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Date : 20070524

Dossier : IMM‑5599‑06

Référence : 2007 CF 546

Ottawa (Ontario), le 24 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MARTINEAU

 

ENTRE :

SOLOMON DAVID,

AMALIA DAVID

et BRAYAN CARLO DAVID,

un enfant représenté par son tuteur à l’instance, SOLOMON DAVID

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire qui vise la décision datée du 3 août 2006 par laquelle M. Denis Crepault, Premier secrétaire (Immigration) de l’ambassade du Canada aux Philippines (le Premier secrétaire), a rejeté une demande de résidence permanente fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

 

[2]               Le demandeur principal, M. Solomon David, un citoyen des Philippines, est arrivé au Canada en 1992 et a obtenu le statut de résident permanent le 7 novembre 1992. Au moment d’obtenir le droit d’établissement, il a déclaré être célibataire et n’avoir aucune personne à charge. Il n’a rien dit de son épouse, Amalia, et de son fils, Brayan Karlo (Karlo), qui étaient restés aux Philippines. Dans les notes relatives à ce dossier qui ont été versées dans le Système de traitement informatisé des dossiers d’immigration (STIDI), le Premier secrétaire mentionne que M. David a immigré en tant que personne à charge de ses parents.

 

[3]               Neuf ans plus tard, en février 2001, M. David a présenté une demande en vertu de la Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I‑2 (l’ancienne loi), afin de parrainer son épouse, Karlo et un deuxième fils né en 1995, Jake, à titre de parents (la première demande). M. David a été interrogé sur sa fausse déclaration par les agents du défendeur à Edmonton, en novembre 2001. Il a expliqué que son mariage avait été tenu secret, mais qu’il avait épousé Amalia parce qu’elle était devenue enceinte et, bien qu’il ait voulu agir de façon honorable envers elle, il ne voulait pas non plus nuire à la demande de sa famille qui souhaitait s’installer au Canada. Après l’entrevue, on lui a appris qu’il ne serait pas expulsé pour fausse déclaration.

 

[4]               La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), est entrée en vigueur en juin 2002, avec des dispositions réglementaires modifiant l’état du droit quant à la définition des parents. Aussi, la demande de M. David a été rejetée le 7 juillet 2003 parce que, suivant l’alinéa 117(9)d) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (le Règlement), Mme David et Karlo n’appartenaient pas à la catégorie du regroupement familial étant donné qu’ils n’avaient pas fait l’objet d’un contrôle à l’époque où la demande de M. David avait été faite. Jake n’était pas mentionné dans la décision.

[5]                M. David a interjeté appel de la décision à la Section d’appel de l’immigration, mais il a retiré son appel en juin 2005, après que la Cour fédérale eut rendu sa décision dans De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2004] A.C.F. no 1557, 2004 CF 1276, car il n’avait pas invoqué de motifs d’ordre humanitaire dans sa première demande. La Cour d’appel fédérale a, par la suite, rejeté l’appel dans De Guzman et confirmé la légalité de l’alinéa 117(9)d) du Règlement : De Guzman, [2005] A.C.F. no 2119, 2005 CAF 436.

 

[6]               M. David a déposé une deuxième demande de parrainage en septembre 2005 visant son épouse, Karlo, Jake et un troisième fils, Kristofer, né en 2003. Il a alors demandé, dans ses observations, que des motifs d’ordre humanitaire soient pris en considération dans les cas de Mme David et de Karlo et qu’ils soient exclus de l’application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

 

[7]               M. David a été informé par deux lettres datées du 13 juin 2006 qu’il avait satisfait aux conditions d’admissibilité en tant que répondant pour Jake et Kristofer. Je constate que les demandes de résidence permanente des deux enfants n’ont été officiellement approuvées qu’à une date ultérieure, après la décision du Premier secrétaire, comme l’explique l’affidavit supplémentaire de M. David (le défendeur s’est opposé à la production de cet affidavit). Les demandes relatives à Mme David et à Karlo ont été transmises à l’ambassade du Canada à Manille. Mme David et ses trois fils se sont présentés à une entrevue à l’ambassade le 18 juillet 2006. Leur demande a été rejetée le 3 août 2006.

