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Date : 20070607

Dossier : IMM-3642-06

Référence : 2007 CF 601

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 7 juin 2007

En présence de monsieur le juge O’Keefe

 

 

ENTRE :

IVAN DE JESUS FERNANDEZ ORTEGA

MORELIA LUCIA HENAO VARGAS

MICHAEL FERNANDEZ

 

demandeurs

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

ET DE LA PROTECTION CIVILE

 

défendeurs

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

LE JUGE O’KEEFE :

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande fondée sur le paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR). Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision rendue le 29 mai 2006 par un agent d’immigration (l’agent) aux termes de laquelle l’agent a rejeté la demande d’évaluation des risques avant renvoi (ERAR) des demandeurs.

 

[2]               Les demandeurs sollicitent l’annulation de la décision de l’agent et le renvoi de la demande à un autre agent pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.

 

Contexte

 

[3]               Les demandeurs, Ivan De Jesus Fernandez Ortega (le demandeur principal), Morelia Lucia Henao Vargas, (l’épouse du demandeur principal), et Michael Fernandez (le fils du couple), sont des citoyens de la Colombie. Le fils est également citoyen des États-Unis de naissance. Les circonstances qui ont conduit à leur demande d’ERAR sont énoncées dans les observations jointes à leur demande d’ERAR et dans le Formulaire de renseignements personnels (FRP) du demandeur principal.

 

[4]               Le demandeur principal a commencé à acheter et vendre du bétail en 1995. En 1998, le demandeur principal et l’oncle de son épouse, Pedro Vargas, se sont lancés en affaires ensemble. Vargas avait une ferme dans une région où l’Armée de libération nationale (ELN), le mouvement de guérilla, était très actif. Le demandeur principal a bientôt commencé à recevoir des appels téléphoniques de l’ELN exigeant de l’argent. En février 1999, le frère de Vargas a été enlevé par l’ELN et détenu pendant cinq jours. L’ELN lui a dit d’avertir Vargas que s’il ne payait pas l’ELN, il en subirait les conséquences.

  

[5]               Plus tard au cours de cette même année, des paramilitaires sont entrés dans la région. Vargas devait satisfaire à leurs besoins en fournitures, et était toujours menacé par l’ELN. Peu après, le demandeur principal et son épouse ont décidé d’obtenir des États-Unis des visas de visiteurs. En avril 1999, des représentants de l’ELN ont fait savoir à Vargas qu’ils savaient qu’il soutenait les paramilitaires. L’ELN a exigé que Vargas et le demandeur principal transportent une bombe et les a menacés de mort. Le demandeur principal a reçu huit appels téléphoniques de menace de l’ELN exigeant de l’argent.

 

[6]               L’épouse du demandeur principal est tombée enceinte au cours de l’été 1999. Le couple a estimé qu’il était dans son intérêt de quitter la Colombie. Elle est partie aux États-Unis en septembre 1999, et le demandeur principal a suivi en octobre 1999. Le couple a appris que Vargas a été enlevé par l’ELN le 7 décembre 2000, et libéré 10 jours plus tard. Cependant, le 15 mai 2001, il a été retrouvé mort après avoir été prétendument torturé et tué par l’ELN.

 

[7]               Le visa du couple est venu à échéance six mois après leur arrivée aux États-Unis, et les deux époux craignaient d’être expulsés vers la Colombie. Leur fils est né et ils ont réussi à obtenir de l’emploi aux États-Unis. Suivant les conseils d’un parent, le couple a demandé l’asile au Canada le 16 février 2002. Ils ont allégué une crainte d’être assassinés par l’ELN et estimaient que la Colombie était incapable d’assurer leur protection. Leur demande d’asile a été rejetée par la décision du 29 janvier 2004, et l’autorisation d’en appeler de la décision a été rejetée le 29 avril 2004. Les demandeurs ont présenté une demande d’ERAR en décembre 2005, et la demande a été rejetée par la décision du 29 mai 2006. Le couple demande le contrôle judiciaire de la décision défavorable de l’agent chargé de l’ERAR dont il a fait l’objet.

