Décisions de la Cour fédérale

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Date : 20070530

Dossier : 06-T-79

Référence :2007 CF 553

Ottawa (Ontario), le 30 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE LEMIEUX

 

ENTRE :

HAROLD LEIGHTON, en son propre nom

et au nom de LA BANDE INDIENNE METLAKATLA, et

GARRY REECE, en son propre nom et

au nom de la BANDE INDIENNE LAX KW’ALAAMS

 

demandeurs

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par

le PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA et par

le MINISTRE DE LA DIVERSIFICATION DE L’ÉCONOMIE DE L’OUEST,

et le MINISTRE DES TRANSPORTS, et

le MINISTRE DE L’ENVIRONNEMENT, et

l’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE PRINCE RUPERT

 

défendeurs

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

I. Introduction

[1]               Les demandeurs ont déposé, sur la base de prétentions écrites, et en application de l’article 369 des Règles des Cours fédérales (1998) (les Règles), une requête par laquelle ils sollicitent une prorogation du délai prévu par le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales (la Loi), pour le dépôt de deux demandes de contrôle judiciaire (la requête). L’une des demandes viserait à contester une décision de Transports Canada en date du 27 octobre 2005. L’autre viserait à faire réformer une évaluation environnementale datée du 22 janvier 2006.

 

[2]               La requête, qui porte la date du 27 octobre 2006, a été déposée sur les conseils du juge von Finckenstein, alors juge de la Cour fédérale, figurant dans les motifs de son ordonnance en date du 21 septembre 2006 par laquelle il rejetait la demande de contrôle judiciaire déposée par Harold Leighton et autres contre Sa Majesté la Reine du chef du Canada, le ministre des Transports et le procureur général du Canada, 2006 CF 1129, numéro du greffe T-89-06.

 

[3]               Harold Leighton, le conseiller en chef de la bande indienne Metlakatla (la bande Metlakatla), dépose cette requête en son propre nom et en tant que représentant élu de la bande Metlakatla.

 

[4]               Garry Reece, le conseiller en chef de la bande indienne Lax Kw’alaams (la bande Lax Kw’alaams), dépose cette requête en son propre nom et en tant que représentant élu de la bande Lax Kw’alaams.

 

[5]               Les bandes indiennes Metlakatla et Lax Kw’alaams sont appelées dans cette requête les Coast Tsimshian, dont le territoire traditionnel correspond à la zone côtière du nord-ouest de la Colombie-Britannique qui s’étend entre le cours inférieur de la rivière Skeena et la rivière Nass, une région connue sous le nom de Prince Rupert Harbour, qui comprend le port de Prince Rupert géré par l’Administration portuaire de Prince Rupert (l’APPR), une administration portuaire fédérale.

 

[6]               La demande de contrôle judiciaire présentée au juge von Finckenstein était une demande « concernant la décision en instance du ministre des Transports en vue d’autoriser la conversion du terminal Fairview et concernant l’obligation faite à la Couronne, dans ces circonstances, de consulter les membres des bandes indiennes et, au besoin, de trouver un accommodement quant aux effets potentiellement préjudiciables de la conversion… sur le titre et les droits ancestraux revendiqués… »

 

[7]               Le juge von Finckenstein s’est exprimé ainsi : « Je n’ai d’autre choix que de rejeter la présente demande » parce que « le défaut des demandeurs d’invoquer les arguments appropriés dans leur acte de procédure porte un coup fatal à leur demande. »

 

[8]               Il est arrivé à cette conclusion en écrivant ce qui suit, au paragraphe 27 :

« La décision en instance à laquelle réfère la présente demande, n’existe pas. Le ministre des Transports n’est pas tenu d’autoriser la conversion. À titre de ministre compétent, il dirige le processus de consultation. Si le processus porte ses fruits, il donnera lieu à une offre d’accommodement. Les Coast Tsimshian sont libres d’accepter cette offre ou de s’adresser aux tribunaux pour solliciter un contrôle judiciaire. Toutefois, il n’est pas nécessaire que le ministre des Transports prenne la décision d’autoriser le processus de conversion. Au mieux, celui-ci décidera que l’offre d’accommodement présentée par la Couronne est convenable. Cependant, la présente demande ne porte pas sur cette décision, qui, de toute manière, n’a pas encore été prise. » [Non souligné dans l’original]

 

[9]               Il écrivait ensuite : « [l]es demandeurs auraient pu se fonder, dans l’avis de demande, sur la décision rendue par Transports Canada, au nom de la Couronne, le 27 octobre 2005, portant que la consultation de la Couronne porterait seulement sur la composante maritime de la conversion du terminal. Or, ce n’est pas ce que les demandeurs ont fait; ils n’ont pas non plus présenté une requête visant à modifier leur demande afin de solliciter le contrôle judiciaire de la décision du 27 octobre 2005. » [Non souligné dans l’original]

 

[10]           Au paragraphe 31 de ses motifs, il invitait les demandeurs à présenter les requêtes en prorogation de délai dont je suis maintenant saisi :