 

[8]               Dans la lettre informant Mme David de sa décision négative, le Premier secrétaire écrit :

[traduction] Vous avez épousé votre répondant le 5 mars 1992. Vous avez un fils, Brayan Karlo, qui est né le 3 septembre 1992. Le certificat de naissance de Brayan Karlo indique que vous et votre répondant êtes ses parents. Votre répondant a obtenu le droit d’établissement au Canada le 7 novembre 1992. Il n’existe aucune mention de votre existence et de celle de votre fils ni du contrôle dont vous auriez fait l’objet relativement à la demande de résidence permanente de votre répondant. Lorsque ce dernier s’est présenté pour obtenir le droit d’établissement au Canada, il n’a pas non plus déclaré que vous et votre fils étiez à sa charge. Compte tenu de l’information dont je dispose, je conclus que vous n’appartenez pas à la catégorie du regroupement familial suivant l’alinéa 117(9)d) du Règlement.

 

J’ai aussi pris en considération les motifs d’ordre humanitaire que vous invoquez. J’ai toutefois déterminé que ces motifs ne justifiaient pas que vous soit octroyé, à vous et à votre fils, le statut de résident permanent ou que soit levé à votre égard tout ou partie des critères et obligations applicables.

 

Aux termes du paragraphe 11(1) de la Loi, l’étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à un agent les visa et autres documents requis par règlement. Les visa ou autres documents seront délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la Loi. Pour les motifs exposés ci‑dessus, je ne suis pas convaincu que vous n’êtes pas interdite de territoire et que vous vous conformez à la Loi. Je rejette donc votre demande.

 

 

[9]               Il est utile, pour analyser la présente demande sur le fond, d’examiner certains des principes régissant les demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire qui sont présentées de l’extérieur du Canada. Premièrement, un étranger doit, préalablement à son entrée au Canada, demander à un agent les visa ou autres documents requis par le Règlement (paragraphe 11(1) de la Loi). Ces visa et autres documents sont délivrés sur preuve, à la suite d’un contrôle, que l’étranger n’est pas interdit de territoire et se conforme à la Loi. Cela étant dit, un citoyen ou un résident permanent du Canada peut parrainer, aux fins de son admission au Canada, un époux ou un enfant qui est étranger mais qui appartient à la catégorie du regroupement familial (paragraphes 12(1) et 13(1) de la Loi). Toutefois, depuis juin 2002, l’alinéa 117(9)d) du Règlement prévoit que l’étranger qui, à l’époque où la demande de résidence permanente du répondant a été faite, était un membre de la famille du répondant n’accompagnant pas ce dernier et n’a pas fait l’objet d’un contrôle est exclu de la catégorie de regroupement familial.

 

[10]           L’exclusion mentionnée à l’alinéa 117(9)d) du Règlement est très stricte, mais elle n’empêche pas un répondant d’invoquer des motifs d’ordre humanitaire. De fait, la raison même pour laquelle la Cour d’appel a statué dans De Guzman que cette disposition est conforme aux instruments internationaux dont le Canada est signataire, c’est que l’article 25 de la Loi permet que celle‑ci soit appliquée de manière compatible avec le droit international (De Guzman, paragraphes 102 à 109).

 

[11]           Le paragraphe 25(1) de la Loi permet au ministre d’octroyer le statut de résident permanent ou de lever tout ou partie des critères et obligations applicables s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire – compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché – ou l’intérêt public le justifient. Cette décision est de nature discrétionnaire et, en l’espèce, ce pouvoir discrétionnaire avait été délégué au Premier secrétaire à Manille.

 

[12]           Le paragraphe 3(1) de la Convention relative aux droits de l’enfant (CDE) prévoit que l’intérêt supérieur de l’enfant doit être « une considération primordiale » dans toutes les décisions qui concernent les enfants, mais ce principe peut être subordonné à d’autres intérêts dans des contextes appropriés. De plus, il y a consensus sur le fait qu’un agent d’immigration ne peut démontrer qu’il a été « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt supérieur d’un enfant touché en disant simplement dans ses motifs qu’il a pris en compte l’intérêt de cet enfant. Dans la détermination de l’intérêt supérieur de l’enfant, les décideurs doivent prendre en considération les opinions de l’enfant, eu égard à son âge et à son degré de maturité (voir Hawthorne c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 1687, 2002 CAF 475, au paragraphe 32). Afin d’assurer que les désirs de l’enfant soient dûment pris en compte, l’article 12 de la CDE prévoit qu’on doit donner à l’enfant la possibilité d’être entendu, soit directement, soit indirectement, dans toute procédure administrative ayant une incidence sur ses droits et sur ses intérêts. En outre, selon l’article 10 de la CDE, « toute demande faite par un enfant ou ses parents en vue d’entrer dans un État partie ou de le quitter aux fins de réunification familiale est considérée par les États parties dans un esprit positif, avec humanité et diligence ».