 

Motifs de l’agent

 

[8]               Dans une lettre datée du 29 mai 2006, l’agent indiquait que l’issue de l’ERAR leur était défavorable parce que les demandeurs n’étaient pas exposés à un risque de persécution, de torture, de menace à leur vie ou à un risque de mauvais traitements ou peines cruels et inusités, s’ils retournaient en Colombie. Les notes au dossier font partie des motifs de la décision. L’agent a fait référence à la décision défavorable de la Section de la protection des réfugiés (la SPR ou la Commission), qui a estimé que la preuve du demandeur manquait de crédibilité. Il a été souligné qu’une demande d’ERAR n’était pas une deuxième audience, cette procédure a pour objet d’évaluer les nouveaux risques pouvant surgir entre l’audience et la date du renvoi. (Kaybaki c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 32).

 

[9]               L’agent a ensuite examiné les éléments de preuve présentés à l’appui de la demande d’ERAR. La lettre du père Eduardo Escudero était vague et faisait référence au début de 1999, elle aurait donc été disponible pour l’audience relative à la demande d’asile. Bien que la lettre ait présumément été demandée avant l’audience, elle n’a été signée que six mois après la décision de la Commission. Elle était d’ailleurs signée par une personne qui avait un intérêt dans l’issue de l’ERAR. Une lettre de Cesar Bustos Figueroa, un fonctionnaire municipal, n’était pas claire, puisqu’il y déclarait que l’information contenue dans la lettre avait été obtenue des registres de la municipalité du 9 août 1999; il y fait cependant mention du meurtre de M. Vargas qui a eu lieu en mai 2001. L’agent a estimé que ces contradictions remettaient en cause la valeur de la lettre.

[10]           Une décision favorable à l’égard d’une demande d’asile présentée par Alexandra Del Pilar Henao Vargas et des membres de sa famille le 30 septembre 2003 date d’avant le rejet de la demande des demandeurs. Le FRP et la décision favorable à l’égard de la demande d’asile de David Julian Henao Vargas et Luisa Fernanda Henao Vargas, des proches de l’épouse du demandeur principal, ont été examinés par l’agent. L’agent a conclu que la demande avait été faite par des personnes différentes des demandeurs et dans des circonstances uniques aux demandeurs. Ces documents ont donc été jugés de peu d’importance. En outre, les motifs de la décision favorable de la Commission à l’égard de la demande d’asile n’ont pas été fournis.

 

[11]           L’agent a ensuite examiné la preuve documentaire sur la Colombie concernant la situation prévalant dans le pays. Il a été noté que bien que l’État ne puisse pas assurer une protection adéquate dans les circonstances décrites par le demandeur principal, la crédibilité de son récit avait été minée à l’audience. Il n’y avait pas suffisamment de nouveaux éléments de preuve démontrant que les demandeurs étaient à risque en Colombie. Même si la situation en Colombie n’était pas parfaite, le gouvernement faisait des progrès dans ses efforts visant à atténuer les conséquences du terrorisme et de la présence de groupes paramilitaires. L’agent a conclu que la situation en Colombie ne s’était pas dégradée depuis le rejet de la demande d’asile des demandeurs.

 

Questions en litige

 

[12]           Les demandeurs soumettent les points suivants à l’examen de la Cour :

            1.         L’agent a-t-il commis une erreur dans son évaluation des nouveaux éléments de preuve?

            2.         L’agent a-t-il énoncé ou interprété de façon inexacte le fondement des risques invoqués par les demandeurs?

            3.         a) L’agent a-t-il commis un manquement à son devoir d’équité procédurale en refusant de tenir une audience?

 

Observations des demandeurs

 

[13]           Les demandeurs font valoir que l’agent a commis l’erreur de rejeter les nouveaux éléments de preuve. Ils soutiennent que l’exposé circonstancié du formulaire de renseignements personnels (FRP) de Julian Vargas et Luisa Fernanda, qui ont obtenu le statut de réfugié, faisait référence aux mêmes événements que ceux qui sont évoqués dans l’exposé circonstancié du FRP du demandeur principal. Les demandeurs soutiennent que l’agent devait ignorer la procédure de la Commission, en ce que les motifs écrits des décisions favorables relatives aux demandes d’asile n’étaient pas nécessairement disponibles.

