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Date : 20070614

Dossier : T-1847-05

Référence : 2007 CF 636

Montréal (Québec), le 14 juin 2007

En présence de l’honorable Johanne Gauthier

 

Dans l’affaire de la Loi de l’impôt sur le revenu,

et

Dans l’affaire d’une cotisation ou des cotisations établies par le ministre du Revenu national en vertu d’une ou plusieurs des lois suivantes : la Loi de l’impôt sur le revenu, le Régime de pensions du Canada, la Loi sur l’assurance-emploi,

 

Contre :

RÉGIS DELAUNIÈRE

et

9039-0402 QUÉBEC INC.

débiteurs judiciaires

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Les débiteurs, Régis Delaunière et 9039-0402 Québec Inc. demandent la révision et l’annulation de l’ordonnance de recouvrement compromis émise le 21 octobre 2005 par le juge Simon Noël (paragraphes 225.2(2) et (3) de la Loi de l’impôt sur le revenu);

 

[2]               Les principes applicables lors d’une telle requête, (y inclus ceux relatifs au fardeau de preuve), n’ont pas fait l’objet d’un débat devant la Cour puisque les parties conviennent que ceux-ci sont bien établis et résumés dans les décisions suivantes : Canada (ministre du Revenu national) c. Services M.L. Marengère Inc. [2000] 1 C.T.C. 229, [1999] A.C.F. no 1840 et Canada c. Satellite Earth Station Technology Inc., [1989] 2 C.T.C. 291, [1989] A.C.F. no 912.

 

[3]               En bout de ligne, la Cour doit considérer si l’ensemble de la preuve devant elle (preuve originale présentée au juge Noël et preuve additionnelle présentée par les deux parties dans le cadre de la présente requête) établit ou non qu’il existe des motifs raisonnables de croire que l’octroi d’un délai pour payer les montants des cotisations émises à l’encontre des débiteurs compromettrait le recouvrement de ces montants.

 

[4]               Devant le juge Noël, le Ministre du Revenu national avait soulevé quatre points :

i)                    Le comportement peu orthodoxe des débiteurs qui a mené à la vérification et l’émission de nouvelles cotisations (admission de la comptable de 9039-0402 Québec Inc. à l’effet que le président, monsieur Delaunière, lui avait demandé de tenir une double comptabilité pour le Resto-Bar La Broue, la première « Ventes nourritures » était utilisée pour les inscriptions dans le journal des ventes, le grand livre et les déclaration fiscales, la seconde intitulée « Ventes bananes » décrivaient des ventes additionnelles non déclarées par 9039-0402 Québec Inc.);

ii)                   Vente de la résidence de monsieur Delaunière peu de temps après la réception d’un projet de cotisations (le 23 juin 2005);

iii)                 Vente projetée du seul bien de 9039-0402 Québec Inc. soit le Resto-Bar La Broue;

iv)                 Comportement de monsieur Delaunière pendant la vérification et commentaires de la Cour canadienne de l’impôt quant à la crédibilité de ce contribuable dans le cadre d’une opposition à une cotisation antérieure.

 

[5]               La Cour est satisfaite que les débiteurs ont établi qu’ils avaient manifesté l’intention de vendre la résidence et le resto-bar avant le début de la vérification en septembre 2004. Les débiteurs ont aussi établi que le resto-bar avait, dans les faits, été vendu le 30 juin 2005 soit avant le dépôt de la requête présentée au juge Noël. Toutefois, ils n’ont soumis aucune preuve permettant de conclure que le Ministre connaissait ou aurait dû connaître ces faits.

[6]               Les débiteurs arguent qu’ils n’avaient pas et n’ont toujours pas l’intention de dilapider leurs biens. À cet égard, la Cour note que comme l’indique le juge François Lemieux dans Marengère ci-dessus, aux paragraphes 67 et 72 (sous-paragraphe 4) :

[67] … Il ne s’agit pas ici d’une affaire d’intention ou de planification fiscale; il faut régler l’affaire d’une façon objective et réaliste. En d’autres termes, c’est l’effet ou le résultat des mesures que le contribuable a prises à l’égard de ses actifs qui est important et pertinent lorsqu’il s’agit d’apprécier le bien-fondé de l’ordonnance de recouvrement de protection. L’obligation fiscale n’est pas ici en cause.