 

[13]           En parvenant à leur décision, les représentants du ministre doivent également tenir compte des principes mentionnés au chapitre 4 du guide sur le traitement des demandes à l’étranger (OP), publié par le ministre, qui a trait aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire présentées de l’extérieur du Canada. Bien que ces lignes directrices n’aient pas force de loi et, de ce fait, ne lient pas le ministre et ses représentants, elles sont mises à la disposition du public et se révèlent donc très utiles pour la Cour (Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, au paragraphe 20; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au paragraphe 72).

 

[14]           Dans Baker, la Cour suprême a déterminé que la norme de contrôle qui s’applique aux décisions fondée sur des motifs d’ordre humanitaire est celle de la décision raisonnable simpliciter. Même si cet arrêt concernait une demande d’établissement présentée de l’intérieur du Canada, la même norme s’applique aux demandes fondées sur des motifs d’ordre humanitaire présentées de l’étranger (Nalbandian c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1128, au paragraphe 12). Dans Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam Inc., [1997] 1 R.C.S. 748, la Cour suprême a expliqué au paragraphe 56 : « Est déraisonnable la décision qui, dans l’ensemble, n’est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé ». Cependant, lorsque l’équité procédurale est mise en doute, notamment en raison des motifs insuffisants donnés par le décideur, il n’est pas nécessaire d’utiliser l’approche pragmatique et fonctionnelle (Syndicat canadien de la fonction publique (S.C.F.P.) c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539).

 

[15]           Même si elle est de nature discrétionnaire, la décision fondée sur des motifs d’ordre humanitaire doit être étayée par des motifs suffisants qui permettent au demandeur de savoir pourquoi sa demande a été rejetée (Baker, au paragraphe 43; Li c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1109, aux paragraphes 23 et 24).

 

[16]           Dans Li, précitée, le juge Michel Shore a examiné, aux paragraphes 27 et 28, les motifs de l’agent des visas qui avait déterminé que le demandeur était exclu de la catégorie du regroupement familial et qu’il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant que le statut de résident permanent soit octroyé au demandeur :

Les motifs exposés par l’agente des visas dans ses notes STIDI sont insuffisants, parce qu’ils ne renferment pas de conclusions de fait au sujet de la preuve soumise par M. Li. D’ailleurs, les notes STIDI ne mentionnent pas les rapports de M. Li avec son père, les besoins de M. Li et les raisons pour lesquelles il voulait être avec son père, la vie que M. Li pouvait s’attendre à vivre au Canada, ses rapports avec sa sœur (qui se trouve maintenant au Canada) et le fait que le père aide financièrement M. Li.

 

Dans sa décision, l’agente des visas n’effleure même pas la question de la complexité de l’interaction entre l’alinéa 117(9)d) du Règlement et le paragraphe 25(1) de la LIPR. Sa décision ne permet pas de penser qu’elle a analysé les facteurs qui militaient en faveur et à l’encontre de l’octroi d’une dispense de l’application de l’alinéa 117(9)d) du Règlement et, partant, qu’elle a pondéré les facteurs applicables pour déterminer si, eu égard à la situation particulière de M. Li, il existait des raisons d’ordre humanitaire justifiant d’écarter l’application de l’alinéa 117(9)d).

 

 

[17]           En l’espèce, le Premier secrétaire n’a absolument pas motivé sa décision de rejeter la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de Mme David et de Karlo dans sa lettre de refus. Il a simplement écrit qu’il avait déterminé qu’il n’existait pas de motifs d’ordre humanitaire justifiant que leur soit octroyé le statut de résident permanent ou que soit levé tout ou partie des critères et obligations applicables. Il est donc nécessaire de nous attarder aux notes versées dans le STIDI pour examiner l’analyse effectuée par le Premier secrétaire. Un fait ou un document postérieur à la décision n’est pas en soi un élément de preuve recevable pour évaluer le caractère raisonnable ou déraisonnable de la décision contestée.