 

[14]           En outre, l’agent n’a pas dûment tenu compte de l’exposé circonstancié du FRP de M. Vargas et Mme Fernanda, estimant seulement que leur demande avait été faite dans des « circonstances uniques ». Les demandeurs allèguent que l’agent a commis une erreur en rejetant la preuve crédible de personnes dans la même situation que les demandeurs dont les craintes de persécution ont été jugées comme étant objectivement fondées. À la lumière de cet élément de preuve, les demandeurs soulignent que la conclusion de l’agent selon laquelle il n’y avait pas suffisamment de nouveaux éléments de preuve montrant que les demandeurs étaient à risque a été rendue sans tenir compte des éléments dont il disposait (Cepeda-Gutierrez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1998), 157 F.T.R. 35 (C.F. 1re inst.)).

 

[15]           Les demandeurs font valoir que la lettre du père Eduardo Escudero corroborait les observations présentées par le demandeur dans le cadre de l’ERAR. La lettre indiquait que le demandeur principal avait raconté à une source fiable, à l’époque où il était aux prises avec des problèmes, qu’il avait été menacé par un groupe armé et prévoyait quitter la Colombie. Les demandeurs allèguent qu’il était manifestement déraisonnable de ne pas tenir compte de cet élément de preuve au motif qu’il venait d’une personne connue du demandeur qui pourrait avoir un intérêt dans l’issue de l’ERAR (Kimbudi c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1982) 40 N.R. 566 (C.A.F.)).

 

[16]           Les demandeurs soutiennent que le fait que la lettre ait été signée six mois après la décision de la Commission, et ne mentionne pas explicitement les activités d’élevage du demandeur principal, constituaient des considérations non pertinentes. Enfin, les demandeurs font valoir que le père avait de bonnes raisons de ne pas mentionner le nom du groupe armé que craignaient les demandeurs étant donné que l’ELN était toujours actif dans sa paroisse.

 

[17]           Les demandeurs soutiennent que l’agent a commis une erreur d’interprétation du fondement du risque auquel ils sont exposés s’ils devaient retourner en Colombie. L’agent a conclu que du fait que les demandeurs n’étaient plus impliqués dans l’élevage du bétail, ils n’étaient plus à risque. L’exposé circonstancié du FRP du demandeur principal indiquait que même si l’ELN avait initialement exigé que lui-même et Vargas lui versent de l’argent, ils ont par la suite changé leur demande et exigé leur collaboration.       

 

[18]           Les demandeurs ont soutenu que l’agent a commis une erreur en s’appuyant sur le fait que rien ne démontrait que d’autres membres de la famille en Colombie étaient menacés. L’agent a rejeté les décisions favorables de la Commission à l’égard des membres de la famille du demandeur qui ont fui la Colombie, au motif qu’ils étaient des gens différents avec des histoires différentes. L’agent a cependant estimé que les membres de la famille restant en Colombie étaient dans la même situation que les demandeurs, et puisqu’ils n’étaient pas menacés, les demandeurs ne le seraient pas non plus.

 

[19]           Le demandeur soutient que l’agent a commis un manquement à son obligation d’équité en rendant une décision avant de conduire une entrevue. Le demandeur soutient en outre que puisque l’agent avait des préoccupations relatives à la crédibilité de la demande qui a donné lieu à une décision d’ERAR défavorable, les demandeurs auraient dû avoir la possibilité de répondre à ces préoccupations dans le cadre d’une audience (Tekie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 50 Imm. LR (3d )306, 2005 CF 27).

 

Observations du défendeur

 

[20]           Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable aux décisions de l’ERAR pour les questions de fait est celle de la décision manifestement déraisonnable (Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 272 F.T.R. 62, 2005 CF 437). Il soutient que la décision de l’agent d’ERAR, fondée sur son examen de la preuve documentaire quant à la situation dans le pays en cause, ne devrait être infirmée que si elle n’est absolument pas appuyée par la preuve. (Cirahan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et Immigration), 2004 CF 1603).

 

[21]           Le défendeur soutient que la demande d’ERAR des demandeurs était fondée sur le même argument qui avait été rejeté par la Commission en raison d’un manque de crédibilité. Le défendeur soutient en outre qu’il n’appartient pas à l’agent d’ERAR de réexaminer la preuve évaluée par la Commission, et il ne lui appartient pas non plus de revenir sur les conclusions de la Commission portant sur les faits ou sur la crédibilité du demandeur. (Yousef c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 864). Le défendeur fait valoir que l’agent a pour rôle d’évaluer les nouveaux risques apparus depuis l’audience. Selon le défendeur, les demandeurs n’ont pas réussi à établir un nouveau risque de persécution; par conséquent, l’agent a à bon droit rejeté la demande d’ERAR (Kaybaki, précité).

