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Date : 20070528

Dossier : IMM-4410-06

Référence : 2007 CF 555

Toronto (Ontario), le 28 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

PRITESH BHARATKUMAR CHOKSI

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

  défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La demande de résidence permanente de Pritesh Bharatkumar Choksi dans la catégorie des travailleurs qualifiés a été rejetée par l’agent des visas qui a jugé qu’il ne possédait pas l’expérience de travail nécessaire.

 

[2]               Monsieur Choksi sollicite le contrôle judiciaire de la décision de l’agent, affirmant que les motifs qu’il a donnés pour rejeter sa demande étaient inadéquats. Il soutient que l’agent a de plus commis une erreur en concluant qu’il ne possédait pas l’expérience nécessaire, compte tenu de la preuve substantielle soumise en rapport avec son expérience en conception Web. Enfin, il déclare que l’agent s’est trompé en n’attribuant pas de points pour les études universitaires de sa conjointe.

           

[3]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’accord pour dire que l’examen par l’agent de la demande de M. Choksi sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés était déficiente. Par conséquent, la demande sera accueillie.

 

Contexte

[4]               Au soutien de sa demande, M. Choksi a présenté à l’agent des preuves de ses études universitaires en génie électrique et du nombre significatif de cours suivis en conception Web ainsi qu’en programmation de système. De plus, il lui a fourni des détails sur son expérience de travail, y compris des lettres de référence de ses employeurs, démontrant qu’il a occupé des postes de travailleur qualifié depuis 1995.

 

[5]               Cette preuve indiquait spécifiquement que M. Choksi avait travaillé comme ingénieur en système entre 1995 et 1998, et comme concepteur Web entre 1998 et 2006. En avril 2006, il a débuté dans ses fonctions actuelles en tant qu’ingénieur principal de logiciel.

 

La décision de l’agent

[6]               En raison du moment de son dépôt, la demande de M. Choksi a été examinée tant sous le régime de la Loi sur l’immigration que sous celui de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés. Étant donné qu’il est possible de disposer de la présente affaire en se fondant sur l’examen qu’en a fait l’agent sous le régime de la LIPR, il n’est pas nécessaire de réviser les autres aspects de sa décision.

 

[7]               Dans son examen de la demande de M. Choksi sous le régime de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, l’agent a souligné que le demandeur doit démontrer qu’il possède au moins un an d’expérience dans un emploi ininterrompu à temps plein ou l’équivalent dans des emplois continus à temps partiel dans une ou plusieurs professions réservées au cours desquels il a accompli les tâches figurant dans l'énoncé principal établi pour la profession dans les descriptions de la Classification nationale des professions.

 

[8]               De plus, le demandeur doit avoir exercé une partie appréciable des fonctions principales de la profession figurant dans les descriptions de la Classification nationale des professions, ce qui inclut toutes les fonctions essentielles.

 

[9]               Une entrevue avec M. Choksi a eu lieu pour évaluer son « aptitude et vérifier son expérience à l’égard de l’emploi envisagé et aussi pour évaluer sa capacité de s’établir avec succès compte tenu de sa connaissance de l’anglais ».

           

[10]           À la suite de l’entrevue avec M. Choksi, l’agent a conclu qu’il connaissait le HTML et les CSS, de toute évidence des formats de pages Web.  Toutefois, il n’a pas été satisfait de l’explication de M. Choksi concernant son embauche comme concepteur Web, compte tenu de ses études en génie électrique.

 

[11]           De plus, les notes de l’agent font état de l’incapacité de M. Choksi de fournir un quelconque aperçu des sites Web des sociétés pour lesquelles il avait travaillé. Enfin, l’agent a constaté que       « Total Web Solution », où M. Choksi soutient avoir travaillé en tant que concepteur Web, ne semble pas posséder de site Web.

 

[12]           En conséquence, l’agent a conclu que M. Choksi ne répondait pas aux conditions d’accès à la profession et il ne lui a octroyé aucun point quant à son expérience.

 

[13]           Les dossiers de la STIDI indiquent également qu’aucun point n’a été accordé en ce qui a trait à l’éducation de la conjointe de M. Choksi malgré le fait que, de toute évidence, elle détienne un diplôme universitaire.

