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Date : 20070529

Dossier : IMM-5182-06

Référence : 2007 CF 554

Ottawa (Ontario), le 29 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE MAX M. TEITELBAUM

 

 

ENTRE :

CELIAFLOR GALLARDO

demanderesse

et

 

LE MINISTE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de S. Neufeld, agente d’immigration (l’agente), en date du 16 août 2006, portant qu’il n’y a aucun facteur d’ordre humanitaire justifiant que la demanderesse soit exemptée de l’obligation de présenter sa demande de résidence permanente à l’étranger.

 

[2]               Celiaflor Gallardo, la demanderesse, est entrée au Canada en 2001 en qualité de visiteur pour faire une visite à ses parents et à ses frères. Les notes jointes à la décision de l’agente précisent que les parents et quatre frères de la demanderesse vivent au Canada, que son époux et trois enfants sont restés aux Philippines, et qu’en 2003 elle a quitté son emploi dans une usine pour prendre soin de sa mère. L’agente a conclu que malgré les liens réels qui rattachent la demanderesse au Canada, celle-ci n’a pas établi que la rupture de ces liens aurait un effet négatif important qui irait jusqu’à constituer des difficultés injustifiées ou excessives.

 

[3]               L’agente a également examiné le risque auquel serait exposée la demanderesse si elle retournait aux Philippines. La demanderesse prétend qu’elle serait en danger aux Philippines parce qu’elle a vu un évêque avoir un rapport sexuel avec un enfant de choeur. Ayant déclaré que la demanderesse n’a pas fourni de renseignements permettant d’établir qu’elle avait été victime de menaces du fait d’avoir été témoin de l’acte en question, l’agente a conclu qu’il était fort peu probable que la demanderesse soit exposée à un quelconque danger si elle retournait aux Philippines.

 

[4]               La norme de contrôle applicable aux décisions d’ordre humanitaire est la décision raisonnable simpliciter (Baker c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 R.C.S. 817). Il n’appartient pas à la Cour de réexaminer la pondération des différents facteurs pris en compte dans la décision; c’est pourquoi elle ne peut annuler la décision même si sa pondération des facteurs avait été différente (Legault c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2002 CAF 125, Williams c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1474).

 

[5]               La demanderesse conteste la décision au motif que l’agente a négligé des renseignements pertinents, plus précisément une lettre du père de la demanderesse dans laquelle celui-ci mentionne que la mère de la demanderesse est gravement malade. Selon la demanderesse, le simple fait pour l’agente d’indiquer dans sa décision que sa mère a été malade en 2003 laisse croire qu’elle n’a pas tenu compte de cette lettre et, par voie de conséquence, qu’elle n’a pas pris en considération les difficultés inhabituelles qu’éprouverait la demanderesse si elle quittait le Canada alors que sa mère a des problèmes de santé.

 

[6]               Qui plus est, dans les observations qui étayent la demande pour motifs d’ordre humanitaire présentée le 17 août 2005, le conseil de la demanderesse n’a pas présenté la maladie de la mère comme étant un facteur important, se contentant d’affirmer que [traduction] « dans le passé, elle a dû prendre soin de sa mère qui était malade. Ses parents étant âgés, ils ont besoin qu’elle soit au Canada pour leur fournir ce genre d’aide à l’occasion ». (Dossier de la demanderesse, p. 74.) Compte tenu de cette observation, je ne crois pas que la lettre du père de la demanderesse soit d’une importance telle que le fait pour l’agente de ne pas en avoir fait expressément état dans ses notes signifie qu’elle a commis une erreur.

 

[7]               Il est bien établi que l’agent d’immigration n’est pas tenu de résumer toute la preuve ni de mentionner chacun des éléments de preuve (Hassan c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration (1992), 147 N.R. 317, (C.A.F.); Florea c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1993] A.C.F. no 598 (QL) (C.A.F.)); cependant, plus l’élément de preuve non expressément mentionné par l’agent est important, plus le tribunal sera disposé à inférer de ce silence que le décideur a tiré une conclusion de fait erronée (Cepeda-Gutierrez c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1998] A.C.F. no 1425 (QL)).