 

[22]           Le défendeur soutient que les éléments de preuve présentés par les demandeurs ne l’emportent pas sur les conclusions défavorables de la Commission relatives la crédibilité. Le défendeur soutient qu’en conséquence, il n’était pas nécessaire de convoquer une audience, étant donné qu’aucune nouvelle constatation relative à la crédibilité n’a été formulée. Il ajoute que la Cour ne devrait pas se livrer à un nouvel examen de la preuve évaluée par l’agent (Augusto c. Canada (Procureur général), 2005 CF 673).

 

Analyse et décision

Norme de contrôle

 

[23]           La norme de la décision manifestement déraisonnable est donc la norme de contrôle applicable aux conclusions factuelles de l’agent d’ERAR (Kim, précité). Comme on le sait, les infractions à l’équité procédurale sont assujetties à la norme de la décision correcte.

[24]           J’examinerai d’abord la troisième question.

 

[25]           Question 3 :

            a) L’agent a-t-il commis un manquement à son devoir d’équité procédurale en refusant de tenir une audience?

            Les demandeurs ont fait valoir que l’agent a commis une erreur en omettant de tenir une audience. Les demandes d’ERAR sont généralement tranchées en fonction des observations écrites. L’alinéa 113b) de la LIPR stipule qu’« une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires ». L’article 167 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS /2002-227 (le Règlement) prescrit les facteurs à prendre en considération pour déterminer si une audience est requise.

 

[26]           Il ressort clairement des observations écrites présentées par les demandeurs dans le cadre de la demande d’ERAR que les nouveaux éléments de preuve ont été produits dans le but de réfuter les conclusions défavorables de la Commission relatives à la crédibilité. Les observations présentées par les demandeurs dans le cadre de la demande d’ERAR traitent des points suivants :

La question de la crédibilité au vu de la demande d’asile d’autres membres de la famille

 

Un point important, les plus jeunes frères et sœurs jumeaux de Morelia, Julian et Luisa, sont arrivés et ont également obtenu le statut de réfugié après une audience complète de la Commission. Leur demande était fondée sur les mêmes faits et circonstances que la demande du demandeur. Julian et Luisa ont réussi où Morelia et Ivan ont échoué. De manière significative, Julian et Luisa ont réitéré les faits concernant leurs deux oncles, qui sont aussi les deux oncles de Morelia, et Julian et Luisa ont réitéré les faits en ce qui concerne la vacuna payée, le meurtre d’un oncle et la disparition de l’autre. Ils ont été crus et ont été acceptés.

 

...

 


Conclusion – La crédibilité à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR)

 

Par conséquent, il y a de nouveaux éléments de preuve depuis l’audition des demandeurs, ce qui devrait être source de préoccupations pour tout agent réviseur à l’égard des décisions relatives à la crédibilité rendues par le Commission.

 

[27]           La décision de l’agent d’ERAR stipule ce qui suit :

[traductionBien que l’État ne soit pas en mesure d’assurer une protection adéquate dans les circonstances que le demandeur a décrites, le fait demeure que la crédibilité de son récit a été gravement compromise lors de l’audience de la SPR. Il n’a pas fourni suffisamment de nouveaux éléments de preuve pour démontrer que sa famille et lui sont en danger en Colombie. Il n’y a toujours pas de lien suggérant une possibilité de subir un préjudice de la part de l’ELN ni aucune preuve devant moi démontrant qu’ils sont recherchés par la guérilla. La preuve ne démontre pas que la famille des demandeurs en Colombie a été menacée ou blessée par l’ELN.

 

[Sans italique dans l’original.]

 

 

                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                                    [Sans italique dans l’original.]

[28]           Dans Tekie, précité, le juge Phelan a déclaré ce qui suit aux paragraphes 15 à 17 :

L’article 167 est gauchement libellé. En lisant l’alinéa a), on a l’impression qu’il traite de la preuve remettant en question la présomption relative à la crédibilité du demandeur. Cependant, selon l’alinéa c), il s’agirait de la preuve qui est favorable à un demandeur.