« Néanmoins, je ferais remarquer qu’il existe d’autres possibilités de réparation pour les demandeurs. En premier lieu, ils peuvent présenter une requête en prorogation du délai de présentation de 30 jours et solliciter le contrôle de la décision du 27 octobre 2005 de n’effectuer de consultation qu’au regard de la composante maritime. Deuxièmement, ils peuvent demander le contrôle judiciaire de l’évaluation environnementale réalisée en vertu de la Loi canadienne sur l’évaluation environnementale et des accommodements proposés à ce chapitre. Troisièmement, ils peuvent poursuivre la demande de contrôle judiciaire déjà engagée à la Cour fédérale en ce qui a trait à l’annonce du 15 avril 2005 selon laquelle le gouvernement canadien accorderait un financement de 30 millions de dollars à l’Administration portuaire pour la conversion du terminal Fairview. » [Non souligné dans l’original]

 

 

II. Contexte

[11]           Cette requête concerne essentiellement le terminal Fairview (Fairview), un terminal construit dans les années 70 qui sert à l’entreposage de marchandises diverses, et l’intention de l’Administration portuaire de Prince Rupert (l’APPR) de le convertir en terminal à conteneurs (le projet). Fairview est construit sur l’île Kaien, située dans le port de Prince Rupert, lui-même partie de Prince Rupert Harbour.

 

[12]           La phase I nécessiterait le prolongement de 0,72 hectare du quai existant, dont la superficie au sol est de 21,5 hectares. Le prolongement du quai requiert d’enfoncer des pieux et de faire des travaux de dragage. La phase II, qui en est à l’étape conceptuelle, consisterait à agrandir d’une manière appréciable le port de Prince Rupert.

 

[13]           La superficie au sol du terminal Fairview peut être divisée en trois parties :

1.    la partie de la superficie au sol construite sur des terres cédées par les Coast Tsimshian (la partie terrestre), d’environ 5 hectares;

 

2.    la partie de la superficie au sol située sur un remblayage (la partie de remblayage), d’environ 17 hectares, qui se trouve au-dessous de la laisse de haute mer;

 

3.    le prolongement envisagé du quai sur l’eau (la composante maritime), d’environ 0,72 hectare, lui aussi au-dessous de la laisse de haute mer.

 

[14]           Les travaux de conversion de la phase I imposeront aussi de moderniser l’infrastructure et les installations électriques du terminal existant, d’enlever un hangar de transit et des installations de chargement en vrac, de déplacer et d’agrandir les voies de chemin de fer et d’installer trois grues à portique « super-post-panamax », qui permettraient à l’installation de desservir la plus importante génération de navires porte-conteneurs actuellement en existence.

 

[15]           La demande de contrôle judiciaire sur laquelle s’est prononcé le juge von Finckenstein a été déposée par les demandeurs le 17 janvier 2006. Cinq jours plus tard, le 22 janvier 2006, était rendu public un document d’examen environnemental préalable (DEEP). Les demandeurs n’ont pas contesté les conclusions de ce document directement par voie de contrôle judiciaire.

 

[16]           Le juge von Finckenstein avait devant lui une quantité considérable de documents, à savoir les dossiers des demandeurs et des défendeurs à propos du résultat de consultations tenues entre les parties après que les demandeurs furent informés le 30 août 2004 de la conversion projetée du terminal Fairview.

 

[17]           Il écrivait dans ses motifs que les demandeurs avaient sollicité des consultations le 30 mars 2005 à propos de la conversion du terminal Fairview. Il faisait état d’échanges de correspondance portant sur l’établissement des mécanismes de consultation. L’annexe 1 de ses motifs et de son ordonnance contient une chronologie de la correspondance relative aux consultations. En caractères gras, il indiquait le 24 octobre 2005 comme date de la première rencontre avec Transports Canada, au cours de laquelle les demandeurs ont présenté une foule d’informations concernant le titre ancestral.

 

[18]           Sa chronologie mentionne aussi que, deux jours plus tard, une lettre datée du 27 octobre 2005 fut envoyée aux demandeurs par le représentant de la Couronne dans les consultations, dans laquelle le représentant écrivait : [traduction] « le Canada considère que tous les droits, titres et intérêts des bandes sur la composante terrestre ont été cédés à titre absolu par la bande indienne de Metlakatla le 17 août 1906 et par la Première nation de Lax Kw’alaams en vertu de l’accord de règlement en date du 31 mars 2003. En conséquence, nous sommes d’avis que l’obligation légale de consultation qui incombe à la Couronne n’est pas applicable aux revendications avancées quant au titre, aux intérêts ou aux droits portant sur la composante terrestre ». La chronologie mentionne aussi en caractères gras que, le 6 décembre 2005, une deuxième réunion a eu lieu avec Transports Canada, au cours de laquelle le représentant de la Couronne a réitéré son opinion selon laquelle le Canada considérait l’ensemble de la composante terrestre comme des terres cédées, position qu’il a de nouveau affirmée le 13 décembre 2005. La procédure de contrôle judiciaire sur laquelle s’est prononcé le juge von Finckenstein fut introduite un mois plus tard. [Non souligné dans l'original]

 

[19]           Le dossier présenté par les demandeurs au juge de première instance comprenait un seul volume, dont l’affidavit principal, établi sous serment par Garry Reece, exposait en détail la preuve des droits ancestraux et du titre ancestral des demandeurs se rapportant à la conversion du terminal Fairview et à l’île Kaien, ainsi que l’historique de la correspondance échangée avec le Canada à propos des consultations. L’affidavit de Garry Reece ainsi que les nombreuses pièces y annexées totalisent 481 pages. Le dossier des défendeurs comprend trois volumes, y compris les affidavits de M. Prudhomme, de Lisa Walls, de Steve Rhodes et de Lorne Keller, pour un total de 841 pages.