 

[18]      Les notes révèlent qu’après son entrevue avec Mme David et Karlo, l’agent a rédigé les notes qui suivent, avant de les transmettre au Premier secrétaire pour examen :

[traduction]

Dossier examiné.

Je ne suis pas convaincu qu’il existe des motifs d’ordre humanitaire dans cette demande.

Le répondant n’a pas donné de bonnes raisons pour expliquer pourquoi il n’a pas déclaré son épouse et son fils, Brayan Karlo, dans sa demande de résidence permanente et lorsqu’il a obtenu le droit d’établissement au Canada en 1992. Le répondant n’a présenté sa demande de parrainage qu’en avril 2001. La première demande a été rejetée. Le répondant a interjeté appel de la décision, mais il a ensuite retiré son appel. Il s’agit de sa deuxième demande de parrainage concernant son épouse et son fils.

DYC – POUR EXAMEN. MERCI.

 

[19]      Après cette inscription, le Premier secrétaire a écrit :

[traduction] LE RÉPONDANT A CACHÉ L’EXISTENCE DE SON ÉPOUSE ET DE SON FILS AÎNÉ EN 1992 AFIN DE POUVOIR IMMIGRER AU CANADA EN TANT QUE PERSONNE À CHARGE DE SES PARENTS. DEUX ENFANTS NÉS APRÈS QUE LE RÉPONDANT A OBTENU LE DROIT D’ÉTABLISSEMENT AU CANADA ONT MAINTENANT FAIT L’OBJET D’UN PARRAINAGE SÉPARÉMENT ET CONCURREMMENT À LA PRÉSENTE DEMANDE. J’AI EXAMINÉ CETTE DEMANDE. QUATRE MEMBRES DE CETTE FAMILLE VIVENT EN CE MOMENT AUX PHILIPPINES. SEUL LE RÉPONDANT SE TROUVE AU CANADA. IL RENDAIT VISITE À SON ÉPOUSE ET À SES ENFANTS AUX PHILIPPINES, MAIS IL A QUAND MÊME ATTENDU 9 ANS AVANT DE PRÉSENTER SA PREMIÈRE DEMANDE DE PARRAINAGE. LES ENFANTS ONT GRANDI SANS LA PRÉSENCE DE LEUR PÈRE. CELA FAIT MAINTENANT 14 ANS QU’ILS SONT SÉPARÉS DE LUI. LE RÉPONDANT A MAINTENANT LA POSSIBILITÉ DE REVENIR VIVRE AVEC SA FAMILLE AUX PHILIPPINES. LA DEMANDE RELATIVE À SES DEUX ENFANTS LES PLUS JEUNES SERA TRAITÉE, MAIS IL REVIENT AU RÉPONDANT DE DÉCIDER S’IL VEUT DIVISER ENCORE DAVANTAGE SA FAMILLE ET ENLEVER SES DEUX ENFANTS LES PLUS JEUNES À LEUR MÈRE QUI SE TROUVE AUX PHILIPPINES. J’AI DÉTERMINÉ QU’AUCUN MOTIF D’ORDRE HUMANITAIRE NE JUSTIFIE D’OCTROYER LA RÉSIDENCE PERMANENTE À L’ÉPOUSE OU DE LEVER TOUT OU PARTIE DES CRITÈRES ET OBLIGATIONS APPLICABLES. LA DEMANDE EST REJETÉE.

 

[20]      En l’espèce, comme dans Li, précitée, le Premier secrétaire n’a tiré aucune conclusion de fait à l’égard de la preuve fournie par les demandeurs, notamment la relation entre le répondant, son épouse et son fils, le fait que le répondant soutient financièrement sa famille, la fréquence de leurs contacts ainsi que les lettres présentées par divers membres de la famille et d’autres personnes à l’appui de la demande. Il est clair dans la présente affaire que le Premier secrétaire n’a pas examiné séparément la demande de Karlo et, ainsi, qu’il ne s’est pas penché sur l’intérêt supérieur de l’enfant du répondant. Il s’est borné à affirmer que la demande des deux fils les plus jeunes serait acceptée [traduction] « mais il revient au répondant de décider s’il veut diviser encore davantage sa famille et enlever ses deux enfants les plus jeunes à leur mère qui se trouve aux Philippines ». Or, ces deux enfants ne sont pas ceux qui invoquent des motifs d’ordre humanitaire, et on ne tient pas dûment compte du fait que, selon la preuve versée au dossier, le garçon de 14 ans (Karlo) a peut-être un urgent besoin de son père (qui occupe un emploi permanent au Canada et est aussi un citoyen canadien).

