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Date : 20070518

Dossier : IMM-1986-07

Référence : 2007 CF 534

Ottawa (Ontario), le 18 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARNES

 

 

ENTRE :

PING SHI

demanderesse

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

 

[1]               Voici les motifs pour lesquels j’ai débouté la demanderesse de sa requête en sursis à l’exécution de son renvoi du Canada.

 

[2]               J’ai prononcé mon ordonnance après avoir entendu les observations des avocats des parties. J’ai alors expliqué que mes motifs suivraient.

 

[3]               La Cour a été saisie le 16 mai 2007, en soirée, de la présente requête, qui portait sur une mesure de renvoi dont l’exécution était prévue pour le lendemain. La demanderesse est arrivée au Canada en provenance de la Chine en tant que visiteur en mai 2004. Elle a présenté une demande d’asile qui a été rejetée en septembre 2005. Elle a introduit en 2006 une double demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire et visant à obtenir un examen des risques. Cette demande a été rejetée sous ces deux aspects.

 

[4]               Déjà en 2005 et pendant toute l’année 2006, la demanderesse a été traitée pour une fibrose et, en novembre 2006, elle s’est fait retirer un dispositif intra-utérin (DIU). Suivant les renseignements médicaux fournis à son sujet, un autre traitement gynécologique serait indiqué dans son cas. Il semble que les problèmes de santé dont elle souffre n’ont pas été exposés en détail lors de l’examen des risques. Il ressort néanmoins des notes consignées au dossier de la demanderesse en avril 2007 qu’on lui a demandé de soumettre des preuves de son état de santé en vue d’un examen plus approfondi de son cas. Elle a attendu au 10 mai 2007 pour donner suite à cette demande de renseignements. Au soutien de la requête qu’elle a déposée le soir du 16 mai, elle a produit plus de 150 pages d’éléments de preuve dont une grande partie porte sur la situation, en Chine, des femmes qui contreviennent aux politiques de l’État en matière de reproduction. La demanderesse affirme qu’elle risque d’être persécutée pour s’être fait retirer son DIU au Canada pour des raisons d’ordre médical malgré le fait qu’elle s’est mariée au Canada et qu’elle souhaite fonder une famille ici.

 

[5]               Le défendeur s’est énergiquement opposé à la requête au motif qu’elle était tardive et qu’elle devrait être rejetée parce qu’il n’est pas en mesure de répondre aux éléments de preuve soumis par la demanderesse. L’avocat du défendeur explique en outre que les questions médicales qui sont au cœur de la présente requête étaient bien connues depuis des mois et qu’il n’y avait aucune raison valable de les brandir à la toute dernière minute. Il ajoute que la réponse des autorités chinoises à la question du retrait, au Canada, d’un DIU chez une femme de 41 ans souhaitant fonder une famille au Canada est loin d’être évidente. C’est une question au sujet de laquelle le défendeur a été privé de la possibilité de répondre au moyen d’éléments de preuve pertinents soumis à la Cour. 

 

[6]               J’ai rejeté la présente requête en raison de sa tardivité et du préjudice évident qui serait causé au défendeur si l’affaire était instruite sur le fond. La demanderesse ne devrait pas jouir d’un avantage stratégique en présentant à la dernière minute une requête en sursis. Il s’agit d’une réparation discrétionnaire extraordinaire que la Cour ne peut accorder que si elle dispose d’un solide dossier et après une mûre réflexion. C’est le type même de situation que la Cour d’appel fédérale a examiné dans l’affaire El Ouardi c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 189, 2005 CAF 42, dans laquelle le juge Marshall Rothstein a fait observer ce qui suit :

6.         Je suis enclin à penser que, dans les circonstances de l'espèce, le juge Blais avait le droit de trancher, comme question initiale, celle de savoir s'il devait recevoir la requête en sursis et qu'il n'avait pas décliné compétence en rejetant la demande pour ce motif. Dans le cas d'une demande tardive visant à obtenir un sursis, le juge des requêtes doit jouir d'une grande latitude lorsqu'il examine l'affaire. Dans les cas de demandes de sursis tardives, exiger l'examen du bien‑fondé pourrait occasionner un sursis automatique en raison de la nécessité de donner au ministre le temps de répondre ou en raison du temps requis pour que la Cour statue sur l'affaire. Par conséquent, dans les cas de demandes de sursis tardives, je doute qu'il existe pour la Cour une obligation d'examiner le bien-fondé dans tous les cas, en particulier lorsque la demande est très tardive, comme en l'espèce. Le juge des requêtes devrait certes examiner la raison de la présentation tardive de la demande. En cas d'implication du ministre dans les circonstances ayant occasionné le retard, la décision pourrait alors être différente de celle où le demandeur en est responsable.

7.         En l'espèce, dans les faits, la demande de sursis aurait pu être présentée le 7 janvier 2005, ou peu après cette date, lorsque l'appelante a été avisée de la date fixée pour son renvoi. Dans ces circonstances, j'ai tendance à penser que le juge Blais a correctement exercé son pouvoir discrétionnaire de ne pas recevoir la requête en sursis très tardive, qu'il avait la compétence pour ce faire, même s'il n'a peut-être pas examiné le bien-fondé de la demande et que l'affaire ne peut pas être portée en appel devant la présente Cour. Toutefois, le seuil à franchir pour qu'il y ait une question sérieuse est bas et je ne pense pas qu'il serait approprié pour moi, qui suis saisi d'une requête visant à obtenir un sursis en attendant qu'il soit statué sur l'appel, de rendre une décision définitive sur ce point.

 

 

[7]               En l’espèce, le défendeur n’est aucunement responsable du retard qu’accuse la présente requête. La demanderesse était parfaitement au courant de la probabilité d’être renvoyée dès le début de mars. Elle n’a pas donné suite aux demandes de renseignements médicaux que lui avait adressées le défendeur et je ne trouve pas convaincante son explication au sujet de la modestie. 

 

[8]               J’ai par conséquent rejeté la requête présentée par la demanderesse en vue d’obtenir le sursis de son expulsion.

 

 

 

« R. L. Barnes »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-1986-07

 

INTITULÉ :                                                   PING SHI

                                                                        c.

                                                                        MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 16 MAI 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE BARNES

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 18 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Clifford Luyt

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jamie Todd

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Clifford Luyt

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims c.r.

Sous-procureur général du Canada

Toronto (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

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