 

[20]           Au paragraphe 1, intitulé Aperçu général, de leur exposé des faits et du droit en opposition à la demande de contrôle judiciaire sur laquelle s’est prononcé le juge von Finckenstein, les avocats des défendeurs écrivaient ce qui suit :

[traduction] « Cette demande de contrôle judiciaire est quelque peu saugrenue. Les demandeurs prétendent solliciter le contrôle de la décision “en instance” du ministre des Transports d’autoriser la conversion du terminal Fairview exploité par l’Administration portuaire de Prince Rupert. Les lois fédérales ne renferment aucune disposition autorisant ou obligeant le ministre des Transports à prendre une telle décision. Aucune autorisation n’est requise pour que la conversion aille de l’avant. Dans leur exposé des faits et du droit, les demandeurs n’abordent nullement cette question… mais plutôt se concentrent totalement sur la question de la tenue de consultations, en ne disant pas un mot sur le point capital de cette demande, à savoir la prétendue décision du ministre des Transports. À moins que la Cour ne juge que le ministre des Transports a outrepassé son pouvoir concernant l’autorisation de la conversion, la nature et la qualité des consultations n’ont aucune pertinence. Le procureur général du Canada dit que, puisque les demandeurs n’ont spécifié aucune décision, réelle ou envisagée, que la Cour serait maintenant priée de réformer, cette demande doit être rejetée. En outre, le procureur général du Canada dit que la question portant sur le pouvoir de prendre la décision “en instance” doit être décidée par la Cour avant que les demandeurs ne présentent l’intégralité de leurs arguments. » [Non souligné dans l’original]

 

 

[21]           Avant l’audience, le juge von Finckenstein a permis aux demandeurs de déposer des arguments sur ce point en réponse à ceux des défendeurs, les défendeurs pouvant leur opposer de nouveaux arguments.

 

III Le jugement de la Cour fédérale

 

[22]           Après avoir rappelé les faits, le juge de première instance a exposé la chronologie susmentionnée, en précisant que les parties ont échangé une correspondance lors de rencontres tenues au cours des 18 mois postérieurs au 30 mars 2005. Sa chronologie se termine le 13 décembre 2005. Il écrit que Transports Canada a joué un rôle prépondérant dans les consultations menées avec les demandeurs en août 2005.

 

[23]           Sous la rubrique « Devoir de consultation », il a fait référence à un arrêt de la Cour suprême du Canada, Nation haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), [2004] 3 R.C.S. 511, arrêt qui, selon lui, exposait « un processus en vertu duquel la Couronne a le devoir de consulter et, s’il y a lieu, de trouver un accommodement lorsque la Couronne a connaissance de l’existence possible d’un droit ou d’un titre ancestral et qu’elle envisage une mesure susceptible d’influer défavorablement sur les droits ou le titre ancestraux ». Ce devoir découle de l’honneur de la Couronne et de l’article 35 de la Charte canadienne des droits et libertés. [Non souligné dans l’original]

 

[24]           Au paragraphe 11 de ses motifs, il écrivait ce qui suit :

« La présente instance soulève la question de savoir si la Couronne a correctement évalué la revendication des Coast Tsimshian au moment où elle a engagé le processus de négociations. » [Non souligné dans l’original]

 

Après quoi, il cite le paragraphe 37 de l’arrêt Haïda, précité.

 

 

 

[25]           Ayant énoncé la norme de contrôle, il écrivait ce qui suit, au paragraphe 13 de ses motifs :

« Dans le cas présent, la question de l’existence d’un devoir de consulter ne se pose pas; la question réside plutôt dans l’appréciation des faits en vue de déterminer la solidité et l’étendue de la revendication des demandeurs. Suivant l’extrait précité de l’arrêt Nation haïda, il m’apparaît évident que la norme de contrôle applicable à la question en l’espèce, à savoir l’appréciation par la Couronne de la revendication des Coast Tsimshian, est celle de la décision raisonnable. » [Non souligné dans l’original]

 

 

[26]           Sous la rubrique intitulée « Analyse du processus de consultation », il écrivait d’abord, au paragraphe 14, qu’« il n’est pas contesté que, lors de la rencontre du 24 octobre 2005, les Coast Tsimshian ont pleinement divulgué leurs revendications et l’atteinte que la conversion du terminal porterait, à leur avis, aux droits qu’ils revendiquent. Ils ont présenté des documents, des cartes géographiques et des études historiques totalisant 378 pages. »

 

[27]           Au paragraphe 15 de ses motifs, il écrivait que la position de la Couronne sur la question des consultations a évolué au fil du temps, comme le démontrait le dossier. Il a évoqué cette évolution aux paragraphes 16, 17 et 18 de ses motifs, pour résumer ensuite la position de la Couronne, au paragraphe 19 :

« En résumé, la position de la Couronne a changé, passant de l’opinion qu’il n’existait aucune obligation de consultation avec les Coast Tsimshian à la position selon laquelle le devoir de consulter englobe tant la composante maritime que la plus grande partie de la partie terrestre. »

 

[28]           Il a alors conclu ainsi, au paragraphe 20 : « Aucune preuve n’indique que la Couronne a procédé à une évaluation préliminaire adéquate de la solidité de la preuve des Coast Tsimshian après que ces derniers eurent présenté leur revendication à la Couronne, le 24 octobre 2005. » S’agissant de la lettre de M. Prud’homme en date du 27 octobre 2005, il écrivait qu’elle « prouve que l’appréciation, par la Couronne, de la solidité de la preuve des Coast Tsimshian n’était pas fondée sur une analyse des éléments de preuve soumis par les Coast Tsimshian lors de la réunion du 24 octobre 2005 ».