 

Je suis d’avis que l’article 167 devient opérant lorsque la crédibilité est remise en question d’une façon qui peut donner lieu à une décision défavorable à l’issue de l’ERAR. Il a pour objet de permettre à un demandeur de répondre aux réserves formulées au sujet de sa crédibilité.

 

Le dossier de la présente affaire révèle que l’agent avait des réserves quant à la crédibilité du demandeur. Même si c’est la « crainte objective » qui constitue le principal fondement de la décision, si les affirmations du demandeur avaient été acceptées, le résultat de l’ERAR lui aurait été favorable. Le fait que la décision relative à l’ERAR soit, au bout du compte, fondée sur un facteur autre que la crédibilité du demandeur ne porte pas atteinte au droit de celui-ci à une audience.

 

 

[29]           L’agent a estimé que si le demandeur principal avait été crédible devant la Commission, les circonstances étaient telles que l’État n’aurait pas été en mesure d’assurer la protection des demandeurs. Selon moi, cette déclaration constituait une conclusion relative à la crédibilité. Je crois que l’agent aurait dû tenir une audience, étant donné que la preuve du demandeur (plus précisément, le récit circonstancié du FRP de Julian et Luisa Vargas et le succès de leur demande d’asile) a été présentée afin de contrer les conclusions défavorables de la Commission relatives à la crédibilité. Indépendamment du fait que l’agent a conclu qu’il n’y avait pas suffisamment de nouveaux éléments de preuve démontrant que les demandeurs étaient à risque en Colombie, je crois que l’agent a commis une erreur en omettant de tenir une audience en raison d’importantes préoccupations relatives à la crédibilité.

 

[30]           À cause de ma conclusion touchant cette question, je n’ai pas à examiner les autres points en litige.

 

[31]           La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, et l’affaire est renvoyée pour un nouvel examen par un autre agent.

 

[32]           Aucune des parties n’a recommandé à la Cour la certification d’une question importante de portée générale.

JUGEMENT

 

[33]           LA COUR ACCUEILLE la demande de contrôle judiciaire et renvoie l’affaire à un autre agent d’ERAR pour qu’il rende une nouvelle décision.

 

 

 

« John A. O’Keefe »

Juge


ANNEXE

 

Dispositions légales visées

 

Les dispositions législatives pertinentes sont prévues à la présente section.

 

La Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27.

 

112.(1) La personne se trouvant au Canada et qui n’est pas visée au paragraphe 115(1) peut, conformément aux règlements, demander la protection au ministre si elle est visée par une mesure de renvoi ayant pris effet ou nommée au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

(2) Elle n’est pas admise à demander la protection dans les cas suivants:

 

a) elle est visée par un arrêté introductif d’instance pris au titre de l’article 15 de la Loi sur l’extradition;

 

b) sa demande d’asile a été jugée irrecevable au titre de l’alinéa 101(1)e);

 

 

c) si elle n’a pas quitté le Canada après le rejet de sa demande de protection, le délai prévu par règlement n’a pas expiré;

 

d) dans le cas contraire, six mois ne se sont pas écoulés depuis son départ consécutif soit au rejet de sa demande d’asile ou de protection, soit à un prononcé d’irrecevabilité, de désistement ou de retrait de sa demande d’asile.

 

 

 

 

(3) L’asile ne peut être conféré au demandeur dans les cas suivants:

 

a) il est interdit de territoire pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée;

 

b) il est interdit de territoire pour grande criminalité pour déclaration de culpabilité au Canada punie par un emprisonnement d’au moins deux ans ou pour toute déclaration de culpabilité à l’extérieur du Canada pour une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans;

 

 

c) il a été débouté de sa demande d’asile au titre de la section F de l’article premier de la Convention sur les réfugiés;

d) il est nommé au certificat visé au paragraphe 77(1).

 

113. Il est disposé de la demande comme il suit:

 

 

 

a) le demandeur d’asile débouté ne peut présenter que des éléments de preuve survenus depuis le rejet ou qui n’étaient alors pas normalement accessibles ou, s’ils l’étaient, qu’il n’était pas raisonnable, dans les circonstances, de s’attendre à ce qu’il les ait présentés au moment du rejet;

 

b) une audience peut être tenue si le ministre l’estime requis compte tenu des facteurs réglementaires;

 

 

c) s’agissant du demandeur non visé au paragraphe 112(3), sur la base des articles 96 à 98;

 

 

 

d) s’agissant du demandeur visé au paragraphe 112(3), sur la base des éléments mentionnés à l’article 97 et, d’autre part:

 

 

(i) soit du fait que le demandeur interdit de territoire pour grande criminalité constitue un danger pour le public au Canada,

 

 

 

(ii) soit, dans le cas de tout autre demandeur, du fait que la demande devrait être rejetée en raison de la nature et de la gravité de ses actes passés ou du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada.

