleurs que la personne concernée doit être informée et avoir la possibilité de faire des représentations.

 

[34]           Puisque Ranjit Singh Randhawa se trouvait dans la salle d’attente lors de l’audience de son père qui avait amendé son propre FRP pour refléter la présence de Ranjit au Canada depuis 1998, j’ai beaucoup de difficulté à croire que ce dernier n’était pas au courant de la situation et n’était pas déjà dans une position de communiquer par écrit son objection au tribunal par l’entremise du représentant de son père.

 

[35]           D’ailleurs, il est clair à la lecture de la transcription que le tribunal, après avoir appris que le fils du demandeur se trouvait sur place, a cherché à obtenir son consentement, et que le représentant du demandeur a affirmé que ce n’était pas nécessaire, puisqu’il n’avait pas d’objection à la communication de son dossier, autre que l’absence d’avis officiel, un avis qu’il aurait reçu si son changement d’adresse avait été communiqué. Je reproduis à l’appui un extrait de la page 12 de la transcription :

Q.                But since he is here, perhaps we could save ourselves some steps and hear it from him, that he does not want his file disclosed.

A.                No. Actually, I discussed with him just now.

Q.                Yes?

A.                  Do you have any objection (inaudible) using your file, his objection was only that nobody asked him before disclosing. So, now I understand that you sent a letter.

 

[36]           En l’absence d’objection de la part de l’individu concerné, et compte tenu de sa présence dans la salle d’attente, le tribunal a conclu que le dépôt du dossier de ce dernier n’entraînerait pas les risques prévus au paragraphe 17(4) des Règles.

 

[37]           À mon avis, la règle 17 a été respectée et rien ne justifie l’intervention de cette Cour.

 

Intervention du Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile

[38]           Finalement, le demandeur soutient que la représentante du Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, qui a communiqué l’existence du dossier du fils du demandeur, n’était pas autorisée à prendre connaissance du FRP du demandeur et de celui de son fils, ce droit étant réservé au Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration.

 

[39]           Il est clair, tel que le prétend le défendeur, que les objections du demandeur à la présence et à l’action du Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile dans son dossier n’ont aucun fondement légal. En effet, l’article 4 de la Loi prévoit que le Ministre, au sens de l’article 2 de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, L.C. 2005, c. 38, soit le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, peut être chargé de l’application de la Loi dans certaines circonstances. L’article 4 de la Loi se lit comme suit :

4. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration est chargé de l’application de la présente loi.

 

(2) Le ministre, au sens de l’article 2 de la Loi sur l’Agence des services frontaliers du Canada, est chargé de l’application de la présente loi relativement :

a) au contrôle des personnes aux points d’entrée;

b) aux mesures d’exécution de la présente loi, notamment en matière d’arrestation, de détention et de renvoi;

c) à l’établissement des orientations en matière d’exécution de la présente loi et d’interdiction de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour activités de criminalité organisée;

d) à la prise des décisions au titre des paragraphes 34(2), 35(2) ou 37(2).

 

(3) Sous réserve des paragraphes (1) et (2), le gouverneur en conseil peut préciser :

a) lequel des ministres visés à ces paragraphes est chargé de l’application de telle des dispositions de la présente loi;

b) que les deux ministres sont chargés de l’application de telle de ces dispositions, chacun dans les circonstances qu’il prévoit.

 

(4) Tout décret pris pour l’application du paragraphe (3) est publié dans la partie II de la Gazette du Canada.

4. (1) Subject to subsection (2), the Minister of Citizenship and Immigration is responsible for the administration of this Act.

 

(2) The Minister as defined in section 2 of the Canada Border Services Agency Act is responsible for the administration of this Act as it relates to

(a) examinations at ports of entry;

(b) the enforcement of this Act, including arrest, detention and removal;

(c) the establishment of policies respecting the enforcement of this Act and inadmissibility on grounds of security, organized criminality or violating human or international rights; or

(d) determinations under any of subsections 34(2), 35(2) and 37(2).

 

 

 

 

 

(3) Subject to subsections (1) and (2), the Governor in Council may specify

(a) which Minister referred to in subsections (1) and (2) shall be the Minister for the purposes of any provision of this Act; and

(b) that both Ministers may be the Minister for the purposes of any provision of this Act and the circumstances under which each Minister shall be the Minister.

 

    (4) Any order made under subsection (3) must be published in Part II of the Canada Gazette.

 

 

[40]           En vertu du « Décret précisant les responsabilités respectives du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration et du ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile », C.P. 2005-2042, 21 novembre 2005, le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile est un ministre autorisé à être présent à l’audience, en vertu de l’alinéa 173 b) de la Loi, et est chargé de l’application des alinéas 170 c) à 170 f) de la Loi qui se lisent comme suit :

170. Dans toute affaire dont elle est saisie, la Section de la protection des réfugiés :

[…]

c) convoque la personne en cause et le ministre;

d) transmet au ministre, sur demande, les renseignements et documents fournis au titre du paragraphe 100(4);

e) donne à la personne en cause et au ministre la possibilité de produire des éléments de preuve, d’interroger des témoins et de présenter des observations;

f) peut accueillir la demande d’asile sans qu’une audience soit tenue si le ministre ne lui a pas, dans le délai prévu par les règles, donné avis de son intention d’intervenir;

 

170. The Refugee Protection Division, in any proceeding before it,

[…]

 (c) must notify the person who is the subject of the proceeding and the Minister of the hearing;

(d) must provide the Minister, on request, with the documents and information referred to in subsection 100(4);

(e) must give the person and the Minister a reasonable opportunity to present evidence, question witnesses and make representations;

(f) may, despite paragraph (b), allow a claim for refugee protection without a hearing, if the Minister has not notified the Division, within the period set out in the rules of the Board, of the Minister’s intention to intervene;

 

[41]           L’alinéa 170 d) fait référence aux documents fournis au titre du paragraphe 100(4) de la Loi qui prévoit :

(4) La preuve de la recevabilité incombe au demandeur, qui doit répondre véridiquement aux questions qui lui sont posées et fournir à la section, si le cas lui est déféré, les renseignements et documents prévus par les règles de la Commission.

 

(4) The burden of proving that a claim is eligible to be referred to the Refugee Protection Division rests on the claimant, who must answer truthfully all questions put to them. If the claim is referred, the claimant must produce all documents and information as required by the rules of the Board.

 

[42]           Tel que le soumet le défendeur, les « documents prévus par les règles de la Commission » incluent le FRP d’un demandeur ainsi que tout autre document fourni par lui. Le Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile était donc autorisé par la loi à prendre connaissance des dossiers du demandeur et de son fils.

 

[43]           Pour tous ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[44]           Les parties n’ont soumis aucune question pour certification.

 

 


JUGEMENT

 

1.      La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

2.      Aucune question pour certification.

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5561-06

 

INTITULÉ :                                       LAKHMIR SINGH RANDHAWA C. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL, QUÉBEC

 

DATE DE L’AUDIENCE :               17 AVRIL 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 3 mai 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me MICHEL LEBRUN

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Evan Liosis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me MICHEL LEBRUN

 

POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN. H. SIMS, c.r.

SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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