Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

Date : 20070531

Dossier : T-589-05

Référence : 2007 CF 578

Vancouver (Colombie‑Britannique), le 31 mai 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HANSEN

 

 

ENTRE :

 

JOHN FALBO

demandeur

 

 

et

 

 

LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Un membre désigné de la Commission d’appel des pensions (la Commission) a rejeté la demande d’autorisation d’interjeter appel présentée par le demandeur à l’encontre de la décision rendue par le tribunal de révision, qui avait rejeté l’appel du demandeur quant aux prestations d’invalidité demandées en vertu du Régime de pensions du Canada, L.R.C. 1985, ch. C-8.

[2]        Le demandeur, âgé de 43 ans, a cotisé au Régime de pensions du Canada (le Régime) de 1983 à 2003. Outre les différents emplois qu’il a occupés lorsqu’il était plus jeune, il a travaillé comme ouvrier pour la ville de Vancouver de 1991 à novembre 2001. En raison de douleurs au cou, aux épaules et au dos, le demandeur ne pouvait plus travailler pour la ville. Il avait eu de nombreux accidents professionnels et avait subi trois interventions chirurgicales. Le demandeur souffre encore de douleur chronique et de problèmes de concentration, il ressent des engourdissements et sa mobilité est réduite.

 

[3]        Le 15 novembre 2002, le demandeur a présenté une demande de prestations d’invalidité du Régime. Le 17 février 2003, le ministre du Développement social a rejeté sa demande. Une demande ultérieure de réexamen de la question fut également rejetée le 1er octobre 2003.

 

[4]        Le demandeur a interjeté appel de la décision du ministre devant le tribunal, qui a rejeté l’appel le 23 décembre 2004. Le demandeur a présenté à la Commission une demande d’autorisation d’interjeter appel à l’encontre de la décision du tribunal en invoquant de nombreux motifs d’appel. Le 1er mars 2005, la Commission a rejeté la demande d’autorisation du demandeur. La décision de la Commission est rédigée comme suit :

           

[traduction]

Le tribunal a examiné la preuve.

 

Le tribunal comptait des membres ayant une formation dans les domaines du droit et des sciences de la santé. Après avoir examiné les nombreux rapports, le tribunal a conclu que la situation du demandeur ne satisfaisait pas au critère prévu par la loi concernant l’invalidité grave, c’est-à‑dire qu’il existait d’autres possibilités de traitement et d’emploi que le demandeur n’a pas exploitées.

 

Il n’y a pas d’erreur manifeste de la part du tribunal ni de preuves nouvelles susceptibles de conduire à une conclusion différente en appel.

 

C’est pourquoi je ne suis pas convaincu que l’autorisation devrait être accordée.

 

L’autorisation d’interjeter appel est refusée.

 

[5]        Il s’agit en premier lieu de décider si la Commission a appliqué le bon critère en décidant de rejeter la demande d’autorisation d’interjeter appel. Comme il s’agit d’une question de droit, je suis d’accord avec les deux parties que la décision correcte est la norme de contrôle qu’il convient d’appliquer (Callihoo c. Le procureur général du Canada), [2000] A.C.F. no 612 (C.F. 1re instance) (QL).

 

[6]        Dans l’affaire Martin c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1972 (C.A.F.), le juge Malone de la Cour d’appel fédérale a exposé le critère de « cause défendable » que doit appliquer la Commission pour rendre une décision quant à une demande d’autorisation d’interjeter appel. Il s’est exprimé comme suit au paragraphe 5 :

Le juge Reed [dans l’affaire Kerth c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [1999] A.C.F. no 1252] a conclu que la demande d’autorisation d’interjeter appel est une étape préliminaire à une audition du fond de l’affaire. Ainsi, « [c]’est un premier obstacle que le demandeur doit franchir, mais celui-ci est inférieur à celui auquel il devra faire face à l’audition de l’appel sur le fond » […] [P]our que l’autorisation soit accordée, il doit exister un motif défendable de faire éventuellement droit à l’appel.

