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Date : 20070605

Dossier : IMM-2076-07

Référence : 2007 CF 582

Ottawa (Ontario), le 5 juin 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SHORE

 

 

ENTRE :

SODIQ EARL OYINLOYE

 

demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

 

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

INTRODUCTION

 

[1]               Si elle réévaluait la preuve, la Cour outrepasserait sa compétence et usurperait celle du juge des faits, qui a estimé que la version des faits du demandeur manquait de crédibilité dans son essence même.

 

PROCÉDURE JUDICIAIRE

[2]               Le demandeur affirme qu’il serait exposé à des risques au Nigéria du fait qu’il est bisexuel. Il sollicite le sursis de son renvoi (prévu pour le 7 juin 2007) en se fondant sur l’examen des risques avant le renvoi (ERAR) dont il a fait l’objet et qu’il conteste. Les risques allégués ont déjà été écartés par la Section de la protection des réfugiés (la SPR), la Cour fédérale et une agente d’ERAR. Le demandeur n’a pas satisfait au critère à trois volets.

 

GENÈSE DE L’INSTANCE

[3]               Le demandeur est un citoyen du Nigéria. Il est arrivé au Canada en janvier 2004 sous une fausse identité en prétendant être un visiteur. Il a continué à dissimuler sa véritable identité, en insistant qu’il était un citoyen américain et ce, même après avoir été confronté par un agent de l’immigration. Le demandeur n’a dévoilé sa véritable identité qu’après qu’on lui eut expliqué qu’il ne serait pas admis au Canada sous sa fausse identité (affidavit de Tom Heinze, annexe C, p. 1).

 

[4]               Le demandeur a demandé l’asile à l’aéroport après avoir dévoilé sa véritable identité. Il a fondé sa demande d’asile sur de vagues motifs. Ce n’est que quelques semaines plus tard qu’il a mentionné son orientation sexuelle comme fondement de sa demande. Le commissaire de la SPR qui l’a interrogé à ce sujet a estimé que le demandeur manquait de crédibilité et qu’il avait inventé de toutes pièces son histoire (affidavit de Tom Heinze, annexe C, p. 2.)

 

[5]               La Cour fédérale a rejeté la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de la SPR (affidavit de Tom Heinze, annexe D.)

 

[6]               Le demandeur a fondé sa demande d’ERAR exactement sur les mêmes faits. Il n’a soumis à l’agente d’ERAR aucun élément de preuve pour dissiper les doutes exprimés par la SPR au sujet de sa crédibilité (dossier de la requête du demandeur, pages 16 et 17.)

 

[7]               L’agente d’ERAR a conclu que le demandeur ne serait exposé à aucun risque s’il devait retourner au Nigéria (dossier de la requête du demandeur, pages 5 à 10.)

 

QUESTIONS EN LITIGE

[8]               Le demandeur n’a pas satisfait au critère à trois volets de l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.), [1988] A.C.F. no 587 (QL).

 

QUESTION SÉRIEUSE

[9]               Les observations du demandeur ne permettent pas de savoir avec certitude quelle est la question sérieuse à trancher en l’espèce. Le demandeur n’a pas précisé l’erreur qu’aurait commise l’agente d’ERAR (dossier de la requête du demandeur, p. 36).

 

[10]           Les décisions des agents d’ERAR commandent un degré élevé de retenue judiciaire. Le juge Luc Martineau a confirmé, dans le jugement Rajz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), IMM-5263-03 (15 juillet 2003), que [TRADUCTION] « l’agent d’ERAR est maître des faits. La Cour doit se garder de soupeser à nouveau la preuve » (on cite aussi Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), IMM-3659-03 (30 mai 2003).)

 

[11]           Dans l’affaire Iqbal c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), IMM‑5646‑03 (11 août 2003), le demandeur n’avait pas fait la preuve de l’existence d’une « conclusion de fait manifestement déraisonnable » ou d’une erreur de droit, de sorte que le juge Michael Kelen avait estimé qu’il n’y avait pas de question sérieuse à juger (on cite également les jugements Mekolli c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), IMM-4974-03 (9 septembre 2003); Karaman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), IMM-6676-03 (9 septembre 2003); Yilmaz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), IMM‑5609‑03; Ahmed c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2003 CFPI 706, [2003] A.C.F. no 928 (QL), aux paragraphes 4 et 5).

 

L’agente d’ERAR a tenu compte d’éléments de preuve pertinents

[12]           Le demandeur ne s’est pas acquitté du fardeau qui lui incombait de soumettre suffisamment d’éléments de preuve à l’agente, à qui il reproche maintenant d’avoir rendu une décision qui lui est défavorable. Le demandeur a le fardeau de présenter les faits sur lesquels sa demande repose et c'est à ses risques et périls qu'il omet des renseignements pertinents dans ses observations écrites (Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2004 CAF 38, [2004] 2 C.F. 635, [2004] A.C.F. no 158 (QL), au paragraphe 8).

