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Date : 20070524

Dossier : IMM-5794-06

Référence : 2007 CF 547

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2007

En présence de Monsieur le juge Harrington

 

ENTRE :

CESAR-AUGUSTO FAJARDO

Demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L'IMMIGRATION

 

Défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Monsieur Cesar-Augusto Fajardo s’est vu accordé le statut de réfugié au Canada alors qu’il était toujours en sol guatémaltèque, sa terre natale. Conséquemment, à l’âgé de 25 ans, il arrivait au pays en 1989.

 

[2]               Dix ans après son arrivée au Canada, M. Fajardo était déclaré coupable de voies de faits contre sa conjointe. Il écopait alors de deux condamnations criminelles punissables d’un emprisonnement maximum égal ou supérieur à cinq ans. En vertu de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, c. I-5 (la Loi) qui trouve application en l’instance, la Commission de l’immigration et du statut de réfugié déclarait, en date du 10 février 2000, que M. Fajardo était désormais inadmissible au pays, et qu’en conséquence, il devait être expulsé du Canada conformément au paragraphe 32(2) de la Loi. Toutefois, le demandeur a décidé d’en appeler de cette décision qui ordonnait qu’une mesure de renvoi soit entreprise contre lui. En réponse à cette demande, une décision était rendue en date du 9 mai 2001 et qui lui accordait un sursis d’exécution de la mesure de renvoi pour une période de cinq ans. Ce sursis était accompagné de plusieurs conditions que le demandeur s’était personnellement engagé à respecter au moment du prononcé de cette décision.

 

[3]               En novembre 2002, au moment de la révision du sursis, la Section d’appel de l’immigration (SAI) a décidé de le maintenir aux mêmes conditions que celles qui avaient été données lors de son octroi, et ce, sur consentement mutuel des parties. Enfin, c’est l’année dernière que s’est tenue la révision finale du sursis d’exécution dans le présent dossier.

 

[4]               Considérant que M. Fajardo n’avait pas su respecter les conditions qui l’obligeaient et considérant qu’il n’avait pas su démontrer lors de l’audition, sur la base de la balance des probabilités et suivant les circonstances du présent dossier, les raisons pour lesquelles il ne devrait pas être renvoyé du Canada, la SAI a conclu que la mesure de renvoi était valide en droit, donc désormais effective. En conséquence, elle annulait le sursis et rejetait l’appel.

 

[5]               Il s’agit en l’instance de la révision judiciaire de cette décision.

 


ANALYSE

[6]               D’entrée de jeu, il est pertinent de mentionner que dans un effort d’aide à la cause de M. Fajardo, lui-même et sa conjointe ont soumis à cette Cour des affidavits supplémentaires qui ne se trouvaient pas devant la SAI lorsqu’elle a décidé comme elle l’a fait en septembre 2006. Sans surprise, le Ministre s’est opposé à ce que ces éléments de preuve soient pris en compte par cette Cour et a alors soutenu que, dans l’éventualité où les affidavits en question le seraient, il déposerait à son tour des nouveaux éléments de preuve qui devraient tout autant mériter l’attention de cette Cour.

 

[7]               En réponse à ces représentations à l’audience, j’ai déclaré qu’il n’y avait aucune raison de déroger à la règle générale voulant qu’une demande de contrôle judiciaire s’intéresse uniquement aux éléments de preuve qui étaient devant le tribunal en cause au moment où il a rendu sa décision. Bien entendu, des exceptions peuvent trouver application dans certaines circonstances, mais il serait faux de prétendre que le présent dossier fait état de pareilles circonstances.

 

[8]               En l’instance, deux des conditions auxquelles M. Fajardo devait se plier pour maintenir le sursis auquel il avait droit et en vertu desquelles la décision de la SAI trouve assise nécessitent une attention particulière. La première est celle relative à l’emploi du demandeur. M. Fajardo devait faire des efforts raisonnables pour obtenir et conserver un emploi à temps plein au pays. La deuxième s’intéresse au passé criminel du demandeur. M. Fajardo devait suivre ou poursuivre une psychothérapie ou une procédure de counseling pour homme violent.