 

[21]      En l’espèce, le défendeur ne nie pas que le degré de dépendance, la stabilité de la relation et sa durée, les répercussions d’une séparation, les besoins financiers et affectifs du demandeur par rapport à l’unité familiale, la capacité et la volonté de la famille au Canada de fournir un soutien, les autres options offertes au demandeur, comme le fait que la famille (épouse, enfants, parents, frères, sœurs, etc.) à l’extérieur du Canada est en mesure de le soutenir et est prête à le faire, sont tous des facteurs pertinents que l’agent des visas peut prendre en considération pour savoir si des motifs d’ordre humanitaire justifient de laisser entrer au Canada une personne qui n’appartient pas à la catégorie du regroupement familial.

 

[22]      Cela étant dit, le défendeur cite largement Legault, précitée, où la Cour d’appel a statué que le ministre pouvait, en vertu du paragraphe 114(2) de l’ancienne Loi, exercer son pouvoir discrétionnaire en faveur du demandeur lorsque des raisons d’ordre humanitaire le justifiaient, mais qu’il pouvait aussi refuser une demande quand il était d’avis que l’intérêt public l’emportait sur les raisons d’ordre humanitaire. C’est le cas s’il estime, par exemple, que les circonstances de l’entrée ou du séjour illégaux au Canada du demandeur le discréditent ou créent un précédent susceptible d’encourager l’entrée illégale au Canada (Legault, aux paragraphes 17 et 19). Toutefois, je conclus que ce n’est pas le cas ici puisque Mme David et Karlo ne sont pas entrés au Canada illégalement et qu’ils ont présenté leur demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire de l’extérieur du Canada.

 

[23]      En outre, malgré les fausses déclarations faites par M. David en 1992, je rappelle que les autorités de l’immigration l’ont autorisé à séjourner et à demeurer au Canada en 2001. De fait, au moment où le Premier secrétaire rendait sa décision, M. David avait été autorisé à parrainer ses deux enfants les plus jeunes. On ne laisse pas entendre que Mme David ou Karlo ont fait de fausses déclarations, et il faut décider en l’espèce si, eu égard à toutes les autres circonstances du dossier, ils devraient être autorisés à venir et à demeurer au Canada à titre de résidents permanents en raison de motifs d’ordre humanitaire.

 

[24]      Bien que ce ne soit pas son rôle de soupeser de nouveau la preuve, la Cour doit être convaincue que tous les éléments de preuve ont été examinés avec soin par le décideur. Cela ne semble pas être le cas en l’espèce, et les quelques indications figurant dans les notes versées dans le STIDI n’expliquent pas clairement pourquoi les considérations d’intérêt public mentionnées par le Premier secrétaire (notamment les fausses déclarations passées) devraient l’emporter sur l’objectif énoncé à l’alinéa 3(1)d) de la Loi, soit « de veiller à la réunification des familles au Canada ». Ces indications ne permettent pas non plus de savoir si le Premier secrétaire s’est demandé si les membres de la famille de fait qui étaient exclus du regroupement familial en raison de l’alinéa 117(9)d) du Règlement risquaient de subir un préjudice permanent.

 

[25]      En conclusion, je ne suis pas convaincu que le Premier secrétaire a examiné l’ensemble de la preuve et évalué tous les facteurs pertinents concernant les demandeurs. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’examiner les autres motifs de contrôle invoqués par les demandeurs en l’espèce.

 

[26]      Aucune question de portée générale n’a été soulevée par le défendeur et aucune ne sera certifiée par la Cour.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

1.      La demande est accueillie. La décision rendue le 3 août 2006 est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

2.      Aucune question n’est certifiée.

 

 

« Luc Martineau »

Juge

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Christiane Bélanger, LL.L.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM‑5599‑06

 

INTITULÉ :                                                   SOLOMON DAVID ET AL.

                                                                        c.

                                                                        LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             EDMONTON (ALBERTA)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 15 MAI 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LE JUGE MARTINEAU

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 24 MAI 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Wendy Danson

 

POUR LES DEMANDEURS

Rick Garvin

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

McCuaig Desrochers

Edmonton (Alberta)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous‑procureur général du Canada

Ottawa (Ontario)

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

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