 

[29]           Aux paragraphes 21 et suivants, il écrivait que la position de la Couronne selon laquelle seule la composante maritime du projet serait assujettie à des consultations était faussée et déraisonnable. Il s’est exprimé ainsi, aux paragraphes 22, 23 et 24 de ses motifs :

« L’on ne saurait qualifier autrement que de déraisonnable la position de la Couronne selon laquelle seule la composante maritime serait assujettie à des consultations. La Couronne reconnaît elle‑même, dans ses observations, que la partie de remplissage se trouve au-dessous de la laisse de haute mer et ne peut donc pas avoir été considérée comme étant comprise dans une cession ou un accord de règlement.

 

« Dès lors, les consultations auraient dû comprendre à tout le moins la composante maritime et la partie de remplissage. Autrement dit, plutôt que de porter sur une superficie de 0,72 hectare, les consultations auraient dû porter sur le total de 0,72 hectare (la composante maritime) et d’environ 17 hectares (la partie de remplissage). En adoptant une position différente et en insistant pour discuter uniquement de la composante maritime, la Couronne a engagé tout le processus de consultation et d’accommodement, essentiellement un processus de négociation, sur une base faussée.

 

« Indépendamment des consultations menées ou des accommodements offerts par la Couronne, la Cour suprême a clairement jugé, dans l’arrêt Nation haida, précité, que l’analyse doit être axée sur le processus de consultation et d’accommodement, et non seulement sur le résultat des consultations. Je ne vois pas comment la Cour pourrait trouver raisonnables la consultation menée et l’accommodement proposé, alors que le processus a été engagé suivant une conception aussi erronée et une telle minimisation de la revendication des Coast Tsimshian. L’accommodement étant, par définition, le fruit d’un processus de négociation, une évaluation raisonnable de la revendication présentée par les Coast Trimshian s’impose. » [Non souligné dans l’original]

 

[30]           Estimant qu’il conviendrait normalement d’accorder aux demandeurs la réparation qu’ils sollicitaient, il s’est exprimé ainsi, au paragraphe 25 de ses motifs :

« Étant donné cette conclusion, il conviendrait normalement d’accorder aux demandeurs la réparation qu’ils sollicitent dans les alinéas b) et d) de leur avis de demande, soit :

 

«[Traduction]

[…]Subsidiairement, une déclaration portant que le Canada a l’obligation de consulter les Coast Tsimshian et de trouver, s’il y a lieu, un accommodement concernant les effets potentiellement préjudiciables de la conversion envisagée du terminal Fairview sur le titre et les droits ancestraux des Coast Tsimshian touchant la partie de la superficie au sol existante du terminal Fairview située au‑dessous de la laisse de haute mer traditionnelle.

 

«[…]

 

«[…]une déclaration portant que le Canada a l’obligation de consulter les Coast Tsimshian et, au besoin, de trouver un accommodement concernant les effets potentiellement préjudiciables de la conversion envisagée du terminal Fairview sur le titre ancestral des Coast Tsimshian hors de la superficie au sol existante du terminal Fairview. » [Non souligné dans l’original]

 

Cependant, pour les raisons évoquées plus haut, il a estimé ne pouvoir le faire parce que les demandeurs n’avaient pas invoqué les arguments appropriés dans leur acte de procédure et que cela portait un coup fatal à leur demande. [Non souligné dans l’original]

 

[31]           Il convient de noter un point qui a son importance : ni les demandeurs ni les défendeurs n’ont interjeté appel du jugement du juge von Finckenstein devant la Cour d'appel fédérale. Il s’agit donc d’un jugement final. [C’est moi qui souligne]

 

IV Analyse et conclusions

 

[32]           Selon le paragraphe 18.1(2) de la Loi sur les Cours fédérales, une demande de contrôle judiciaire de la décision ou de l’ordonnance d’un office fédéral doit être présentée dans les 30 jours qui suit la première communication de la décision ou de l’ordonnance « ou dans le délai supplémentaire qu’un juge de la Cour fédérale peut, avant ou après l’expiration de ces trente jours, fixer ou accorder ».

 

[33]           Accorder ou rejeter une demande de prorogation du délai prévu pour l’introduction d’une procédure de contrôle judiciaire relève d’un pouvoir discrétionnaire qui doit être exercé d’après les principes applicables. Ces principes sont bien établis depuis un arrêt de la Cour d'appel fédérale, Grewal c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1985] 2 C.F. 263, qui fait aujourd’hui jurisprudence.