 

[9]               Le 9 mai 2001, le membre audiencier concluait sur le banc :

[(…)] Vous allez vous présenter devant moi. Je vous regarde dans les yeux, puis je vous dis que je vais me souvenir, j’ai pris bonne note de tout ce qui s’est passé dans ce dossier-là, je vais réviser mes notes, puis croyez-moi que si je vois que vous avez fait aucun effort pour remédier à votre problème de violence, puis… et vous avez pas suivi des conditions, croyez-moi que vous allez avoir une grosse côte à remonter pour me convaincre que vous devriez rester au Canada. Alors j’espère que vous prenez ça sérieusement et… [(…)]

 

[10]           Depuis 2001, M. Fajardo a fait très peu d’efforts, pour ne pas dire aucun, pour se trouver un emploi. Toutefois, il est depuis père de plusieurs enfants issus de conjointes différentes et il allègue aujourd’hui prendre soin de quelques uns d’entre eux. En dépit de ce fait, la SAI revient à la lettre du prononcé de la condition et est d’avis que M. Fajardo avait l’obligation de faire des efforts raisonnables pour obtenir et conserver un emploi à temps plein. Ce qu’il n’a pas fait.

 

[11]           Ici, je dois mentionner que je trouve inquiétante la position de la SAI sur cet aspect du dossier puisqu’il semble qu’elle omette de prendre en compte le travail à la maison d’un parent qui s’affaire à veiller aux multiples besoins que nécessite la vie d’un enfant. J’ai bien peur qu’une telle conception de l’organisation de la famille par la SAI, qui s’infère de l’interprétation stricte qu’elle donne à cette condition, soit qu’un père se doit d’occuper un emploi à l’extérieur du foyer, traduise une forme de stéréotype quant au genre et qu’elle encourage par le fait même une perception sociale négative quant à l’assistance donnée aux enfants, une assistance pourtant si naturelle et essentielle pour assurer le solide développement des Canadiens durant l’enfance.

 

[12]           De plus, la SAI a conclu que M. Fajardo n’avait pas fait d’efforts raisonnables pour trouver une garderie. Faut-il en inférer que les parents ne sont pas autorisés à prendre soin eux-mêmes de leurs propres enfants au pays? Bien que cela puisse être le cas, je ne le souhaite pas. Je suis plutôt d’avis qu’un parent qui désire subvenir lui-même aux besoins de ses propres enfants est en droit de le faire.

 

[13]           Heureusement, une lecture attentive du dossier du tribunal remet les choses en perspective. En bref, M. Fajardo est bénéficiaire de l’aide sociale, il n’habite pas avec sa conjointe du moment, il consacre ses fins de semaine aux sports et il n’a fait aucun effort quant à la recherche d’un emploi.

 

[14]           Ceci dit, il serait malvenu que j’examine ici cet aspect du dossier vu le cadre limité de ma compétence.

 

[15]           Il est bien établi en jurisprudence que les décisions basées sur des questions de fait et des questions ayant trait à la détermination de la prépondérance de la preuve par la SAI devraient être maintenues à moins qu’elles ne soient manifestement déraisonnables. À tout événement, la Cour ne devrait pas intervenir dans de telles décisions, et cela, sans égard au fait qu’elle serait arrivée à une conclusion différente de celle du tribunal si elle avait été saisie de l’affaire en premier lieu : Grewal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CF 960 et Vong c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1317.

 

[16]           En l’instance, le point névralgique est celui relatif à la deuxième condition mentionnée plus haut. Il met en lumière le fait que M. Fajardo n’a suivi ou n’a poursuivi aucune psychothérapie ou aucune procédure de counseling pour homme violent. En fait, il est d’avis qu’il n’en a pas besoin. Dans les circonstances, ce n’est pas à lui d’en juger, et tel qu’il appert des échos des cours ayant condamné M. Fajardo au criminel, il en est autrement. De surcroît, il s’agit-là d’une condition qu’il s’était personnellement engagé à respecter lorsque le sursis a été ordonné.

 

[17]           Compte tenu des circonstances en l’espèce, la décision de la SAI n’est en aucun temps manifestement déraisonnable.

 

[18]           À ce jour, M. Fajardo a la possibilité de faire une demande d’examen des risques avant renvoi, et bien entendu, sa conjointe peut toujours introduire une demande de parrainage le mettant en cause.

 

[19]           En foi des motifs énoncés en l’instance, la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Il n’y a aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la présente demande de contrôle judiciaire soit rejetée. Aucune question grave de portée générale à certifier.

 

 

 

« Sean Harrington »

 

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5794-06

 

INTITULÉ :                                       CESAR-AUGUST FAJARDO c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 9 mai 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE HARRINGTON

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 24 mai 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Jean Baillargeon

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Isabelle Brochu

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Jean Baillargeon

Avocat

Sillery (Québec)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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