 

112.(1) A person in Canada, other than a person referred to in subsection 115(1), may, in accordance with the regulations, apply to the Minister for protection if they are subject to a removal order that is in force or are named in a certificate described in subsection 77(1).

 

(2) Despite subsection (1), a person may not apply for protection if

 

(a) they are the subject of an authority to proceed issued under section 15 of the Extradition Act;

 

(b) they have made a claim to refugee protection that has been determined under paragraph 101(1)(e) to be ineligible;

 

(c) in the case of a person who has not left Canada since the application for protection was rejected, the prescribed period has not expired; or

 

(d) in the case of a person who has left Canada since the removal order came into force, less than six months have passed since they left Canada after their claim to refugee protection was determined to be ineligible, abandoned, withdrawn or rejected, or their application for protection was rejected.

 

(3) Refugee protection may not result from an application for protection if the person

 

(a) is determined to be inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality;

 

(b) is determined to be inadmissible on grounds of serious criminality with respect to a conviction in Canada punished by a term of imprisonment of at least two years or with respect to a conviction outside Canada for an offence that, if committed in Canada, would constitute an offence under an Act of Parliament punishable by a maximum term of imprisonment of at least 10 years;

 

(c) made a claim to refugee protection that was rejected on the basis of section F of Article 1 of the Refugee Convention; or

(d) is named in a certificate referred to in subsection 77(1).

 

113. Consideration of an application for protection shall be as follows:

 

 

(a) an applicant whose claim to refugee protection has been rejected may present only new evidence that arose after the rejection or was not reasonably available, or that the applicant could not reasonably have been expected in the circumstances to have presented, at the time of the rejection;

 

(b) a hearing may be held if the Minister, on the basis of prescribed factors, is of the opinion that a hearing is required;

 

(c) in the case of an applicant not described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of sections 96 to 98;

 

(d) in the case of an applicant described in subsection 112(3), consideration shall be on the basis of the factors set out in section 97 and

 

(i) in the case of an applicant for protection who is inadmissible on grounds of serious criminality, whether they are a danger to the public in Canada, or

 

(ii) in the case of any other applicant, whether the application should be refused because of the nature and severity of acts committed by the applicant or because of the danger that the applicant constitutes to the security of Canada.

 

 

Le Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227.

 

167. Pour l’application de l’alinéa 113b) de la Loi, les facteurs ci-après servent à décider si la tenue d’une audience est requise:

 

a) l’existence d’éléments de preuve relatifs aux éléments mentionnés aux articles 96 et 97 de la Loi qui soulèvent une question importante en ce qui concerne la crédibilité du demandeur;

 

b) l’importance de ces éléments de preuve pour la prise de la décision relative à la demande de protection;

 

c) la question de savoir si ces éléments de preuve, à supposer qu’ils soient admis, justifieraient que soit accordée la protection.

 

167. For the purpose of determining whether a hearing is required under paragraph 113(b) of the Act, the factors are the following:

 

(a) whether there is evidence that raises a serious issue of the applicant’s credibility and is related to the factors set out in sections 96 and 97 of the Act;

 

 

 

(b) whether the evidence is central to the decision with respect to the application for protection; and

 

(c) whether the evidence, if accepted, would justify allowing the application for protection.

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-3642-06

 

INTITULÉ :                                       IVAN DE JESUS FERNANDEZ ORTEGA ET AL 

                                                                                                                demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION ET AL

                                                                                                                défendeurs

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               Le 29 mai 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       Le juge O’Keefe

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 7 juin 2007             

 

 

COMPARUTIONS :

 

D. Clifford Luyt

POUR LES DEMANDEURS

 

Matina Karvellas

POUR LES DÉFENDEURS

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

D. Clifford Luyt

Avocat

Toronto (Ontario)

POUR LES DEMANDEURS

John H. Simms, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LES DÉFENDEURS

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