 

[34]           D’après l’arrêt Grewal ainsi que d’autres arrêts de la Cour d'appel fédérale, la tâche à accomplir est la suivante :

• plusieurs facteurs ou considérations doivent être pris en compte dans l’exercice du pouvoir discrétionnaire;

 

• ces facteurs sont les suivants : (1) l’intention constante de déposer la demande, (2) l’absence de préjudice pour la partie adverse, (3) le motif du délai, (4) le bien‑fondé de la demande, à savoir si elle repose sur des arguments défendables (ci‑après le critère en quatre volets), et (5) tous les autres facteurs pertinents propres à l’affaire [c’est moi qui souligne], voir l’arrêt James Richardson International Ltd. c. Canada [2006] A.C.F. 180, paragraphes 33 à 35;

 

• ainsi que l’expliquait la Cour d'appel fédérale dans l’arrêt Jakutavicius c. Canada (Procureur général), [2004] A.C.F. 289, ces facteurs ou considérations ne sont pas des règles qui entravent le pouvoir discrétionnaire de la Cour. Après que sont choisis les facteurs ou considérations à retenir, un poids suffisant doit être accordé à chacun d’eux;

 

le poids à accorder à chacun des facteurs ou considérations variera selon chaque cas d’espèce (Stanfield c. Canada, 2005 CAF 107);

 

• le principal facteur à prendre en compte dans une demande de prorogation de délai est la nécessité de faire en sorte que justice soit rendue entre les parties. La prise en compte des facteurs accessoires compris dans le critère en quatre volets, à savoir l’intention constante de déposer la demande, l’existence d’arguments défendables, motif du délai et l’absence de préjudice pour la partie adverse, constitue un moyen de garantir l’accomplissement du critère principal, celui de faire en sorte que justice soit rendue entre les parties. Une prorogation de délai peut être accordée même si l’un des facteurs accessoires n’est pas respecté (Ministre du Développement des ressources humaines c. Hogervrost, 2007 CAF 41); et

 

• les facteurs compris dans le critère ne sont pas conjonctifs (arrêt Grewal, précité, pages 11 et 13).

 

[35]           L’avocat de la Couronne et l’avocat de l’APPR s’opposent fermement à la requête. Ils font valoir que les demandeurs n’ont satisfait à aucun des facteurs du critère en quatre volets. Ils ne discernent pas de facteurs additionnels intéressant les circonstances de cette affaire. Ils ne proposent pas que l’un quelconque des quatre facteurs accessoires soit jugé plus important que les autres. Ils disent que je ne peux pas évaluer le bien-fondé de la requête parce que l’affidavit établi sous serment est invalide et qu’aucune demande proposée de contrôle judiciaire n’a été déposée dans le dossier de requête des demandeurs. Leur argument s’appuie sur le fait que, selon eux, les conclusions tirées par le juge von Finckenstein concernant le champ des consultations engagées par les parties étaient simplement des remarques incidentes. Ils disent que la lettre du ministre des Transports en date du 27 octobre 2005 n’est pas une décision. Ils font valoir qu’ils subiront un grave préjudice si la requête est accordée, un préjudice entraîné par le fait que les demandeurs cherchent à faire différer le projet, voire à en obtenir l’abandon total.

 

[36]           L’avocat de l’APPR s’est ensuite référé à l’affidavit de Lorne Keller, vice-président au développement du projet. Dans cet affidavit, M. Keller évoquait les consultations menées entre l’APPR et les demandeurs durant l’été 2004 – une année avant que Sa Majesté ne devienne directement concernée – et portant sur les droits ancestraux et le titre ancestral revendiqués par eux à l’égard de Prince Rupert Harbour.

 

[37]           M. Keller s’exprimait ensuite sur les consultations menées avec les demandeurs et sur un accommodement au-delà du prolongement de 0,72 hectare du quai, en particulier dans le cadre du processus de consultation prévu par la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale (LCEE), processus [traduction] « dans lequel à divers moments l’APPR et trois ministères de la Couronne fédérale ont eu affaire à eux au cours des deux dernières années ». Il donnait deux exemples d’accommodement. Il évoquait aussi le DEEP, qui donnait le détail des consultations menées avec les demandeurs.

 

[38]           M. Keller évoquait aussi des offres conjointes d’accommodement remontant au début de 2006, offres qui, affirme-t-il, n’étaient pas limitées au prolongement de 0,72 hectare du quai.

 

a) Prorogation du délai de contestation de la décision du 27 octobre 2005

 

[39]           Comme je l’ai dit, les demandeurs voudraient que soit prorogé le délai de contestation de deux décisions : la décision du 27 octobre 2005 de limiter le champ des consultations, et la décision d’examen préalable prise en vertu de la LCEE.

 

[40]           Pour les motifs exposés ci-après, j’accorderais aux demandeurs une prorogation du délai de dépôt d’une demande de contrôle judiciaire visant à contester la décision du 27 octobre 2005 prise par le ministre des Transports. C’est sur cette décision que s’est focalisé le juge de première instance, et c’est celle dont il faisait expressément état dans son jugement.

 

[41]           En guise d’observation générale, je dirais que les défendeurs ont adopté une approche rigide à propos du pouvoir discrétionnaire de la Cour lorsqu’elle est saisie d’une requête en prorogation de délai. Cette approche a été écartée par la Cour d'appel fédérale, pour qui il fallait faire preuve de souplesse pour ce qui est de l’examen des facteurs propres à chaque cas d’espèce, de l’importance à accorder à chacun des facteurs variant selon les circonstances de chaque cas et de la mise en balance de tous les facteurs, afin qu’il en résulte une solution équitable pour les deux parties.