 

[72] (4) … le Ministre n’a pas approuvé la fraude ou la tromperie ou un mauvais motif.

 

 

[7]               Pour décider de cette requête, la Cour ne peut tenir compte de nombreux faits (tels que conversations avec l’enquêteur, etc.) que le procureur des débiteurs a tenté de présenter puisque ceux-ci ne sont pas en preuve devant elle[1].

[8]               Les débiteurs conviennent que le bien-fondé des cotisations en soi n’est pas une question pertinente (voir entres autres Marengère précité) toutefois la Cour note que le comportement peu orthodoxe d’un débiteur dans la gestion de ses affaires est un élément que la Cour peut considérer (Mann v. Canada (Minister of National Revenue) 2006 FC 1358, [2006] F.C.J. No. 1697, par. 50, Canada c. Paryniuk 2003 CF 1505, [2003] F.C.J. No. 1924, par 13; Laframboise c. La Reine [1986] 2 C.T.C. 274,  [1986] 3 F.C. 521, par. 19). En l’espèce, les débiteurs n’expliquent aucunement le document comptable intitulé «Vente bananes». Ils ne traitent pas du tout de cette allégation. Ils n’indiquent pas non plus pourquoi le prix de vente du resto-bar (50 000 $) a été remis le jour même par 9039-0402 Québec Inc. à monsieur Delaunière ni pourquoi celui-ci s’est empressé d’encaisser en espèces le chèque reçu de 9039-0402 Québec Inc. Cet argent n’était pas dans les coffrets de sûretés ouverts après l’émission de l’ordonnance du 21 octobre 2005. La Cour ne sait pas comment il a été utilisé.

[9]               Dans les circonstances, est-il raisonnable de croire que sans l’ordonnance demandée par le Ministre, la balance de prix de vente de la résidence (60 000 $) risquerait aussi de disparaître ou d’être dilapidée ou utilisée pour payer d’autres dettes?

[10]           Ayant considéré l’ensemble de la preuve, la Cour est satisfaite que le Ministre a rencontré le test énoncé dans la Loi de l’impôt sur le revenu.

[11]           De plus, les débiteurs n’ont pas convaincu la Cour qu’il y a pas eu de manquement par le Ministre à son obligation de divulgation raisonnable.

[12]           La requête des débiteurs est donc rejetée avec dépens et l’ordonnance de recouvrement  de compromis est confirmée. 


ORDONNANCE

La requête est rejetée avec dépens.

L’ordonnance de recouvrement de compromis du 21 octobre 2005 est confirmée.

 

 

« Johanne Gauthier »

Juge

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        T-1847-05

 

INTITULÉ :                                       LOI DE L’IMPÔT SUR LE REVENU

                                                            c.

                                                            RÉGIS DELAUNIÈRE ET AL.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               14 juin 2007

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE :  LA JUGE GAUTHIER

 

DATE DES MOTIFS :                      14 juin 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Louis Philippe Delage

 

POUR LA REINE

Me Mélanie Boudreault

 

POUR LES DÉBITEURS-JUDICIAIRES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

John H. Sims c.r.

Sous-procureur general du Canada

Ottawa (Ontario)

 

POUR LA REINE

Mélanie Boudreault, avocate

Montréal (Québec)

 

POUR LES DÉBITEURS-JUDICIAIRES

 

 

 

 

 

 



[1]   Entre autres, le procureur des débiteurs a soulevé que la saisie-arrêt de la balance du prix de vente entre les mains du notaire pourrait être viciée vu l’absence de quittance à l’acheteur. Les parties ont été invitées à discuter de cette question après l’audience puisque ces faits ne sont pas en preuve et cette question n’est pas devant la Cour aujourd’hui.

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