 

[8]               Je ne suis pas convaincu que l’agente est arrivée à une conclusion de fait erronée en l’espèce. Ses notes indiquent que la demanderesse a laissé son travail dans une usine pour prendre soin de sa mère. L’agente savait parfaitement que la mère de la demanderesse avait des problèmes de santé.

 

[9]               La demanderesse fait également valoir que l’agente n’a pas tenu compte du fait que la demanderesse compte cinq membres de sa famille immédiate à Ottawa, parce qu’elle a affirmé que [traduction] « les parents et le frère de la demanderesse résident actuellement à Ottawa ». Selon la demanderesse, si l’agente avait pris en considération que cinq membres de sa famille immédiate étaient à Ottawa, elle aurait conclu que la rupture de ses liens avec les membres de sa famille au Canada lui imposerait des difficultés inhabituelles et injustifiées.

 

[10]           Je ne puis retenir cette observation. L’agente indique clairement dans sa décision que la demanderesse a quatre frères au Canada. Que ses frères vivent à Ottawa ou à un autre endroit au Canada ne suffit pas pour que l’agente analyse différemment la question de savoir si la rupture des liens que la demanderesse a avec sa famille lui causerait des difficultés inhabituelles et injustifiées. En outre, comme l’a souligné le défendeur, la preuve au dossier quant au nombre de frères de la demanderesse qui vivent à Ottawa est contradictoire (le formulaire « Renseignements supplémentaires – Considérations d’ordre humanitaire » indique que la demanderesse a deux frères à Markham, sans toutefois préciser si elle a des frères à Ottawa, dossier de la demanderesse, page 78).

 

[11]           La demanderesse a également contesté la décision de l’agente au motif que celle-ci avait commis une erreur dans la partie de sa décision concernant l’évaluation des risques. Selon la demanderesse, la commission n’a pas appliqué la bonne norme à cette partie de son évaluation.

 

[12]           L’évaluation des risques dans le cadre d’une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire doit être faite au regard de la norme fondée sur la question de savoir si les facteurs de risques peuvent être assimilés à des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives et non au regard de la norme plus élevée que requiert l’examen des risques avant renvoi (Ramirez c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2006 CF 1404, Pinter c. Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, 2005 CF 296).

 

[13]           En déclarant [traduction] « je conclus donc que la demanderesse n’a pas établi qu’elle serait personnellement exposée à une menace à sa vie ou à la sécurité de sa personne si elle retournait aux Philippines », l’agente indique clairement qu’elle n’a pas appliqué la bonne norme. À mon avis, il ne s’agit pas d’une erreur déterminante puisque l’agente a conclu que la demanderesse n’a pas établi son exposition à un quelconque risque. Je conclus en ce sens compte tenu de la déclaration suivante de l’agente : [traduction] « La demanderesse n’a fourni aucun renseignement permettant de conclure qu’elle aurait été victime de quelque menace que ce soit en raison de l’acte dont elle a été témoin, ni même que l’évêque aurait fait l’objet d’accusations criminelles … ».


 

[14]           La demanderesse allègue que la décision de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié fait état de plusieurs menaces proférées contre elle. Dans une demande invoquant des motifs d’ordre humanitaire, il incombe au demandeur de convaincre le décideur qu’il existe des difficultés inhabituelles, injustifiées et excessives à obtenir un visa de résident permanent à l’étranger. La demanderesse n’a fourni aucun élément de preuve dans sa demande invoquant des motifs d’ordre humanitaire qui permettrait d’établir qu’elle est exposée à un risque aux Philippines. C’est pourquoi la conclusion de l’agente portant que la demanderesse n’est pas exposée à un risque n’était pas déraisonnable.

 

 


 

JUGEMENT

 

            La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été proposée à des fins de certification.

 

 

 

« Max M. Teitelbaum »

Juge suppléant

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Linda Brisebois, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5182-06

 

INTITULÉ :                                       CELIAFLOR GALLARDO c. M.C.I.

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 OTTAWA (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 23 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT :            LE JUGE SUPPLÉANT TEITELBAUM

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 29 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTION :

 

Russell Kaplan

 

POUR LA DEMANDERESSE

Jennifer Francis

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Russel Kaplan

Avocat

240, rue Catherine, bureau 300

Ottawa (Ontario)  K2P 2G8

 

POUR LA DEMANDERESSE

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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