 

Norme de contrôle

[14]           La jurisprudence de notre Cour reconnaît que l’examen d’une demande de résidence permanente en vertu de la catégorie des travailleurs qualifiés (fédéral) suppose l’exercice d’un pouvoir discrétionnaire qui devrait faire l’objet d’un niveau élevé de retenue. Dans la mesure où un tel examen est effectué de bonne foi, dans le respect des règles de justice naturelle, sans que l'on se fonde sur des considérations inappropriées ou étrangères, la décision est révisable selon la norme de la décision manifestement déraisonnable : voir, par exemple, Kniazeva c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2006), 288 F.T.R. 282, 2006 CF 268, Postolati c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 345, 2003 CFPI 251; Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2003] A.C.F. no 441, 2003 CFPI 312; Nehme c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (2004), 245 F.T.R. 139, 2004 CF 64; Bellido c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 572, 2005 CF 452.

 

Analyse

[15]           L’examen de la demande de M. Choksi par l’agent me pose un certain nombre de problèmes. 

 

[16]           Premièrement, il semble que les sociétés pour lesquelles M. Choksi a travaillé soient des compagnies spécialisées en consultation qui fournissent des services de conception Web à des tierces parties. Rien au dossier ne laisse supposer que M. Choksi ait participé à la conception du site Web de son employeur, et je ne vois pas non plus pourquoi M. Choksi aurait dû sentir le besoin de se familiariser à l’avance avec le contenu et le format de ce site Web en prévision de l’entrevue. 

 

[17]           La question pertinente consistait sûrement à déterminer si M. Choksi connaissait les sites Web qu’il affirmait avoir effectivement réalisés. À cet égard, l’agent a reçu de nombreuses adresses de sites Web pour lesquels M. Choksi dit avoir travaillé et l’agent aurait pu très facilement déterminer s’il pouvait afficher un niveau de familiarité pour ces sites équivalent à celui dont on aurait pu s’attendre de quelqu’un ayant participé étroitement à leur création.

 

[18]           En second lieu, bien que l’agent était préoccupé, à juste titre, par le fait que « Total Web Solutions », une société pour laquelle M. Choksi dit avoir travaillé en tant que concepteur Web, ne semblait pas posséder elle-même de site Web, il n’a tiré aucune conclusion précise quant à l’authenticité de l’expérience de travail de M. Choksi auprès de cette société, si bien que nous ne pouvons que spéculer sur son acceptation ou son rejet de cette expérience de travail.

 

[19]           Enfin, M. Choksi a présenté à l’agent un nombre considérable de documents à l’appui de ses prétentions concernant sa  formation et son expérience étendues en conception Web.  L’agent n’a fait aucune mention de cette documentation. Alors qu’il est présumé avoir pris en considération toute la preuve documentaire soumise, cet élément de la preuve entre directement en contradiction avec ses conclusions et elle aurait dû, en conséquence, être spécifiquement abordée : Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1998] A.C.F. no 1425, 157 F.T.R. 35, aux par. 14 à 17.

 

[20]           Je ne suis pas non plus d’accord avec le ministre pour rejeter la demande au motif qu’il serait futile de renvoyer l’affaire pour réexamen. Selon le ministre, même si M. Choksi avait récolté la totalité des points pour l’expérience, il se serait quand même trouvé à court du total requis pour un visa et, en conséquence, il n’y aurait rien à gagner à renvoyer l’affaire pour réexamen.

 

[21]           Ceci est dû, comme il appert du dossier, au fait que la conjointe de M. Choksi n’a pas reçu de point pour ses études alors qu’elle aurait dû en recevoir, compte tenu qu’elle soutient détenir un diplôme universitaire, ou alors l’agent aurait dû fournir une explication pour ne pas lui en attribuer.

 

[22]           Si l’on prend ensemble en considération la question de l’expérience de travail de M. Choksi et celle des études de sa conjointe, il n’est pas certain que la demande du couple serait rejetée.

 

Conclusion

[23]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie.

 

Certification

[24]           Aucune partie n'a demandé que soit certifiée une question et je conviens que la présente affaire n'en soulève aucune.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR ORDONNE :

 

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie et l'affaire soit renvoyée pour un nouvel examen par un autre agent des visas;

 

            2.         Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L.

 

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

Traduction certifiée conforme

Jean-Jacques Goulet, LL.L.

.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4410-06

 

 

INTITULÉ :                                       PRITESH BHARATKUMAR CHOKSI c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 16 mai 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT               La juge Mactavish

ET JUGEMENT

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 28 mai 2007           

 

 

COMPARUTIONS :

 

Matthew Jeffrey                                                                        POUR LE DEMANDEUR

 

Sally Thomas                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Matthew Jeffrey

Avocat

Toronto (Ontario)                                                                     POUR LE DEMANDEUR

 

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                                           POUR LE DÉFENDEUR

 

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