 

[42]           Les conclusions du juge von Finckenstein sur le champ des consultations, au vu de la preuve qu’il avait devant lui, ne sont pas des remarques incidentes. Elles étaient au cœur de l’examen de la demande qu’il avait devant lui, et qui portait intégralement sur l’obligation du Canada de consulter les Coast Tsimshian à propos du projet. Au paragraphe 25 de ses motifs, il écrivait précisément ce qui suit : « Étant donné cette conclusion, il conviendrait normalement d’accorder aux demandeurs la réparation qu’ils sollicitent dans les alinéas b) et d) de leur avis de demande. »[Non souligné dans l’original]

 

[43]           Cependant, comme je l’ai dit, il n’a pu accorder cette réparation en raison de la manière dont les demandeurs avaient structuré leur demande de contrôle judiciaire, demande qui portait sur « la décision en instance du ministre des Transports en vue d’autoriser la conversion du terminal Fairview… » Il a souscrit aux arguments présentés en réponse par la Couronne, arguments dont les portions principales étaient reproduites à l’annexe II de ses motifs.

 

[44]           Comme on peut le lire au paragraphe 29 de ses motifs, il s’est référé à la lettre du 27 octobre 2005, dont il a suggéré qu’elle soit l’un des objets de la présente requête.

 

[45]           Encore une fois, après avoir dit, au paragraphe 30, qu’il n’avait d’autre choix que de rejeter la demande, il écrivait ensuite qu’il existait d’autres possibilités de réparation pour les demandeurs. L’une de ces possibilités était d’obtenir une prorogation du délai de contestation de la décision du ministre en date du 27 octobre 2005, prorogation que, dans l’affaire dont il était saisi, il aurait pu considérer si l’avis de demande avait été modifié de manière à l’inclure.

 

[46]           À mon avis, il ressort parfaitement des motifs du juge von Finckenstein que la Couronne avait manqué à son obligation de consulter les demandeurs en limitant déraisonnablement le champ des consultations. Il est clair également qu’il aurait accordé le jugement déclaratoire sollicité aux alinéas b et d de l’avis de demande, mais qu’il a dit ne pouvoir le faire en raison de la manière dont les demandeurs avaient établi leur demande et parce qu’ils n’avaient pas sollicité les modifications requises pour que leur demande se rapporte aux bonnes décisions. On peut voir tout aussi clairement, à la lecture de ses motifs, pourquoi il a donné à entendre aux demandeurs qu’ils avaient « d’autres possibilités de réparation ». Vu sa conclusion, il voulait que les demandeurs obtiennent une réparation, et c’est la raison pour laquelle il a évoqué certaines décisions prises par le passé dans le contexte du processus de consultation auxquelles pouvait se rapporter la réparation qu’il avait à l’esprit.

 

[47]           Je souligne encore une fois qu’aucune des parties n’a fait appel de son jugement devant la Cour d'appel fédérale. Ses conclusions doivent subsister parce que son jugement est un jugement final aux fins de la présente requête.

 

[48]           À mon avis, le jugement rendu par le juge von Finckenstein dans l’affaire dont il était saisi est un facteur pertinent et important au regard de la présente affaire, un facteur qui devrait bénéficier d’un poids considérable.

 

[49]           Il ressort clairement de la jurisprudence qu’un poids considérable doit être accordé, dans une requête en prorogation de délai, au fait que la demande sous-jacente de contrôle judiciaire dont le délai de présentation est expiré atteste un bien-fondé certain et donne à penser que la décision contestée était erronée. Tel était le cas dans l’arrêt Grewal, précité, où le délai était expiré depuis plus de un an, mais où le demandeur invoquait de très solides arguments. Tel était également le cas dans l’arrêt Jakutavicius, précité, où le juge Rothstein, alors juge à la Cour d'appel fédérale, a estimé que le décideur était tout probablement dans l’erreur. Tel était le cas dans un jugement récent, daté du 20 février 2007, rendu par mon collègue le juge Martineau, Huard c. Procureur général du Canada, 2007 CF 195, où il faisait droit à une demande de contrôle judiciaire dont le délai de présentation était expiré depuis plusieurs années, vu que, selon lui, la demande sous-jacente de contrôle judiciaire présentait un incontestable bien-fondé. Tel est le cas ici de la décision du 27 octobre 2005.

 

[50]           D’autres facteurs propres à la présente affaire influent sur l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire et sur le poids qu’il convient d’accorder à tel ou tel élément. Il s’agit des facteurs suivants :

• la toile de fond de la requête est le droit garanti par l’article 35 de la Charte, et l’obligation de consultation, une obligation qui met en jeu l’honneur de la Couronne. Les défendeurs reconnaissent ces facteurs;

 

• dans l’arrêt Nation haïda, précité, la juge en chef s’est exprimée ainsi sur l’obligation de consultation et d’accommodement :

 

« Il s’agit de la première affaire du genre à être soumise à la Cour. Notre tâche se limite modestement à établir le cadre général d’application, dans les cas indiqués, de l’obligation de consultation et d’accommodement avant que les revendications de titre et droits ancestraux soient tranchées. Au fur et à mesure de l’application de ce cadre, les tribunaux seront appelés, conformément à la méthode traditionnelle de la common law, à préciser l’obligation de consultation et d’accommodement. » [Non souligné dans l’original]