 

[13]           Un argument qui est trop indirect, succinct et obscur n’impose à l’agent aucune obligation positive de s'enquérir davantage de la question soulevée par le demandeur (Owusu, précité, au paragraphe 9).

 

[14]           En l’espèce, l’agente a tenu compte de l’ensemble des documents soumis par le demandeur et notamment de sa formule de demande d’ERAR et des pièces qui y étaient jointes, de la décision de la Section de la protection des réfugiés et des rapports du Département d’État des États-Unis sur la situation des droits de la personne au Nigéria pour 2006 et 2003 (dossier de la requête du demandeur, aux pages 5 à 10.)

 

[15]           Dans ses motifs, l’agente d’ERAR expliqué suffisamment le fondement de sa décision et aucune question sérieuse ne se pose à cet égard.

 

PRÉJUDICE IRRÉPARABLE

[16]           Le demandeur n’a pas réussi à démontrer d’une façon claire et non spéculative que son expulsion lui causerait davantage que de simples difficultés et inconvénients. Il n’y a aucun élément de preuve convaincant sur ce qui adviendra du demandeur à son retour au Nigéria. En soi, le fait d’être renvoyé du Canada parce qu’on se trouve illégalement au Canada ne constitue pas un préjudice irréparable (Syntex Inc. c. Novopharm Ltd., (1991), 36 C.P.R. (3d) 129; Imperial Chemical Industries PLC c.  Apotex, Inc., [1990] 1 C.F. 221, [1990] A.C.F. no 950 (QL).)

 

[17]           Pour apprécier les éléments de preuve soumis par le demandeur au sujet du préjudice irréparable en vue de trancher la présente requête en sursis, les conclusions tirées par la SPR au sujet de la crédibilité sont utiles pour déterminer si le demandeur a démontré au moyen d’éléments de preuve crédibles qu’il subirait un préjudice irréparable. La SPR a conclu que la demande d’asile présentée par le demandeur n’était pas crédible (affidavit de Tom Heinze, annexe C).

 

[18]           Ainsi que le juge Marc Nadon l’a expliqué dans le jugement Saibu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2002 CFPI 103, [2002] A.C.F. no 151 (QL) :

[11]      … La Commission a conclu de manière défavorable au demandeur relativement à sa revendication du statut de réfugié et sa demande d'autorisation à la Cour a été rejetée. Dans son affidavit, le demandeur donne la même version que celle soumise à la Commission. Cette version, comme je l'ai déjà dit, a été jugée non crédible. En conséquence, elle ne peut en l'espèce servir de fondement à un argument de préjudice irréparable.

 

(Sont également cités les jugements Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), [2000] A.C.F. no 751 (QL), au paragraphe 12; Akyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), 2003 CF 931, [2003] A.C.F. no 1182 (QL), au paragraphe 9; Rajz, précité.)

 

[19]           Le demandeur n’a pas satisfait au deuxième volet du critère à trois volets, c’est-à-dire à l’obligation de démontrer l’existence d’un préjudice irréparable.

 

PRÉPONDÉRANCE DES INCONVÉNIENTS

[20]           Le paragraphe 48(2) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), prévoit que la mesure de renvoi exécutoire doit être appliquée dès que les circonstances le permettent.

 

[21]           Le demandeur réclame une réparation extraordinaire en equity. Or, il est de jurisprudence constante qu’il faut tenir compte de l’intérêt public pour évaluer ce dernier critère. Pour pouvoir établir que la prépondérance des inconvénients le favorise, le demandeur doit démontrer que l’intérêt public commande de ne pas le renvoyer comme prévu (RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Attorney General), [1994] 1 R.C.S.; Blum c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration)), (1994) 90 F.T.R. 54, [1994] A.C.F. no 1990 (QL).)

 

[22]           Le demandeur n’a pas démontré que la prépondérance des inconvénients favorise la non-application de la loi ou que celle-ci l’emporterait sur l’intérêt public.

DISPOSITIF

[23]           Pour tous les motifs qui précèdent, la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi est rejetée.


 

ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE que la requête en sursis à l’exécution de la mesure de renvoi soit rejetée.

 

 

« Michel M.J. Shore »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2076-07

 

INTITULÉ :                                       SODIQ EARL OYINLOYE c.

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                            ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE

TENUE PAR CONFÉRÉNCE

TÉLÉPHONIQUE:                            31 mai 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                       LE JUGE SHORE

 

DATE DES MOTIFS :                      5 juin 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Joël Étienne

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Negar Hashemi

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Joël Étienne

Avocat

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

JOHN H. SIMS, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

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