 

[7]        Dans l’affaire Callihoo, au paragraphe 15, le juge McKay a fait observer que le contrôle d’une décision de la Commission relative à une demande d’autorisation d’interjeter appel donne lieu à deux questions :

1.         la question de savoir si le décideur a appliqué le bon critère, c’est-à-dire la question de savoir si la demande a des chances sérieuses d’être accueillie, sans que le fond de la demande soit examiné;

 

2.         la question de savoir si le décideur a commis une erreur de droit ou d’appréciation des faits au moment de déterminer s’il s’agit d’une demande ayant des chances sérieuses d’être accueillie. Dans le cas où une nouvelle preuve est présentée lors de la demande, si la demande soulève une question de droit ou un fait pertinent qui n’a pas été pris en considération de façon appropriée par le tribunal de révision dans sa décision, une question sérieuse est soulevée et elle justifie d’accorder l’autorisation.

 

[8]        Dans la présente affaire, la Commission a conclu [traduction] : « Il n’y a pas d’erreur manifeste de la part du tribunal ni de preuves nouvelles susceptibles de conduire à une conclusion différente en appel. »

 

[9]        Dans la décision Grenier c. Canada (Ministre du Développement des ressources humaines), [2001] A.C.F. no 1447 (C.F.), le juge O’Keefe a eu l’occasion d’examiner une formulation très semblable à celle de la Commission dans la présente affaire. Il s’est exprimé comme suit au paragraphe 14 :

Il ressort clairement de la jurisprudence de la Cour qu’il ne m’appartient pas d’apprécier le bien-fondé de la demande. Le membre désigné a indiqué que, pour qu’il accorde l’autorisation d’appel, « il faut que le tribunal de révision ait commis une erreur manifeste, ou il faut des preuves nouvelles susceptibles de conduire à une conclusion différente en appel... » Selon les décisions Martin et Calliho précitées, ce n’est pas là le critère à appliquer. Le critère consiste à se demander si la demande soulève une question sérieuse. Le membre désigné a commis une erreur en appliquant un critère inexact pour savoir s’il y avait lieu ou non d’accorder l’autorisation d’appel.

 

 

[10]      Je suis d’accord avec le juge O’Keefe. Le critère d’« erreur manifeste » appliqué par la Commission dans la présente affaire est un critère plus exigeant que le critère de « cause défendable » établi dans l’affaire Martin. Par conséquent, je conclus que la Commission n’a pas appliqué le bon critère pour rendre sa décision.

 

[11]      Pour ce qui est de la deuxième question à laquelle réfère le juge MacKay dans l’affaire Callihoo, le demandeur énumère une multitude de questions qui, à son avis, satisfont au critère préalable de cause défendable. Bien qu’il ne soit pas du ressort de la Cour d’évaluer le bien‑fondé de ces questions, la demande d’autorisation d’interjeter appel soulève, à tout le moins, les questions défendables suivantes : lorsqu’il a décidé si l’invalidité du demandeur était grave au sens du sous‑alinéa 42(2)a)(i) du Régime, le tribunal n’a pas appliqué le critère « réaliste » utilisé dans l’arrêt Villani c. Le procureur général du Canada, 2001 CAF 248; le tribunal a appliqué un critère erroné, soit [traduction] « capable d’effectuer des travaux légers », au lieu du critère « régulièrement incapable de détenir une occupation véritablement rémunératrice » établi par le Régime; lorsqu’il a déclaré que le demandeur n’avait pas épuisé [traduction] « toutes les possibilités raisonnables d’examen et de traitement », le tribunal a imposé une exigence qui n’apparaît pas dans le Régime.

 

[12]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie, les dépens étant adjugés au demandeur.

 

 

 

 

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE QUE :

 

1.                  la demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision du membre désigné de la Commission en date du 1er mars 2005 est infirmée;

2.                  l’affaire est renvoyée à un autre membre de la Commission pour nouvel examen;

3.                  des dépens sont adjugés au demandeur, ceux-ci devant être taxés selon le milieu de la fourchette prévue à la colonne III du tarif B.

« Dolores M. Hansen »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

Annie Beaulieu

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-589-05

 

INTITULÉ :                                       JOHN FALBO

                                                            c.

                                                            LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 VANCOUVER (C.-B.)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 29 MAI 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              LA JUGE HANSEN

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 31 MAI 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

M. Craig Paterson

 

POUR LE DEMANDEUR

Mme Tania Nolet

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Paterson & Associates

Vancouver (C.-B.)

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.