 

• dans l’arrêt Nation haïda, précité, sous la rubrique « Examen administratif », la juge en chef écrivait ce qui suit, au paragraphe 60 :

 

« Lorsque la conduite du gouvernement est contestée au motif qu’il ne se serait pas acquitté de son obligation de consulter et d’accommoder en attendant le règlement des revendications, la question peut être soumise aux tribunaux pour examen. La province n’a pas encore établi de mécanisme à cette fin. En l’absence d’un tel mécanisme, il est impossible de déterminer quelle norme de contrôle devrait appliquer le tribunal appelé à statuer sur le caractère suffisant des efforts déployés par le gouvernement. Les principes généraux du droit administratif permettent toutefois de dégager les notions suivantes. » [Non souligné dans l’original]

 

• l’obligation de consultation est une obligation permanente, et l’étendue de la consultation varie selon les circonstances; voir l’arrêt Nation haïda, précité, paragraphes 41 et 43 à 46;

 

• l’essence de la présente requête est la recherche d’un instrument procédural adéquat qui permette aux demandeurs d’obtenir réparation quant à ce qu’ils revendiquent et quant à ce que le juge de première instance a estimé être une limite déraisonnable imposée au champ de la consultation relative à la conversion du terminal Fairview. On ne sait pas encore quelle est la meilleure manière de déclencher une procédure de contrôle devant la Cour lorsque se posent des questions se rapportant à l’obligation de consultation dans le contexte de revendications autochtones. Ce débat est évident devant les tribunaux de la Colombie-Britannique (voir Huu-Ay-Ahi First Nation c. British Columbia (Minister of Forests) [2005] 3 C.N.L.R. 74). À l’échelon de la Cour fédérale, il peut y avoir contrôle judiciaire sans qu’il y ait eu décision ou ordonnance (voir l’arrêt Krause c. Canada [1999] A.C.F. n° 179 (CAF).

 

[51]           Théoriquement, les défendeurs ont raison de dire que les demandeurs n’ont pas montré une intention constante, dans le délai de 30 jours et jusqu’à maintenant, de solliciter le contrôle judiciaire de la décision du ministre du 27 octobre 2005 visant à réduire le champ des consultations. Dans les circonstances particulières de la présente affaire, j’accorde peu de poids à ce facteur parce que cette requête concerne pour l’essentiel un instrument de procédure. Manifestement, les défendeurs savaient que les demandeurs étaient mécontents de la position de la Couronne à propos du champ des consultations qui a été énoncée en octobre 2005 et confirmée en décembre de cette année-là. C’est la raison pour laquelle ils ont introduit la procédure sur laquelle s’est prononcé le juge von Finckenstein.

 

[52]           Pour la même raison, j’accorde peu de poids au facteur qui concerne l’obligation d’expliquer pourquoi n’a pas été présentée jusqu’à maintenant une demande de contrôle judiciaire de la décision du 27 octobre 2005. La méconnaissance du redressement qui s’impose ne vaut pas toujours comme justification de l’inertie d’une partie à introduire une procédure de contrôle judiciaire, mais les autres facteurs propres à la présente affaire sont tels qu’ils me conduisent à laisser ce facteur de côté.

 

[53]           L’existence d’un préjudice pour les défendeurs est évidemment un facteur important. Les défendeurs disent que tel est le cas, mais ce facteur repose sur l’hypothèse voulant que les demandeurs cherchent à faire différer le projet ou à en obtenir l’abandon total. Les faits sont contre les défendeurs.

 

[54]           Il n’a pas été établi devant moi que la phase I du projet n’est pas en voie d’achèvement, et il n’a pas non plus été établi qu’une prorogation du délai de dépôt d’une procédure de contrôle à l’encontre du champ établi des consultations aurait pour effet de retarder l’achèvement de la phase I du projet. Tout débat sur la phase II ne saurait être que conjectures.

 

[55]           Il faudrait une injonction provisoire pour causer le genre de préjudice que redoutent les défendeurs. Aucune injonction du genre n’a été sollicitée par les demandeurs dans le dossier T‑1890‑05, qui concerne une procédure de contrôle judiciaire introduite par eux le 25 octobre 2005 et qui a été l’objet d’une décision récente de la protonotaire Tabib (voir 2007 CF 550).

 

[56]           Par ailleurs, dans l’arrêt Nation haïda, précité, la juge en chef a minimisé l’utilité d’une injonction lorsqu’une affaire intéressant les autochtones suscite des questions liées à l’obligation de consultation (voir les paragraphes 12 à 14).

 

[57]           Après la mise en balance de tous les facteurs pertinents, et du poids que je leur ai accordé, afin que justice soit rendue entre les parties, je suis d’avis que le délai devrait être prorogé pour permettre aux demandeurs de solliciter le contrôle judiciaire de la décision du ministre des Transports en date du 27 octobre 2005.

 

[58]           Je sais que les défendeurs font valoir que la lettre du 27 octobre 2005 rédigée au nom du ministre des Transports n’est pas une décision. Le juge von Finckenstein a estimé que c’était une décision et, en tout état de cause, je suis d’avis que les circonstances de l’arrêt Krause, précité, sont applicables – aucune décision n’est requise.

 

[59]           Aux fins de la prorogation du délai de contestation de la décision du 27 octobre 2005, je n’ai pas tenu compte de la preuve relative aux consultations qui figure dans l’affidavit Keller. Cette preuve constitue une contestation incidente du jugement du juge von Finckenstein, ce qui n’est pas permis.

 

[60]           Dans l’arrêt Grewal, précité, le juge en chef Thurlow, à la page 279, lettre d à g, joignait une condition à l’octroi d’une prorogation de délai. Je ne suis pas prêt à l’imposer, mais je la recommanderais aux parties comme moyen d’accélérer l’affaire. Dans ce contexte, les parties voudront peut-être, d’un commun accord, concevoir un processus par lequel elles puissent s’entendre sur la manière de mener d’autres consultations. Un tel accord est bien plus souhaitable qu’un procès, un point qui est souligné dans l’arrêt Nation haïda, précité.

 

[61]           Je joindrais toutefois une condition à l’octroi de cette requête : immédiatement après qu’aura été signifiée et déposée la demande de contrôle judiciaire, elle devra, pour éviter un double emploi, suivre son cours en même temps que le dossier T-1890-05.

 

[62]           Je veux que l’on comprenne bien les conséquences de cet octroi d’une prorogation de délai permettant de contester la décision du ministre du 27 octobre 2005 de limiter les consultations à la superficie de 0,72 hectare, c’est-à-dire la composante maritime de la superficie au sol du terminal Fairview.

 

[63]           Le juge von Finckenstein a dit que les consultations auraient dû, à tout le moins, comprendre la composante maritime et la partie de remplissage, plutôt que de porter uniquement sur la superficie de 0,72 hectare. C’est la raison pour laquelle, selon lui, l’approche adoptée par la Couronne dans le processus de consultation et d’accommodement, qu’il a appelé processus de négociation, était faussée.

 

[64]           La preuve qu’avait devant lui le juge von Finckenstein quant au champ des consultations menées entre les parties n’allait pas au-delà du 13 décembre 2005.

 

[65]           L’octroi de la prorogation donne aux parties la possibilité de présenter à la Cour, quant au champ des consultations et à l’accommodement, une preuve qui s’étendra du 13 décembre 2005 jusqu’à aujourd’hui, et qui permettra de dire si l’obligation de consultation et, au besoin, d’accommodement, qui repose sur la Couronne, a été remplie.

 

[66]           C’est dans ce contexte que le témoignage de M. Keller pourrait devoir être pris en compte.

 

b)  Prorogation du délai de contestation du DEEP du 22 janvier 2006

 

[67]           Il est fait droit à la première partie de la requête des demandeurs, et cela leur offre un moyen procédural de vérifier si la Couronne a rempli ici son obligation de consulter suffisamment les demandeurs à propos de la conversion du terminal Fairview.

 

[68]           Il semble inutile pour la Cour d’autoriser un autre moyen procédural de contester le DEEP pour ce qui concerne la manière dont les consultations se rapportant aux droits ancestraux et au titre ancestral revendiqués par les demandeurs ont été menées.

 

[69]           Les consultations relatives aux intérêts autochtones dans le processus de la LCEE font partie intégrante de l’obligation de la Couronne de consulter les demandeurs à propos de la conversion du terminal Fairview et ne devraient pas être séparées de ce processus. Dans ces conditions, j’ajourne sine die cette partie de la requête des demandeurs en prorogation de délai.


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que soit accordée la requête des demandeurs en prorogation du délai à l’intérieur duquel doit être signifiée et déposée une demande de contrôle judiciaire à l’encontre de la décision du 27 octobre 2005 rendue au nom du ministre des Transports, décision qui limitait le champ des consultations portant sur la conversion du terminal Fairview. Les demandeurs sont autorisés à déposer une telle demande dans un délai de 30 jours à compter de la date de la présente ordonnance. Les dépens sont adjugés aux demandeurs quelle que soit l’issue de la cause.

 

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Michèle Ledecq, B. trad.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                               06-T-79

 

INTITULÉ :                                             HAROLD LEIGHTON ET AL.

                                                                  c.

                                                                  SA MAJESTÉ LA REINE ET AL.

 

 

REQUÊTE ÉCRITE

DÉPOSÉE À :                                          Vancouver (Colombie-Britannique)

 

SOUMISE À RÉFLEXION :                  le 17 février 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE 

ET ORDONNANCE :                             LE JUGE LEMIEUX

 

DATE DES MOTIFS :                            LE 30 MAI 2007

 

OBSERVATIONS ÉCRITES :

 

Gregory J. McDade, c.r.

Maegen M. Giltrow

 

POUR LES DEMANDEURS

Judith A. Mauro Bowers, c.r.

 

Neo J. Tuytel

POUR LA DÉFENDERESSE

 

POUR LA DÉFENDERESSE, L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE PRINCE RUPERT

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ratcliff et Compagnie

North Vancouver (C.-B.)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

Ministère de la Justice

Vancouver (C.-B.)

 

Clark Wilson

Vancouver (C.-B.)

POUR LA DÉFENDERESSE

 

 

 

 

POUR LA DÉFENDERESSE, L’ADMINISTRATION PORTUAIRE DE PRINCE RUPERT

 

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